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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3253/2014

ATA/652/2015 du 23.06.2015 ( FPUBL ) , REJETE

Recours TF déposé le 07.09.2015, rendu le 13.06.2016, IRRECEVABLE, 8C_621/2015
En fait
En droit

République et

canton de genève

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3253/2014-FPUBL ATA/652/2015

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 23 juin 2015

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Robert Assaël, avocat

contre

LA CHEFFE DE LA POLICE



EN FAIT

1) Monsieur A______ est sergent-major (ci-après : sgtm) au sein de la police de la B______ (ci-après : B______), ayant intégré le corps de police en avril 1977.

2) Le 31 juillet 2012, la B______ est intervenue dans les locaux de C______ pour prendre en charge Monsieur D______, ressortissant géorgien. Celui-ci, qui devait être renvoyé, s’était montré particulièrement agité, créant du scandale dans les couloirs. L’intervention a été menée par les gendarmes E______, F______, appointé, le caporal G______ et par M. A______. Elle a fait l’objet d’une inscription no 2______ dans le journal des événements. Arrivés chez C______, les policiers avaient été mis en contact avec l’intéressé. Il créait du scandale dans le couloir de l’aéroport, dans les bureaux de cette entité et s’était montré agressif à leur égard. De ce fait, ils l’avaient entravé et conduit au poste de l’aéroport pour contrôle approfondi. Dans la salle d’audition, il n’avait pas été coopérant et avait tenté de se blesser l’avant-bras gauche. Il s’était frappé la tête contre les murs. Pour le protéger, ils l’avaient menotté pieds et mains au banc et à la table de la salle d’audition no 1. Ils avaient dû faire appel à un médecin qui lui avait prodigué les soins que nécessitait son état.

3) Le 4 août 2012, les caporaux H______ et I______, ainsi que les appointés J______ et K______ ont établi une note interne à l’attention du capitaine L______, dans laquelle ils revenaient sur une partie des faits qui s’étaient déroulés dans la salle d’audition no 1.

Ils avaient pris leur service le 31 juillet 2012 à 19h00. M. D______ se trouvait en salle d’audition. Ils avaient dû intervenir à plusieurs reprises car il ne voulait pas coopérer avec la traductrice et semblait se trouver dans un état second. Avant qu’ils puissent intervenir pour l’empêcher de se blesser, celui-ci s’était volontairement tapé la tête à plusieurs reprises contre les murs de la salle d’audition alors qu’il s’y trouvait seul. Lors de leur intervention dans la salle d’audition pour tenter de le calmer et lui faire entendre raison, le sgtm A______ avait donné plusieurs gifles à l’individu, pour une raison indéterminée. Les quatre signataires de la note relevaient ne pas approuver ce genre de comportement.

4) Le 23 avril 2013, le capitaine M______ a adressé une note au major N______, chef de la B______. Au début du mois d’avril 2013, le caporal J______ lui avait relaté des « faits de mauvais traitements » perpétrés par le sgtm A______ à l’encontre d’un prévenu. Ces faits s’étaient déroulés avant sa propre nomination à la tête de l’unité. Dès lors il transmettait la note interne adressée à l’époque au capitaine L______ et se dessaisissait de l’affaire. L’affaire avait été transmise au premier-lieutenant O______.

5) Le 2 mai 2013, M. L______ a écrit un courriel à M. A______. Il était mis en cause dans une affaire qui datait de 2012 concernant les agissements de celui-ci dénoncés par « le groupe X ». En son temps, il avait fait part à M. A______ de cette situation et l’avait « écouté à ce sujet ». Suite aux explications que M. A______ lui avait données, il n’avait pas jugé utile de donner suite à cette affaire. Or, depuis peu, celle-ci était relancée par ce même groupe qui, visiblement après avoir rencontré d’autres problèmes avec M. A______, revenait sur cette affaire, mais cette fois-ci auprès du nouveau chef d’unité. En ce qui le concernait, il avait visiblement fait l’erreur de bloquer cette note au vu de l’action, identifiée par le « groupe X », qui était poursuivie d’office, c’est ce qui lui était reproché et il en assumait pleinement les conséquences. Pour revenir à cette affaire, il lui semblait qu’ils avaient abordé le sujet sans qu’il lui demande une explication écrite. Il lui demandait donc de se remémorer les faits et de lui donner des éclaircissements liés à ce dossier.

6) Le 4 mai 2013, M. A______ a répondu à M. L______ par retour de courriel. Il avait effectivement appris que, suite à des remarques liées à la bienfacture du travail et, pour l’un des agents du groupe incriminé, le respect et la politesse, les agents qui le composaient étaient revenus à la charge auprès du nouveau chef d’unité concernant les événements d’août 2012. Il confirmait ne pas avoir eu à lui fournir immédiatement d’explications écrites. Il avait cependant pris, aux fins de protection, l’initiative d’effectuer une note explicative dans laquelle il niait avoir « distribué plusieurs paires de gifles » dans la salle d’audition en présence des signataires du groupe. Pour autant qu’il se souvienne, puisque dix mois avaient passé, il l’avait adressée, lui semble-t-il, à l’État-major de la B______ et se demandait si M. L______ l’avait réceptionnée ou mise dans son dossier. Il n’en avait plus copie. Il réitérait, malgré les souvenirs qui s’étaient estompés, qu’il n’avait pas giflé, battu ou cogné de suspect dans les locaux. Il envisageait le dépôt d’une plainte pénale si ces tracasseries perduraient.

7) Le 23 septembre 2013, M. L______ a écrit à la cheffe de la police. Suite à la note du 4 août 2012, il avait interpellé oralement M. A______, qui avait contesté les allégations des signataires de celle-ci. Les éléments rapportés par les intéressés étant totalement contradictoires au sujet des gifles infligées à M. D______, il n’avait pas jugé utile de donner suite à cette affaire. Ce n’était qu’à la date du 23 septembre 2013, qu’apprenant que ce genre de situation devait être dénoncé d’office, qu’il faisait suivre le dossier. Il proposait que la cause fasse l’objet d’une procédure disciplinaire au niveau de la cheffe de la police ou d’une transmission à l’inspection générale des services (ci-après : IGS) pour enquêtes. Avec cette note, il transmettait une copie de la note de M. A______ du 4 août 2012 rédigée par les quatre collaborateurs de la police, ainsi que les échanges de courriels qu’il avait eus avec l’intéressé.

8) Le 14 octobre 2013, M. L______ a rédigé une nouvelle note à l’attention de la cheffe de la police, résumant les positions des parties, et notamment reprenant les dénégations de M. A______ d’avoir giflé, battu ou cogné M. D______. Il transmettait également un historique du parcours professionnel de M. A______ et des éléments relatifs au dossier personnel de celui-ci qu’il s’agisse de plainte ou de procédure disciplinaire, mais également de félicitations. Il proposait l’ouverture d’une enquête et rappelait qu’aucune plainte n’avait été formée par M. D______ contre M. A______.

9) Le 2 décembre 2013, la cheffe de la police a adressé au Procureur général une dénonciation formelle concernant les faits précités à propos du sgtm A______. Celui-ci était susceptible d’avoir commis un abus d’autorité en frappant, dans les circonstances décrites, M. D______.

10) Le 4 décembre 2013, le Procureur général a ouvert une procédure pénale sous la référence P/3______ à l’encontre de M. A______ qu’il a transmise à l’IGS en vue de l’établissement d’un rapport.

11) Par courrier du 19 décembre 2013, l’État-major de la police a demandé au Procureur général d’obtenir l’accès à l’intégralité du dossier de la procédure pénale afin que la cheffe de la police puisse se déterminer quant à la suite disciplinaire qu’il conviendrait de donner à la procédure.

12) L’IGS a rendu son rapport d’enquête le 12 mars 2014. Celle-ci avait été menée par un chef de groupe. Etaient joints audit rapport les procès-verbaux d’audition, à titre de témoins-dénonciateurs, de MM. H______, J______, K______ et I______, ainsi que de celui de M. A______, assisté de son avocat, à titre de prévenu.

a. Selon les renseignements généraux obtenus au sujet de M. D______, celui-ci s’était rendu de lui-même auprès de C______ pour obtenir un billet de retour. Ce document de voyage lui avait été refusé car il avait déjà pu bénéficier d’un billet de retour antérieurement. Onze téléphones portables et cinq ordinateurs portables volés avaient été découverts dans ses bagages. Il avait donc été interpellé par la police. Il s’était mis à s’agiter et à crier ainsi qu’à s’auto-blesser, souffrant vraisemblablement d’un état de manque en raison de sa toxicomanie. Conduit dans une salle d’audition, il s’était mis dans un état de surexcitation qui avait nécessité plusieurs interventions des agents de la B______ pour éviter qu’il se blesse. C'était au cours de l’une de ces interventions que M. A______ l’avait giflé.

b. Selon M. H______, entendu le 27 janvier 2014, après la conduite de M. D______ en salle d’audition, il était intervenu une première fois entre 19h00 et 20h00 avec un collègue pour lui demander de se calmer car il s’était tapé la tête contre les murs. Par la suite, ses collègues A______, K______, I______ et J______ étaient à nouveau entrés dans la salle d’audition alors que lui-même était au téléphone. Il avait entendu la voix de M. A______ qui « gueulait ». Arrivant dans la salle d’audition, il avait vu que « ça gesticulait à l’intérieur ». M. A______ était le plus proche de M. D______. M. J______ lui avait dit « Maintenant, ça suffit ! ». M. D______ s’était calmé et tous ses collègues, ainsi que lui-même avaient quitté la salle d’audition. Plus tard dans la nuit, M. I______ lui avait dit que le comportement de M. A______ avait été inadmissible et qu’il n’avait pas à faire ça. MM. K______ et J______ lui avaient dit également que M. A______ avait donné des gifles à M. D______. Lorsqu’ils avaient repris leur service le 4 août 2012, ils avaient décidé dans un premier temps d’en parler au sgtm P______ et avaient voulu se couvrir en cas de dépôt de plainte de M. D______. Il avait fait part à ce dernier de leur intention d’écrire une note interne à l’attention de M. L______. Par la suite, M. A______ leur en voulait d’avoir signé cette note et les avait ennuyés pendant des mois en pinaillant sur des détails.

c. Selon M. J______, entendu le 27 janvier 2014, il était intervenu dans la salle d’audition afin de maîtriser M. D______ pour qu’il ne se blesse pas. Il était entré dans la salle d’audition avec MM. K______, I______ et H______, ainsi qu’en compagnie de M. A______. Ce dernier avait saisi M. D______ et l’avait couché sur la table de la salle d’audition en lui donnant quatre ou cinq gifles. Comme il était recroquevillé sur la table et se protégeait la tête avec ses mains, il avait décidé d’intervenir verbalement parce que cela ne pouvait pas continuer. Il avait dit à M. A______ : « Arrête, c’est bon ». Ce dernier avait arrêté de donner des gifles, avait « gueulé encore quelque chose et était sorti de la salle ». Par la suite, dans la nuit, il avait discuté avec MM. K______, I______ et H______ pour ne plus laisser passer à l’avenir les agissements de M. A______. Ils étaient allés voir le sgtm P______ qui leur avait conseillé de rédiger une note interne à l’attention de M. L______. M. A______ avait mal réagi lorsqu’il avait appris la rédaction de celle-ci. Il lui avait expliqué que ce qu’il avait fait n’était pas normal, et que son rôle était au contraire de calmer les situations. Il avait apprécié qu’il lui parle, mais avait commencé à faire au groupe des remarques et leur donner des missions ingrates.

d. Selon M. K______, entendu le 28 janvier 2014, il était intervenu dans la salle d’audition afin de maîtriser M. D______ pour qu’il ne se blesse pas après avoir vu par le carreau de la porte qu’il se tapait la tête contre les murs. Avec son collègue J______, ils l’avaient maintenu afin qu’il cesse de se taper la tête contre les murs et avaient cherché à le calmer. À cette fin, il avait saisi ses membres pour le bloquer sans utiliser de techniques de frappe. Alors qu’avec son collègue ils étaient en train de lui parler, M. A______ était entré à son tour dans la salle audition. Comme M. D______ continuait à vociférer, M. A______ lui avait donné quatre ou cinq gifles en lui disant « tais-toi, tais-toi ! ». Il avait ensuite ordonné de le faire conduire à l’hôpital. Durant le trajet, il avait entendu ce dernier se plaindre d’avoir été tapé par la police. Durant la nuit, il avait parlé avec MM. J______, I______ et H______ de ce qui s’était passé. Il n’était pas d’accord avec ce que M. A______ avait fait. Le lendemain, il avait appris d’un inspecteur de la police judiciaire que l’intéressé menaçait de déposer plainte suite aux gifles reçues. Il ne voulait pas payer pour le comportement de celui-là et avait décidé de le dénoncer avec ses collègues à sa hiérarchie. Le sgtm P______ leur avait conseillé de rédiger une note à l’attention de leur capitaine.

e. Selon M. A______, entendu le 6 février 2014, M. D______, après avoir été placé en salle d’audition, avait continué à être agité. Il avait dû se rendre à deux reprises dans la salle d’audition accompagné d’un collègue, soit au moins une fois de M. E______ dans le but de le calmer. Il avait essayé d’établir un contact avec lui en lui parlant en anglais. Comme il continuait à crier, il avait tapé dans ses mains en lui disant « stop », ce qui l’avait calmé. Il n’y avait pas eu de contact physique entre l’intéressé et lui-même. Lorsqu’il avait quitté la salle d’audition, l’intéressé avait recommencé à crier et à taper contre les murs. Après cela, il y avait eu un moment de calme et de silence qui l’avait surpris. Un collègue avait regardé par la vitre de la porte et avait constaté que M. D______ s’était tailladé un avant-bras avec une pièce métallique du crucifix qu’il portait au cou. Plusieurs collègues l’avaient alors entravé avec des menottes aux mains et aux pieds car il se débattait. Il avait demandé à un collègue d’appeler la centrale pour qu’un médecin vienne examiner M. D______. Le médecin était intervenu et lui avait administré un médicament pour le calmer. Il ne s’était plus occupé de M. D______. Il était donc évident qu’il ne l’avait pas giflé à plusieurs reprises dans la salle en présence de ses collègues J______, I______, K______ et H______.

En rapport avec la déclaration de M. J______, dont la teneur lui était rappelée, il a maintenu de ne pas avoir plaqué M. D______ sur la table. Il ne l’avait pas giflé et ne se souvenait pas avoir été présent dans la salle d’audition avec MM. J______, I______, K______ et H______, bien qu’il ne puisse l’exclure. Il excluait que M. J______ l’ait retenu de la voix ou d’un geste. Il ne se rappelait pas d’avoir donné l’ordre de faire conduire M. D______ aux Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) pour faire vérifier le contenu de ses intestins. Il se rappelait par contre avoir eu une discussion avec M. J______ au sujet des faits qu’il disait avoir vus dans la salle d’audition, à savoir le fait qu’il avait giflé M. D______. Il se rappelait avoir discuté de la dénonciation signée par ses quatre collègues. M. J______ lui avait dit avoir rédigé cette dénonciation pour se couvrir d’une éventuelle plainte de M. D______, mais il n’avait pas parlé de gifle que lui-même aurait donnée. Il contestait avoir donné à M. J______ et à ses collègues, à la suite des faits, que des missions ingrates par représailles.

De même, il contestait la déclaration de M. K______ le décrivant avoir giflé M. D______. Il contestait avoir touché ce dernier comme avoir entendu ses collègues K______ I______ et J______ lui dire à M. A______ qu’il devait se calmer, l’avoir vu gesticuler, sans le voir donner des gifles. Cette déclaration était également fausse dans la mesure où il n’était jamais intervenu seul dans la salle d’audition occupée par M. D______. Il contestait avoir entendu un de ses collègues lui dire « ça suffit ! ». Aucun agent n’aurait osé lui tenir un tel propos.

f. Selon M. I______, entendu le 7 février 2014, il était arrivé au poste en début de service, il avait constaté qu’il y avait un ressortissant géorgien dans la salle d’audition. Les collègues de la journée s’occupaient de ce dernier et attendaient la traductrice pour procéder à son audition. Il ne s’était pas occupé dans un premier temps de cette affaire. Toutefois, à un moment donné, le prévenu avait commencé à taper contre la porte et les murs de la salle d’audition. Il avait commencé à se jeter contre les murs et risquait de se blesser. Dès lors, MM. K______, J______ et lui-même étaient entrés dans la salle d’audition. Ils avaient saisi l’individu et l’avaient assis au fond de la salle d’audition à même le sol. Ils n’avaient utilisé aucune technique de frappe. Ils savaient qu’un médecin avait été appelé pour l’examiner et avaient décidé de maintenir cette personne au sol et de rester avec lui jusqu’à l’arrivée de celui-là. La personne s’était peu à peu calmé et ils étaient ressortis de la salle d’audition. Toutefois, peu de temps après leur sortie, il avait recommencé à se taper la tête ou le corps contre les murs. Ils étaient à nouveau intervenus pour immobiliser et calmer l’individu. M. H______ était avec eux mais était resté vers la porte. Au cours de leur intervention, M. A______ était entré dans la salle d’audition. Il avait donné deux ou trois claques au visage de M. D______. Il ne s’agissait pas de coups destinés à blesser mais il s’agissait quand même de gifles. Ses collègues et lui-même avaient été surpris. Un de ses collègues avait crié quelque chose. Il supposait qu’il avait crié à M. A______ d’arrêter et ne se souvenait pas des paroles. Il avait lui-même repoussé M. A______ d’un geste d’un bras en direction de la sortie de la salle d’audition. Ce dernier était sorti. Il se rappelait que M. D______ était très mécontent d’avoir reçu des claques et il avait compris qu’il voulait déposer plainte. Suite à cela, MM. K______, H______, J______ et lui-même avaient décidé de rédiger une note dénonçant le comportement de M. A______ pour se couvrir en cas de plainte. Lui-même n’avait pas de conflit personnel avec M. A______.

13) Le 8 avril 2014, la cheffe de la police, sur la base des pièces en sa possession, notamment du rapport du 31 janvier 2014 de l’IGS, a décidé d’ouvrir une procédure disciplinaire à l’encontre de M. A______ et de procéder à son audition personnelle.

14) Le 5 juin 2014, le Procureur général, a mis M. A______ en prévention pour abus d’autorité, puis, en présence de M. A______ et de son avocat, a procédé à l’audition successive de MM. H______, I______, K______ et J______.

a. Lors de sa mise en prévention, M. A______ a contesté les faits qui lui étaient reprochés. Il n’avait jamais frappé M. D______. Il était intervenu en le prenant par le bras pour le faire asseoir. À un moment donné, il avait frappé à deux reprises dans ses mains pour attirer son attention et le calmer.

Ces quatre personnes ont confirmé la déclaration qu’ils avaient faite à l’IGS le 27 janvier 2014.

b. M. H______ a confirmé sa déclaration à l’IGS du 27 janvier 2014. Il n’avait pas vu le sgtm A______ gifler le prévenu, car il était resté à l’entrée de la salle au moment où ses collègues lui avaient dit que M. A______ avait giflé le prévenu. Le but de la note du 4 août 2012 était de se prémunir en cas de plainte. Il admettait qu’il aurait dû préciser dans la note qu’il n’avait pas vu lui-même ce dernier donner les gifles, puisqu’il ne l’avait pas vu directement.

c. M. I______ a confirmé sa déclaration à l’IGS du 7 février 2014. Avec ses collègues K______ et J______, il était intervenu pour calmer M. D______, M. A______ était arrivé postérieurement. Après être entré dans la salle, il avait donné deux ou trois claques à M. D______. M. I______ avait fait un mouvement pour repousser M. A______. Il ne se souvenait pas si un collègue avait dit quelque chose à ce moment-là, mais ce dernier était sorti de la salle. Il était exact que M. H______ n’était pas entré dans la salle d’audition, mais se tenait en retrait.

Le soir, il avait reparlé des faits avec ses collègues K______, H______ et J______. Il s’était montré étonné avec eux que M. A______ se mêle d’une intervention. Ce n’était pas son rôle. Il avait trouvé, avec ses collègues, que donner des gifles à M. D______ constituait un comportement déplacé. Il avait rédigé la note du 4 décembre 2012 pour se protéger. Il ne voulait pas qu’on lui reproche d’avoir gardé le silence. C’était M. H______ qui avait rédigé la note sur la base des faits qui lui avaient été rapportés. Il a encore confirmé, sur question du conseil de M. A______, avoir vu que des gifles avaient été données.

d. M. K______ a confirmé sa déclaration à l’IGS du 28 janvier 2014. Il était entré dans la salle d’audition pour calmer M. D______ avec ses collègues J______ et I______. Comme l’individu ne voulait pas immédiatement se calmer, il l’avait saisi par le bras et fait asseoir sur la table de la salle d’audition. M. A______ était entré et avait ordonné à M. D______ de se taire en lui donnant quelques gifles, au nombre de trois ou quatre. Elles n’étaient pas données à pleine force, ni doucement, mais modérément. M. J______ était intervenu en demandant à M. A______ d’arrêter. Le soir-même, il avait parlé avec les autres collègues présents et ils étaient convenus de ne pas cautionner le comportement de M. A______, à savoir les gifles qu’il avait données au prévenu. Il en avait parlé avec eux au sgtm P______ qui leur avait suggéré d’écrire la note. C’était M. H______ qui l’avait écrite. Il l’avait lue avant de la signer et son contenu était juste. Il confirmait que les gifles avaient eu un effet calmant sur le comportement de M. D______.

e. M. J______ a confirmé sa déclaration à l’IGS du 27 janvier 2014. Alors qu’il se tenait à l’extérieur de la salle d’audition, en compagnie de M. K______, M. A______ était entré dans celle-ci et avait donné des claques à M. D______, soit quatre ou cinq claques. M. J______ était intervenu en disant « stop » ou « c’est bon » pour calmer la situation. M. A______ avait alors arrêté de donner des claques et tout le monde était sorti de la salle d’audition. Il avait compris, suite à la réaction de M. D______, que celui-ci voulait déposer une plainte. Par la suite, M. J______ s’était réuni avec MM. K______, I______ et H______ pour constater que ce qui s’était passé n’était pas normal. Le comportement de M. A______ avait été inapproprié. Donner des claques à M. D______ n’était pas nécessaire. L’individu était pénible, sans plus. Ils avaient tous les jours à faire avec des gens pénibles. Par la suite, le sgtm P______ auprès duquel ils s’étaient ouverts au sujet de ces faits, leur avait conseillé de rédiger une note à l’attention du capitaine L______. Il avait discuté avec M. A______ par la suite de ce qui s’était passé. Dans un premier temps, celui-ci n’avait pas voulu aborder la question. Il lui avait reproché un comportement inadéquat pour un chef de poste qui devait calmer les situations plutôt que les envenimer. M. A______ n’avait pas contesté avoir donné des gifles, mais n’avait pas expliqué son geste. Par la suite, il y avait eu des tensions entre M. A______, ses trois collègues et lui-même. Il en avait eu assez et est allé rencontrer le capitaine M______ pour se plaindre.

f. À l’issue de ces auditions, M. A______ a maintenu ne pas avoir donné de claques à M. D______. Les propos des trois témoins qui avaient confirmé l’avoir vu donner des gifles constituaient des élucubrations. Il confirmait se comporter en chef. Si un collègue lui parlait d’une affaire, c’était son devoir d’aller voir ce qui se passait. Certains collaborateurs qui aimeraient se constituer un nid de confort, le considéraient comme un empêcheur de tourner en rond. Il rangeait dans cette catégorie une partie de ceux qui les incitaient à abandonner l’uniforme et à porter la barbe.

15) Le 18 juillet 2014, le conseil de M. A______ a écrit à la cheffe de la police. Il sollicitait la constatation de la prescription de la procédure disciplinaire et l’annulation de l’audition de son client, prévue le 27 août 2014. La découverte de la prétendue violation des devoirs de service datait du 4 août 2012. Dès lors la responsabilité disciplinaire était prescrite puisque les faits dataient de bientôt deux ans. La prescription serait également acquise si l’on considérait que c’était la note de service du capitaine M______ au major N______ qui était relevante, car elle datait de plus d’une année. La décision d’ouvrir la procédure disciplinaire n’avait pas suspendu le délai de prescription, aucune enquête administrative n’ayant été ordonnée.

16) Le 30 juillet 2014, la cheffe de la police a contesté que la prescription relative d’un an de l’action disciplinaire soit acquise à cette date. Elle n’avait eu connaissance des faits reprochés à M. A______ qu’à réception de la note de service du 23 septembre 2013 du capitaine L______, à savoir le 25 septembre 2013.

17) Le 11 août 2014, M. A______ a formé un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision du 30 juillet 2014 de la cheffe de la police.

18) Par arrêt du 19 août 2014 (ATA/639/2014), la chambre administrative a déclaré le recours irrecevable et mis à la charge de M. A______ un émolument de CHF 500.-. La décision litigieuse constituait une décision incidente. Un recours contre celle-ci était possible mais seulement en cas de préjudice irréparable, condition qui faisait défaut.

19) Le 27 août 2014, M. A______ a été entendu par la cheffe de la police accompagné de son conseil. Il a confirmé ses déclarations du 6 février 2014 à l’IGS. Il contestait avoir contrevenu aux dispositions de quatre ordres de service (ci-après : OS) de la police genevoise en frappant M. D______, soit au code de déontologie du 1er août 1997 (DERS I 1.01), à l’OS relatif au comportement des policiers du 1er juin 1984 (1 A 1c), à celui relatif à la discipline du 1er juillet 2003 (1 A 1) et à l’usage de la contrainte du 1er mars 2010 (DERS I 1.08).

Les personnes qui avaient entendu des bruits de gifles avaient dû mal interpréter les sons dus aux deux claquements des mains qu’il avait effectués fortement et à proximité de la tête de M. D______. Il soulignait l’incohérence dans les démarches entreprises par M. H______ qui, dans un premier temps, avait rédigé une note interne datée du 4 août 2012 dans laquelle il le dénonçait pour avoir giflé M. D______ et indiquait, dans un deuxième temps à l’IGS et au Procureur général qu’il n’avait rien vu.

20) Le 8 septembre 2014, M. A______ a fait parvenir des observations écrites, à l’invite de la cheffe de la police. Il a persisté à contester les faits et a sollicité l’audition du capitaine G______ et du gendarme E______ qui avaient participé à l’interpellation de M. D______. Il a demandé également l’audition de M. L______ pour qu’il explique les raisons pour lesquelles il avait attendu si longtemps avant de dénoncer les faits.

21) Le 12 septembre 2014, la cheffe de la police a refusé d’administrer les mesures probatoires sollicitées, le dossier étant suffisamment complet pour pouvoir statuer sur une mesure disciplinaire.

22) Le 19 septembre 2014, la cheffe de la police a notifié à M. A______ une décision le sanctionnant de quatre services hors tour.

L’instruction menée devant le Procureur général avait mis en évidence que trois policiers assermentés, présents en salle d’audition, à savoir le caporal I______, les appointés K______ et J______, avaient vu M. A______ donner deux gifles d’intensité moyenne à M. D______. Aucun rapport ne mentionnant l’usage de la contrainte n’avait été établi. Même si M. D______ était agité, en agissant de la sorte, M. A______ avait contrevenu aux OS DERS I 1.01 « Code de déontologie de la police genevoise », 1 A 1 C « Comportement des policiers », DERS I 1.08 « Usage de la contrainte » et 1 A 1 « Discipline ». M. A______ était un policier expérimenté duquel on pouvait attendre une réponse davantage proportionnée envers une personne interpellée. Son grade de sergent-major lui imposait de montrer l’exemple à ses subordonnés. L’état d’agitation de M. D______ pouvait être pris en considération, de même que l’absence d’antécédent dans le choix de la sanction.

23) Par acte posté le 23 octobre 2014, M. A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative contre la décision de la cheffe de la police du 19 septembre 2014, reçue le 23 septembre 2014, concluant à son annulation, au constat de la prescription de la procédure disciplinaire dirigée contre lui, avec suite de dépens.

La prescription disciplinaire intervenait une année après la découverte des faits. En l’occurrence, le délai avait commencé à courir au plus tôt le 4 août 2012 et au plus tard le 23 avril 2013. Le 8 avril 2014, jour de l’ouverture de la procédure disciplinaire mais vingt mois après la découverte des faits par sa hiérarchie, l’action était prescrite.

Le droit à l’administration des preuves de M. A______ avait été violé dans la mesure où la cheffe de la police avait refusé les mesures probatoires qu’il avait requises, soit l’audition de MM. G______ et E______ qui avaient assisté au début de l’interpellation de M. D______ et pouvaient témoigner sur son état d’agitation. Sur le fond, il n’y avait pas eu violation des ordres de service. Les faits n’étaient pas établis de manière claire. La dénonciation avait été composée par M. H______ qui n’avait pas vu ce qui s’était passé. Le nombre de gifles infligées variait suivant les déclarations. On lui imputait d’avoir saisi et couché M. D______ sur la table, ce que la cheffe de la police avait écarté. Au vu de ces doutes sur la façon dont les faits s’étaient déroulés, il ne pouvait aucunement être retenu à son encontre un manquement aux devoirs de service. Il avait agi pour tenter de raisonner M. D______ qui se trouvait dans un état second. Agissant pour des motifs de sécurité, de manière opportune et adaptée aux circonstances difficiles, il avait adopté une attitude adéquate qui ne devait pas donner lieu à une sanction disciplinaire.

24) Le 27 novembre 2014, la cheffe de la police a conclu au rejet du recours. La prescription n’était pas acquise dans la mesure où le dies a quo du délai de prescription disciplinaire, soit la connaissance du manquement reproché à M. A______ par la cheffe de la police, était intervenu le 25 septembre 2013. Elle avait statué dans le délai d’une année fixé par la loi. Les mesures probatoires requises n’étaient pas nécessaires, les faits en rapport avec la violation des devoirs de service étant établis par les pièces du dossier.

Sur le fond, les agents I______, K______ et J______ avaient confirmé avoir vu M. A______ donner des gifles à M. D______ et l’agent H______, même s’il avait rédigé la dénonciation, a admis de manière constante qu’il n’avait pas vu le recourant gifler le prévenu, ce qui s’expliquait par le fait qu’il était intervenu ultérieurement.

Les variations entre les différentes déclarations sur le nombre de gifles infligées n’étaient pas pertinentes dans la mesure où une seule gifle suffirait à conclure à une violation des devoirs de service. En l’espèce, la chambre administrative ne pouvait que constater que les gestes imputés à M. A______ contrevenaient aux ordres de service mentionnés dans la décision de sanction. La sanction disciplinaire choisie était proportionnée. M. A______ portait le grade de sergent-major et devait à ce titre faire usage des pouvoirs qui lui étaient conférés avec pondération et mesures, de manière opportune et adaptée aux circonstances. Il avait, au contraire, agi de manière impulsive avec un moyen non adapté à celles-ci et encore moins justifié par une attaque de quelque nature que ce soit.

25) Le 10 décembre 2014, la cheffe de la police a transmis au juge délégué une copie des quatre ordres de service mentionnés dans sa décision de sanction.

26) Le 27 janvier 2015, le juge a accordé aux parties un délai au 10 mars 2015 pour formuler leurs conclusions finales, voire exercer leur droit à la réplique.

27) Le 4 février 2015, le Procureur général a transmis au juge délégué une copie de l’ordonnance pénale qu’il avait rendue à l’encontre de M. A______, par laquelle il reconnaissait ce dernier coupable d’abus d’autorité et le condamnait à une peine pécuniaire de trente jours-amende avec sursis.

28) Le 5 mars 2015, M. A______ a informé le juge qu’il faisait opposition à l’ordonnance pénale du Procureur général.

29) Le 6 mars 2015, le juge délégué a maintenu sa décision de clore l’instruction du recours et maintenu le délai imparti pour formuler toute requête complémentaire.

30) Le 16 mars 2015, M. A______ a persisté intégralement dans les termes et conclusions de son recours. La prescription de la procédure disciplinaire était acquise. Subsidiairement, l’instruction n’était pas complète et il y avait lieu de procéder encore à l’audition des témoins G______ et E______ qu’il avait sollicitée.

31) Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) À teneur de l’art. 26A al. 1 de la loi sur la police du 27 octobre 1957 (LPol - F 1 05), les fonctionnaires de police, qui sont désignés à l’art. 6 al. 1 let. a à j LPol, sont soumis à la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05) et à ses dispositions d’application, sous réserve des dispositions particulières de la LPol.

3) a. À teneur de l'art 36 al. 1 LPol, les peines disciplinaires qui peuvent être infligées aux fonctionnaires de police sont, suivant la gravité du cas : le blâme (let. a) ; les services hors tour (let. b) ; la réduction de traitement pour une durée déterminée (let. c) ; la dégradation (let. d) ; la révocation (let e).

Le chef de la police est compétent pour prononcer le blâme et les services hors tour (art. 36 al. 2 LPol).

b. La gendarmerie faisant partie du corps de police (art. 6 al. 1 let. g LPol), la cheffe de la police était compétente pour infliger un blâme au recourant, membre de ce corps.

4) Avant le prononcé par écrit d’un blâme ou de services hors tour, l’intéressé doit être entendu par le chef de la police et être invité à se déterminer sur les faits qui lui sont reprochés, en ayant la possibilité d’être assisté (art. 37 al. 1 LPol).

5) Selon l’art. 37 al. 6 LPol, la responsabilité disciplinaire se prescrit par un an après la découverte de la violation des devoirs de service et en tout cas par cinq ans après la dernière violation. La prescription est suspendue, le cas échéant, pendant la durée de l’enquête administrative.

6) Le recourant conclut à ce que la prescription de la responsabilité disciplinaire soit constatée par la chambre de céans, la décision le sanctionnant étant intervenue le 19 septembre 2014, soit plus d’une année après le 31 juillet 2012, aucune enquête administrative n’ayant suspendu le délai de prescription. Selon l’intimée, le délai de prescription n’a commencé à courir que le 25 septembre 2014, soit à la date de la réception de la note établie par M. L______ à son intention.

7) Dans l’ATA/27/2012 du 17 janvier 2012, la chambre administrative a examiné ces questions. Selon les travaux préparatoires (MGC 2006/2007/VI A – p. 4524), il y avait lieu de maintenir un double régime de prescription, soit une prescription relative d’une année et une prescription absolue de cinq ans, de manière à contraindre l’employeur à prendre des mesures dans un délai relativement bref après la découverte de la violation des devoirs de service, pour éviter de laisser le fonctionnaire concerné dans l’incertitude. En l’espèce, la chambre de céans avait considéré que la prescription était acquise dès lors que les faits, qui concernaient un accident de la circulation dans lequel le fonctionnaire de police incriminé avait été impliqué, étaient connus par la police dès le jour où il avait eu lieu, et que ledit fonctionnaire avait en outre averti le commandant de la gendarmerie de la survenance de ceux-ci, quelques jours après qu’ils se soient produits. Cette jurisprudence détaillée venait confirmer une interprétation déjà retenue antérieurement (ATA/679/2009 du 22 décembre 2009) et qu’elle a maintenu par la suite (ATA/747/2014 du 23 septembre 2014 consid. 4b ; ATA/575/2014 du 29 juillet 2014 consid. 2b ; ATA/94/2013 du 19 février 2013 consid. 9).

En l’occurrence, ce n’est qu’à la réception de la note de service de M. L______ du 23 septembre 2013, soit le 25 septembre 2013, que la cheffe de la police a été informée de ce qui s’était déroulé le 31 juillet 2012 d’une manière qui lui permettait de déterminer si les faits commis pouvaient constituer une violation des rapports de fonction. La décision de sanctionner étant intervenue le 19 septembre 2014 et lui ayant été notifié le 23 septembre 2014, cette sanction est intervenue dans le respect du délai de prescription de l’action disciplinaire de l’art. 37 al. 6 LPol.

8) Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes (arrêt du Tribunal fédéral 2D_5/2012 du 19 avril 2012 consid. 2.3), de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 138 I 154 consid. 2.3.3 p. 157 ; 138 V 125 consid. 2.1 p. 127 ; 137 II 266 consid. 3.2 p. 270 ; 137 I 195 consid. 2.3.1 p. 197 ; 136 I 265 consid. 3.2 ; 135 II 286 consid. 5.1 p. 293 ; arrêts du Tribunal fédéral 5A_12/2013 du 8 mars 2013 consid. 4.1 ; 2C_552/2011 du 15 mars 2012 consid. 3.1). Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 136 I 229 consid. 5.2 p. 236 ; 134 I 140 consid. 5.3 ; 131 I 153 consid. 3 p. 158 ; arrêts du Tribunal fédéral 4A_108/2012 du 11 juin 2012 consid. 3.2 ; 8C_799/2011 du 20 juin 2012 consid. 6.1 ; 2D_2/2012 du 19 avril 2012 consid. 2.3 ; 4A_15/2010 du 15 mars 2010 consid. 3.2 et les arrêts cités ; ATA/404/2012 du 26 juin 2012 ; ATA/275/2012 du 8 mai 2012). Le droit d'être entendu ne contient pas non plus d’obligation de discuter tous les griefs et moyens de preuve du recourant ; il suffit que le juge discute ceux qui sont pertinents pour l'issue du litige (ATF 138 I 232 consid. 5.1 p. 237 ; 138 IV 81 consid. 2.2 p. 84 ; 134 I 83 consid. 4.1 p. 88 et les arrêts cités ; 133 II 235 consid 5.2 p. 248 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_424/2009 du 6 septembre 2010 consid. 2 ; 2C_514/2009 du 25 mars 2010 consid. 3.1).

Le recourant, à l’issue de l’instruction, persiste à solliciter l’audition de deux gendarmes qui avaient assisté au début de l’interpellation de M. D______. Il s’agit selon lui, d’établir par ce biais l’état d’extrême agitation que celui-ci présentait au moment des faits. Cette question n’est toutefois pas contestée et les auditions sollicitées ne sont pas utiles à l’appréciation, sous l’angle disciplinaire, du comportement du recourant. La chambre administrative, qui dispose d’un dossier complet pour le surplus, statuera sans y procéder.

9) Les devoirs du personnel sont énumérés aux art. 20 ss du règlement d’application de la LPAC du 24 février 1999 (RPAC - B 5 05.01).

L'art. 20 RPAC prévoit que les membres du personnel sont tenus au respect de l'intérêt de l'État et doivent s'abstenir de tout ce qui peut lui porter préjudice.

Ils doivent justifier et renforcer la considération et la confiance dont la fonction publique doit être l'objet (art. 21 let. c RPAC).

Dans l'exécution de leur travail, ils se doivent notamment de remplir tous les devoirs de leur fonction consciencieusement et avec diligence (art. 22 al. 1 let. a RPAC).

Selon l’art. 6 du règlement d’application de la LPol du 25 juin 2008 (RPol - F 1 05.01), les droits et devoirs des fonctionnaires de police sont fixés par la loi et les règlements, ainsi que par le serment et les ordres de service.

10) a. En qualité de serviteur des lois et de l'État, le policier se doit d'avoir en tout temps et en tout lieu un comportement exemplaire, impartial et digne, respectueux de la personne humaine et des biens. L’usage des pouvoirs conférés par la loi s’effectue toujours avec pondération et mesure, de manière opportune et adaptée aux circonstances. En particulier, les personnes interpellées sont sous la protection de la police et doivent être traitées avec décence, conformément aux droits fondamentaux reconnus à tout homme (ch. 3 de l'OS sur le code de déontologie de la police genevoise, DERS I 1.01).

L’usage de la contrainte doit toujours être proportionné à l’action de la personne interpellée. Il doit être conforme aux lois et au code de déontologie. Lorsque le fonctionnaire doit intervenir en usant de la contrainte avec utilisation de la force, un rapport doit être établi avec la description détaillée de l’attitude de la personne interpellée ainsi que l’usage de la force employée en cette occasion (ch. 1 et 3 OS DERS I 1.08).

Les fonctionnaires de police revêtus d'un grade doivent être un exemple pour leurs subordonnés (ch. 3 OS 1A 1c). Constitue une faute d’indiscipline, la commission d’un acte qui contrevient aux prescriptions de service. Un tel manquement sera puni conformément à la LPol, sans préjudice de poursuites pénales en cas d’infraction (ch. 15 et 18 OS 1 A 1).

b. En outre, d’après le ch. 2.1 de l’OS sur les sanctions disciplinaires à l’encontre des policiers et du personnel doté d’un pouvoir d’autorité (DERS I 2.03), tout manquement d’un collaborateur peut entraîner une sanction disciplinaire (ATA/747/2014 précité). On entend par manquement un comportement qui viole un ordre de service ou des dispositions légales. Il peut également s’agir d’un agissement contraire à l’éthique ou préjudiciable au bon fonctionnement du service.

11) a. Les sanctions disciplinaires sont régies par les principes généraux du droit pénal, de sorte qu’elles ne sauraient être prononcées en l’absence d’une faute. La notion de faute est admise de manière très large en droit disciplinaire et celle-ci peut être commise consciemment, par négligence ou par inconscience, la négligence n’ayant pas à être prévue dans une disposition expresse pour entraîner la punissabilité de l’auteur (ATA/747/2014 précité ; ATA/473/2014 du 24 juin 2014 consid. 3b ; ATA/267/2013 du 30 avril 2013 consid. 5).

b. L’autorité qui inflige une sanction disciplinaire doit respecter le principe de la proportionnalité (arrêts du Tribunal fédéral 8C_292/2011 du 9 décembre 2011 consid. 6.2 ; 8C_203/2010 du 1er mars 2011 consid. 3.5). Le choix de la nature et de la quotité de la sanction doit être approprié au genre et à la gravité de la violation des devoirs professionnels et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour assurer les buts d’intérêt public recherchés. À cet égard, l’autorité doit tenir compte en premier lieu d’éléments objectifs, à savoir des conséquences que la faute a entraînées pour le bon fonctionnement de la profession en cause, et de facteurs subjectifs, tels que la gravité de la faute, ainsi que les mobiles et les antécédents de l’intéressé (ATF 108 Ia 230 consid. 2b ; ATF 106 Ia 100 consid. 13c ; ATF 98 Ib 301 consid. 2b ; ATF 97 I 831 consid. 2a ; RDAF 2001 II 9 35 consid. 3c.bb ; SJ 1993 221 consid. 4 et les références citées ; arrêt du Tribunal fédéral 2P.133/2003 du 28 juillet 2003 ; ATA/94/2013 précité consid. 15 et la jurisprudence citée). En particulier, elle doit tenir compte de l’intérêt du recourant à poursuivre l’exercice de son métier, mais elle doit aussi veiller à la protection de l’intérêt public (ATA/267/2013 précité consid. 5).

c. En matière de sanctions disciplinaires, l’autorité dispose d’un large pouvoir d’appréciation ; le pouvoir d’examen de la chambre de céans se limite à l’excès ou l’abus du pouvoir d’appréciation (art. 61 al. 2 LPA ; ATA/452/2013 du 30 juillet 2013 consid. 16 et les références citées). En outre, la chambre administrative est liée par le principe de l’interdiction de la reformatio in pejus (ATA/285/2013 consid. 16 et jurisprudence citée).

12) En l’espèce, l’audition des quatre gendarmes qui sont intervenus dans la salle d’audition n° 1 le 31 juillet 2012 pour y maîtriser M. D______ est concordante. Selon trois d’entre eux, au cours de cette intervention, le recourant était entré dans la salle à leur suite, avait porté plusieurs claques à la personne qu’il cherchait à calmer, la seule divergence entre eux résidant dans le nombre de coups portés. Le quatrième de ceux-ci n’infirme par leurs propos, n’ayant pas vu distinctement la scène, se trouvant un peu éloigné de celle-ci. Selon les trois gendarmes précités, les claques avaient été portées avec une certaine force, à tel point que ce geste les avait heurtés et les avait conduits à stopper l’action du recourant. En tous les cas, les coups portés n’étaient ni nécessaires à titre de mesure de protection, ni justifiées s’il s’agissait de calmer l’intéressé. L’absence de justification de ces actes était telle qu’elle a conduit ceux-ci, subordonnés du recourant, à en donner connaissance à leur hiérarchie directe, et c’est pour des raisons incompréhensibles, que celle-ci ne les a pas fait immédiatement suivre à ses supérieurs.

Ce faisant, le recourant a adopté un comportement contraire au code de déontologie de la police genevoise constituant l’OS DERS I 1.01, ainsi qu’aux prescriptions résultant des OS « comportement des policiers » (1 A 1c), « usage de la contrainte » (DERS I 1.08) et « discipline » (DERS 1 A 1) dont les contenus ont été rappelés ci-dessus.

Sur la base de ces faits, la cheffe de la police était donc fondée à prononcer une sanction à l’encontre du recourant.

13) Concernant le choix de cette sanction, la faute est grave, dans la mesure où l’auteur des faits est le supérieur hiérarchique des policiers qui les ont portés à la connaissance de leur hiérarchie, alors qu’il lui incombait de donner l’exemple. En outre, il s’en est pris à une personne détenue vis-à-vis de laquelle il se trouvait en position de garant, dans une situation où il n’y avait aucun motif, qu’elle qu’ait été l’état d’agitation de celle-ci, de lui porter les coups incriminés. En infligeant quatre services hors tours au recourant, la cheffe de la police, de l’avis de la chambre administrative, a fait preuve d’une très grande mansuétude, que seule l’interdiction de la réformation in pejus qui lie sont pouvoir de réforme, lui interdit de modifier à son détriment.

14) Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

15) Vu l’issue du recours, un émolument de procédure de CHF 1'000.- sera mis à la charge de M. A______. Aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 23 octobre 2014 par Monsieur  A______ contre la décision de la cheffe de la police du 19 septembre 2014 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de Monsieur A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s’il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n’est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Robert Assaël, avocat du recourant ainsi qu'à la cheffe de la police.

Siégeants : M. Thélin, président, Mme Junod, M. Dumartheray, Mme Payot Zen-Ruffinen et M. Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

la greffière :