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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3472/2022

ATA/13/2023 du 10.01.2023 ( FORMA ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3472/2022-FORMA ATA/13/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 10 janvier 2023

1ère section

 

dans la cause

 

Madame A______

contre

UNIVERSITÉ DE GENÈVE



EN FAIT

1) Madame A______ (ci-après : l’étudiante), née le ______ 1999, a sollicité son immatriculation à l’Université de Genève (ci-après : l'université) au mois d’avril 2018 en vue d’obtenir un baccalauréat en biologie.

2) Après avoir échoué aux examens de sa première année en 2018/2019, elle les a réussis à la session d’examens du mois de septembre 2020.

3) Après trois semestres d’études en seconde année, elle a échoué à la seconde tentative aux examens de Physiologie animale, en obtenant la note de 2,0, et de Programmation, évalué à 2,25, lors de la session de février 2022.

4) Par décision du doyen de la faculté des sciences (ci-après : le doyen) du 10 mars 2022, elle a été éliminée du cursus.

5) Le 2 avril 2022, Mme A______ y a fait opposition invoquant principalement une santé psychique fragile, des difficultés familiales, une motivation intacte pour ses études et la pandémie.

6) Par décision sur opposition du 12 mai 2022, le doyen, suivant le préavis de la commission des oppositions facultaires, a, « à titre exceptionnel et sans que cela ne crée de précédent, [levé son] élimination ». L’étudiante bénéficiait en conséquence d’une tentative dérogatoire pour présenter une troisième fois les examens de Physiologie animale et de Programmation.

7) Lors de la session de juin 2022, Mme A______ a obtenu une note éliminatoire de 2,5 à l’examen de Développement végétal. Elle avait déjà présenté cet examen en juillet 2021, avec le même résultat.

Selon le relevé de notes, l’étudiante avait obtenu, lors de la session de février 2022, en deuxième tentative, 2,0 en Physiologie animale et 2,25 en Programmation.

8) Par décision du 15 juillet 2022 du doyen, elle a été éliminée du cursus de baccalauréat en biologie.

9) Le 2 août 2022, l’étudiante a fait opposition à la décision précitée. Elle a invoqué des difficultés psychologiques et familiales ainsi que la pandémie, et demandait à pouvoir réintégrer son cursus après un congé d’au moins un semestre, voire d’une année.

10) Par décision du 16 septembre 2022, le doyen a rejeté l’opposition. Les éléments invoqués par l’étudiante avaient déjà été pris en compte lors de l’octroi de la dérogation en mai 2022. Son élimination était confirmée.

11) Le 23 septembre 2022, l’étudiante a été exmatriculée.

12) a. Par acte du 20 octobre 2022, Mme A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision sur opposition du 16 septembre 2022. Elle a conclu à son annulation, à sa réintégration dans le cursus de baccalauréat de biologie avec l’autorisation de se présenter à la session d’examens de janvier/février 2024 et mai/juin 2024 en remplacement de la session de mai/juin 2022. Subsidiairement, elle devait être autorisée à se présenter aux prochaines sessions d’examens, et plus subsidiairement à bénéficier d’une nouvelle tentative pour l’examen de « Développement végétal ».

Elle détaillait les conditions dans lesquelles elle avait étudié pendant la pandémie, notamment les pressions subies par son père, à la retraite et à l’aide sociale, pour la réussite de ses études. Celui-ci voyait dans la réussite de sa fille la solution aux difficultés financières, participant à créer chez l’étudiante un état anxiogène. Elle qualifiait l’environnement familial de toxique et anxiogène. Elle s’y était retrouvée prise au piège pendant la pandémie en particulier. Sa mère, seul pilier sur lequel elle avait pu compter, était décédée en 2016, ce qui avait contribué à sa détresse. Un trouble anxio-dépressif lui avait été diagnostiqué. Sa médication d’antidépresseurs et d’anxiolytiques avait généré des maux de tête, de l’insomnie et de la somnolence. Après une amélioration de son état de santé au début de l’année 2022, les crises de panique étaient revenues avec la fatigue mentale et un burn out général. Elle n’avait pas réussi à prendre le dessus sur la maladie et avait, logiquement, échoué à l’examen de Développement végétal. Elle avait obtenu 2,5 alors que la note de 3,0 lui aurait suffi pour éviter l’élimination et pouvoir utiliser les deux tentatives qu’il lui restait.

L’université avait abusé de son pouvoir d’appréciation en considérant qu’elle ne se trouvait pas dans une situation exceptionnelle. Elle produisait deux certificats médicaux qui attestaient que son trouble anxio-dépressif avait eu un impact défavorable sur ses capacités cognitives mnésiques, d’attention et de concentration, en lien direct avec ses études. Par ailleurs, l’octroi antérieur de dérogations ne constituait qu’un des éléments dont il devait être tenu compte.

b. Selon le certificat médical du 25 mars 2022, la Docteure B______, spécialiste FMH en psychiatrie psychothérapie, suivait l’étudiante depuis le 3 décembre 2020 pour un trouble anxio-dépressif. La question des études était au centre des préoccupations de la patiente depuis le début du suivi. Elle avait connu une période extrêmement difficile pendant toute l’année 2021 avec des symptômes anxieux (crises d’angoisse), une faible résistance au stress, une asthénie et des troubles du sommeil persistants. Ces symptômes avaient eu un impact défavorable sus ses capacités cognitives, d’attention, de concentration et mnésiques. L’état clinique était en voie d’amélioration. Pouvoir continuer ses études serait un facteur de stabilisation supplémentaire.

Selon un certificat du même médecin du 10 août 2022, si l’état clinique de la patiente s’améliorait progressivement, on constatait des symptômes résiduels, notamment une asthénie et fatigabilité surtout en conditions de stress. Le projet de la patiente de suspendre temporairement ses études et avoir la perspective de les reprendre ultérieurement apparaissait très important au praticien. Cela donnait davantage de motivation à l’étudiante et lui permettait de se projeter.

13) L’université a conclu au rejet du recours, persistant dans l’argumentation de sa décision.

14) Dans le délai prolongé à sa demande pour répliquer, l’étudiante a persisté dans ses conclusions. Elle avait demandé à pouvoir bénéficier d’une nouvelle tentative pour réussir un seul examen et non pas « ceux échoués ». Une seule tentative lui avait été accordée.

15) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 43 al. 2 de la loi sur l’université du 13 juin 2008 - LU - C 1 30 ; art. 91 du statut de l'Université du 22 juin 2011 (ci-après : statut) ; art. 36 al. 1 RIO-UNIGE ; art. A 8 octies du règlement d'études du baccalauréat en biologie 2018 (ci-après : REB 2018) et 20 du règlement d’études général de la faculté des sciences 2021, entré en vigueur le 20 septembre 2021 (ci-après : REG).

2) Le présent litige est dirigé contre la décision d’élimination de la recourante du baccalauréat de biologie.

La recourante est notamment soumise à la LU, au statut, au RIO-UNIGE, au REB 2018 ainsi qu’au REG.

3) a. La deuxième année du baccalauréat de biologie est réussie si, notamment, la moyenne pondérée en fonction du nombre d’ECTS, de toutes branches, à l’exception des cours à choix, atteint au minimum 4. Deux notes de branche inférieures à 4, mais supérieures ou égales à 3 sont admises (art. A 8 septies al. 5 REB).

Chaque évaluation ne peut être répétée qu’une seule fois par année d’études (art. 12 al. 2 REG).

b. Est éliminé du titre brigué, l’étudiant qui ne peut plus répéter l’évaluation d’un travail de fin d’études de master, d’un enseignement des études de base, d’un certificat complémentaire, d’un certificat de spécialisation, d’un complément de bachelor ou du master of advanced studies (MAS-maîtrise universitaire d’études avancées) ou d’un certificat ou diplôme de formation continue non réussie selon l’art. 14 (art. 19 a 1 let. b REG).

4) Devant la chambre de céans, la recourante ne remet pas en cause l’évaluation de la note de 2,5 obtenue à l’examen de Développement végétal.

L’intéressée ayant plus de deux notes de branches inférieures à 3,0 au sens de l’art. A 8 septies al. 5 REB (Physiologie animale, Programmation et Développement végétal), ayant déjà présenté ce dernier examen en juillet 2021 et ne contestant pas l’insuffisance de sa prestation lors de la session de juillet 2022, la décision d’élimination est conforme aux art. A 8 octies al. 1 REB et 19 al. 1 let. b REG, ce qu’elle ne conteste au demeurant pas.

5) La recourante fait état d’une situation exceptionnelle.

a. À teneur de l'art. 58 al. 3 du statut, l'étudiant qui échoue à un examen ou à une session d'examens auxquels il ne peut plus se présenter en vertu du règlement d'études est éliminé (let. a). La décision d'élimination est prise par le doyen de l'unité principale d'enseignement et de recherche, lequel tient compte des situations exceptionnelles (art. 58 al. 4 du statut).

b. Selon la jurisprudence, l'admission d'une situation exceptionnelle doit se faire avec restriction. Il en va de l'égalité de traitement entre tous les étudiants s'agissant du nombre de tentatives qu'ils sont autorisés à effectuer pour réussir leurs examens. N'est ainsi exceptionnelle que la situation particulièrement grave et difficile pour l'étudiant, ce tant d'un point de vue subjectif qu'objectif. Les effets perturbateurs doivent avoir été dûment prouvés par l'étudiant et être en lien de causalité avec l'événement. Les autorités facultaires disposent dans ce cadre d'un large pouvoir d'appréciation, dont l'autorité de recours ne censure que l'abus. La chambre de céans n'annule donc le prononcé attaqué que si l'autorité intimée s'est laissée guider par des motifs sans rapport avec l'examen ou d'une autre manière manifestement insoutenable (ATF 136 I 229 consid. 6.2 ; ATA/250/2020 du 3 mars 2020).

Ont ainsi été considérées comme des situations exceptionnelles le décès d'un proche s'il est établi qu'il a causé un effet perturbateur en lien de causalité avec l'échec de l'étudiant, de graves problèmes de santé ou encore l'éclatement d'une guerre civile avec de très graves répercussions sur la famille de l'étudiant. En revanche, des difficultés financières, économiques ou familiales ainsi que l'obligation d'exercer une activité lucrative en sus des études ne constituent pas des circonstances exceptionnelles, même si elles représentent une contrainte. Ces difficultés sont certes regrettables, mais font partie d'une réalité commune à de très nombreux étudiants (ATA/281/2021 précité ; ATA/459/2020 du 7 mai 2020 consid. 5b ; ATA/250/2020 du 3 mars 2020 consid. 4b et les références citées).

c. Les candidats qui ne se sentent pas aptes, pour des raisons de santé, à se présenter à un examen doivent l’annoncer avant le début de celui-ci. À défaut, l’étudiant accepte le risque de se présenter dans un état déficient qui ne peut justifier par la suite l’annulation des résultats obtenus. Un motif d'empêchement ne peut, en principe, être invoqué par le candidat qu'avant ou pendant l'examen (ATA/345/2020 du 7 avril 2020 consid. 7b ; ATA/250/2020 du 3 mars 2020 consid. 4c ATA/192/2020 du 18 février 2020).

La production ultérieure d’un certificat médical ne peut remettre en cause le résultat obtenu lors d’un examen. Il est en effet difficile de concevoir un système d’examen efficace si des certificats médicaux produits après l’examen peuvent annuler une épreuve passée (ATA/192/2020 précité et les références citées ; arrêt du Tribunal administratif fédéral B-6593/2013 du 7 août 2014 consid. 4.2). Ainsi, les candidats à un examen qui se sentent malades, qui souffrent des suites d’un accident, qui font face à des problèmes psychologiques, qui sont confrontés à des difficultés d’ordre familial graves ou qui sont saisis d’une peur démesurée de l’examen doivent, lorsqu’ils estiment que ces circonstances sont propres à les empêcher de subir l’examen normalement, les annoncer avant le début de celui-ci ou présenter un certificat détaillé attestant que l’intéressé était incapable d’apprécier son état de santé et de prendre une décision en conséquence quant à l’examen (arrêt du Tribunal administratif fédéral B-6593/2013 précité consid. 4.2).

Il s'ensuit qu'en cas d'annonce tardive du motif d'empêchement, l'examen (insuffisant) est en général réputé non réussi (arrêt du Tribunal administratif fédéral B-6593/2013 précité consid. 4.2).

Des exceptions au principe évoqué ci-dessus permettant de prendre en compte un certificat médical présenté après que l'examen a été passé ne peuvent être admises que si cinq conditions sont cumulativement remplies : la maladie n'apparaît qu'au moment de l'examen, sans qu'il ait été constaté de symptômes auparavant, le candidat à l'examen acceptant, dans le cas contraire, un risque de se présenter dans un état déficient, ce qui ne saurait justifier après coup l'annulation des résultats d'examens ; aucun symptôme n'est visible durant l'examen ; le candidat consulte un médecin immédiatement après l'examen ; le médecin constate immédiatement une maladie grave et soudaine qui, malgré l'absence de symptômes visibles, permet à l'évidence de conclure à l'existence d'un rapport de causalité avec l'échec à l'examen ; l'échec doit avoir une influence sur la réussite ou non de la session d'examens dans son ensemble (ATA/192/2020 du 18 février 2020 consid. 15c et les références citées).

6) En l’espèce, la recourante se prévaut notamment de son trouble anxio-dépressif, d’un burn-out et des conséquences sur ses capacités cognitives, d’attention et de concentration, du décès de sa mère et de difficultés familiales notamment pendant la pandémie.

L’attestation médicale fournie par la recourante n’indique pas que l’intéressée n’avait pas le discernement nécessaire pour renoncer à participer à l’examen en raison de sa maladie, mais uniquement que sa problématique de santé s’est répercutée sur ses performances académiques et que la praticienne soutient le projet de sa patiente de suspendre temporairement ses études. Or, selon la jurisprudence, il appartient au candidat qui ne se sent pas apte, pour des raisons de santé, à se présenter à un examen de l’annoncer avant le début de celui-ci. À défaut, l’étudiant accepte le risque de se présenter dans un état déficient qui ne peut justifier par la suite l’annulation des résultats obtenus. À juste titre, l’autorité intimée rappelle par ailleurs que la recourante aurait pu solliciter un congé tel que prévu à l’art. 6 REG, pour une période d’un semestre ou d’une année, celui-ci étant renouvelable.

En outre, il ressort du relevé de notes que la recourante a été apte à se présenter à l’examen de bio-informatique lors de cette session et d’obtenir la note de 4,5.

Les autres circonstances invoquées, soit l’absence du soutien de sa mère, les tensions familiales générées par la pandémie, les pressions exercées par son père ne sont pas, à teneur de la jurisprudence précitée, des circonstances exceptionnelles, même si elles représentent une contrainte. Ces difficultés sont certes regrettables, mais font partie d'une réalité commune à de très nombreux étudiants.

De surcroît, les mêmes difficultés avaient déjà été prises en compte, de façon exceptionnelle, lors de sa première élimination en mars 2022, le doyen ayant autorisé l’étudiante à poursuivre ses études de baccalauréat en biologie.

En conséquence, l’autorité intimée n’a pas violé le droit ni abusé de son large pouvoir d’appréciation en retenant que la situation de la recourante ne remplissait pas la condition d’être exceptionnelle au sens de l’art. 58 al. 4 statut.

7) Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée, pas plus qu’à l’université, qui dispose de son propre service juridique (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 20 octobre 2022 par Madame A______ contre la décision sur opposition de l’université de Genève du 16 septembre 2022 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge de Madame A______ ;

dit qu’il n’est pas allouée d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral :

- par la voie du recours en matière de droit public ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, s'il porte sur le résultat d'examens ou d'autres évaluations des capacités, en matière de scolarité obligatoire, de formation ultérieure ou d'exercice d'une profession (art. 83 let. t LTF) ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Madame A______ ainsi qu'à l'Université de Genève.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, M. Verniory, Mme McGregor, juges.

 

 

 

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

 

 

Genève, le 

 

 

 

 

la greffière :