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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3600/2022

ATA/1272/2022 du 19.12.2022 ( PROC ) , PARTIELMNT ADMIS

Recours TF déposé le 03.02.2023, rendu le 14.08.2023, REJETE, 8C_80/2023
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3600/2022-PROC ATA/1272/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 19 décembre 2022

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Romain Jordan, avocat

contre

B______



EN FAIT

1) Par décision du 15 juin 2022, B______ a résilié les rapports de service de Monsieur A______.

2) Par acte du 18 août 2022, ce dernier a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice contre cette décision, dont il a demandé l’annulation. À titre préalable, il a requis la restitution de l’effet suspensif, puis la suspension de la cause jusqu’à droit jugé dans la cause A/1______ 2022 relative au refus de sa demande de récusation dirigée contre un membre du Conseil administratif (ci-après : CA) de B______.

Son droit d’être entendu avait été violé, la décision attaquée étant insuffisamment motivée, ses réquisitions de preuve ayant été écartées et le procès-verbal de la séance du 8 juin 2022, relative à son audition par la délégation du CA, ne lui ayant pas été transmis. La décision consacrait un déni de justice formel, l’autorité intimée ne s’étant pas prononcée sur son grief relatif à la violation du principe de la bonne foi.

Il avait demandé à B______ d’instruire les nombreux dysfonctionnements du service auquel il était affecté. Or, celle-ci n’y avait pas donné suite, se bornant à renvoyer au rapport de l’enquêteur sur ce point. L’enquête administrative n’avait pas respecté le droit du recourant d’être présent lors de l’audition des témoins. Le comportement de ses supérieurs hiérarchiques avait été constitutif de mobbing et de harcèlement sexuel. L’absence de protection de sa personnalité par son employeur rendait le licenciement abusif. Même s’ils étaient établis, les faits reprochés relevaient du domaine disciplinaire et ne justifiaient pas un licenciement. Les constats qui lui étaient favorables avaient indument été écartés dans le rapport d’enquête.

M. A______ a ensuite réfuté en détail les manquements reprochés.

La cause a été enregistrée sous A/2651/2022.

3) Par courrier du 13 septembre 2022, B______ a indiqué à la chambre administrative qu’elle avait retiré la décision du 15 juin 2022 en raison de la reprise de la procédure de récusation à l’encontre d’un des membres du Conseil administratif.

4) Les parties ont alors été informées qu’au vu du courrier précité, une décision rayant la cause du rôle allait être rendue.

5) Par décision du 23 septembre 2022, notifiée le 29 septembre 2022, la chambre administrative a dit que la cause était devenue sans objet, l’a rayée du rôle, dit qu’aucun émolument n’était perçu ni indemnité de procédure allouée. Ce dernier point était motivé par le fait que l’annulation de la décision par l’intimée ne résultait pas des griefs invoqués à l’appui du recours.

6) Par acte expédié le 31 octobre 2022, M. A______ a formé réclamation contre cette décision. Il a conclu à l’octroi d’une indemnité de procédure de CHF 10'000.- avec TVA à 7.7%, selon l’état de frais produit. Il avait obtenu gain de cause dans la procédure A/2651/2022, ce qui justifiait l’octroi d’une indemnité de procédure.

Son recours de 35 pages avait nécessité une analyse détaillée de l’enquête administrative et la production d’un bordereau de pièces comportant plus de 170 pages. La décision querellée avait été annulée en raison de la violation de l’une des garanties fondamentales de l’État de droit.

7) B______ s’en est rapportée à justice.

Si le droit à une indemnité de procédure devait être reconnu, le montant articulé était manifestement excessif. L’état de frais produit se rapportait à six procédures et ne permettait pas de savoir à quelle cause chaque activité se rapportait. Le nombre d’heures prétendument consacrées à la rédaction du recours était lié au fait que l’essentiel de celui-ci n’était pas pertinent pour l’issue du litige. Ce qui avait conduit au retrait de la décision, à savoir la question de la récusation, avait à peine été évoquée dans le recours. Aucune TVA ne pouvait être ajoutée à l’indemnité de procédure, dès lors que cette prestation devait être versée sans contreprestation à M. A______. Compte tenu des éléments pertinents pour la fixation de l’indemnité de procédure, celle-ci ne devait pas dépasser le montant de CHF 200.-.

8) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

9) Par courrier du 29 novembre 2022, la chambre administrative a transmis à M. A______ copie de la détermination de B______, qui par erreur n’avait pas été jointe à son précédent envoi.

EN DROIT

1) Adressée en temps utile à la chambre administrative, la réclamation est recevable (art. 87 al. 4 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 131 al. 6 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05).

2) a. En vertu de l'art. 87 al. 2, la juridiction administrative – qui statue sur les frais de procédure, indemnités et émoluments dans les limites établies par règlement du Conseil d'État et conformément au principe de la proportionnalité (art. 87 al. 1 et 3 LPA ; ATA/1484/2017 du 14 novembre 2017 et les références citées) – peut, sur requête, allouer à la partie ayant entièrement ou partiellement gain de cause, une indemnité pour les frais indispensables causés par le recours.

À teneur de l'art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la juridiction peut allouer à une partie pour les frais indispensables occasionnés par la procédure, y compris les honoraires éventuels d'un mandataire, une indemnité de CHF 200.- à CHF 10'000.-.

b. La juridiction saisie dispose d'un large pouvoir d'appréciation également quant à la quotité de l'indemnité allouée et, de jurisprudence constante, celle-ci ne constitue qu'une participation aux honoraires d'avocat (ATA/46/2022 du 18 janvier 2022 consid. 1; ATA/1042/2021 du 5 octobre 2021 ; ATA/688/2020 du 21.07.2020 consid. 2 ;), ce qui résulte aussi, implicitement, de l'art. 6 RFPA dès lors que ce dernier plafonne l'indemnité à CHF 10'000.-. La garantie de la propriété (art. 26 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 - Cst. - RS 101) n'impose nullement une pleine compensation du coût de la défense de la partie victorieuse (arrêt du Tribunal fédéral 2C_152/2010 du 24 août 2010 ; ATA/1361/2019).

c. Pour déterminer le montant de l'indemnité, il convient de prendre en compte les différents actes d'instruction, le nombre d'échanges d'écritures et d'audiences. Le montant retenu doit intégrer l'importance et la pertinence des écritures produites et de manière générale la complexité de l'affaire (ATA/1042/2021 précité ; ATA/1031/2018 du 2 octobre 2018 consid. 2b).

3) En l’espèce, le recourant fait à juste titre valoir qu’il a obtenu gain de cause dans la procédure A/2651/2022, dès lors que l’autorité intimée a annulé, dans le délai de réponse au recours, la décision qu’il avait contestée. Une indemnité de procédure aurait donc dû lui être octroyée.

Il convient encore d’en déterminer le montant. À cet égard, il y a lieu de tenir compte du fait que l’activité déployée par son avocat s’est limitée à la rédaction d’un recours et à la confection d’un bordereau de pièces. L’écriture a comporté 35 pages et les pièces produites totalisaient environ 170 pages. Les arguments développés avaient trait à la procédure de résiliation des rapports de service ainsi qu’à l’analyse des manquements reprochés à l’intéressé. La question de la récusation d’un membre du CA n’a été évoquée que brièvement, pour appuyer la demande de suspension de la procédure dans l’attente de celle intentée contre le refus de la récusation. Or, c’est l’admission du recours dirigé contre ce refus, objet d’une autre procédure, et non le bien-fondé des arguments développés dans la cause A/2651/2022 qui a justifié l’annulation de la décision querellée dans celle-ci.

Si l’enjeu pour le recourant était important dès lors qu’il avait trait à son emploi et présentait ainsi également un enjeu financier, l’instruction de la cause n’a comporté aucun échange d’écritures, ni acte d’instruction ni encore la tenue d’une audience. Par ailleurs, la procédure ne s’est pas terminée par un arrêt examinant le fond de la cause.

Au vu de l’ensemble de ces éléments, l’indemnité de procédure, incluant celle relative à la présente procédure, sera fixée à CHF 1'200.-, TVA comprise. Le montant de CHF 10'000.- réclamé est manifestement excessif. Il est rappelé que l’indemnité de procédure ne constitue qu’une participation aux honoraires d’avocat du recourant.

Enfin, en tant que le recourant invoque la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme selon laquelle le risque de toute erreur commise par l'autorité publique doit être supporté par l'État lui-même (ACEDH Zustovic c. Croatie du 22 avril 2021 requête no 27903/15), il est relevé que l'indemnité de procédure n'a pas pour but de compenser ou d'indemniser les éventuelles atteintes qu’un justiciable aurait subies de l'autorité publique (ATA/216/2022 du 1er mars 2022 ; ATA/306/2021 du 9 mars 2021 consid. 4).

La réclamation sera donc admise et l’indemnité de procédure à charge de B______ fixée à CHF 1'200.-.

4) Vu l’issue du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA).


* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable la réclamation formée le 31 octobre 2022 par Monsieur A______ contre la décision de la chambre administrative de la Cour de justice du 23 septembre 2022 ;

au fond :

l’admet ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument pour la présente procédure ;

alloue à Monsieur A______ une indemnité de procédure de CHF 1'200.-, à la charge de B______ ;

 

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s’il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n’est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique la présente décision à Me Romain Jordan, avocat du recourant, ainsi qu'à B______.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

N. Deschamps

 

 

la juge déléguée :

 

 

F. Krauskopf

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :