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A/3989/2021

ATA/1260/2022 du 13.12.2022 sur JTAPI/628/2022 ( PE ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3989/2021-PE ATA/1260/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 13 décembre 2022

1ère section

 

dans la cause

 

Madame A______, agissant en son nom personnel et en qualité de représentante de sa fille mineure B______,
et Monsieur C______,
représentés par Me Daniela Linhares, avocate

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 14 juin 2022 (JTAPI/628/2022)


EN FAIT

1) Madame A______, née le ______ 1982, est la mère de C______, né le ______ 2003, et B______, née le ______ 2007. Ils sont ressortissants brésiliens.

2) Le 22 février 2016, Mme A______a épousé, au Brésil, Monsieur  D______, ressortissant portugais né le ______ 1982, domicilié à Genève et titulaire d’une autorisation d’établissement. Aucun enfant n’est né de cette union.

3) Mme A______est arrivée en Suisse quelques mois plus tard et a été mise au bénéfice d’une autorisation de séjour au titre du regroupement familial, renouvelé jusqu’au au 27 septembre 2021.

4) a. Le 29 novembre 2017, Mme A______ a déposé une plainte pénale à l’encontre de son époux auprès de la police genevoise pour injures, menaces et contraintes sexuelles.

Elle a notamment déclaré avoir quitté le domicile conjugal le 4 novembre 2016 après un conflit verbal avec son époux, y être retournée une semaine plus tard et avoir trouvé les serrures de la porte d’entrée changées, avoir vécu trois mois avec son conjoint dans la tranquillité, avant d’être insultée, rabaissée et harcelée. De même, elle avait été contrainte, le 6 novembre 2017, à masturber son époux. Elle s’était rendue au centre LAVI le 8 novembre 2017 et avait, à son retour, trouvé les serrures de la porte d’entrée changées. Elle avait définitivement quitté le domicile conjugal ce jour-là.

b. Le 17 mai 2018, le Ministère public a rendu une ordonnance de non-entrée en matière sur la plainte de Mme A______, faute de preuves. Cette décision est entrée en force.

5) Il ressort du dossier que Mme A______ est retournée vivre au domicile conjugal, selon elle à compter du 1er mai 2018, ce qu’elle a annoncé à l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) le 30 avril 2018.

a. Les époux se sont ensuite séparés.

Selon M. D______, son épouse avait quitté le domicile conjugal le 3 octobre 2018.

Selon Mme A______, elle était retournée vivre avec son époux pour lui donner une nouvelle chance. Elle avait toutefois à nouveau été victime de violences conjugales. La date de son départ du domicile, en 2019, est litigieuse. Ses enfants l’avaient rejointes en Suisse à une date non précisée dans le dossier, mais en 2018 selon elle, ce dont l’OCPM a été informé.

b. À compter du 11 octobre 2018, M. D______ a évoqué auprès de l’OCPM le dépôt d’une éventuelle procédure de divorce. Aucun document du dossier n’en atteste.

À compter du 4 août 2020, Mme A______ a fait mention à l’OCPM du prochain dépôt d’une requête en mesures protectrices de l’union conjugale (ci-après : MPUC).

Le 22 mars 2021, Mme A______ a indiqué à l'OCPM que la requête en MPUC serait déposée une fois reçue la liste des mains courantes demandée à la police.

Le 9 avril 2021, Mme A______ a transmis à l’OCPM une copie de la fiche de renseignements établie par la police qui détaillait les quatre interventions (des 4 novembre 2016, 8 et 29 novembre 2017 et 17 octobre 2018) la concernant.

6) Le 19 août 2021, l’OCPM a informé Mme A______ de son intention de révoquer son autorisation de séjour, de refuser d’en délivrer à ses enfants et de prononcer leur renvoi.

7) Dans le délai imparti pour faire valoir son droit d’être entendue, Mme A______ a notamment indiqué le nom de quatre témoins pouvant attester des violences qu’elle avait subies.

8) Par décision du 20 octobre 2021, l’OCPM a refusé de prolonger l’autorisation de séjour de Mme A______et d’en octroyer à ses enfants, a prononcé leur renvoi et leur a imparti un délai au 10 janvier 2022 pour quitter le territoire suisse et l’ensemble de l’espace Schengen, l’exécution de cette mesure apparaissant possible, licite et raisonnablement exigible.

Mme A______ ne pouvait plus se prévaloir de son mariage avec son époux pour maintenir son autorisation de séjour, sans commettre un abus de droit manifeste. Leur vie commune avait pris fin définitivement en octobre 2018, une requête en MPUC avait été déposée et une reprise de la vie commune n’était aucunement envisagée. Leur vie commune en Suisse avait duré moins de trois ans, de sorte qu’il n’était pas nécessaire d’examiner son intégration en Suisse. De plus, la poursuite de son séjour en Suisse ne s’imposait pas pour des raisons personnelles majeures. Au vu des éléments au dossier, les violences conjugales alléguées ne pouvaient justifier, à elles seules, le maintien de l’autorisation de séjour. L’unique plainte pénale déposée à l’encontre de M. D______ avait d’ailleurs été classée faute de preuve.

Elle n’était par ailleurs pas particulièrement intégrée.

9) Par acte du 22 novembre 2021, Mme A______ et ses enfants ont interjeté recours contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le TAPI), concluant à ce que l’OCPM soit invité à envoyer leur demande au secrétariat d’État aux migrations (ci-après : SEM) avec un préavis favorable, au renouvellement de son autorisation de séjour et à l’octroi de telles autorisations à ses enfants. Elle a requis, préalablement, la comparution personnelle des parties et l’audition de sept témoins.

Les faits et les preuves avaient été appréciés arbitrairement par l’autorité intimée. L’OCPM n’avait en outre pas retenu qu’elle avait fait appel quatre fois à la police, ne tenant compte ni du rapport de police du 25 janvier 2018 ni de la liste des mains courantes. Il avait aussi ignoré l’attestation du centre LAVI du 16 février 2021 attestant des violences conjugales qu’elle avait subies ; plusieurs personnes en avaient par ailleurs été témoins. De plus, son époux avait, pour se venger de son départ, appelé tous ses employeurs afin de résilier ses contrats de travail. Une ordonnance de non-entrée en matière avait certes été rendue le 17 mai 2018, mais le délai de plainte étant dépassé s’agissant des injures, aucune condamnation n’avait pu être prononcée malgré les aveux de son époux. Ayant repris la vie commune avec son époux, elle avait renoncé à recourir contre cette ordonnance. Elle avait subi des violences pendant plus de deux ans avant d’estimer que ses limites avaient été atteintes.

Elle expliquait son intégration en Suisse et la situation de ses enfants. Un chargé de plus de nonante pièces était produit.

10) L’OCPM a conclu au rejet du recours. Même à admettre les dates alléguées par Mme A______ afférentes à son arrivée en Suisse et à la rupture de l’union conjugale, respectivement les 18 juin 2016 et 16 mars 2019, le terme de trois ans d’union conjugale n’était pas atteint. Rien au dossier ne permettait de conclure, notamment, à l’existence des violences conjugales alléguées, celles-ci n’étant au surplus pas d’une nature telle qu’elles suffiraient à admettre la réalisation de l’art. 50 al. 2 de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20).

11) Dans sa réplique, l’intéressée a persisté dans ses conclusions, relevant qu’elle remplissait toutes les conditions de violences domestiques au sens de la législation topique en la matière, ayant été victime de violences tant physiques, psychologiques, que sexuelles de la part de son époux. Elle avait été suivie par des organismes tels que le centre LAVI ou l’unité interdisciplinaire de médecine et de prévention de la violence (ci-après : UIMPV) des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG). Le 9 novembre 2017, elle avait été admise à l’unité d’urgences psychiatriques et, suite à l’intervention des médecins et du centre LAVI, accueillie dans un hôtel. Les médecins, l’ayant vu aux urgences le 10 novembre 2017, avaient relevé qu’elle se trouvait dans une détresse psycho-sociale. Par ailleurs, lors de l’intervention des psychiatres, il avait été relevé qu’elle aurait été abusée sexuellement pas son mari et ce, depuis son retour à domicile après une opération. L’UIMPV avait décrit les violences qu’elle avait subies, notamment des violences sexuelles (relation sexuelle forcée), économiques, physiques et psychologiques.

Elle détaillait sa situation actuelle et fournissait de nombreuses pièces.

12) Dans sa duplique, l’OCPM a indiqué que les diverses pièces produites démontraient l’existence passée de conflits de couple d’une certaine importance, lesquels avaient provoqué le départ du domicile conjugal de Mme A______ ainsi qu’une détresse psychologique qu’on ne saurait minimiser. Cela étant, le seuil de gravité atteint par ces circonstances ne suffisait pas au regard des critères sévères posés par la loi en matière de violences conjugales.

S’il apparaissait, certes, que M. D______ avait procédé en 2017 au changement de la serrure du domicile conjugal et avait pu se montrer injurieux envers Mme A______, il n’était pas démontré qu’il avait usé de violence psychologique de manière systématique envers celle-ci. Il ne ressortait par ailleurs pas du dossier que celle-ci avait fait l’objet de violences physiques ou sexuelles avérées de la part de son époux.

13) Par jugement du 14 juin 2022, le TAPI a rejeté le recours.

Les recourants sollicitaient l’audition de sept témoins. Ils n’avaient toutefois pas indiqué sur quels éléments précis porteraient les auditions et en quoi elles pourraient ainsi apporter un éclairage ne résultant pas des pièces du dossier. Trois des personnes citées à témoigner avaient déjà rédigé des attestations versées à la procédure. Dans ces circonstances, les auditions sollicitées ne sauraient constituer des indices suffisants à le convaincre de l’existence d’une violence conjugale d’une intensité telle qu’il conviendrait de prolonger l’autorisation de séjour de Mme A______. Il n’y avait dès lors pas lieu de donner suite à la requête d’audition de témoins. Les recourants avaient par ailleurs eu l’occasion de présenter leur argumentation par écrit et à plusieurs reprises, de sorte que leur audition par le TAPI n’était pas nécessaire.

Mme A______ ne pouvait se prévaloir ni de l’accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse d'une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP - RS 0.142.112.681), ni de l’art. 44 LEI, la durée de la vie commune avec son époux n’étant pas suffisante.

Elle ne pouvait se prévaloir des violences conjugales. Selon la fiche de renseignements établie par la police, elle avait admis, le 29 novembre 2017, que son époux ne lui avait pas infligé de violence physique ou sexuelle et, le 17 octobre 2018, qu’il ne l’avait jamais frappée physiquement.

De même, elle n’avait pas fourni d’indices d’une violence conjugale, tels qu’énumérés à l’art. 77 de l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201). Si elle avait, certes, déposé une plainte pénale à l’encontre de son époux, le Ministère public n’était pas entré en matière sur cette plainte, faute de preuve et en raison de l'échéance de délai pour déposer plainte s’agissant de l’injure. L'injure ayant été reconnue par l’époux et décrite dans les attestations des témoins, il convenait d’en tenir compte. Toutefois, cet épisode ne suffisait pas, en soi, pour retenir une violence conjugale d’une certaine intensité. À teneur de la requête en MPUC déposée par Mme A______ le 19 juillet 2021 par-devant le TPI, elle aurait déposé une seconde plainte pénale à l’encontre de son époux en août 2019. Cette plainte ne figurant pas dans le dossier et n’ayant pas été produite par l’intéressée dans le cadre de la présente procédure, il n’en était pas tenu compte. L'on ignorait d’ailleurs quelle suite y avait été donnée.

Le dossier ne contenant pas d’ordonnance ou de jugement rendus en application de l’art. 28b du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210), il convenait d’examiner les certificats médicaux produits ainsi que l’attestation du centre LAVI. Ce dernier indiquait que Mme A______ avait été reçue à trois reprises, les 8 et 22 novembre 2017 ainsi que le 3 mars 2018 et qu’elle avait exposé avoir subi des violences conjugales et sexuelles. À la lecture de l'attestation, on comprenait que les violences se seraient déroulées avant le 3 mars 2018, puisqu’à cette occasion, elle « a parlé de souvenirs envahissants en lien avec les violences sexuelles ». Cet élément semblait en contradiction avec les propos qu’elle avait tenus aux policiers à fin novembre 2017, affirmant à cette occasion que son époux ne lui avait pas infligé de violence sexuelle. Au surplus, malgré le fait que ses propos avaient semblé être cohérents avec son état émotionnel et ses démarches pour la psychologue du centre LAVI, cette attestation ne renseignait pas sur la fréquence et l’intensité des violences alléguées. Le rapport d’intervention psychiatrique d’urgence du 9 novembre 2017, à l’instar de l’attestation du centre LAVI, ne renseignaient pas sur la fréquence et l’intensité des violences alléguées (conflits de couple, menace d’être mise à la rue et abus sexuel) et ne reflétaient que les propos de l’intéressée. Il en allait de même du résumé des entretiens à l’UIMPV, dont il ressortait, outre les faits qu’elle avait énoncés dans ses écritures, qu’elle aurait subi une pénétration vaginale forcée en juin 2017 et que son époux aurait contrôlé son argent. Quant aux attestations écrites, rédigées par des témoins, il en ressortait qu’elle aurait été insultée et humiliée en public, qu’elle se serait retrouvée devant une porte dont la serrure avait été changée et qu’elle aurait subi des violences sexuelles. Au sujet de ce dernier point, le seul témoin l’indiquant précisait le tenir de la bouche de l’intéressée.

Ainsi, l’intensité des violences apparaissait difficile à établir. Certaines d’entre elles (injures, changement de serrures) n’étaient pas, en principe, assimilées à la violence conjugale au sens de l’art. 50 al. 2 LEI. Or, et comme l’avait rappelé le Tribunal fédéral, le devoir de collaboration des étrangers était important sur cette problématique. Il leur appartenait de rendre l’existence d’une violence conjugale crédible, démontrer la répétition et l’intensité des atteintes en s’appuyant sur des preuves adéquates. Force était ainsi de constater que les pièces versées à la procédure ne permettaient pas de démontrer l’intensité requise par la jurisprudence susmentionnée.

Au surplus, aucun élément ne permettait de démontrer que la réintégration sociale de Mme A______ dans son pays d’origine serait fortement compromise.

L’intéressée, n’ayant plus de titre de séjour depuis le 28 septembre 2021, son autorisation de séjour ne pouvant être prolongée, ses enfants ne pouvaient se prévaloir de l’art. 44 LEI pour obtenir des autorisations de séjour au titre du regroupement familial.

14) Par acte du 16 août 2022, Mme A______ a interjeté recours contre ce jugement devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative). Elle a conclu à son annulation et, cela fait, à ce qu’il soit ordonné à l’OCPM d’envoyer son dossier et celui de ses enfants au SEM avec un préavis positif, que le renouvellement de son permis de séjour et l’octroi d’un tel permis à ses enfants soient ordonnés. Préalablement, sa comparution personnelle devait être ordonnée à l’instar de l’audition de sept témoins dont les adresses étaient communiquées.

Son droit d’être entendue avait été violé. Elle avait sollicité l’audition de plusieurs témoins. Le TAPI avait refusé leur audition. Elle avait, contrairement à ce qu’indiquait le TAPI, précisé sur quels éléments précis les auditions pourraient porter. Chaque allégué contenait une offre de preuve et les références du témoin concerné.

Le TAPI avait apprécié de façon arbitraire les faits. Il ne pouvait, tout à la fois, renoncer aux témoignages et retenir qu’il était difficile d’établir l’intensité des violences. S’il avait ordonné l’audition des témoins, il aurait pu déterminer, en connaissance de cause, la véracité des violences et leur intensité. Il avait par ailleurs reproché, de manière contraire à la bonne foi puisqu’il lui avait opposé un refus, à la recourante de ne pas avoir suffisamment collaboré, alors même qu’elle souhaitait faire entendre des témoins. Ceux-ci avaient constaté l’intensité des violences dont elle avait fait l’objet ainsi que leur caractère récurrent.

Il avait par ailleurs fait une application erronée de l’art. 77 al. 5 OASA. Les indices de violences conjugales qui étaient décrits n’étaient pas exhaustifs et laissaient aux autorités une certaine liberté d’appréciation fondée sur des motifs humanitaires. Lors de l’existence de violences conjugales, l’autorité devait tenir compte des indications et des renseignements fournis par des services spécialisés tels que les centres d’aide aux victimes et les maisons d’accueil pour femmes victimes de violence. Conformément à la jurisprudence, les violences conjugales ne devaient pas nécessairement faire l’objet d’une condamnation pénale pour justifier l’application de l’art. 50 al. 1 let. b LEI.

Or, elle avait dû faire appel à quatre reprises à la police. Elle avait dû être suivie par le centre LAVI, qui lui avait trouvé un hébergement alors qu’elle était, une fois de plus, une victime de violence notamment par le biais de messages. Elle avait été hospitalisée à l’unité d’accueil et d’urgences psychiatriques le 9 novembre 2017. Il avait été diagnostiqué une détresse émotionnelle en lien avec les conflits du couple. La veille, elle avait été vue aux urgences des HUG, suite à une agression physique et sexuelle dont elle avait fait l’objet de la part de son mari. De nombreuses pièces étaient produites. Le rapport initial de l’IUMPV évoquait des violences sexuelles (pénétration vaginale), psychologiques (dénigrements, insultes, contrôle, harcèlement), économiques (empêchement d’avoir accès à l’argent qu’elle gagnait). Dans le cadre des consultations, l’UIMPV avait décrit des violences psychologiques (menace, harcèlement téléphonique, dénigrements, etc.), physiques à une reprise, économiques et sexuelles. Le fait que la plainte pénale n’ait pas donné lieu à une condamnation était sans importance. L’ordonnance de non-entrée en matière avait été rendue, notamment en raison du fait que le délai de plainte était échu. Son mari avait par ailleurs admis l’avoir traitée de pute et l’avoir insultée sur sa page Facebook.

Enfin, le TAPI avait violé l’art. 44 LEI.

15) L’OCPM a conclu au rejet du recours. Il a persisté dans ses conclusions. « Au vu de [son] dossier », la poursuite du séjour ne s’imposait pas pour des raisons personnelles majeures.

16) Dans sa réplique, la recourante a pris bonne note que l’OCPM reconnaissait qu’elle était entrée sur le territoire suisse le 18 juin 2016 et non plus fin septembre 2016. Les trois ans avaient été respectés puisqu’elle avait encore appelé la police en août 2019, soit plus de trois ans après le mariage.

Elle produisait de nouvelles pièces sur sa situation actuelle.

17) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

Le contenu des pièces et les arguments des parties seront repris, en tant que de besoin, dans la partie en droit du présent arrêt.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Dans un premier grief, la recourante se plaint d’une violation de son droit d’être entendue devant le TAPI.

a. Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 142 III 48 consid. 4.1.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1).

Le droit de faire administrer des preuves n'empêche cependant pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1. ; 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_41/2020 du 24 juin 2020 consid. 5.1.1 ; 2C_203/2019 du 4 juillet 2019 consid. 2.1 ; ATA/631/2020 du 30 juin 2020 consid. 2 a et les arrêts cités).

b. Après la dissolution de la famille, le droit du conjoint à l'octroi d'une autorisation de séjour et à la prolongation de sa durée de validité en vertu de
l’art. 43 LEI subsiste lorsque l'union conjugale a duré au moins trois ans et que l'intégration est réussie (let. a) ou si la poursuite du séjour en Suisse s'impose pour des raisons personnelles majeures (let. b ; art. 50 al. 1 LEI). Des raisons personnelles majeures sont notamment données lorsque le conjoint est victime de violences conjugales (art. 50 al. 2 LEI et 77 al. 2 OASA).

c. En l’espèce, dans son recours devant le TAPI, la recourante a exposé dans sa partie en fait, sur deux pages, la problématique des violences conjugales, proposant sous chaque allégué, l’audition d’un témoin, dont le nom était mentionné. Sous certains allégués, notamment la récurrence desdites violences, l’audition de sept témoins, cités nommément, était proposée. La majorité de ses développements en droit étaient fondés sur l’existence de violences conjugales et leur incidence dans sa situation.

Dans son jugement, le TAPI a refusé l’audition des témoins, reprochant à la recourante de ne pas avoir précisé les points sur lesquels ils pourraient compléter le dossier. Or, l’intéressée avait indiqué, sous les différents allégués, le nom du témoin apte à confirmer ses dires.

Le TAPI a retenu qu’il appartenait à la recourante de rendre l’existence d’une violence conjugale crédible, démontrer la répétition et l’intensité des atteintes en s’appuyant sur des preuves adéquates et que les pièces versées à la procédure ne permettaient pas de démontrer l’intensité requise par la jurisprudence. Or, en se limitant aux seules pièces produites, sans laisser à la recourante la possibilité de faire auditionner des témoins qu’elle estimait aptes à confirmer ses allégués sur les violences domestiques, le TAPI ne pouvait considérer qu’il avait acquis la certitude que parmi les preuves offertes, soit les sept témoignages, aucun ne l'amènerait à modifier son opinion. En tous les cas, le TAPI ne le motive pas dans son jugement.

En refusant de donner suite à la demande d’enquêtes, le TAPI a en conséquence violé le droit d’être entendue de la recourante.

Il n’est pas nécessaire d’examiner l’éventuelle réparation de ladite violation devant la chambre de céans compte tenu de ce qui suit.

3. La recourante se plaint d’une constatation inexacte des faits pertinents. Elle soutient avoir été victime de violences conjugales, moins d’une année après son mariage et ce pendant deux années, sous forme physique, sexuelle, psychologique, économique, matérielle et privation de liberté à teneur, notamment, du rapport de suivi de l’UIMPV, la contraignant à quitter le domicile conjugal.

a. L’autorité établit des faits d’office. Elle n’est pas limitée par les allégués et les offres de preuve des parties (art. 19 LPA). Elle doit réunir les renseignements et procéder aux enquêtes nécessaires pour fonder sa décision (art. 20 al. 2 LPA).

b. Le TAPI a relevé qu’il ignorait quelle suite avait été donnée à la plainte pénale déposée en 2019. Il a, de même, indiqué que les attestations des centres de consultation étaient incomplètes, relevant que l’attestation du centre LAVI ne renseignait pas sur la fréquence et l’intensité des violences alléguées, que le rapport d’intervention psychiatrique d’urgence du 9 novembre 2017 ne renseignait pas sur la fréquence et l’intensité des violences alléguées (conflits de couple, menace d’être mise à la rue et abus sexuel) et ne reflétait que les propos de la recourante, à l’instar du résumé des entretiens à l’UIMPV.

Or, conformément aux art. 19 et 20 LPA, il aurait à tout le moins été nécessaire d’impartir un délai à la recourante pour fournir toute pièce utile en lien avec la procédure pénale précitée, voire envisager l’apport de celle-ci, si le TAPI estimait cette mesure nécessaire. De même, l’instance précédente ne pouvait se limiter à constater que les attestations des professionnels consultés ne comprenaient pas toutes les informations utiles. Il lui aurait appartenu soit de questionner par écrit les centres concernés, soit aux fins d’obtenir le plus de renseignements utiles possibles et d’établir au mieux les faits, d’ordonner l’audition des professionnels s’étant occupés à l’époque de la recourante.

En conséquence, en l’absence de l’audition des témoins sollicités, sur des faits qui pouvaient être pertinents s’agissant de l’intensité et la récurrence des violences conjugales, et en n’établissant pas des éléments que lui-même semblait estimer pertinents, le TAPI a mal établi les faits. Il aurait en effet été nécessaire d’établir le plus précisément possible la chronologie des violences conjugales, leur forme, et leur intensité afin de pouvoir analyser la situation de l’intéressée au fil des mois et les conséquences juridiques qui en découlaient.

À ce stade, il n’appartient pas à la chambre de céans, juridiction de recours appelée notamment à examiner le grief de constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents, de se substituer à l’instance précédente et de procéder à l’instruction nécessaire à l’établissement desdits faits (ATA/1368/2017 du 10 octobre 2017 et les références citées).

Le recours sera en conséquence partiellement admis, le jugement du TAPI sera annulé et le dossier lui sera renvoyé pour instruction complémentaire, afin aussi de ne pas violer le double degré de juridiction.

4. Vu l’issue du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure de CHF 1'000.- sera allouée aux recourants qui obtiennent partiellement gain de cause, ont pris un mandataire pour faire valoir leurs droits et y ont conclu (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 16 août 2022 par Madame A______, agissant en son nom personnel et en qualité de représentante de sa fille mineure B______, et Monsieur C______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 14 juin 2022 ;

au fond :

l'admet partiellement ;

annule le jugement du Tribunal administratif de première instance du 14 juin 2022 ;

retourne le dossier au Tribunal administratif de première instance dans le sens des considérants ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

alloue à Madame A______, agissant en son nom personnel et en qualité de représentante de sa fille mineure B______ et Monsieur C______, solidairement entre eux, une indemnité de procédure de CHF 1'000.- à charge de l’État de Genève, pouvoir judiciaire ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Daniela Linhares, avocate des recourants, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mmes Lauber et McGregor, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :

 

 

 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

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Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

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Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.