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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2469/2022

ATA/1127/2022 du 08.11.2022 sur JTAPI/791/2022 ( LVD ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2469/2022-LVD ATA/1127/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 8 novembre 2022

1ère section

 

dans la cause

 

Monsieur A______

contre

COMMISSAIRE DE POLICE

et

Madame A______

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 4 août 2022 (JTAPI/791/2022)


EN FAIT

1) Par décision du 29 juillet 2022, le commissaire de police a prononcé une mesure d'éloignement d'une durée de dix jours, soit du 29 juillet 2022 à 14h00 au 8 août 2022 à 14h00, à l'encontre de Monsieur A______, lui interdisant de contacter ou de s’approcher de son épouse Madame A______ ainsi que de s'approcher ou de pénétrer à l’adresse sise rue B______, 1201 Genève.

M. A______ était présumé avoir eu un comportement violent vis-à-vis de son épouse, de sorte que la mesure d’éloignement se justifiait afin d’écarter tout danger.

2) Selon un rapport de renseignements établi le 29 juillet 2022, la police était intervenue le même jour, à deux reprises, au domicile des époux A______ en raison de conflits conjugaux.

Peu après 6h00, une voisine avait appelé la police après avoir entendu des cris et des demandes à l’aide. Mme A______ semblait coincée dans la salle de bains. La police l’avait découverte couchée sur le lit, en pleurs. Selon cette dernière, son mari l’avait enfermée dans la salle de bains durant deux à cinq minutes. Elle ne souhaitait pas se rendre dans leur autre appartement à la rue C______, à Genève, pour calmer les tensions, car elle souhaitait avoir une discussion avec son époux. Selon M. A______, un conflit avait éclaté à leur retour d’une soirée passée séparément, en raison d’une crise de jalousie de son épouse. Elle avait refusé de se rendre dans leur second appartement. Il ne comprenait pas comment elle s’était retrouvée coincée dans la salle de bains, probablement en raison d’un problème de serrure.

M. A______ avait rappelé la police plus tard, alors qu’un nouveau conflit avait éclaté entre les époux. Mme A______ avait refusé d’accéder à la demande de son époux de quitter les lieux et s’était mise à crier, cris audibles au téléphone selon la centrale d’engagement, de coordination et d’alarme (ci-après : CECAL). M. A______ avait demandé à la police d’emmener son épouse en dehors du domicile conjugal. Il avait bloqué la porte de la salle de bains durant environ deux minutes afin de contenir son épouse qui était hors d’elle. Il craignait de recevoir un coup.

Mme A______ avait de son côté indiqué vouloir déposer plainte à l’encontre de son époux et requis qu’il soit expulsé du domicile conjugal.

3) Lors de son audition le 29 juillet 2022, Mme A______ a expliqué à la police faire ménage commun avec M. A______ depuis l’année 2016 et être enceinte de sept mois. Le couple occupait l’un des appartements, l’autre l’étant par ses parents et ses deux enfants issus d’une précédente union.

En rentrant de sa soirée, son époux lui avait envoyé un SMS alors qu’elle se rendait aux toilettes lui disant, en anglais, « lave toi le derrière sale pute ! ». Elle lui avait demandé de ne pas la traiter de « sale pute » et avait pris sa douche. Lorsqu’elle avait voulu sortir de la salle de bains, la porte était verrouillée et la poignée bloquée. Elle avait paniqué car son mari ne répondait pas. Elle avait frappé à la porte et crié fort afin qu’on l’entende. Après environ deux minutes, son époux avait ouvert la porte. Il se trouvait dans le corridor, en train de la filmer, et tenait la chaise qui avait servi à bloquer la porte. Elle était partie se coucher avant que la police intervienne une première fois. Elle n’avait pas voulu se rendre chez ses parents afin de ne pas les déranger. Elle voulait aussi avoir une discussion avec son époux pour comprendre son comportement. Quinze minutes après le départ de la police, son époux lui avait dit « demain tu prends tes affaires et du dégages de chez moi ».

Le couple connaissait des problèmes depuis une année. M. A______ avait été vu avec d’autres femmes et il prétendait qu’elle ne portait pas son enfant. Elle ne voulait plus vivre avec lui et pensait qu’il était préférable qu’ils se séparent. Elle avait entrepris des démarches pour trouver un autre logement et son mari avait menti à la police afin qu’elle soit mise dehors.

4) M. A______ n’a pas souhaité répondre aux questions de la police.

5) Par courrier du 30 juillet 2022, déposé au greffe du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) le 2 août 2022, M. A______ a fait opposition à la mesure d’éloignement du 29 juillet 2022, concluant à sa levée.

Cette mesure était disproportionnée et totalement injustifiée. Il n’avait pas voulu collaborer à la police car il souhaitait apporter les preuves devant le Ministère public (ci-après : MP) qu’il était victime des agissements de son épouse.

Le matin des faits, son épouse n’avait pas supporté qu’il rentre après elle. Elle s’était mise à lui crier dessus et à l’insulter. Il subissait ces états de crise depuis de très nombreuses années et avait appris à les gérer de la meilleure manière possible. Dans la mesure où, lors de ces crises, son épouse pouvait le frapper avec toutes sortes d’objets, il avait bloqué la porte de la salle de bain avec une chaise, trois à quatre minutes, le temps qu’elle décolère, ce qui avait été le cas. Dans la salle de bains, elle avait cassé la serpillière, son rasoir électrique et endommagé la porte.

Les enregistrements vidéo ainsi que les photographies de son propre corps et de son visage portant les marques de griffures, venaient en appui de ses propos. Son épouse retirerait sûrement sa plainte les prochains jours, dans la mesure où elle savait avoir « encore exagéré » et lui avait dit avoir porté plainte par vengeance.

Plus tard, il avait été décidé d’accompagner Mme A______ jusqu’à l’appartement de la rue C______, afin de calmer la situation.

6) a. Lors de l’audience devant le TAPI du 3 août 2022, M. A______ a produit deux témoignages faisant état de colères et coups de son épouse à son encontre. Si les disputes étaient fréquentes dans le couple, son épouse finissait toujours par s’excuser quelques jours plus tard. Elle devenait vite agressive et n’arrivait plus à se contrôler. Ils essayaient de trouver une solution pour qu’elle puisse avoir son appartement, tout en continuant à se voir. Toutefois, il refusait de se porter garant pour un tel logement, eu égard aux nombreuses poursuites dont elle faisait l’objet. Le lendemain de son expulsion, son épouse lui avait rendu la clé de l’appartement de la rue B______. Ils avaient dormi ensemble et entretenu un rapport intime. Son épouse était une comédienne et si la mesure était confirmée, cela équivaudrait à lui donner les pleins pouvoirs.

b. Mme A______ a requis la confirmation de la mesure et contesté les propos de son époux. Ce dernier perdait le contrôle et faisait des scènes lorsqu’il était sous l’emprise de l’alcool. Vivre dans des appartements séparés serait la meilleure solution. Elle trouvait inadmissible que son époux l’ait enfermée dans la salle de bains.

L’une des vidéos la montrant faire des crises violentes avait été prise un soir où elle essayait de s’endormir mais où son époux ne cessait de l’embêter.

c. La représentante du commissaire de police a conclu à la confirmation de la mesure.

7) Le TAPI a, par jugement du 4 août 2022, rejeté l’opposition.

Le dossier ne faisait pas apparaitre que les violences physiques et/ou psychologiques, en cours depuis plusieurs mois, seraient le fait prépondérant d’un époux sur l’autre. Après avoir visionné les extraits vidéos montrant l’état dans lequel Mme A______ pouvait se mettre lorsqu’elle était en colère, puis entendu les parties, le TAPI était convaincu que cette dernière devait être fortement fragilisée psychologiquement, un état sans doute exacerbé par sa grossesse et les difficultés du couple. M. A______, bien que conscient de cette fragilité, n’adoptait pas une attitude visant à la préserver ou éviter qu’elle ne s’emporte. Il ne semblait pas atteint dans sa santé, apparaissait entouré par des amis et disposer d’une situation professionnelle stable.

Les événements du 29 juillet 2022 apparaissaient comme un cran supplémentaire franchi dans cette relation conflictuelle. Quand bien même, à suivre M. A______, son épouse aurait des accès de colère violents, l’enfermer dans la salle de bains durant plusieurs minutes, qui plus était enceinte de sept mois, était inacceptable et ne participait, aucunement, à une désescalade, bien au contraire. M. A______ aurait pu en lieu et place quitter l’appartement en attendant que son épouse se calme.

Ainsi, c’était à bon droit que le commissaire de police avait estimé qu’une mesure d’éloignement était propre à empêcher la réitération. Ce temps de séparation devrait par ailleurs être mis à profit par les époux pour trouver une solution pour vivre de manière séparée tout en organisant une prise en charge de l’enfant à naître.

8) M. A______ a déposé recours le 31 août 2022 à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre ce jugement, concluant à l’annulation de la mesure d’éloignement.

Ladite mesure était illégale. C’était en effet à tort et sans aucun contrôle que la police l’avait privé d’accès à son propre appartement, sis à la rue B______, alors qu’il était seul à y résider, ce qui était démontré par un contrat de bail, une photo de sa boîte-aux-lettres, portant son seul nom, et une attestation de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM).

La mesure ordonnée n’avait jamais été respectée et n’avait servi à rien. Lors de son second passage le 29 juillet 2022, la police avait demandé à Mme A______ de préparer un sac avec quelques affaires pour qu’elle se rende dans l’appartement où résidaient ses enfants. Elle avait, après moult pourparlers, accepté de suivre la police mais avait déposé plainte pénale à son encontre. Après son propre élargissement du poste D______, la police l’avait escorté jusqu’à son appartement pour en remettre les clés à Mme A______ et prendre une valise. Il était allé passer la nuit dans l’appartement occupé par les enfants précités, soit une situation pour le moins ubuesque. Le lendemain, Mme A______ lui avait rendu sa clé et tous deux avaient dormi et entretenu des rapport intimes dans son appartement, jusqu’au 3 août 2022. Mme A______ avait recommencé son « cinéma extraordinaire » devant le juge qui avait laissé entendre qu’il maintenait la mesure pour ne courir aucun risque de survenance d’un drame.

Il avait fait appel à la police le 8 août 2022 pour reprendre possession de son logement. La police avait alors ordonné à son épouse de quitter les lieux et de lui rendre ses clés. Le 11 août 2022 devant le MP, son épouse avait suspendu sa plainte, laquelle serait classée dans quelques mois. Il revenait sur les accès de colères de son épouse et constatait que c’était parfois les épouses qui étaient violentes envers l’homme, bien qu’il faille presque « se prostituer » pour le prouver. Il réaffirmait qu’il n’avait commis aucune violence à l’encontre de son épouse.

9) Il ressort du procès-verbal d’audience devant le MP du 11 août 2022 que M. A______ a indiqué que son épouse voulait quitter l’appartement dans lequel tous deux vivaient depuis un an. Aussi, la meilleure solution était qu’elle vive dans l’autre appartement, avec ses enfants. Mme A______ a de son côté expliqué que l’appartement dans lequel elle vivait avec son époux était un studio.

10) En réponse à une demande de la juge déléguée du 1er septembre 2022, M. A______ a indiqué maintenir son recours nonobstant la fin de la mesure litigieuse le 8 août 2022.

11) Bien que dûment interpellés, ni le commissaire de police ni Mme A______ ne se sont manifestés pendant la procédure de recours.

12) Les parties ont été informées, le 21 octobre 2022, que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) En vertu de l'art. 8 de la loi sur les violences domestiques du 16 septembre 2005 (LVD - F 1 30), la police peut prononcer une mesure d'éloignement à l'encontre de l'auteur présumé d'actes de violence domestique, si la mesure paraît propre à empêcher la réitération de tels actes (al. 1) ; une mesure d'éloignement consiste à interdire à l'auteur présumé de : a) pénétrer dans un secteur ou dans des lieux déterminés ; b) contacter ou approcher une ou plusieurs personnes (al. 2) ; la mesure d'éloignement est prononcée pour une durée de dix jours au moins et de trente jours au plus (al. 3).

Aux termes de l'art. 11 LVD (opposition et prolongation), la personne éloignée peut s'opposer à la mesure d'éloignement dans un délai de six jours dès sa notification, par simple déclaration écrite adressée au TAPI ; l'opposition n'a pas d'effet suspensif (al. 1).

2) La chambre administrative, autorité supérieure ordinaire de recours en matière administrative, est compétente pour connaître du recours (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05).

3) Selon le jugement querellé, le délai de recours est de trente jours en application de la règle générale de l'art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), qui dispose que tel est le délai s'il s'agit d'une décision finale ou d'une décision en matière de compétence.

Au regard de la brièveté des délais fixés par l'art. 11 LVD, la chambre de céans a déjà relevé qu’il pouvait paraître insolite que le délai de recours devant elle soit de trente jours. Néanmoins, aucune disposition légale ne permettait de retenir qu'un délai plus court s'appliquerait (ATA/619/2020 du 23 juin 2020 ; ATA/527/2020 du 26 mai 2020).

Quoi qu'il en soit, le recours a en l’espèce été formé dans le délai indiqué par le jugement attaqué, conformément aux art. 17 al. 3 et 62 al. 2 LPA.

4) a. À teneur de l'art. 60 LPA, ont qualité pour recourir les parties à la procédure qui a abouti à la décision attaquée (let. a) et toute personne qui est touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée (let. b).

La chambre administrative a déjà jugé que les let. a et b de la disposition précitée doivent se lire en parallèle : ainsi, le particulier qui ne peut faire valoir un intérêt digne de protection ne saurait être admis comme partie recourante, même s'il était partie à la procédure de première instance (ATA/577/2014 du 29 juillet 2014 consid. 5a ; ATA/790/2012 du 20 novembre 2012 ; ATA/281/2012 du 8 mai 2012 ; ATA/5/2009 du 13 janvier 2009 et les références citées).

b. Selon la jurisprudence, le recourant doit avoir un intérêt pratique à l'admission du recours, soit que cette admission soit propre à lui procurer un avantage, de nature économique, matérielle ou idéale (ATF 121 II 39 consid. 2 c/aa ; arrêt du Tribunal fédéral 1A.47/2002 du 16 avril 2002 consid. 3). Un intérêt digne de protection suppose un intérêt actuel à obtenir l'annulation de la décision attaquée (ATF 138 II 42 consid. 1 ; 137 I 23 consid. 1.3 ; 135 I 79 consid. 1). L'existence d'un intérêt actuel s'apprécie non seulement au moment du dépôt du recours, mais aussi lors du prononcé de la décision sur recours (ATF 137 I 296 consid. 4.2 ; 136 II 101 consid. 1.1). Si l'intérêt actuel fait défaut lors du dépôt du recours, ce dernier est déclaré irrecevable (ATF 123 II 285 consid. 4 ; ATA/192/2009 du 21 avril 2009) ; s'il s'éteint pendant la procédure, le recours, devenu sans objet, doit être simplement radié du rôle (ATF 125 V 373 consid. 1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_194/2011 du 8 février 2012 consid. 2.2 ; ATA/195/2007 du 24 avril 2007 consid. 3 et 4) ou déclaré irrecevable (ATF 118 Ia 46 consid. 3c ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_69/2007 du 11 juin 2007 consid. 2.3 ; ATA/514/2009 du 13 octobre 2009).

c. Il est toutefois renoncé à l'exigence d'un intérêt actuel lorsque cette condition de recours fait obstacle au contrôle de la légalité d'un acte qui pourrait se reproduire en tout temps, dans des circonstances semblables, et qui, en raison de sa brève durée ou de ses effets limités dans le temps, échapperait ainsi toujours à la censure de l'autorité de recours (ATF 135 I 79 consid. 1 ; 131 II 361 consid. 1.2 ; 128 II 34 consid. 1b). Il faut en particulier un intérêt public – voire privé – justifiant que la question litigieuse soit tranchée, en raison de l'importance de celle-ci (ATF 135 I 79 consid. 1.1 ; 131 II 361 consid. 1.2 ; 128 II 34 consid. 1b ; 127 I 164 consid. 1a).

d. En l'espèce, la mesure d'éloignement litigieuse est arrivée à échéance depuis trois mois. Toutefois, le recourant conserve un intérêt actuel digne de protection à ce que le dispositif du jugement attaqué soit annulé, la situation pouvant se reproduire en tout temps, de sorte que, sous cet angle également, le recours est recevable.

5) Le litige porte sur le bien-fondé du jugement du TAPI, confirmant la décision du commissaire du 29 juillet 2022 d'éloigner le recourant pendant dix jours, au sens de l'art. 8 LVD.

6) La LVD a été adoptée notamment pour régler les situations dans lesquelles une intervention instantanée est nécessaire, avant le prononcé de mesures superprovisionnelles en matière matrimoniale ou protectrices de l'union conjugale, et alors que l'art. 28b du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210) n'existait pas encore (MGC 2004-2005/IV A 2128 ss).

7) Selon l'art. 61 al. 1 LPA, le pouvoir d'examen de la chambre de céans se limite à la violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a), ainsi qu'à la constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). Elle ne peut ainsi pas revoir l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), ce qui n'est pas le cas en l'occurrence.

8) En l'espèce, l'existence d'un climat délétère dans le couple depuis plusieurs mois est établie. Le recourant a concédé devant le MP que le couple vivait dans le studio à la rue B______ depuis environ une année, de sorte que le fait que le contrat de bail soit à son nom, qu’il s’agisse de son domicile officiellement annoncé à l’OCPM ou que seul son nom figure sur la boîte aux lettres n’enlève rien au fait que son épouse y avait sa résidence habituelle.

Il est de même établi qu’un conflit en deux phases a éclaté entre les époux le 29 juillet 2022 dès le petit matin, après que chacun des époux avait passé séparément la soirée à l’extérieur. Le recourant a injurié son épouse par SMS et a finalement reconnu l’avoir enfermée dans la salle de bains pendant quelques minutes, aux alentours de 6h00 ce qui, selon son épouse, a provoqué sa colère et, selon le recourant, avait au contraire pour vocation de la calmer. Toutefois, comme retenu à juste titre par le TAPI, il existait assurément une autre manière de calmer cette personne que de l’enfermer, telle la possibilité de quitter l’appartement momentanément. Enfermer son épouse de la sorte, en verrouillant la serrure et en bloquant la porte avec une chaise, ne pouvait avoir que pour effet de provoquer sa colère ou de l’attiser. Il s’agit bien là de violence.

Malgré le premier passage de la police après cet épisode, les choses n’en sont pas restées là. Certes, c’est le recourant qui a fait plus tard appel à la CECAL, dont l’opérateur a entendu les cris de l’épouse du recourant. Il n’en demeure pas moins qu’à la suite du dépôt de plainte de celle-là, la police devait prendre toute mesure pour protéger les époux l’un de l’autre, en l’espèce en présence d’une femme enceinte de sept mois dont la paternité du recourant est présumée.

C’est ainsi à juste titre que la police a prononcé ladite mesure d’éloignement. C’est également à juste titre qu’elle a eu pour objet le logement alors occupé par les époux, quand bien même, comme déjà dit, le bail est au seul nom du recourant. Enfin, le fait que l’épouse du recourant aurait eu un comportement ambigu en accueillant le recourant dans l’appartement visé par cette mesure, en lui en rendant la clé ou encore ait suspendu par la suite sa plainte pénale, n’enlève nullement toute légalité et justification à la prise de la mesure querellée. Il était justifié dans les circonstances du cas d’espèce d’éloigner momentané les deux conjoints en proie à des querelles devenues apparemment régulières et susceptibles de trouver une issue dommageable pour chacun d’eux, mais également pour le bébé attendu.

Dans ces conditions, c'est à bon droit que le TAPI a confirmé la mesure prise par le commissaire de police d'éloigner le recourant du domicile conjugal et de lui faire interdiction de prendre contact avec son épouse.

Il existait ainsi, à la date du jugement querellé, des indices sérieux de commission par le recourant d'actes de violence domestique, à tout le moins verbale, psychologique et physique par l’enfermement à l'encontre de son épouse, quand bien même cette dernière, à teneur des vidéos produites notamment, semble tenir sa part de responsabilité dans les disputes du couple. En conséquence, le commissaire de police et le TAPI étaient fondés à retenir un risque de réitération de tels actes.

9) Quant à la proportionnalité de la mesure, on doit retenir qu'aucune autre mesure administrative n'entrait en ligne de compte pour parvenir au même résultat.

10) Ainsi, le jugement querellé étant conforme au droit, le recours sera rejeté.

11) Au regard des circonstances particulières du présent cas, il ne sera pas perçu d'émolument malgré l'issue du recours (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 31 août 2022 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 4 août 2022 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ni alloué d’indemnité ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portés dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur A______, au commissaire de police, à Madame A______ ainsi qu’au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mmes Lauber et McGregor, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

M. Marmy

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :