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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2916/2007

ATA/601/2007 du 20.11.2007 ( LCR ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2916/2007-LCR ATA/601/2007

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 20 novembre 2007

2ème section

dans la cause

 

Monsieur C______
représenté par Me Guy Zwahlen, avocat

contre

SERVICE DES AUTOMOBILES ET DE LA NAVIGATION


 


EN FAIT

1. Monsieur C______, né en 1977, domicilié à Genève, est titulaire d’un permis de conduire pour véhicules à moteur délivré le 21 juin 1995.

2. Selon le dossier en possession du Tribunal administratif, ce conducteur n’a pas d’antécédents en matière de circulation routière.

3. Le 4 mai 2007 à 19h15, M. C______ circulait au volant d’une voiture sur la route de Vionnaz dans la commune d’Aigle, à une vitesse inadaptée aux circonstances et aux conditions de la route. Il a perdu la maîtrise de son véhicule qui est parti en glissade et a heurté une barrière métallique.

Il ressort du rapport de police du 5 mai 2007 que le recourant circulait à une vitesse de 50 km/h environ, que la chaussée était mouillée, que la perte de maîtrise est intervenue alors que, au terme d’une légère courbe à gauche, le recourant a accéléré et que lors de cette manœuvre l’arrière de son véhicule est parti en glissade sur la chaussée. Malgré une tentative de contre-braquage, le recourant n’a pas pu conserver la maîtrise de sa machine qui a traversé les voies de circulation de part en part et percuté, de l’avant, la barrière métallique sise à droite de la chaussée. Suite au heurt, le véhicule s’est immobilisé sur la voie opposée dans le sens de marche.

4. Par courrier du 6 juin 2007, le service des automobiles et de la navigation (ci-après : SAN) a invité M. C______ a faire usage de son droit d’être entendu.

M. C______ s’est exécuté le 12 juin 2007. L’accident s’était produit avec une vieille Porsche 911 de 1986, véhicule en parfait état et qui pouvait être qualifié de voiture de collection. A la sortie d’un virage très serré sur la gauche (épingle) qu’il avait négocié sur le premier rapport de vitesse et alors qu’il enclenchait le second rapport, l’arrière de son véhicule s’était dérobé. Il avait immédiatement contre-braqué, mais malheureusement il n’avait pas eu suffisamment d’espace pour effectuer cette manœuvre et l’avant du véhicule était venu frôler la glissière de sécurité. Il roulait à une vitesse d’environ 50 km/h. La cause principale de cet accident était due à la petite pluie qui était tombée quelques instants plus tôt et qui avait rendu la route particulièrement grasse.

Il n’avait pas d’antécédents en matière de circulation routière.

5. Par décision du 3 juillet 2007, le SAN a retiré le permis de conduire de M. C______ pour une durée de trois mois en application de l’article 16c alinéa 1 lettre a de la loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958 (LCR - RS 741.01).

6. Le 10 juillet 2007, M. C______ a adressé au SAN une demande de reconsidération pour faits nouveaux, à savoir la décision du Préfet d’Aigle du 11 juin 2007. L’autorité pénale avait retenu qu’il ne s’agissait pas d’une faute grave puisqu’elle avait fait application de l’article 90 chiffre 1 LCR. Il a conclu à l’annulation de la décision du 3 juillet 2007.

7. Par courrier du 16 juillet 2007, le SAN a informé M. C______ que la sanction pénale, ainsi que la sanction administrative, étaient deux instances tout à fait indépendantes. Si M. C______ entendait contester la décision administrative, il lui était loisible d’interjeter recours auprès du Tribunal administratif dans les trente jours suivant sa notification.

8. M. C______ a saisi le Tribunal administratif d’un recours contre la décision précitée par acte du 27 juillet 2007.

L’autorité pénale ayant appliqué l’article 90 chiffre 1 LCR, l’autorité administrative devait faire de même et appliquer l’article 16b LCR. Pour ce premier motif, la décision querellée devait être mise à néant.

C’était à tort que le SAN avait retenu une faute grave au sens de l’article 16c LCR car, dans les circonstances du cas d’espèce, la faute ne pouvait en aucun cas être qualifiée de grave au sens de cette disposition légale. Il était un conducteur émérite. Il conduisait normalement, à une vitesse adaptée aux conditions de la route. Bien qu’une petite pluie soit tombée quelques instants avant l’accident, il ne pouvait pas s’attendre à ce que celle-ci ait rendu la route si glissante. Sa réaction lorsque l’arrière du véhicule s’était dérobé, avait été une stricte application des réflexes acquis lors de ses stages de conduite et cette manœuvre de contre-braquage aurait eu le résultat escompté si la route n’avait pas été si grasse.

Il conclut à l’annulation de la décision querellée et à ce qu’une mesure de retrait de permis pour une durée d’un mois soit prononcée, en application de l’article 16b LCR, avec suite de frais et dépens.

9. Les parties ont été entendues en audience de comparution personnelle le 30 août 2007.

M. C______ a précisé qu’il n’avait pas été entendu par le Préfet, qu’il n’avait pas été invité à produire des observations et qu’il avait reçu la décision du 11 juin 2007 sans avoir été entendu.

Les observations qu’il avait présentées au SAN le 12 juin 2007 étaient, dans son esprit, également liées à la procédure pénale.

Il a invoqué l’égalité de traitement avec celui qui avait été réservé à sa mère, victime d’un accident en tous points semblables, dans le courant du mois de juillet 2006.

Le SAN a déclaré persisté dans la décision entreprise.

10. Suite à l’audience, le recourant a attiré l’attention du Tribunal administratif sur un arrêt du 10 juillet 1991, dans lequel le tribunal de céans avait considéré une perte de maîtrise comme étant une faute moyenne, n’entraînant qu’un retrait de permis d’un mois (Arrêt du Tribunal administratif du 10 juillet 1991 dans la cause D.S.).

11. Par courrier du 10 septembre 2007, le recourant a transmis au Tribunal administratif le dossier de sa mère, Madame C______, duquel il résulte que celle-ci s’est vu infliger un retrait de permis d’une durée d’un mois, suite à une perte de maîtrise survenue le 26 juillet 2006. L’ordonnance pénale du 7 août 2006 du Préfet de la Gruyère, retient que la conductrice a ressenti un picotement dans les yeux, et que, déconcentrée, elle a perdu la maîtrise de sa voiture qui a dévié sur la droite et a percuté la glissière de sécurité. Le Préfet avait retenu l’application de l’article 90 chiffre 1 LCR. La mesure administrative du 4 juin 2007 était fondée sur l’article 16b alinéa 1 lettre a LCR, soit une infraction moyennement grave.

12. Invité à se déterminer sur la question de l’égalité de traitement soulevée par le recourant, le SAN a relevé que les circonstances des pertes de maîtrise de Mme C______ d’une part, et celle de M. C______ d’autre part, n’étaient pas similaires. La première avait perdu la maîtrise de son véhicule suite à une inattention due à un facteur extérieur, alors que le second l’avait perdue en accélérant à la sortie d’une courbe sur une chaussée mouillée.

13. Les 15 octobre 2007, le recourant a présenté des observations complémentaires et persisté dans ses conclusions initiales.

14. Le 22 octobre 2007, le recourant s’est réclamé d’une « nouvelle » (sic) jurisprudence du Tribunal fédéral. Dans un arrêt du 15 juin 2006 (6A.21/2006), le Tribunal fédéral avait précisé que le principe selon lequel l’autorité administrative ne peut en principe pas s’écarter des faits retenus au pénal s’appliquait également, à certaines conditions, lorsque la décision avait été rendue à l’issue d’une procédure sommaire, par exemple, lorsque la décision pénale se fondait uniquement sur le rapport de police.

15. Par courrier du 24 octobre 2007, le SAN a persisté dans la décision entreprise, relevant que la vitesse inadaptée du recourant ainsi que la mise en danger qui en avait découlé (traversée des voies de circulation de part en part, heurt d’une barrière métallique, immobilisation du véhicule sur la voie opposée), devaient être considérées comme graves, en application de l’article 16c alinéa 1 LCR.

16. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Pour qu’une des mesures administratives prévues à l’article 16 LCR puisse être prononcée, il faut que le conducteur intéressé ait fautivement enfreint une règle de la circulation et qu’il ait compromis la sécurité de la route (M. PERRIN, Délivrance et retrait du permis de conduire, 1982, p. 67).

3. Le recourant ne conteste pas avoir perdu la maîtrise de son véhicule dans les circonstances décrites dans le rapport de police du 5 mai 2007. Il allègue toutefois qu’en raison de la pluie qui avait précédé l’accident de quelques minutes, la chaussée était grasse.

L’autorité pénale a retenu l’existence d’une perte de maîtrise et fondé sa décision sur l’article 90 chiffre 1 LCR.

En l’espèce, l’ordonnance du Préfet a été rendue sur la seule base du rapport de police du 5 mai 2007, sans instruction, ni audition du recourant. Cette décision ne contient aucun élément de fait, à l’exception de la précision que la chaussée était mouillée.

Le recourant se réclame de la jurisprudence du Tribunal fédéral selon laquelle, les autorités administratives appelées à prononcer un retrait du permis de conduire, ne peuvent en principe pas s’écarter des constatations de fait d’un jugement pénal entré en force. L’autorité administrative ne peut s’écarter du jugement pénal que si elle est en mesure de fonder sa décision sur des constatations de faits inconnus du juge pénal ou qui n’ont pas été prises en considération par celui-ci, s’il existe des preuves nouvelles dont l’appréciation conduit à un autre résultat, si l’appréciation à laquelle s’est livrée le juge pénal se heurte clairement aux faits constatés, ou si le juge pénal n’a pas élucidé toutes les questions de droit, en particulier celles qui touchent à la violation des règles de la circulation (Arrêt du Tribunal fédéral 6A.21/2006 du 15 juin 2006 consid. 3.1 et les références citées).

A l’occasion de cet arrêt, le Tribunal fédéral a précisé : « le champ d’application de ce principe a progressivement été étendu, la jurisprudence ayant considéré qu’il pouvait s’appliquer non seulement lorsque le jugement pénal a été rendu au terme d’une procédure publique ordinaire au cours de laquelle les parties ont été entendues et des témoins interrogés, mais également, à certaines conditions, lorsque la décision a été rendue à l’issue d’une procédure sommaire, même si la décision pénale se fonde uniquement sur le rapport de police. Il en va notamment ainsi lorsque la personne impliquée savait ou aurait dû prévoir, en raison de la gravité des faits qui lui sont reprochés, qu’il aurait également une procédure de retrait de permis. Dans cette situation, la personne impliquée est tenue, en vertu des règles de la bonne foi, de faire valoir ses moyens dans le cadre de la procédure pénale (sommaire), le cas échéant en épuisant les voies de recours à sa disposition. Elle ne peut pas attendre la procédure administrative pour exposer ses arguments (Arrêt du Tribunal fédéral 6A.21/2006 du 15 juin 2006 consid. 3.1 in fine et les références citées). Cette manière de voir a été récemment confirmée (Arrêt du Tribunal fédéral 1C_29/2007 du 27 août 2007).

En l’espèce, le recourant savait qu’il s’exposait à une mesure de retrait, en ayant été averti par le SAN le 6 juin 2007. Il a fait valoir son droit d’être entendu sur le plan administratif, mais il ne s’est nullement manifesté auprès des autorités pénales.

Par la suite, le recourant n’a pas contesté le prononcé préfectoral du 10 juillet 2007.

Dans le cadre de la procédure administrative, le recourant n’a pas davantage contesté les faits qui lui étaient reprochés, tels qu’ils résultent du rapport de police. Il a seulement fait valoir qu’en raison de la pluie, la chaussée était grasse. Le Tribunal administratif ne peut que constater que le recourant n’a pas fait état de cet élément lors de sa déposition à la police, quand bien même sa déclaration était tout à fait détaillée et précise. En tout état, il s’agit-là d’une seule appréciation et non pas d’un fait nouveau qui pourrait permettre au juge administratif de s’écarter des constations des faits du juge pénal. Or, ce dernier a considéré que la perte de maîtrise était établie, ce qu’encore une fois le recourant ne conteste pas.

4. Selon l’article 31 alinéa 1er LCR, le conducteur doit rester constamment maître de son véhicule, de façon à pouvoir se conformer au devoir de la prudence. Cette disposition légale est précisée par l’article 3 alinéa 1er de l’Ordonnance sur les règles de la circulation routière du 13 novembre 1962 (OCR - RS 741.11), selon lequel, le conducteur doit vouer toute son attention à la route et à la circulation. Le conducteur doit être à tout moment en mesure d’actionner rapidement les commandes de son véhicule en mouvement, de façon à manœuvrer immédiatement d’une manière appropriée aux circonstances (ATA/557/2005 du 16 août 2005 et les références citées).

5. Selon une jurisprudence constante du tribunal de céans, la perte de maîtrise, c’est-à-dire la violation du devoir consistant notamment à être à tout instant en mesure d’agir de façon adéquate sur le véhicule conduit (ATF 127 II 302 consid. 3c p. 303) est une faute grave. C’est seulement si la perte de maîtrise est due uniquement à de mauvaises conditions de la route et que le comportement du conducteur a été correct que la question de la faute moyennement grave au sens de l’article 16b alinéa 1er lettre a LCR, voire la faute légère au sens de l’article 16a alinéa 1er lettre a LCR peut être posée (ATA/246/2007 du 15 mai 2007 et les références citées).

En l’espèce, aucune des circonstances pouvant conduire à une diminution de la faute ne peut être retenue, de sorte que la faute est grave au sens de l’article 16c alinéa 1er lettre a LCR. Dans un cas de perte de maîtrise précisément, sanctionné par prononcé préfectoral en application de l’article 90 chiffre 1 LCR, le Tribunal fédéral a néanmoins retenu l’existence d’une faute grave au sens de l’article 16c alinéa 1 LCR (Arrêt du Tribunal fédéral du 6A.87/2006 du 27 décembre 2006).

6. En application de l’article 16c alinéa 2 lettre a LCR, le retrait est d’une durée minimum de trois mois. En faisant application de ce minimum légal, alors que le concours d’infraction aurait pu conduire à une aggravation de la durée de la mesure du retrait du permis de conduire, l’autorité intimée a fait une saine appréciation de la situation. Sa décision est exempte de tout reproche de ce point de vue.

7. Le recourant se réclame du principe de l’égalité de traitement en comparant son cas avec celui de sa mère, victime elle aussi d’une perte de maîtrise une année auparavant, ayant entraîné un retrait de permis de conduire pendant un mois.

Dit principe de l’égalité de traitement postule que ce qui est semblable soit traité de manière identique et il se trouve violé lorsqu’une décision établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable (Arrêt du Tribunal fédéral 2A.174/2006 du 23 juin 2006).

En l’espèce, et comme l’a relevé l’autorité intimée, les circonstances des deux pertes de maîtrise ne sont pas similaires, tant s’en faut. La mère du recourant a été gênée par une circonstance extérieure, ce qui n’a pas été le cas du recourant. L’argument du recourant tombe à faux et ne peut pas être retenu.

8. Mal fondé, le recours doit être rejeté. Son auteur, qui succombe, sera condamné aux frais de la procédure en application de l’article 87 alinéa 1er LPA. Ceux-ci seront arrêtés en l’espèce à CHF 400.-.

 

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 27 juillet 2007 par Monsieur C______ contre la décision du 3 juillet 2007 du service des automobiles et de la navigation lui retirant son permis de conduire pour une durée de trois mois ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge du recourant un émolument de CHF 400.- ;

dit que, conformément aux articles 82 et suivants de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'article 42 LTF. Le présent arrêt  et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Guy Zwahlen, avocat du recourant, au service des automobiles et de la navigation ainsi qu’à l'office fédéral des routes à Berne.

Siégeants : Mme Bovy, présidente, MM. Paychère et Thélin, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj. a.i. :

 

 

P. Pensa

 

la vice-présidente :

 

 

L. Bovy

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :