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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4296/2020

ATA/1358/2021 du 14.12.2021 ( LIPAD ) , REJETE

Descripteurs : ACCÈS(EN GÉNÉRAL);PROTECTION DES DONNÉES;LIBERTÉ D'EXPRESSION;JOURNALISTE;PERSONNE DE LA VIE PUBLIQUE;SECRET FISCAL;AMENDE;SPHÈRE PRIVÉE;RESPECT DE LA VIE PRIVÉE
Normes : CEDH.10; LIPAD.1; LIPAD.3; LIPAD.24; LIPAD.25; LIPAD.28; LIPAD.27; LIPAD.26; RIPAD.7; LIPAD.39; LIPAD.4; LIFD.110; LPFisc.6
Résumé : Recours contre le refus du département des Finances de communiquer à la recourante, journaliste pour un quotidien romand, la ou les éventuelles amendes fiscales concernant une personnalité publique genevoise. Examen de la conformité de la décision à la liberté d'expression garantie par la CEDH. Droit d'accès aux documents détenus par l'État en vertu de l'art. 10 CEDH reconnu selon quatre critères, réalisés en l'espèce, de sorte que le refus d'accès constitue une ingérence dans la liberté d'expression de la recourante. Cette ingérence repose sur la LIPAD, à laquelle elle est conforme, les documents étant soustrait au droit d'accès en vertu du secret fiscal. Elle est justifiée par les buts légitimes de protection des droits d'autrui et de l'empêchement de la divulgation d'informations confidentielles. Elle est nécessaire dans une société démocratique. Absence de violation de l'art. 10 CEDH. Recours rejeté.
En fait
En droit

 

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4296/2020-LIPAD ATA/1358/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 14 décembre 2021

 

dans la cause

 

Madame A______
représentée par Me Éric Maugué, avocat

contre

DÉPARTEMENT DES FINANCES ET DES RESSOURCES HUMAINES

Monsieur B______, appelé en cause


EN FAIT

1) Le 1er septembre 2020, Madame A______, journaliste au sein du quotidien C______, a sollicité auprès de la Conseillère d'État en charge du département des finances et des ressources humaines (ci-après : DF) l'accès à toute décision sur amende prononcée par ses services à l'encontre de Monsieur B______, alors Conseiller d'État, avec, le cas échéant, caviardage des données personnelles inutiles à la compréhension de l'affaire.

Elle avait pris connaissance, par la presse, du fait que l'administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) avait rendu une décision s'agissant des déductions opérées par M. B______, dont l'avocat se référait au secret fiscal pour ne pas donner de détails, les déclarations de ce dernier ne permettant guère de saisir les motifs retenus et le montant de l'amende infligée. S'agissant d'un membre du gouvernement, l'intérêt public à disposer d'une information plus complète sur l'issue de la procédure fiscale ne faisait pas de doute.

2) Le 9 septembre 2020, la Conseillère d'État en charge du DF a indiqué que son département entendait rejeter la demande d'accès.

3) Le 17 septembre 2020, Mme A______ a saisi le préposé cantonal à la protection des données et à la transparence (ci-après : PPDT) d'une requête de médiation.

Si les données sollicitées étaient sensibles, la qualité de Conseiller d'État de M. B______ et la publicité donnée à l'affaire faisaient que l'intérêt public à disposer d'une information complète et exacte devait l'emporter sur l'intérêt privé.

4) Le 4 novembre 2020, après l'échec de la médiation tenue le 7 octobre 2020, le PPDT a recommandé au DF de maintenir son refus de transmettre toute décision sur amende concernant M. B______.

Aucune loi ni aucun règlement ne prévoyait explicitement la transmission demandée et au contraire, le secret fiscal s'opposait expressément à la communication des données personnelles. M. B______, qui semblait s'être opposé à la communication sollicitée, bénéficiait d'un intérêt prépondérant au refus de transmettre ses données personnelles, une telle transmission étant susceptible de porter notablement atteinte à sa sphère privée, d'autant plus que les décisions sur amende rendues par l'AFC-GE entraient dans la catégorie des données personnelles sensibles. L'accès au document sollicité rendrait inopérantes les restrictions légales à la communication de données personnelles à des tiers, porterait atteinte à la sphère privée de M. B______ et révélerait des informations couvertes par le secret fiscal. Le caviardage du nom de M. B______ sur le bordereau d'amende ne changerait rien à cette conclusion, dès lors que la demande portait sur une personne déterminée.

5) Par décision du 27 novembre 2020, le DF a refusé la demande d'accès de Mme A______.

En l'absence de base légale formelle prévoyant la transmission des renseignements par l'autorité ou d'un accord écrit du contribuable, les informations étaient soustraites au droit d'accès du fait du secret fiscal. Même si la communication avait été possible au regard de la loi fiscale, il s'agissait de données personnelles sensibles et M. B______ avait un intérêt prépondérant à ne pas les voir divulguées. Une communication partielle ne faisait pas de sens, dès lors que la demande concernait une personne déterminée.

6) a. Par acte du 17 décembre 2020, Mme A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision, concluant à son annulation, à la condamnation du DF à lui communiquer toutes décisions sur amende, avec indication du montant de l'amende et ses motifs, prononcée par les services compétents concernant M. B______ avec, le cas échéant, caviardage des données personnelles inutiles à la compréhension de l'affaire, soit le caviardage de tous éléments de nature privée n'ayant pas de rapport avec la décision, et à la condamnation du DF aux frais et dépens.

M. B______ était un homme politique exerçant jusqu'à peu auparavant une fonction au sein de l'exécutif cantonal et qui était candidat à sa réélection, de sorte que la portée du principe de la protection de sa vie privée était limitée. La sanction concernait des déductions fiscales admises opérées en lien avec des contributions participant au financement du parti politique auquel il appartenait au moment des faits, sujet d'intérêt public dans une société démocratique. Le cas ne se rapportait pas à des éléments strictement privés. L'information était sollicitée dans le cadre de son activité professionnelle de journaliste, la démarche constituant une étape préparatoire indispensable à l'exercice de son métier.

En cas d'infraction au droit fiscal commise par un élu de l'exécutif, la nature et les motifs d'une sanction prononcée étaient des informations devant pouvoir être débattues publiquement et en toute connaissance de cause, d'autant plus, d'une part, que le débat avait débuté dans la presse mais sans connaissance des éléments pertinents et sur la base d'appréciations du conseil de l'intéressé dont le bien-fondé ne pouvait être vérifié et auxquelles le public était susceptible de donner un crédit d'autant plus élevé qu'il était professeur ordinaire à l'université et, d'autre part, que M. B______, tout en se réfugiant derrière le secret fiscal, avait fait paraître sur son site internet une attestation délivrée par l'AFC-GE dont le public pouvait déduire qu'il n'y avait rien à lui reprocher. Un débat public, contradictoire, sur la base d'éléments objectifs et complets était indispensable. L'information était immédiatement disponible, sans nécessité de travail de collecte. Elle demandait uniquement les motifs et le montant de l'amende, avec caviardage des données personnelles inutiles à la compréhension de l'affaire, soit de toute information autre en relation avec les revenus ou le patrimoine du l'intéressé. La liberté d'expression garantie par le droit conventionnel devait conduire à faire droit à ses conclusions.

En cas de sanction, le contribuable avait failli à ses obligations et le secret fiscal était inopérant, ce dernier n'ayant pas pour vocation de protéger la sphère privée du contribuable dans une telle situation. Il n'existait pas de motif objectif de prévoir un régime particulier en matière de protection de la sphère privée lorsqu'il s'agissait d'une sanction pour infraction de nature fiscale, les mêmes principes que ceux prévalant de manière générale en matière d'infractions devant s'appliquer. Même dans le cadre de la législation sur l’information du public, l’accès aux documents et la protection des données personnelles, la pesée des intérêts devait conduire à donner accès à l'information sollicitée. Vu la demande d'emblée limitée, la décision litigieuse violait également le principe de la proportionnalité.

b. À l'appui de son recours, elle a notamment produit deux articles de presse des 11 et 12 août 2020 concernant les déclarations de l'avocat de M. B______ au journal D______, ainsi que trois articles de sa main publiés en novembre et décembre 2018 concernant le « volet fiscal » de l'« affaire B______ ».

7) Par réponse du 9 février 2021, le DF a conclu à la confirmation de sa décision.

Le refus d'accorder à la requérante l'accès à des documents couverts par le secret fiscal concernant un tiers était, en l'absence d'accord de la part de ce dernier, conforme au droit conventionnel, dès lors qu'il reposait sur des bases légale claires, dénuées de toute ambiguïté et que l'ingérence, si tant était qu'elle puisse être considérée comme telle, répondait à un but légitime visant tant à la protection des droits privés d'autrui qu'à l'intérêt public à préserver la confiance des contribuables en leurs autorités fiscales. Il n'y avait pas de violation du droit conventionnel.

Le secret fiscal s'appliquait et aucune des situations justifiant sa levée n'était réalisée, en l'absence de consentement de l'intéressé. Le canton de Genève, tout comme le canton de Bâle-Ville, avait conféré au secret fiscal une très haute priorité sur la liberté d'information et avait fixé la protection prépondérante de la vie privée, à la base du secret fiscal, sur l'accès aux médias de données fiscales. La distinction entre données fiscales proprement dites et sanction infligée au contribuable était insoutenable, les deux aspects étant indissociables. À partir du montant de l'amende et de sa quotité, il était possible de reconstituer une partie des éléments imposables du contribuable, ce que Mme A______ prétendait ne pas solliciter. Il était impossible de répondre à la demande prétendument limitée de la requérante.

8) Le 22 et 24 février 2021, les deux parties ont persisté dans leurs conclusions.

9) Par décision du 22 octobre 2021, la chambre administrative a ordonné l'appel en cause de M. B______.

10) Le 12 novembre 2021, M. B______ s'en est rapporté à la détermination du DF.

La requérante n'avait jamais tenté de se renseigner directement auprès de lui ou de son conseil. Le cas de figure dépassait sa personne et portait sur une question de principe.

11) Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente contre la décision de l'autorité intimée prononcée à la suite de la recommandation du PPDT, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 60 al. 1 de la loi sur l’information du public, l’accès aux documents et la protection des données personnelles du 5 octobre 2001 - LIPAD - A 2 08).

2) Le litige porte sur la conformité au droit du refus de l'autorité intimée de donner accès à la recourante à toute décision sur amende prononcée par ses services concernant l'appelé en cause.

3) La recourante se plaint d'une violation de sa liberté d'expression garantie par le droit conventionnel et d'une mauvaise application du secret fiscal.

a. Selon l'art. 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101), toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière (al. 1). La même liberté est garantie par les art. 16 et 17 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et 26 et 27 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst-GE - A 2 00).

b. L'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme (ci-après : ACEDH et CourEDH) Magyar Helsinki Bizottság c. Hongrie du 28 novembre 2016 (req. no 18030/11) consacre la reconnaissance d'un droit d'accès aux informations détenues par un État fondée sur l'art. 10 CEDH, à certaines conditions. Il faut d'abord que la demande d'accès ait pour but d'exercer « sa liberté de recevoir et de communiquer des informations et des idées », la collecte des informations étant une étape préparatoire importante dans l’exercice d’activités journalistiques ou d’autres activités visant à ouvrir un débat public ou constituant un élément essentiel de la participation à un tel débat (§ 158). Autrement dit, cette condition exige que « les informations recherchées [soient] réellement nécessaires à l'exercice de la liberté d'expression » du demandeur. Il y a lieu de considérer qu’obtenir l’accès à des informations est nécessaire lorsque leur rétention serait de nature à entraver l’exercice par l’individu de son droit à la liberté d’expression ou à porter atteinte à ce droit (§ 159 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_59/2020 du 20 novembre 2020 consid. 5.1). Le deuxième critère a trait à la nature des informations recherchées, lesquelles doivent généralement présenter un intérêt public (§ 162 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_447/2016 du 31 août 2017 consid. 5.5). Troisièmement, le statut du demandeur doit être pris en compte. Celui-ci doit assumer « un rôle particulier de réception et de communication au public des informations qu'il recherche » (§ 164). La CourEDH évoque en particulier la presse et les organisations non gouvernementales, tout en rappelant le niveau de protection élevé dont bénéficient d'autres « chiens de garde publics » (§ 168). Le quatrième critère tient à la disponibilité des informations sollicitées (§ 169), en ce sens que dans l'appréciation globale de la question de savoir s'il y a ingérence de l'État dans la liberté d'expression protégée par l'art. 10 CEDH, le fait qu'aucun travail de collecte de données n'est nécessaire constitue un élément important (§ 170 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_59/2020 précité consid. 5.1).

c. En l'espèce, la recourante sollicite l'accès à toute décision sur amende prononcée par l'autorité intimée à l'encontre de l'appelé en cause. L'existence d'une décision, ou de décisions, ressort des articles de presse versés à la procédure, rapportant des propos de l'avocat de l'appelé au cause. Cependant, la ou lesdites décisions n'ont pas été publiées, publication qui, selon la recourante, serait nécessaire pour permettre un véritable débat contradictoire.

Il apparaît ainsi que la demande de la recourante a pour but la collecte des informations sollicitées auprès de l'autorité intimée afin de pouvoir exercer sa liberté de communiquer et poursuivre le débat déjà ouvert sur la base de faits relayés par la presse et de déclarations de l'avocat de l'appelé en cause à celle-ci mais sur une base plus objective, en ayant connaissance des faits et de la qualification retenue par l'autorité compétente en relation avec les éléments rapportés par la presse – soit la déduction fiscale de cotisations faites au parti d'alors de l'appelé en cause mais qu'il n'aurait pas lui-même supportées –, ainsi que de la quotité de la ou des éventuelles amendes infligées.

Il s'agit par conséquent d'obtenir des informations afin de mener sur un plan plus objectif un débat déjà en cours concernant un Conseiller d'État alors en exercice, informations que seule l'autorité intimée a en sa possession, sous réserve de l'intéressé, qui, appelé en cause, s'en est rapporté aux écritures du DF, s'étant ce faisant opposé à la communication sollicitée et ayant ainsi confirmé le refus de donner son consentement à la communication des informations sollicitées. Ces informations, les seules à même de permettre un débat équilibré, doivent par conséquent être considérées comme nécessaires à l'exercice de sa liberté d'expression par la recourante, le premier critère jurisprudentiel étant réalisé.

En ce qui concerne leur nature, les informations demandées concernent une ou des éventuelles amendes fiscales infligées à un particulier. Cela ne relève a priori pas de la conduite des affaires publiques, mais au contraire de la conduite de ses affaires privées, soit ses affaires fiscales, par une personne physique précise. Néanmoins, la personne en l'occurrence concernée, l'appelé en cause, était au moment de la demande d'accès un élu, membre du gouvernement cantonal, et donc une personne politique exerçant une fonction officielle. Cet élu était par ailleurs au cœur d'un débat populaire en raison de différents comportements qui lui étaient reprochés, notamment sur le plan fiscal. Au moment de la décision attaquée puis du recours, il continuait à exercer cette charge, mais sans être titulaire d'aucun département, et avait présenté sa démission, avec effet au jour de la prestation de serment de la personne lui succédant, tout en se présentant à sa réélection le 28 mars 2021. Par ailleurs, les informations sollicitées concernent, selon les faits rapportés par la presse, des déductions de cotisations à son parti politique qu'il n'aurait pas payées lui-même. Au regard des ces éléments, l'affaire doit être qualifiée comme revêtant un intérêt public au sens de la jurisprudence conventionnelle, le deuxième critère étant également rempli.

Pour ce qui est du rôle de la requérante, celle-ci a formulé sa demande dans le cadre de son activité de journaliste spécialisée dans la chronique judiciaire, les questions de sécurité et le domaine pénitentiaire et travaillant pour un quotidien romand. Il n'y a ainsi pas de doute que ce critère soit aussi réalisé.

Finalement, il n'est pas contesté que la ou les éventuelles amendes sont immédiatement disponibles, figurant au dossier fiscal de la personne concernée.

Par conséquent, les quatre critères de la jurisprudence conventionnelle sont réalisés, de sorte que le refus litigieux doit être qualifié d'ingérence dans la liberté d'expression garantie par l'art. 10 CEDH.

4) Reste à examiner si cette ingérence est admissible.

a L’exercice des libertés prévues par l'art. 10 § 1 CEDH comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l’intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d’autrui, pour empêcher la divulgation d’informations confidentielles ou pour garantir l’autorité et l’impartialité du pouvoir judiciaire (art. 10 § 2 CEDH).

b. Pour être justifiée, une ingérence dans l’exercice du droit à la liberté d’expression doit donc être « prévue par la loi », viser un ou plusieurs des buts légitimes mentionnés à l'art. 10 § 2 CEDH, et être « nécessaire dans une société démocratique » (ACEDH Magyar Helsinki Bizottság c. Hongrie précité, § 181). Les mêmes conditions de restriction ressortent des art. 36 Cst. et 43 Cst-GE.

5) Il convient donc premièrement de regarder si l'éventuelle ingérence dans la liberté d'expression est prévue par la loi.

a. La LIPAD régit l'information relative aux activités des institutions et la protection des données personnelles (art. 1 al. 1 LIPAD). Elle poursuit deux objectifs, soit favoriser la libre formation de l'opinion et la participation à la vie publique (let. a) ainsi que protéger les droits fondamentaux des personnes physiques ou morales de droit privé quant aux données personnelles les concernant (let. b ; art. 1 al. 2 LIPAD).

Elle comporte deux volets. Le premier concerne l'information du public et l'accès aux documents ; il est réglé dans le titre II (art. 5 ss LIPAD). Le second porte sur la protection des données personnelles, dont la réglementation est prévue au titre III (art. 35 ss LIPAD).

La LIPAD s'applique, sous réserve de l'art. 3 al. 3 LIPAD, non pertinent en l'espèce, et de l'art. 3 al. 5 LIPAD, aux institutions publiques visées à l'art. 3 al. 1 LIPAD et aux entités mentionnées à l'art. 3 al. 2 LIPAD. Sont notamment concernées les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire cantonaux, ainsi que leurs administrations et les commissions qui en dépendent (art. 3 al. 1 let. a LIPAD).

b. L'art. 24 LIPAD prévoit que toute personne, physique ou morale, a accès aux documents en possession des institutions, sauf exception prévue ou réservée par la LIPAD (al. 1). L'accès comprend la consultation sur place des documents et l'obtention de copies des documents (al. 2).

Selon l'art. 25 LIPAD, les documents au sens de cette loi sont tous les supports d'information détenus par une institution contenant des renseignements relatifs à l'accomplissement d'une tâche publique (al. 1), à savoir une activité étatique ou paraétatique (MGC 2000 45/VIII 7641 p. 7693). Constituent notamment des documents les messages, rapports, études, procès-verbaux approuvés, statistiques, registres, correspondances, directives, prises de position, préavis ou décisions (al. 2). Pour les informations qui n'existent que sous forme électronique, l'impression qui peut en être obtenue sur support papier par un traitement informatique est un document (al. 3). En revanche, les notes à usage personnel, les brouillons ou autres textes inachevés ainsi que les procès-verbaux encore non approuvés ne constituent pas des documents (al. 4).

La demande d'accès n'est en principe soumise à aucune exigence de forme. Elle n'a pas à être motivée, mais doit contenir des indications suffisantes pour permettre l'identification du document recherché. En cas de besoin, l'institution peut demander qu'elle soit formulée par écrit (art. 28 al. 1 LIPAD).

c. L'art. 27 LIPAD, qui est une concrétisation du principe de la proportionnalité (MGC 2000 45/VIII 7699 ss), prévoit encore que pour autant que cela ne requière pas un travail disproportionné, un accès partiel doit être préféré à un simple refus d'accès à un document dans la mesure où seules certaines données ou parties du document considéré doivent être soustraites à communication, en vertu de l'art. 26 LIPAD (art. 27 al. 1 LIPAD). Les mentions à soustraire au droit d'accès doivent être caviardées de façon qu'elles ne puissent être reconstituées et que le contenu informationnel du document ne s'en trouve pas déformé au point d'induire en erreur sur le sens ou la portée du document (art. 27 al. 2 LIPAD). Lorsque l'obstacle à la communication d'un document a un caractère temporaire, l'accès au document doit être différé jusqu'au terme susceptible d'être précisé plutôt que simplement refusé (art. 27 al. 3 LIPAD). Le caviardage des mentions à soustraire au droit d'accès peut représenter une solution médiane qui doit l'emporter (MGC 2000 45/VIII 7699).

d. L'adoption de la LIPAD a renversé le principe du secret de l'administration pour faire primer celui de la publicité. Toutefois, l'application de la LIPAD n'est pas inconditionnelle. En effet, dans la mesure où elle est applicable, elle ne confère pas un droit d'accès absolu, mais prévoit des exceptions, aux fins notamment de garantir la sphère privée des administrés et de permettre le bon fonctionnement des institutions (ATA/427/2020 du 30 avril 2020 consid. 5 ; MGC 2000/VIII 7641 p. 7694 ; MGC 2001 49/X 9676 p. 9680 ss, 9697 et 9738). L'application des restrictions au droit d'accès implique une juste pesée des intérêts en présence lors de leur mise en œuvre (MGC 2000 45/VIII 7641 p. 7694 ss ; MGC 2001 49/X 9676 p. 9680).

Les exceptions au principe de la publicité sont prévues à l'art. 26 LIPAD. Sont soustraits au droit d'accès les documents à la communication desquels un intérêt public ou privé prépondérant s'oppose (art. 26 al. 1 LIPAD ; art. 7 al. 1 du règlement d'application de la loi sur l'information du public, l'accès aux documents et la protection des données personnelles du 21 décembre 2011 - RIPAD - A 2 08 01). Tel est notamment le cas lorsque l’accès aux documents est propre à rendre inopérantes les restrictions au droit d’accès à des dossiers qu’apportent les lois régissant les procédures judiciaires et administratives (let. e), rendre inopérantes les restrictions légales à la communication de données personnelles à des tiers (let. f), porter atteinte à la sphère privée ou familiale (let. g) ou révéler des informations couvertes par des secrets professionnels, de fabrication ou d’affaires, le secret fiscal, le secret bancaire ou le secret statistique (let. i ; art. 26 al. 2 LIPAD). Est également soustrait au droit d'accès tout document couvert par un autre secret protégé par le droit fédéral, une loi ou un règlement (art. 7 al. 2 let. b RIPAD). Sont également exclus du droit d’accès les documents à la communication desquels le droit fédéral ou une loi cantonale fait obstacle (art. 26 al. 4 LIPAD).

e. L’exception au droit d’accès prévue à l’art. 26 al. 2 let. f LIPAD vise à ce que l’accès aux documents ne rende pas inopérantes les restrictions légales à la communication de données personnelles à des tiers, lesquelles sont prévues à l’art. 39 LIPAD (ATA/576/2017 du 23 mai 2017 consid. 5b).

La communication de données personnelles à une tierce personne de droit privé n’est possible, alternativement, que si une loi ou un règlement le prévoit explicitement (let. a) ou un intérêt privé digne de protection du requérant le justifie sans qu’un intérêt prépondérant des personnes concernées ne s’y oppose (let. b ; art. 39 al. 9 LIPAD).

Par données personnelles ou données, la LIPAD vise toutes les informations se rapportant à une personne physique ou morale de droit privé, identifiée ou identifiable (art. 4 let. a LIPAD). Sont qualifiées de données personnelles sensibles, les données personnelles sur les opinions ou activités religieuses, philosophiques, politiques, syndicales ou culturelles (ch. 1), la santé, la sphère intime ou l'appartenance ethnique (ch. 2), des mesures d'aide sociale (ch. 3) et des poursuites ou sanctions pénales ou administratives (ch. 4 ; art. 4 let. b LIPAD).

f. Les personnes chargées de l’application de la législation fiscale ou qui y collaborent doivent garder le secret sur les faits dont elles ont connaissance dans l’exercice de leur fonction ainsi que sur les délibérations des autorités et refuser aux tiers la consultation des dossiers fiscaux et des rôles ou registres fiscaux (art. 110 al. 1 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11 ; art. 39 al. 1 1ère phr. de la loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 - LHID - RS 642.14 ; art. 11 al. 1 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17). Des renseignements peuvent être communiqués dans la mesure où une base légale de droit fédéral le prévoit expressément (art. 110 al. 2 LIFD). Des renseignements peuvent être communiqués à des tiers, par le DF, uniquement si le contribuable délivre une autorisation écrite, ou si une base légale fédérale ou cantonale le prévoit expressément et que le demandeur fait une requête écrite accompagnée du texte de la disposition légale formelle dont il entend se prévaloir (art. 12 al. 6 LPFisc).

Le secret fiscal est un « secret de fonction qualifié », car sa protection est plus étendue que celle du secret de fonction, en raison de la nature particulière des relations entre le contribuable et l’administration. Les contribuables sont tenus par la loi de révéler leur situation personnelle et financière aux autorités fiscales ; cette obligation constitue une atteinte légale à leur sphère intime et privée. En contrepartie, le secret fiscal les protège en sauvegardant cette sphère vis-à-vis des tiers (Andrea PEDROLI in Yves NOËL/Florence AUBRY GIRARDIN [éd.], Commentaire romand, LIFD, 2ème éd., 2017, n. 2 ad art. 110 et les références citées).

6) En l'espèce, la recourante sollicite l'accès à une ou des amendes infligées par l'autorité fiscale, soit un ou des documents en possession de l'autorité intimée concernant son activité de sanction en matière fiscale, c'est-à-dire une activité étatique. Il s'agit par conséquent d'un ou de documents au sens de l'art. 24 LIPAD, auquel il existe un droit d'accès, sauf exception prévue par la LIPAD.

En vertu de la LIPAD, le secret fiscal constitue une exception au droit d'accès. C'est sur ce point sans succès que la recourante tente d'argumenter qu'une amende fiscale ne serait pas couverte par le secret fiscal en raison de l'absence de contrepartie du contribuable, qui n'aurait dans ce cadre par fourni les informations justifiant l'application du secret fiscal mais aurait au contraire failli à ses obligations, rendant ce dernier inopérant. Il ne fait en effet aucun doute qu'une amende fiscale fait partie du dossier fiscal du contribuable et constitue à ce titre un document couvert par ledit secret.

En l'absence de consentement de M. B______ et de base légale prévoyant expressément leur communication, l'éventuelle ou les éventuelles amendes fiscales, qu'elle ou elles aient été infligées pour l'impôt fédéral ou cantonal, sont soustraites au droit d'accès prévu par la LIPAD, ce qui exclut tant l'accès complet qu'un éventuel accès partiel, avec caviardage.

L'ingérence dans la liberté d'expression de la recourante garantie par la CEDH repose par conséquent sur une base légale et le grief de violation des règles relatives au secret fiscal sera dès lors écarté.

7) Il convient ensuite d'examiner si l'ingérence dans la liberté d'expression repose sur un but légitime.

a. Le secret fiscal a pour objet de protéger les données personnelles ainsi que toute information secrète, soit en particulier les secrets d’affaires et de fabrication. Il a pour but la protection de la personnalité du contribuable et par ce biais l’intérêt de l’autorité à s’assurer la disponibilité du contribuable à coopérer (JAAC 1/2016 du 26 janvier 2016 p. 1-14, p. 6).

b. En l'occurrence, les données personnelles concernées sont celles de M. B______, de sorte que le but légitime est la protection de la sphère privée de ce dernier, ainsi que l'intérêt public au bon fonctionnement du système fiscal, lié à la coopération des contribuables qui ont confiance dans la confidentialité des données qu'ils communiquent à l'autorité fiscale.

L'éventuelle ingérence dans le liberté d'expression de la recourante est ainsi justifiée par des buts légitimes de protection des droits d'autrui et de l'empêchement de la divulgation d'informations confidentielles.

8) Il reste à examiner si l'éventuelle ingérence est nécessaire dans une société démocratique.

a. L’adjectif « nécessaire », au sens de l’article 10 § 2 CEDH, implique un « besoin social impérieux ». Les États contractants jouissent d’une certaine marge d’appréciation pour juger de l’existence d’un tel besoin. Il s'agit d'examiner l’ingérence litigieuse à la lumière de l’ensemble de l’affaire pour déterminer si elle est proportionnée au but légitime poursuivi et si les motifs invoqués pour la justifier apparaissent pertinents et suffisants (ACEDH Magyar Helsinki Bizottság c. Hongrie précité, § 187 et les arrêts cités).

b. La divulgation d’informations relatives à la vie privée d’un individu entre dans le champ d’application de l’art. 8 § 1 CEDH. La notion de « vie privée » est une notion large, non susceptible d’une définition exhaustive, qui recouvre l’intégrité physique et morale de la personne et peut donc englober de multiples aspects de l’identité d’un individu, tels l’identification et l’orientation sexuelle, le nom, ou des éléments se rapportant au droit à l’image. Cette notion comprend les informations personnelles dont un individu peut légitimement attendre qu’elles ne soient pas publiées sans son consentement (ACEDH M.L. et W.W. c. Allemagne du 28 juin 2018, req. nos 60798/10 et 65599/10, § 86). La vie privée peut aussi inclure les activités professionnelles ou commerciales. Il existe une zone d’interaction entre l’individu et des tiers qui, même dans un contexte public, peut relever de la « vie privée » (ACEDH Magyar Helsinki Bizottság c. Hongrie précité, § 191 et les arrêts cités). La protection des données à caractère personnel joue un rôle fondamental pour l'exercice du droit au respect de la vie privée et familiale (ACEDH M.L. et W.W. c. Allemagne précité, § 87).

c. La liberté d’expression constitue l’un des fondements essentiels d’une société démocratique, l’une des conditions primordiales de son progrès et de l’épanouissement de chacun. Sous réserve de l'art. 10 § 2 CEDH, elle vaut non seulement pour les « informations » ou « idées » accueillies avec faveur ou considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent : ainsi le veulent le pluralisme, la tolérance et l’esprit d’ouverture sans lesquels il n’est pas de « société démocratique ». Telle que la consacre l’art. 10 CEDH, la liberté d’expression est assortie d’exceptions qui appellent toutefois une interprétation étroite, et le besoin de la restreindre doit se trouver établi de manière convaincante (ACEDH Von Hannover c. Allemagne [no 2] du 7 février 2012, req. no 60641/08, § 101 ; Editions Plon c. France du 18 mai 2004, req. no 58148/00, § 42 ; Handyside c. Royaume-Uni, 7 décembre 1976, req. no 5493/72, § 49).

La presse joue un rôle essentiel dans une société démocratique. Si la presse ne doit pas franchir certaines limites, concernant notamment la protection de la réputation et des droits d’autrui, il lui incombe néanmoins de communiquer, dans le respect de ses devoirs et de ses responsabilités, des informations et des idées sur toutes les questions d’intérêt général. À sa fonction qui consiste a diffuser des informations et des idées sur de telles questions s’ajoute le droit, pour le public, d’en recevoir. S’il en allait autrement, la presse ne pourrait jouer son rôle indispensable de « chien de garde » (ACEDH Von Hannover c. Allemagne [no 2] précité, § 102 ; Pedersen et Baadsgaard c. Danemark du 17 décembre 2004, req. no 49017/99, § 71 ; Bladet Tromsø et Stensaas c. Norvège du 20 mai 1999, req. no 21980/93, §§ 59 et 62).

d. Les requêtes comme celles du cas d’espèce appellent un examen du juste équilibre à ménager entre la liberté d’expression d'une journaliste travaillant pour la presse écrite, garantie par l’art. 10 CEDH, et le droit au respect de la vie privée de la personne concernée, garantie par l’art. 8 CEDH. Pour cette mise en balance, différents critères doivent être pris en considération.

Un premier élément essentiel est la contribution que la parution d’articles dans la presse apporte à un débat d’intérêt général. La définition de ce qui fait l’objet de l’intérêt général dépend des circonstances de l’affaire (ACEDH Von Hannover c. Allemagne [no 2] précité, § 109 et les références citées). La CourEDH a reconnu l’existence d’un tel intérêt non seulement lorsque la publication portait sur des questions politiques ou sur des crimes commis (ACEDH Egeland et Hanseid c. Norvège du 16 avril 2009, req. no 34438/04, § 58 ; Leempoel & S.A. ED. c. Belgique du 9 novembre 2006, req. no 64772/01, § 72 ; White c. Suède du 19 septembre 2006, req. no 42435/02, § 29), mais également lorsqu’elle concernait des questions relatives au sport ou aux artistes de scène (ACEDH Sapan c. Turquie du 8 juin 2010, req. no 44102/04, § 34 ; Colaço Mestre et SIC – Sociedade Independente de Comunicação, S.A. c. Portugal du 26 avril 2007, req. nos 11182/03 et 11319/03, § 28 ; Nikowitz et Verlagsgruppe News GmbH c. Autriche du 22 février 2007, req. no 5266/03, § 25). En revanche, les éventuels problèmes conjugaux d’un président de la République ou les difficultés financières d’un chanteur célèbre n’ont pas été considérés comme relevant d’un débat d’intérêt général (ACEDH Standard Verlags GmbH c. Autriche [no 2] du 4 juin 2009, req. n21277/05, § 52 ; Hachette Filipacchi Associés [ICI PARIS] c. France du 23 juillet 2009, req. no 12268/03, § 43).

Le rôle ou la fonction de la personne visée et la nature des activités faisant l’objet du reportage constituent un autre critère important, en lien avec le précédent. À cet égard, il y a lieu de distinguer entre des personnes privées et des personnes agissant dans un contexte public, en tant que personnalités politiques ou personnes publiques. Ainsi, alors qu’une personne privée inconnue du public peut prétendre à une protection particulière de son droit à la vie privée, il n’en va pas de même des personnes publiques. On ne saurait en effet assimiler un reportage relatant des faits susceptibles de contribuer à un débat dans une société démocratique, au sujet de personnalités politiques dans l’exercice de leurs fonctions officielles par exemple, à un reportage sur les détails de la vie privée d’une personne ne remplissant pas de telles fonctions (ACEDH Von Hannover c. Allemagne [no 2] précité, § 110 et les arrêts cités).

Le comportement de la personne concernée avant la publication du reportage ou le fait que les informations y afférentes ont déjà fait l’objet d’une publication auparavant constituent également des éléments à prendre en compte (ACEDH Hachette Filipacchi Associés [ICI PARIS] c. France précité, §§ 52-53 ; Sapan c. Turquie précité, § 34).

La façon dont le reportage est publié et la manière dont la personne visée est représentée peuvent également entrer en ligne de compte. De même, l’ampleur de la diffusion du reportage peut, elle aussi, revêtir une importance, selon qu’il s’agit d’un journal à tirage national ou local, important ou faible (ACEDH Von Hannover c. Allemagne [no 2] précité, § 112 et les arrêts cités).

9) En l'espèce, comme vu précédemment, les données auxquelles la recourante demande l'accès concernent une personnalité politique, l'appelé en cause. Celui-ci exerçait au moment de la requête une charge officielle au sein de l'exécutif cantonal. Au moment du recours, il continuait à supporter cette charge, même s'il n'était plus titulaire d'aucun département, et avait présenté sa démission, cependant uniquement avec effet au jour de la prestation de serment de la personne lui succédant. Il se présentait par ailleurs pour sa réélection, de sorte qu'il était en campagne pour celle-ci. Depuis le dépôt du recours, l'appelé en cause n'a pas été réélu. Il n'exerce donc aujourd'hui plus de charge officielle, ayant rejoint le secteur privé, même s'il est susceptible de se réengager politiquement et demeure en tout état un personnage connu du public. Les informations demandées se rapportent néanmoins à ses agissements alors qu'il était encore une personne engagée politiquement, entre 2013 et 2018, selon les articles de presse au dossier. Elles concernent par ailleurs des informations en lien, selon les mêmes articles de journaux, avec la déduction de cotisations à son parti, et donc liées à son activité politique. Les informations sollicitées se rapportent ainsi à un comportement susceptible de contribuer au débat sur la probité de l'appelé en cause en tant que personnage officiel, débat qui revêt un intérêt général, même après la fin du mandat de l'appelé en cause.

Néanmoins, les informations en cause ont trait au dossier fiscal de ce dernier, soit une ou des éventuelles sanctions prononcées pour des faits relatés par la presse comme des déductions déclarées sans droit, et sont en cette qualité couvertes par le secret fiscal, comme vu précédemment. Il s'agit donc de données que les législateurs tant fédéral que cantonal ont considérées comme étant par nature non soumises au principe de la transparence, le secret fiscal ainsi que la protection de la sphère privée et de la personnalité devant dans tous les cas être considérés comme prépondérants au regard du droit interne (arrêt du Tribunal fédéral 1C_598/2014 du 18 avril 2016 consid. 4.3). Doit par ailleurs également être pris en compte, comme l'a souligné l'autorité intimée dans ses écritures, l'intérêt public au respect du secret fiscal, nécessaire pour préserver la confiance des contribuables dans les autorités fiscales et ainsi le système fiscal, dont le bon fonctionnement repose sur la collaboration desdits contribuables.

À cela s'ajoute que les principaux faits allégués à l'encontre de l'appelé en cause ont déjà été relayés par la presse, notamment dans les articles versés à la procédure, en particulier ceux parus dans le quotidien pour lequel travaille la recourante, quotidien de portée régionale, soit la Suisse romande. L'existence d'une sanction ressort également de la presse, vu les deux articles rapportant les propos en ce sens de l'avocat de l'appelé en cause figurant au dossier. La contribution au débat public qu'apporterait l'accès aux documents demandés serait ainsi principalement la qualification des faits et de la faute ainsi que la quotité exacte de la ou des sanctions, seuls éléments inconnus du public et susceptibles de l'intéresser. Or, ces informations ressortissent par essence au cœur du secret fiscal, auquel la prépondérance a été accordée par les législateurs cantonal et fédéral, et, vu les éléments déjà publiés, ne sont pas nécessaires pour comprendre les faits allégués à l'encontre de l'intéressé et se faire une opinion sur sa probité.

Au vu de ce qui précède, l'ingérence dans la liberté d'expression de la recourante doit également être considérée comme nécessaire dans une société démocratique. Le grief de violation de l'art. 10 CEDH sera dès lors écarté.

Dans ces circonstances, la décision de l'autorité intimée est conforme au droit et le recours à son encontre, mal fondé, sera rejeté.

10) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA), et il ne sera pas alloué d'indemnité de procédure, l'appelé en cause n'ayant pas exposé de frais pour sa défense (art. 87 al. 2 LPA).

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 17 décembre 2020 par Madame A______ contre la décision du département des finances et des ressources humaines du 27 novembre 2020 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 500.- à la charge de Madame A______ ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Éric Maugué, avocat de la recourante, à Monsieur B______, appelé en cause, au département des finances et des ressources humaines ainsi qu'au préposé cantonal à la protection des données et à la transparence.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Krauskopf, M. Verniory, Mme McGregor, M. Mascotto, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :