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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1880/2022

ATA/1083/2022 du 01.11.2022 ( PROF ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1880/2022-PROF ATA/1083/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 1er novembre 2022

 

dans la cause

 

A______

contre

DIRECTION GÉNÉRALE DE LA SANTÉ



EN FAIT

1) A______ (ci-après : la pharmacie) est inscrite au registre du commerce du canton de Genève depuis le 7 janvier 2005. Monsieur B______ en est le gérant, avec signature individuelle.

2) Par décision du 16 mai 2022, la direction générale de la santé (ci-après : DGS), sous la plume de la pharmacienne cantonale, a infligé une amende de
CHF 2'000.- à la « A______, Monsieur B______ ».

Selon le rapport d’inspection du 5 mai 2022, dix-huit « déviations » avaient été constatées, dont certaines critiques. Deux avaient par ailleurs déjà fait l’objet d’une demande de corrections lors de l’inspection du 24 juin 2016. Il avait aussi été relevé une déviation concernant le dépistage du Covid-19 pour laquelle la structure autorisée n’était plus en place.

3) Par acte du 8 juin 2022, la pharmacie, sous la plume de M. B_______ a interjeté recours devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative). Elle a conclu à l’annulation de la décision susmentionnée, subsidiairement, à sa réduction.

La suspension de charbon avait été maintenue en stock depuis la dernière inspection en 2016. Elle se trouvait dans les tiroirs des suspensions orales.

Concernant le dépistage du Covid-19, la structure était mise en place systématiquement pendant les heures de dépistage. Elle était retirée lors de fortes intempéries et les tests étaient alors interrompus.

4) Le service de la pharmacienne cantonale a conclu au rejet du recours.

Lors du contrôle, la suspension de charbon n’avait pas pu être présentée par la pharmacienne remplaçante, en l’absence du pharmacien responsable. Cette suspension faisait partie des antidotes de base à tenir en pharmacie pour une administration d’urgence en cas d’intoxication. Lors de l’inspection, il avait été considéré qu’une telle remise n’était pas garantie.

Le rapport ne contestait pas que la structure pour le dépistage du Covid-19 était installée pendant les heures de dépistage. La déviation portait sur les conditions dans lesquelles la réalisation d’un test antigénique s’était déroulée, sans considération des exigences en matière d’hygiène et de lutte contre une contamination potentielle au sein de l’officine. Le non-respect des mesures d’hygiène avait déjà été relevé lors d’une inspection spécifique sur les activités de tests le 4 avril 2022.

Le nombre de déviations observées lors des trois dernières inspections effectuées dans la pharmacie concernée était un élément supplémentaire pris en compte dans la décision. Vingt déviations avaient été mises en évidence en 2013, onze en 2016 et dix-huit en 2022.

5) La recourante n’ayant pas souhaité répliquer dans le délai qui lui avait été imparti, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

6) Le contenu des pièces sera repris en tant que de besoin dans la partie en droit du présent arrêt.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 135 de la loi sur la santé du 7 avril 2006 - LS - K 1 03 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). Les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), hypothèse non réalisée en l’espèce.

Il n’en résulte toutefois pas que l’autorité est libre d’agir comme bon lui semble (ATA/211/2018 du 6 mars 2018 consid. 4). Il y a abus du pouvoir d’appréciation lorsque l’autorité, tout en restant dans les limites du pouvoir d’appréciation qui est le sien, se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou viole des principes généraux de droit tels que l’interdiction de l’arbitraire et de l’inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 137 V 71 consid. 5.1 ; 123 V 150 consid. 2).

3) La LS a pour but a pour but de contribuer à la promotion, à la protection, au maintien et au rétablissement de la santé des personnes, des groupes de personnes, de la population et des animaux, dans le respect de la dignité, de la liberté et de l’égalité de chacun (art. 1 al. 1 LS).

À teneur de l’art. 3 al. 2, la LS définit notamment l’exploitation des institutions de santé (let. g, soit notamment les pharmacies, art. 1 al. 1 let. i et 59 ss du règlement sur les institutions de santé du 9 septembre 2020 [RISanté – K 2 05.06], le contrôle des produits thérapeutiques (let. h), les mesures de police sanitaire (let. i) et la surveillance des activités du domaine de la santé (art. 3 al. 2 let. j LS).

Le département de la sécurité, de la population et de la santé (ci-après : DSPS) exerce la surveillance dans le domaine de la santé. Il peut procéder et faire procéder aux inspections et contrôles nécessaires (art. 6 al. 2 LS). Le département dispose à cet effet de la DGS, comprenant le médecin, le pharmacien, le chimiste et le vétérinaire cantonal (art. 6 al. 4 LS).

Le pharmacien cantonal est chargé des tâches que lui attribuent la LS et la législation fédérale, notamment le contrôle des produits thérapeutiques, des stupéfiants et des toxiques (art. 9 al. 2 LS).

Les autorités compétentes pour prononcer des sanctions administratives à l’encontre des exploitants et des responsables des institutions de santé sont : la commission de surveillance, le médecin cantonal ou le pharmacien cantonal, s’agissant des avertissements, des blâmes et des amendes jusqu’à CHF 50’000.- (art. 127 al. 3 let. a LS).

En matière de sanctions disciplinaires, l'autorité dispose d'un large pouvoir d'appréciation. La chambre de céans se limite à contrôler l'excès ou l'abus du pouvoir d'appréciation, l'autorité devant notamment procéder à un examen complet de toutes les circonstances pertinentes, user de critères transparents et objectifs, ne pas commettre d'inégalité de traitement et appliquer le principe de proportionnalité (art. 61 al. 2 LPA ; ATA/434/2021 du 20 avril 2021 consid. 2f et les références citées ; ATA/589/2018 du 12 juin 2018).

L'autorité qui inflige une sanction disciplinaire doit respecter le principe de la proportionnalité (arrêts du Tribunal fédéral 8C_292/2011 du 9 décembre 2011 consid. 6.2). La nature et la quotité de la sanction doivent être appropriées au genre et à la gravité de la violation des devoirs professionnels et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour assurer les buts d'intérêt public recherchés. À cet égard, l'autorité doit tenir compte en premier lieu d'éléments objectifs, à savoir des conséquences que la faute a entraînées pour le bon fonctionnement d’un service et de facteurs subjectifs, tels que la gravité de la faute, ainsi que les mobiles et les antécédents de l'intéressé (ATA/998/2019 du 11 juin 2019 consid. 6b ; ATA/118/2016 du 9 février 2016 consid. 3a ; ATA/94/2013 du 19 février 2013 consid. 15 et la jurisprudence citée).

4) a. En l’espèce, dix-huit déviations ont été constatées lors de l’inspection du 5 mai 2022. Elles sont détaillées dans le rapport du 11 mai 2022. Trois concernent des problématiques en lien avec le personnel, deux avec les locaux et l’équipement, trois avec les « matières premières », trois avec les « préparations magistrales », une avec les antidotes, une avec les produits chimiques, trois avec la documentation, une avec le contrôle des stupéfiants, la dernière étant intitulée « nouvelle déviation » en lien avec un comportement non conforme lors du passage d’un client pour un test antigénique.

Dans son recours, la recourante n’a contesté que la déviation n° 12 (antidote) et la nouvelle déviation (n° 17) en lien avec le dépistage du Covid-19.

Or, conformément à ce qu’a précisé l’autorité intimée dans ses écritures responsives, il n’était pas reproché à la pharmacie de ne pas détenir du charbon, mais de ne pas être apte à le présenter sur demande à l’inspecteur, ce qui signifiait que la personne présente n’aurait pas été en mesure de le fournir dans l’urgence à un patient. La recourante n’a contesté ni le principe de devoir être apte à fournir dans l’urgence le produit, ni que son employée ne l’avait en l’occurrence pas trouvé, ni que ce reproche avait déjà été formulé lors de l’inspection du 24 juin 2016.

De même, si un test Covid-19 avait pu être effectué pendant l’inspection, le reproche de l’autorité intimée portait, notamment, sur le comportement de l’opérateur, lequel, sans l’intervention de l’inspecteur, serait entré sans se déshabiller dans l’officine. La recourante n’a pas contesté ce fait, ni que les principes avaient été rappelés lors de l’inspection du site de testing de la pharmacie le 4 avril 2022.

En conséquence, l’existence d’une faute est établie pour les dix-huit déviations relevées dans le rapport du 11 mai 2022.

b. La recourante conteste la quotité de la sanction qu’elle juge disproportionnée.

Traditionnellement, le principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 5 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst - RS 101) se compose des règles d'aptitude – qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé –, de nécessité – qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, l'on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés – et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public – (ATF 125 I 474 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1P.269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c).

Une amende de CHF 2'000.- est nécessaire aux fins de faire respecter les règles sanitaires en vigueur, apte à atteindre cet objectif et proportionnée au sens étroit. Le montant de CHF 2'000.- se situe en effet sur le bas de la fourchette dont le maximum s’élève à CHF 50'000.-. Il tient compte de l’existence de dix-huit déviations et du fait que certaines avaient déjà été relevées comme étant problématiques lors des précédents contrôles, sans qu’elles ne soient entretemps corrigées, à l’instar de celle de l’antidote. La recourante n’indique pas, ni a fortiori n’étaye, que le montant l’exposerait à des difficultés financières.

En conséquence, l’autorité intimée n’a pas violé le droit ni abusé de son pouvoir d’appréciation en prononçant la décision du 16 mai 2022.

Le recours sera rejeté.

5) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA). Il ne sera pas alloué d’indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 8 juin 2022 par A______ contre le la décision de la Pharmacienne cantonale du 16 mai 2022 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 500.- à la charge de A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l’envoi ;

communique le présent arrêt à A______ ainsi qu’à la direction générale de la santé.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Krauskopf, M. Verniory,
Mmes Lauber et Michon Rieben, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :