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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1877/2021

ATA/1091/2021 du 19.10.2021 ( FPUBL ) , IRRECEVABLE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1877/2021-FPUBL ATA/1091/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 19 octobre 2021

 

dans la cause

 

M. A______
représenté par Me Nicolas Hervieu-Causse, avocat

contre

HÔPITAUX UNIVERSITAIRES DE GENÈVE
représenté par Me Véronique Meichtry, avocate



EN FAIT

1) M. A______ a été engagé en qualité d’infirmier en soins généraux par les Hôpitaux Universitaires de Genève (ci-après : HUG) avec effet au ______ 1998.

2) Dès le 1er janvier 2000, M. A______ a été transféré aux blocs opératoires centraux dépendant du département de chirurgie des HUG. À la même date, il a commencé une formation d’infirmier de salle d’opération.

3) Par arrêté de nomination du 5 octobre 2001, M. A______ a été nommé fonctionnaire des HUG dès le 1er novembre 2001 à la fonction d’infirmier en soins généraux du département de chirurgie, blocs opératoires.

4) Le 24 août 2012, M. A______ a été promu en qualité de responsable d’unité dès le 1er septembre 2012 au sein du service du bloc opératoire B______, rattaché à la direction des services communs des HUG.

Dès le 1er mars 2014, M. A______ a été nommé à la fonction de responsable du bloc de chirurgie ambulatoire sans modification de ses conditions salariales.

5) À partir du 28 septembre 2016, M. A______ a été promu infirmier responsable 2 avec un traitement mensuel brut correspondant à la classe 19 annuité 9.

6) Par courrier du 10 janvier 2018, le directeur des ressources humaines
(ci-après : RH) des HUG a informé M. A______ d’un rapport rendu par le groupe de protection de la personnalité concernant la plainte déposée à son encontre par un aide de salle. Selon ce courrier, certains comportements de M. A______ étaient inadéquats même s’ils ne constituaient pas un harcèlement tel que défini par l’art. 3 al. 1 du règlement des HUG sur la protection de la personnalité.

7) Dès le 1er avril 2020, M. A______ a été promu en qualité d’adjoint du responsable des blocs opératoires, M. C______. Cette promotion était faite à titre d’essai pour une période de vingt-quatre mois, une évaluation des prestations étant fixée au mois d’avril 2022.

8) Le 7 avril 2021, Mme D______, responsable des ressources humaines (ci-après : RH) des HUG a reçu une lettre signée par « les aides de salle des blocs » relatant un harcèlement de la part des supérieurs, MM. C______ et A______, nuisant au fonctionnement du bloc et au bien-être des collaborateurs.

Suite à l’audition de plusieurs personnes par Mme D______, certaines d’entre elles ont rédigé des témoignages écrits relatant l’attitude inadéquate de MM. C______ et A______. Parmi ces personnes, se trouvaient l’assistante de M. C______, quatre infirmières responsables d’unité au sein des blocs opératoires, le collègue direct de M. A______ qui occupe la même fonction que celui-ci, un infirmier diplômé des blocs opératoires et une aide de salle d’opération. Selon ces témoignages, MM. C______ et A______ tenaient souvent des propos déplacés, humiliants et blessants, notamment sexistes. Certains de ces témoins relataient des craintes de répercussion sur leur carrière, des craintes de représailles et le fait de venir au travail avec « la boule au ventre » suite aux réflexions que MM. C______ et A______ leur avaient tenues. Tous relevaient la difficulté de garder la motivation au travail suite à des comportements de la part des cadres. Ces comportements étaient décrits comme discriminatoires, intimidatoires, de mobbing, empreints de favoritisme et d’hyper-contrôle.

9) Par courrier du 20 mai 2021 remis en mains propres à M. A______, le président du conseil d’administration des HUG, eu égard à la gravité des faits dénoncés, a ordonné sa suspension à titre provisionnel avec maintien des droits au salaire. Cette décision annonçait l’ouverture d’une enquête administrative, de sorte qu’il était rappelé à M. A______ de s’abstenir de prendre contact avec les personnes pouvant être concernées par cette enquête. Cette décision était déclarée exécutoire nonobstant recours et a été reçue en mains propres par M. A______ le jour même.

10) Par acte déposé à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) le 31 mai 2021, M. A______ a recouru contre cette décision. Il a conclu à titre de mesures provisionnelles, à être immédiatement réintégré à son poste d’adjoint responsable des blocs opératoires. Il invoquait que le fait de ne pas exercer sa fonction plusieurs mois d’affilée en raison de la procédure nuirait gravement à la suite de sa carrière ainsi qu’à sa santé psychique. Au fond, il concluait à l’annulation de la décision du 20 mai 2021.

11) Par décision du 28 juin 2021 sur mesures provisionnelles, la présidente de la chambre administrative a rejeté la requête.

12) Dans leur mémoire de réponse du 2 juillet 2021, les HUG ont conclu à ce que la chambre administrative constate l’irrecevabilité du recours de M. A______, voire à ce qu’elle constate que le recours était devenu sans objet.

En effet, le 3 juin 2021, les HUG avaient pris une nouvelle décision qui avait pour objet l’ouverture d’une enquête administrative et maintenait la suspension provisoire de M. A______. Cette décision avait été reçue par le conseil de M. A______ qui n’avait pas fait recours. Dès lors, cette décision se substituait à celle du 20 mai 2021 rendant le recours sans objet. Au fond, les HUG concluaient au rejet du recours.

13) Par courrier du 5 octobre 2021, M. A______ a demandé la suspension de la procédure dans l’attente du résultat de l’enquête administrative.

Par courrier du 4 octobre 2021, les HUG s’y sont opposés vu que la procédure en cours soulevait des questions de recevabilité qui pouvaient être tranchées sans attendre l’issue de l’enquête administrative.

14) La cause a été gardée à juger le 7 octobre 2021.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable sur ce point (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) L’objet du litige est la décision incidente de suspension des relations de travail du recourant du 20 mai 2021 avec maintien de son traitement.

a. Selon l'art. 57 let. c LPA, les décisions incidentes peuvent faire l'objet d'un recours si elles risquent de causer un préjudice irréparable. Selon la même disposition in fine, elles peuvent également faire l'objet d'un tel recours si cela conduisait immédiatement à une solution qui éviterait une procédure probatoire longue et coûteuse.

b. L'art. 57 let. c LPA a la même teneur que l'art. 93 al. 1 let. a et b de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110). Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, le préjudice irréparable suppose que le recourant ait un intérêt digne de protection à ce que la décision attaquée soit immédiatement annulée ou modifiée (ATF 127 II 132 consid. 2a ; 126 V 244 consid. 2c ; 125 II 613 consid. 2a ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, p. 432 n. 1265). Un préjudice est irréparable lorsqu'il ne peut être ultérieurement réparé par une décision finale entièrement favorable au recourant (ATF 138 III 46 consid. 1.2 ; 134 III 188 consid. 2.1 et 2.2 ; 133 II 629 consid. 2.3.1). Un intérêt économique ou un intérêt tiré du principe de l'économie de la procédure peut constituer un tel préjudice (ATF 127 II 132 consid. 2a ; 126 V 244 consid. 2c ; 125 II 613 consid. 2a). Le simple fait d'avoir à subir une procédure et les inconvénients qui y sont liés ne constitue toutefois pas en soi un préjudice irréparable (ATF 133 IV 139 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_149/2008 du 12 août 2008 consid. 2.1 ; ATA/305/2009 du 23 juin 2009 consid. 2b et 5b et les références citées). Un dommage de pur fait, tel que la prolongation de la procédure ou un accroissement des frais de celle-ci, n'est notamment pas considéré comme un dommage irréparable de ce point de vue (ATF 133 IV 139 précité consid. 4 ; 131 I 57 consid. 1 ; 129 III 107 consid. 1.2.1).

c. La chambre administrative a précisé à plusieurs reprises que l'art. 57
let. c LPA devait être interprété à la lumière de ces principes (ATA/1622/2017 du 19 décembre 2017 consid. 4c et les arrêts cités ; cette interprétation est critiquée par certains auteurs qui l'estiment trop restrictive : Stéphane GRODECKI/ Romain JORDAN, Questions choisies de procédure administrative, SJ 2014 II p. 458 ss).

d. Lorsqu'il n'est pas évident que le recourant soit exposé à un préjudice irréparable, il lui incombe d'expliquer dans son recours en quoi il serait exposé à un tel préjudice et de démontrer ainsi que les conditions de recevabilité de son recours sont réunies (ATF 136 IV 92 consid. 4 ; ATA/1622/2017 précité consid. 4d ; ATA/1217/2015 du 10 novembre 2015 consid. 2d).

3) En l’espèce, le recourant prétend que la décision querellée pouvait nuire à sa carrière.

S’applique au présent litige la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05).

Les art. 27 ss LPAC traitent de la procédure pour sanctions disciplinaires. Selon l’art. 27 LPAC, le Conseil d’État, la commission de gestion du pouvoir judiciaire ou le conseil d’administration peuvent en tout temps ordonner l’ouverture d’une enquête administrative et informer l’intéressé de l’ouverture de cette enquête.

Selon l’art. 28 LPAC, dans l’attente du résultat de cette enquête, le Conseil d’État, la commission de gestion du pouvoir judiciaire ou le conseil d’administration peuvent suspendre provisoirement un membre du personnel auquel il est reproché une faute de nature à compromettre la confiance ou l’autorité qu’implique l’exercice de sa fonction. Au sein de l’établissement, le président du conseil d’administration peut procéder, à titre provisionnel et sans délai, à la suspension de l’intéressé.

À l’issue de l’enquête administrative, il est veillé à ce que l’intéressé ne subisse aucun préjudice réel autre que celui qui découle de la décision finale (art. 28 al. 4 LPAC).

4) En l’espèce, une première décision datant du 20 mai 2021 a ordonné la suspension du recourant, mais son droit au salaire étant maintenu durant cette période. Le conseil d’administration des HUG a annoncé l’ouverture d’une enquête administrative qu’il a finalement ordonnée par arrêté du 31 mai 2021. Une deuxième décision du 3 juin 2021 a été dès lors notifiée à l’intéressé annonçant cette enquête et maintenant la suspension provisoire. Aucun recours n’ayant été interjeté contre la décision du 3 juin 2021, la présente cause concerne uniquement la décision du 20 mai 2021. Cette décision n’a pas été rendue sans objet par la suivante, qui s’est limitée à maintenir la suspension provisoire du recourant. Dès lors, la cause n’est pas devenue sans objet.

5) En l'espèce, l'admission du recours ne conduirait pas à une décision finale permettant d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse ; le recourant ne le soutient d'ailleurs pas. Seule l'existence d'un préjudice difficilement réparable engendré par la décision querellée permettrait d'admettre la recevabilité du recours.

Selon la jurisprudence de la chambre de céans, le fait que le membre du personnel conserve son traitement pendant sa libération de l'obligation de travailler exclut une quelconque atteinte à ses intérêts économiques (ATA/184/2020 du 18 février 2020 consid. 4 ; ATA/231/2017 du 22 février 2017 consid. 4).

De jurisprudence constante, s'agissant de l'atteinte à la réputation et à l'avenir professionnel de l’intéressé, une décision de libération de l'obligation de travailler n'est en soi pas susceptible de causer un préjudice irréparable puisqu'une décision finale entièrement favorable au recourant permettrait de la réparer (ATA/184/2020 précité consid. 4 ; ATA/1020/2018 du 2 octobre 2018 consid. 4b ; ATA/231/2017 précité consid. 5).

L'ouverture d'une enquête administrative n'engendre pas davantage un préjudice irréparable, dès lors qu'une décision finale suite à l'enquête administrative, dans l'hypothèse où elle serait entièrement favorable au recourant, permettrait de réparer une éventuelle atteinte, notamment à sa personnalité (ATA/1018/2018 du 2 octobre 2018 consid. 11a).

Dès lors, les conditions de recevabilité d’un recours contre une décision incidente ne sont pas remplies en l’espèce.

6) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 800.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

déclare irrecevable le recours interjeté le 31 mai 2021 par M. A______ contre la décision des Hôpitaux Universitaires de Genève du 20 mai 2021 ;

met à la charge de M. A______ un émolument de CHF 800.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s’il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n’est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Nicolas Hervieu-Causse, avocat du recourant, ainsi qu'à Me Véronique Meichtry, avocate des Hôpitaux Universitaires de Genève.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Krauskopf, MM. Verniory et Mascotto, Mme Tombesi, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

la greffière :