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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2557/2020

ATA/1026/2020 du 13.10.2020 ( FORMA ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2557/2020-FORMA ATA/1026/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 13 octobre 2020

1ère section

 

dans la cause

 

Monsieur A______

contre

DÉPARTEMENT DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE, DE LA FORMATION ET DE LA JEUNESSE



EN FAIT

1) Monsieur A______ est né le ______ 2000.

Il a terminé sa formation obligatoire au cycle d'orientation (ci-après : CO) en juin 2016.

2) En août 2016, il a commencé une formation gymnasiale au Collège Calvin (ci-après : le collège).

3) En juin 2017, M. A______ n'était pas promu. Il avait une moyenne générale de 4.0, six disciplines insuffisantes et une somme des écarts négatifs à la moyenne de 1.6.

Il a été autorisé à redoubler sa première année.

4) a. Selon une attestation du 25 avril 2018 du Docteur B______, médecin adjoint agrégé auprès des Hôpitaux universitaires de Genève, (ci-après : HUG), responsable de l'unité du trouble de la régulation émotionnelle, M. A______ présentait un trouble du déficit de l'attention - hyperactivité
(ci-après : TDA-H) se caractérisant par d'importantes difficultés attentionnelles, de distractibilité, de planification et gestion des tâches complexes, en particulier la gestion des devoirs ainsi que des épreuves engendrant une difficulté à gérer les stress relatifs à la passation d'examens.

Il était souhaitable que son patient puisse bénéficier des mesures DYS, l'intéressé étant pénalisé de la même manière que les patients souffrant de dyslexie, dysorthographie ou dyscalculie, sur les devoirs ou les activités requérant un effort mental soutenu.

b. Le 11 mai 2018, le collège a confirmé que M. A______ serait mis au bénéfice de mesures d'aménagement scolaire.

5) En juin 2018, M. A______ a été promu par tolérance en deuxième année, avec une moyenne générale de 4.5, une discipline insuffisante (français) et une somme des écarts négatifs à la moyenne de 0.6.

6) En juin 2019, M. A______ a été promu par tolérance en troisième année, avec une moyenne générale de 4.4, deux disciplines insuffisantes (italien et anglais), une somme des écarts négatifs à la moyenne de 0.5 et un total en français, langues étrangères, mathématiques et option spécifique (ci-après : total FR/LE/MA/OS) de 16.8.

7) À la fin du premier semestre de l'année scolaire 2019 - 2020, M. A______ n'était pas promu. Sa moyenne générale était de 4.0. Il avait quatre disciplines insuffisantes (3.6 en français ; 2.8 en anglais ; 3.6 en mathématiques ; 3.3 en histoire), la somme des écarts négatifs à la moyenne se montait à 2.7 et le total FR/LE/MA/OS était de 15.0.

8) a. Par certificat du 22 janvier 2020, le Dr. B______ a souhaité que son patient puisse passer, dans la mesure du possible, une partie de ses examens, voire la totalité, par oral.

M. A______ souffrait, en sus du TDA-H, d'un trouble du spectre autistique qui « se manifestait par un raisonnement extrêmement logique au détriment d'un raisonnement plus créatif ; ceci allait notablement être mis à mal lorsqu'il lui serait demandé de développer, par écrit, une pensée relativement abstraite, comme par exemple de mettre en oeuvre une pensée du 2ème degré ». Le médecin développait les raisons, médicales, fondant sa requête.

b. Dès la connaissance des besoins de M. A______, la direction du collège a entrepris les démarches nécessaires afin de mettre en place les aménagements requis.

9) Les cours en présentiel ont été suspendus dès le lundi 16 mars 2020 en raison de la pandémie de Covid-19.

10) Par courrier du 16 mai 2020, M. A______ a sollicité une dérogation pour passer en quatrième année. Les notes obtenues lors des épreuves semestrielles de la fin du premier semestre avaient accentué l'écart à la moyenne qui était pourtant proche des normes de promotion juste avant ses examens. Lors desdites épreuves semestrielles, le stress lié à ses troubles l'avait énormément pénalisé. Il éprouvait une grande difficulté à retranscrire ses connaissances sur une épreuve écrite. Ses notes ne reflétaient pas son implication totale dans son travail, reconnu par l'ensemble de ses professeurs. Or, il venait d'être décidé que, pour pallier ces difficultés, la méthode d'évaluation de ses examens serait changée au deuxième semestre, la moitié de ceux-ci devant s'effectuer sous forme orale, comme le permettait le règlement. Une telle modification lui permettrait d'obtenir des notes plus proches de ses capacités et récompenserait les efforts effectués tout au long de l'année. La pandémie le mettait en conséquence dans une position délicate pour un passage en quatrième année. Il insistait sur sa motivation et l'impérieuse nécessité de passer sa maturité.

11) Le 9 juin 2020, la direction du collège a refusé d'admettre M. A______ par dérogation en quatrième année. Il était autorisé à redoubler sa troisième année.

Selon son bulletin scolaire, l'ensemble de ses professeurs louait son investissement, sa participation régulière et son travail de tous les instants. Il était dommageable qu'il n'ait pas pu être évalué selon les nouveaux aménagements décidés au mois de janvier 2020. Toutefois, en l'état, ses résultats paraissaient encore trop faibles pour lui permettre de passer sereinement en quatrième année. Même si un redoublement ne lui paraissait pas utile dans toutes les disciplines, il lui était conseillé d'en profiter pour asseoir ses connaissances, terminer son travail de maturité, s'investir dans les branches du total FR-LE-MA-OS et prendre confiance en lui grâce aux bons résultats qu'il devrait obtenir. Il avait jusqu'ici montré une attitude irréprochable et ne devait pas se décourager.

12) M. A______ a interjeté recours contre la décision précitée auprès de la direction générale de l'enseignement secondaire II (ci-après : DGES) du département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse (ci-après : DIP) le 1er juillet 2020.

Il produisait un certificat du 23 juin 2020 du Dr B______. Celui-ci avait pris note de la décision du collège. Connaissant M. A______ de longue date, il considérait qu'il était préjudiciable de ne pas le faire passer en quatrième année. Le faire redoubler pourrait péjorer sa confiance et le mettre dans une situation d'échec, de laquelle il aurait de la peine à sortir. Les tests effectués dans l'unité de trouble de régulation émotionnelle montraient que M. A______ avait toutes les compétences intellectuelles requises pour réussir son année, en particulier si des aménagements prenant en compte ses difficultés étaient mis en place. « Par conséquence, d'un point de vue médical, je vous serais très reconnaissant de bien vouloir reconsidérer votre position et de permettre à M. A______ de pouvoir passer son année et de lui permettre ainsi de reprendre confiance en lui ».

13) Par décision du 14 août 2020, la DGES a rejeté le recours.

La dérogation n'était pas un droit et l'écart aux normes de promotion était important. M. A______ cumulait trois causes d'échec, à savoir quatre disciplines insuffisantes au lieu des trois tolérées, un écart négatif de 2.7 au lieu de 1.0 admis et le total FR-LE-MA-OS de 15 au lieu du 16 requis.

Il présentait des fragilités depuis le début de son parcours gymnasial, et la matière enseignée nécessitait d'être consolidée avant un passage en quatrième année. Il avait fait preuve de détermination tout au long de son parcours scolaire, d'assiduité et d'implication pendant la période de l'enseignement en ligne. Il avait par ailleurs pris des répétiteurs pendant l'été afin de consolider ses acquis. Toutefois, cela ne suffisait pas à poser un pronostic de réussite de la quatrième année compte tenu des lacunes accumulées durant le premier semestre, notamment en français, en anglais et en mathématiques, qui étaient des disciplines fondamentales et comptant dans le total de 16, tout en rappelant que les examens de maturité portaient sur le programme de troisième et quatrième années. La direction du collège regrettait que les mesures d'aménagement dans le cadre scolaire n'aient été demandées que tardivement, soit à la fin du premier semestre en janvier 2020. Le redoublement qu'il lui était accordé était lié à la situation de pandémie, un élève ne pouvant, en temps normal, bénéficier du redoublement qu'une seule fois dans son parcours gymnasial.

14) Par acte du 27 août 2020, M. A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision susmentionnée. Il a conclu à son annulation et à sa promotion en quatrième année.

Son TDA-H n'avait été diagnostiqué qu'en avril 2018, et son trouble du spectre autistique en janvier 2020. L'analyse du DIP était essentiellement basée sur des notes à l'écrit. Il était évident que, sous cet angle, il pouvait sembler qu'il avait des fragilités. Il vivait comme une « double peine le fait que les troubles aient été diagnostiqués très tardivement, ce qui prétéritait son parcours scolaire ». Son professeur principal et la doyenne responsable des élèves DYS n'avaient pas réussi à lui expliquer clairement les raisons de la proposition du redoublement. Ils préjugeaient d'un échec futur tout en louant son travail et en lui ayant conseillé de moins travailler. La décision du DIP passait sous silence le certificat du Dr B______. Un redoublement, paradoxalement, ne contribuerait pas à une prise de confiance en ses compétences.

15) La DGES a conclu au rejet du recours.

Une promotion par dérogation ne pouvait être accordée que lorsque deux conditions cumulatives étaient réalisées. En l'espèce, s'agissant de la première condition, les résultats insuffisants obtenus par le recourant représentaient un écart trop important aux normes de promotion pour qu'une dérogation puisse être envisagée.

Depuis le début du second semestre jusqu'au 13 mars 2020, les enseignants n'avaient pas relevé de réelle progression. Ils précisaient toutefois que, malgré certains outils d'analyse acquis, le recourant cumulait certains aspects d'analyse qu'il ne maîtrisait pas et ce, même à l'oral. Il peinait à identifier ce qu'on lui demandait, n'était pas toujours cohérent dans ses propos, n'arrivait pas à développer un raisonnement construit et s'intéressait aux sujets qui le passionnaient, mais délaissait souvent les autres. Les résultats scolaires obtenus jusqu'au 13 mars 2020 étaient supérieurs à ceux du premier semestre en chimie, en éducation physique et en anglais, passant respectivement de 4.5 à 5, de 4.5 à 5.1 et de 2.8 à 3.4. Ces résultats avaient toutefois baissé dans trois disciplines, à savoir en français (de 3.6 à 3), en mathématiques (de 3.6 à 3.5) et en physique (de 5.1 à 4.5). La progression ne pouvait être qualifiée de « globale et significative » dans la mesure où elle ne concernait que trois disciplines dont l'une, l'anglais, était encore largement en-dessous de la moyenne.

S'agissant des circonstances ayant entraîné l'échec, il était certain que le fait que les aménagements mis en place n'aient pas pu être appliqués en raison de la crise sanitaire avait influencé les notes de troisième année. Ceci ne permettait toutefois pas de renverser le pronostic de réussite favorable, étant donné que la non promotion découlait avant tout des fragilités et lacunes accumulées au long du parcours gymnasial.

16) Dans sa réplique, M. A______ a persisté dans ses conclusions.

Il s'étonnait des propos mis dans la bouche de ses enseignants. Jamais ceux-ci ne lui avaient adressé des critiques de ce type. Il sollicitait la possibilité de consulter le document auquel se référait l'autorité intimée. De nombreux camarades avaient été promus alors que leurs résultats étaient loin des normes de promotion. Son sentiment d'injustice était amplifié par le fait que ceux-ci n'étaient pas pénalisés par des troubles tels que ceux qu'il supportait. La DGES n'avait pas tenu compte de ses difficultés évoquées dans les certificats médicaux.

17) Une audience de comparution personnelle et d'enquêtes s'est tenue le 8 octobre 2020.

a. M. A______ avait commencé en 3ème année. Il avait obtenu un 4.5 en économie, qui était pourtant une matière où il était compétent, ce qui l'avait déçu. Il avait le sentiment que ce qu'avait prédit le Dr B______ se confirmait : sa motivation avait diminué. Il était isolé et n'avait plus le bénéfice de son groupe habituel d'amis pour travailler. Il avait obtenu un 3.5 en français et avait perdu l'entier du 1.5 point accordé pour l'orthographe/ponctuation/syntaxe. Les évaluations par oral avaient été mises en place. Il avait ainsi passé la veille un examen en philosophie qui s'était, de son point de vue, bien déroulé. Il persistait dans son souhait de passer en 4ème.

b. La représentante du département a précisé que tant le conseil de classe que le conseil de direction avaient eu lieu en mai 2020. Selon les enseignants, il existait des lacunes, indépendamment du type d'évaluations et de l'absence des mesures DYS avant 2018.

c. La mère de l'étudiant a précisé avoir rencontré les enseignants de son fils à la fin du premier semestre. Tous lui avaient confirmé que les connaissances nécessaires étaient acquises, mais que le problème consistait dans la restitution de celles-ci à l'écrit, certains mots étant omis lors de la rédaction, notamment en anglais, ou à cause de fautes d'inattention lors, par exemple, de reports de résultats mathématiques d'une ligne à l'autre pour poursuivre un raisonnement. Le diagnostic qui venait d'être posé leur facilitait toutefois la compréhension du mode de fonctionnement de son fils.

d. Le Dr B______ suivait M. A______ depuis quelques années. Il confirmait la teneur de ses trois attestations. Depuis la rentrée scolaire 2020, M. A______ était plus stressé, plus angoissé et démotivé. Il présentait deux pathologies. Les troubles de l'attention et de la concentration impliquaient qu'il avait de la peine à « rentrer » et à se concentrer dans ses tâches. Il souffrait aussi d'un trouble du spectre autistique en raison duquel il avait de la peine à comprendre les consignes. « Ce n'était pas qu'il ne savait pas répondre, mais il ne voyait pas l'intérêt de le faire ». Sans demande explicite de faire des développements, il n'y procédait pas, raison pour laquelle les évaluations orales permettaient de mieux apprécier ses compétences. L'entier des résultats scolaires méritait en conséquence d'être nuancé, « car ce n'[était] clairement pas le reflet de ses connaissances ». M. A______ était conscient qu'il possédait les acquis nécessaires, ce qui accentuait son sentiment d'injustice par rapport à son redoublement. La question consistait à savoir si l'État lui donnait les moyens de pouvoir être évalué compte tenu de ses troubles. Si oui, l'étudiant devait passer en 4ème. Si non, il était probable que ses notes resteraient insuffisantes qu'il soit en 3ème ou en 4ème. Il était choquant qu'il doive redoubler alors qu'il n'avait pas pu bénéficier de moyens d'évaluation adéquats l'an dernier.

e. À l'issue de l'audience, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 40 du règlement de l'enseignement secondaire II et tertiaire B du 29 juin 2016 - REST - C 1 10.31 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Selon l'art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). Les juridictions administratives n'ont pas la compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée dans le cas d'espèce.

3) a. L'art. 29 REST indique que les conditions de promotion sont déterminées par les règlements de chaque filière (al. 1). Il précise que l'orientation des élèves constitue une part importante de la mission de l'école et, dans cette optique, lors de l'analyse de l'octroi d'une promotion par dérogation ou d'un redoublement ou lors d'une réorientation, il doit être tenu compte des aptitudes de l'élève à mener à bien son projet de formation (al. 2). Sont également prises en considération les circonstances ayant entraîné l'échec, les progrès accomplis, la fréquentation régulière des cours et le comportement de l'élève (al. 3).

b. Aux termes de l'art. 28 du règlement relatif à la formation gymnasiale au collège de Genève du 29 juin 2016 (RGymCG - C 1 10.71), est promu l'élève qui obtient la note annuelle de 4.0 au moins pour chacune des disciplines d'enseignement suivies (al. 1).

Est promu par tolérance l'élève dont les résultats satisfont aux conditions suivantes :

a) la moyenne générale est égale ou supérieure à 4.0 ;

b) en option spécifique, la note est égale ou supérieure à 4.0 ;

c) la somme des écarts à 4.0 des notes insuffisantes (au maximum 3 notes) ne doit pas dépasser 1.0 ;

d) un total minimal de 16.0 est obtenu pour les disciplines suivantes : français, moyenne entre langue 2 et langue 3, mathématiques et option spécifique (ci-après : total FR-LE-MA-OS).

Restent réservées les dispositions concernant la promotion par dérogation, définies dans le REST.

c. La direction d'un établissement, sur proposition de la conférence des maîtres de la classe ou du groupe ou, dans des cas exceptionnels, de sa propre initiative, peut accorder la promotion à des élèves qui ne remplissent pas complètement les conditions de promotion et qui semblent présenter les aptitudes nécessaires pour suivre l'enseignement de l'année suivante avec succès (art. 30
al. 1 REST). Un élève ne peut pas bénéficier de cette mesure plus d'une fois par filière (art. 30 al. 2 REST). Un élève ne peut bénéficier d'une dérogation à l'issue d'une année répétée (art. 30 al. 3 REST).

d. La promotion par dérogation, prévue par l'art. 30 al. 1 REST, prévoit deux conditions, la première étant que l'élève ne remplisse pas complètement les conditions de promotion.

Selon la jurisprudence de la chambre de céans, un écart à la moyenne de 1.2 n'est pas de peu d'importance puisqu'il dépasse de 20 % le maximum de l'écart négatif autorisant d'entrer en matière sur une promotion par tolérance (ATA/776/2016 du 13 septembre 2016 concernant l'ancienne version de la disposition non modifiée sur ce point).

La deuxième condition prévue pour l'octroi d'une promotion par dérogation est celle qui concerne les aptitudes que semble avoir l'élève et qui sont nécessaires pour suivre l'enseignement de l'année suivante avec succès en dépit de son échec.

e. Dans ce cadre, l'autorité scolaire bénéfice d'un très large pouvoir d'appréciation, dont la chambre de céans ne censure que l'abus ou l'excès. Ainsi, alors même que l'autorité resterait dans le cadre de ses pouvoirs, quelques principes juridiques les restreignent, dont la violation constitue un abus de ce pouvoir : elle doit exercer sa liberté conformément au droit. Elle doit respecter le but dans lequel un tel pouvoir lui a été conféré, procéder à un examen complet de toutes les circonstances pertinentes, user de critères transparents et objectifs, ne pas commettre d'inégalité de traitement et appliquer le principe de la proportionnalité (ATA/1697/2019 du 19 novembre 2019 consid. 4d et les références citées).

4) a. Le Conseil d'État a, par arrêtés des 13 mars et 9 avril 2020, ordonné la fermeture des établissements scolaires publics du canton jusqu'au 26 avril 2020, en application des art. 6 al. 2 let. b, 77 al. 3 et art. 40 de la loi fédérale sur la lutte contre les maladies transmissibles de l'homme du 28 septembre 2012
(LEp - RS 818.101). À l'art. 6 de son arrêté du 13 mars 2020, le Conseil d'État a délégué les modalités pratiques relatives à la poursuite de la scolarisation et de la formation dans les écoles publiques au département.

Par arrêté du 20 avril 2020, concernant la validation de l'année scolaire 2019 - 2020, le Conseil d'État a indiqué que les décisions de promotion ou d'orientation des élèves de l'enseignement secondaire II et tertiaire B étaient prises sur la base des résultats certificatifs du premier semestre qui pouvaient être complétés par des évaluations sommatives qui auraient eu lieu au début du second semestre et validées jusqu'au 13 mars 2020 inclus, sous la condition que ces dernières soient favorables aux apprenti.e.s et étudiant.e.s (art. 2). Les directions générales de l'enseignement obligatoire et de l'enseignement secondaire II et tertiaire B précisaient par directive les conditions dans lesquelles des dérogations pouvaient être accordées (art. 3).

b. La DGES a, notamment, édicté la directive transitoire « promotions et orientations suite à la pandémie de Covid-19 », entrée en vigueur le 20 avril 2020 (ci-après : la directive). Selon celle-ci, en raison de la pandémie Covid-19, les décisions d'admission, de promotion et d'orientation des élèves pouvaient faire l'objet, pendant l'année scolaire 2019 - 2020, de dérogations exceptionnelles. Le principe dominant était que les élèves ne devaient pas être prétérités dans leur parcours, ce qui devait être mis en lien avec les mesures qui pourraient être mises en place à la rentrée pour soutenir les élèves ayant bénéficié de dérogations particulières. La directive élargissait les possibilités de dérogation pour intégrer les situations limites potentiellement causées par la suspension des cours en présentiel et l'absence d'évaluation certificative dans les écoles genevoises. Dans tous les cas, les normes de promotion et d'orientation restaient en vigueur.

S'agissant des principes applicables à toutes les filières, la promotion se calculait sur la base des résultats obtenus au terme du premier semestre ou des deux premiers trimestres. Les notes obtenues entre la fin du premier semestre ou deuxième trimestre et le 13 mars étaient prises en considération dans le cadre de l'octroi d'une éventuelle dérogation préavisée par le conseil de classe et soumise au conseil de direction. L'élève promu au premier semestre passait au degré supérieur. S'il n'était pas promu, ses notes du second semestre seraient analysées pour lui permettre le cas échéant de favoriser sa promotion.

c. Les notes obtenues entre la fin du premier semestre et le 13 mars 2020 ne peuvent pas être comptabilisées de la même façon que celles du premier semestre. La directive prévoit en effet qu'elles soient prises en considération dans le cadre de l'examen d'une dérogation, au sens de l'art. 30 REST. Elle prévoit toutefois d'en élargir les possibilités « pour intégrer les situations limites potentiellement causées par la suppression des cours en présentiel et l'absence d'évaluation certificative ». C'est en conséquence à bon droit que le département ne fait pas la moyenne entre les notes du premier semestre et celles du début du second. Pour le surplus, les notes du second semestre peuvent ne représenter, par exemple, qu'un contrôle de vocabulaire ou un travail de groupe. Enfin, les épreuves semestrielles de fin d'année n'ont pas eu lieu (ATA/867/2020 du 8 septembre 2020)

5) a. En l'espèce, à l'issue du premier semestre de l'année scolaire 2019 - 2020, le recourant ne remplissait pas les conditions de promotion en quatrième année, au sens de l'art. 28 al. 1 RGymCG, ni au sens de l'al. 2 relatif à la promotion par tolérance, ce qu'il ne conteste pas.

b. Le recourant présentait à la fin du premier semestre une moyenne générale de 4.0, quatre disciplines insuffisantes, un écart négatif à la moyenne de 2.7 et un total FR-LE-MA-OS de 15.0, alors que pour être promu par tolérance il devait n'avoir, au maximum, qu'un écart négatif de 1.0 et obtenir un total FR-LE-MA-OS de 16.0. En conséquence, il ne peut être considéré que le recourant se trouve dans une situation limite, l'écart à la moyenne représentant plus de 150 %.

S'agissant du pronostic pour la 4ème année, les enseignants ont retenu l'existence de lacunes et de fragilités au vu du parcours gymnasial de l'étudiant. Ils indiquent s'être fondés sur les résultats obtenus. Ce point de vue a été suivi par le conseil de direction. Toutefois, ces deux conseils s'étant réunis en mai 2020, ils n'étaient pas en possession de la prise de position médicale du Dr B______ du 23 juin 2020. Celui-ci y faisait notamment état du fait qu'un redoublement risquait, compte tenu des troubles de l'étudiant, de le mettre dans une situation d'échec en troisième année. Dans sa décision sur recours, la DGES ne se détermine pas sur ce document.

Par ailleurs, entendu en audience, le praticien a confirmé que, selon lui, le recourant possédait les connaissances nécessaires notamment au vu des résultats des différents tests, mentionnés dans sa lettre du 23 juin 2020. Le trouble du spectre autistique impliquait que la difficulté consistait dans la restitution des connaissances lors des évaluations. À défaut d'une adaptation des évaluations, l'étudiant ne pouvait pas obtenir de meilleurs résultats. Or, le collège avait mis en place cette adaptation en janvier 2020, ce dont le recourant n'avait jamais pu bénéficier, compte tenu de la pandémie. Un pronostic favorable pouvait dès lors être fait pour une 4ème année alors qu'un redoublement n'atteindrait pas le but voulu de consolidation de ses connaissances et serait au contraire préjudiciable à la poursuite de la scolarité de l'étudiant, risquant même de le mettre en échec. De même, l'objectif souhaité par l'établissement que l'étudiant « reprenne confiance en lui » ne pourrait être atteint par un redoublement. De surcroît, l'entier des résultats scolaires devait être nuancé dès lors que, compte tenu des troubles dont l'étudiant souffrait, ils n'étaient pas le reflet du savoir de l'intéressé. Le médecin a par ailleurs confirmé l'état de stress et d'angoisse plus important en ce début d'année scolaire chez son patient dont il avait constaté la démotivation.

Dans ces conditions, les conséquences médicales des troubles présentés par l'étudiant, faits pertinents pour l'issue du présent litige, n'ont pas été correctement établies par l'autorité intimée. La décision sera en conséquence annulée et le dossier renvoyé à la DGES pour une nouvelle décision prenant en compte les éléments supplémentaires versés au dossier. Le recours sera en conséquence partiellement admis.

6) Vu l'issue du litige, il ne sera pas perçu d'émolument (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée, le recourant n'ayant pas encouru de frais (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 27 août 2020 par Monsieur A______ contre la décision du département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse du 14 août 2020 ;

 

au fond :

l'admet partiellement ;

annule la décision du département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse du 14 août 2020 ;

renvoie le dossier au département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse pour nouvelle décision au sens des considérants ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur A______ ainsi qu'au département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mmes Krauskopf et Lauber, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :