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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2215/2006

ACOM/78/2006 du 28.08.2006 ( CRUNI ) , ADMIS

Descripteurs : ; INSTITUTION UNIVERSITAIRE ; ÉTUDIANT ; EXCLUSION(EN GÉNÉRAL) ; CIRCONSTANCE EXTRAORDINAIRE
Normes : Cst.29.al2; LU.63D.al3; RU.22.al.2; RIOR.14
Résumé : Élimination. Circonstances exceptionnelles. Rappel de la jurisprudence de la CRUNI selon laquelle, en omettant de se prononcer sur les circonstances exceptionnelles invoquées par l'étudiant dans la procédure d'opposition, la faculté violait de manière irréparable par l'instance de recours, le droit constitutionnel d'être entendu de l'intéressé.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

A/2215/2006-CRUNI ACOM/78/2006

DÉCISION

DE

LA COMMISSION DE RECOURS DE L’UNIVERSITÉ

du 28 août 2006

 

dans la cause

 

 

 

M. B______

 

contre

 

 

 

FACULTÉ DES SCIENCES

 

et

 

 

 

UNIVERSITÉ DE GENÈVE

(élimination)


EN FAIT

1. M. B______ est immatriculé à l'Université de Genève depuis le mois d'octobre 2000. Il s'est inscrit en faculté des sciences en vue de l'obtention de la licence en informatique.

2. Il a bien réussi les deux premières années. Compte tenu de ses études antérieures, il a achevé avec succès en octobre 2002 sa première et sa deuxième année d'études, puis il est passé en troisième et dernière année, soit en deuxième cycle. Il a ainsi suivi lors de l'année académique 2002-2003 les enseignements de la troisième année et il a présenté un examen de licence I.

3. Par courrier du 24 juin 2003, il a sollicité une prolongation du délai pour terminer sa licence en informatique car, selon le certificat médical qu'il a produit, il avait été dans l'incapacité d'utiliser son bras gauche suite à un accident et à une intervention chirurgicale le 11 mars 2003.

4. Au vu des pièces produites par l'étudiant, le doyen de la faculté des sciences a accordé la prolongation du délai à la session de mars 2005 pour l'obtention de la licence. Pendant les années académiques 2003-2004 et 2004-2005, M. B______ a présenté des examens de licence I. Il a suivi les enseignements de troisième année et présenté des examens.

5. Le 26 décembre 2004, il a écrit au doyen de la faculté des sciences pour indiquer qu'il avait à cette date 144 crédits sur les 180 nécessaires à l'obtention de son diplôme. Pour boucler les crédits manquants, il devait passer des examens à la fin du semestre d'été 2005 seulement. Il demandait en conséquence, compte tenu du changement survenu dans l'organisation des études, à pouvoir passer au nouveau système en vue d'obtenir un bachelor en informatique.

6. Le 26 janvier 2005, cette demande a été refusée. M. B______ était inscrit depuis le semestre d'hiver 2000 dans le cadre de la licence en informatique et il devait obtenir celle-ci en février 2005 au plus tard. S’il avait besoin d'un délai supplémentaire, il devait le solliciter en exposant par écrit ses motifs. De plus, les plans d'études de la licence et du bachelor étant très différents, l'étudiant, si sa demande était acceptée, devrait rattraper plusieurs cours de deuxième et de troisième années.

7. En février 2005, l'étudiant devait présenter les 7 et 22 février 2005 des examens d'architecture et technologie des ordinateurs II et de génie logiciel. Il ne s'est cependant pas présenté à ces deux examens.

Au début du mois de mars 2005, M. B______ a adressé à la faculté deux certificats médicaux, établis l'un et l'autre semble-t-il par le Dr Simon, attestant d'une incapacité complète pour cause de maladie, le 7 février 2005 au matin et le 22 février 2005 pour un jour. L'un et l'autre de ces certificats étaient datés respectivement du 7 et du 22 février 2005.

8. Par courrier du 3 mars 2005, le vice-doyen de la faculté a informé M. B______ qu'à teneur du règlement, un certificat médical devait être produit dans les trois jours suivant la date prévue pour un examen. Or, les examens auxquels il était inscrit avaient eu lieu les 7 et 22 février et la faculté n'avait reçu les certificats médicaux précités que le 14 février s'agissant du premier examen et le 2 mars pour le second. Il n'était dès lors pas possible d'en tenir compte. La note de 0 lui était attribuée pour chacun de ces deux examens.

Ce courrier ne comportait aucune voie de droit.

9. Par pli daté du 31 mars 2005, M. B______ a sollicité un délai supplémentaire jusqu'en février 2006 pour terminer sa licence en informatique.

Suite à l'accident dont il avait été victime le 31 octobre 2002, il avait été en incapacité de travail complète pendant deux mois puis il avait subi une opération le 11 mars 2003. La convalescence après cette opération avait duré environ six mois.

Il admettait avoir accumulé du retard dans ses études mais se prévalait des éléments précités pour les expliquer.

10. Par courrier du 20 avril 2005, le vice-doyen de la faculté a accordé à l'étudiant un ultime délai à la session de février 2006 pour terminer sa licence. Cette prolongation était exceptionnelle et son non-respect entraînerait l'élimination de la licence en informatique.

11. En octobre 2005, M. B______ s'est inscrit, parallèlement à la faculté des sciences, en faculté des lettres en postulant un baccalauréat en anglais et en arabe.

12. Par courrier du 12 mars 2006, M. B______ a prié le vice-doyen de la faculté des science de lui octroyer un délai d'un semestre supplémentaire pour effectuer son travail de licence et refaire l'examen de génie logiciel et projets informatiques et pour passer l'oral de compilateurs.

Il était à la recherche d'un sujet de mémoire de licence.

13. Par lettre signature du 29 mars 2006, le vice-doyen de la faculté a signifié à M. B______ son élimination de la licence en informatique puisqu'il avait échoué à trois des quatre examens obligatoires, dont deux après trois tentatives (architecture et technologie des ordinateurs II et génie logiciel) et qu'il n'avait pas encore commencé son mémoire de licence.

14. Par pli daté du 13 avril 2006, M. B______ a fait opposition à cette décision en faisant valoir qu'il était en traitement médical depuis une année car il souffrait de la maladie de Basedow laquelle se manifestait par un déséquilibre hormonal et provoquait de l'insomnie, de la nervosité et des sensibilités aux yeux. Il était également en traitement pour une affection dermatologique provoquant un urticaire chronique et des démangeaisons perturbant son sommeil. Il sollicitait à nouveau un délai pour lui permettre de réussir ses examens.

A l’appui de son opposition, M. B______ a produit une attestation médicale datée du 3 avril 2006 émanant de l’unité d’endocrinologie des Hôpitaux Universitaires de Genève certifiant qu’il était suivi à la consultation ambulatoire pour une affection médicale pouvant s’accompagner de troubles du sommeil ainsi que pour une affection dermatologique pouvant perturber la qualité du sommeil. Ces problèmes de sommeil pouvaient empêcher une préparation correcte à des examens. Cette attestation ne mentionnait pas depuis quand M. B______ était en traitement.

15. Par décision du 17 mai 2006, l’opposition de M. B______ a été rejetée, aucun élément ne permettant de revenir sur la décision du 29 mars 2006.

16. Par acte posté le 18 juin 2006, M. B______ a recouru contre cette décision auprès de la commission de recours de l’université (ci-après : CRUNI) en concluant à son annulation et en demandant principalement à pouvoir repasser l’examen de génie logiciel et compilateurs et interprètes et l’examen projets informatiques, en sollicitant un délai exceptionnel pour finir son mémoire de licence en raison de cette série d’atteintes à sa santé.

17. Selon les pièces produites par le recourant, celui-ci avait reçu la décision attaquée le vendredi 19 mai 2006.

18. Le 24 juillet 2006, l’université de Genève a conclu au rejet du recours.

a. L’université, soit pour elle la faculté des sciences, s’en rapportait à justice quant à la recevabilité du recours. Sur le fond, elle faisait valoir que le recourant était soumis au règlement d’études 2002-2003 à teneur duquel la durée réglementaire moyenne des études était de six semestres pour l’obtention de la licence en informatique, soit 180 crédits ECTS. Ce délai pouvait être prolongé jusqu’à 10 semestres avant que l’élimination ne soit prononcée.

La licence en informatique se composait de deux cycles, le premier correspondant aux deux premières années (120 crédits ECTS) était sanctionné par l’examen propédeutique I et par l’examen propédeutique II.

Le deuxième cycle quant à lui durait une année (60 crédits ECTS). Il était sanctionné par l’examen de licence I (52 crédits ECTS) et par l’examen de licence II (8 crédits ECTS). L’examen de licence II correspondait au mémoire de licence.

Au vu du parcours de M. B______, le délai de six semestres arrivait à échéance en octobre 2003. Suite aux demandes de prolongations de délai qu’il avait adressées à la faculté, M. B______ avait bénéficié de deux prolongations une première fois à la session de mars 2005 et une deuxième fois à celle de février 2006. La première correspondait à dix semestres d’études et la seconde à un onzième semestre exceptionnel.

Or, à l’issue de la session de février 2006, M. B______ avait épuisé son nombre de tentatives (trois) pour deux examens et il n’avait pas présenté son mémoire de licence. En application du règlement, il ne pouvait être qu’éliminé.

b. La question se posait de savoir si le doyen aurait dû prendre en compte des circonstances exceptionnelles telles qu’évoquées par l’étudiant.

Celui-ci avait eu un accident en octobre 2002 dont les répercussions s’étaient étendues jusqu’en mars 2003. Cet accident avait motivé l’octroi de la première prolongation de délai jusqu’à mars 2005.

Arrivé au terme de cette échéance, M. B______ avait formulé une nouvelle demande de délai en se prévalant toujours de cet accident survenu en 2002.

C’est en prenant en considération cet accident une nouvelle fois que la seconde prolongation jusqu’en février 2006 lui avait été accordée à titre exceptionnel.

Dans ce contexte, il était difficilement compréhensible que M. B______ se soit inscrit en faculté des lettres en octobre 2006 (recte 2005).

En tout état et malgré les prolongations de délais accordées, M. B______ n’avait pas obtenu les notes suffisantes ni présenté son mémoire de licence dans le délai imparti. Non seulement en février 2006 M. B______ n’avait pas terminé sa licence mais en plus il était en échec définitif, ayant épuisé le nombre de tentatives auxquelles il avait droit pour deux examens.

C’était dans le cadre de son opposition du 13 avril 2006 pour la première fois qu’il alléguait une nouvelle affection médicale attestée par un certificat médical produit de manière tardive, affection pouvant engendrer des insomnies. Ce nouveau grief aurait dû être présenté « de manière beaucoup plus consécutive aux examens passés afin que l’on puisse voir un lien de cause à effet entre les échecs aux examens et les problèmes de santé ». De plus, ce nouveau problème n’expliquait pas que le recourant n’ait pas réussi à obtenir de meilleurs résultats ni à finir sa licence dans les trois ans et demi qui lui avaient été accordés.

La faculté des sciences considérait que les motifs invoqués ne constituaient pas des circonstances exceptionnelles et qu’une troisième prolongation du délai d’études n’avait pas lieu d’être, pas plus qu’une dérogation au nombre de tentatives.

19. Sur quoi la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. Posté le dimanche 18 juin 2006, le recours de M. B______ dirigé contre la décision sur opposition du 17 mai 2006 réceptionnée par lui le vendredi 19 mai 2006 est recevable, ayant été formé dans les délais légaux et auprès de l’autorité compétente (art. 62 de la loi sur l’université du 26 mai 1973 - LU - C 1 30 ; art. 87 du règlement de l’université du 7 septembre 1988 - RU - C 1 30.06 ; art. 17 al. 3 et 4 et 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 26 et 27 du règlement interne relatif aux procédures d’opposition et de recours du 25 février 1977 - RIOR).

2. L’article 63D alinéa 3 LU prévoit que les conditions d’élimination des étudiants sont fixées par le règlement de l’université.

L’article 22 alinéa 2 RU dispose qu’est éliminé l’étudiant qui échoue à un examen ou à une session d’examens auxquels il ne peut plus se présenter en vertu du règlement d’études (let. a), ou qui ne subit pas les examens et ne termine pas ses études dans les délais fixés par le règlement d’études (let. b).

La décision d’élimination est prise par le doyen de la faculté (al. 3).

3. M. B______ est soumis au règlement de la faculté entré en vigueur le 1er octobre 2002. L’article 5, chiffre 3, lettre a, prévoit que pour l’obtention de la licence, l’étudiant doit acquérir un total de 180 crédits ECTS correspondant à une durée réglementaire moyenne de six semestres ; ce délai peut être prolongé sur requête de l’étudiant mais au plus jusqu’à dix semestres (art. 18, ch. 1, let. d). Ensuite l’étudiant est éliminé.

4. En raison de l’accident survenu en 2002 M. B______ a bénéficié de deux prolongations d’études, la dernière venant à expiration en février 2006 correspondant à un onzième semestre exceptionnel. Malgré cela et à cette date, l’étudiant avait épuisé son nombre de tentatives fixé à trois par l’article 13, chiffre 2 du règlement et cela pour deux examens ; de plus, il n’avait pas présenté son mémoire de licence dans ce même délai.

Les conditions de l’élimination étaient ainsi remplies.

5. Reste à examiner les problèmes de santé invoqués pour la première fois par l’étudiant dans son opposition et dont il aurait souffert depuis l’année 2005, à savoir la maladie de Basedow précitée et une affection dermatologique, l’attestation médicale datée du 3 avril 2006 établie par l’unité d’endocrinologie faisant état de ces deux affections pouvant perturber le sommeil sans préciser pour autant depuis quand le recourant en est affecté.

C’est à l’appui de son recours que M. B______ a produit à nouveau cette même attestation médicale et pour la première fois des convocations du service d’endocrinologie pour le 3 avril et le 25 septembre 2006 ainsi qu’une attestation du Dr Jean-Yves Berney remontant au 22 juin 2004 certifiant que M. B______ ne peut pas se présenter aux examens pour des raisons médicales, les deux certificats déjà cités des 7 et 22 février 2005 ainsi que des attestations certifiant d’une incapacité de travail pour cause de maladie le 20 juin 2005 pour un jour, le 5 juillet 2005 pour un jour également ainsi que le 4 octobre 2005 pour un jour, ces documents étant accompagnés d’ordonnances remontant à 2004 et 2005.

Enfin, étaient jointes les pièces relatives à l’accident d’octobre 2002.

6. Au moment de statuer sur opposition, les autorités universitaires avaient connaissance du dernier certificat médical produit par le recourant, à savoir celui de l’unité d’endocrinologie daté du 3 avril 2006.

Il ne résulte pas de la décision sur opposition que ces nouveaux éléments médicaux aient été examinés au regard de l’article 22 RU relatif aux circonstances exceptionnelles. La décision est fondée sur le fait que dans les délais consentis, l’étudiant n’a pas terminé sa licence et qu’il a par ailleurs subi trois échecs à l’examen de génie logiciel et deux à celui de compilateurs et interprètes de sorte qu’il ne peut plus se représenter à l’un et l’autre de ces examens. Enfin, il est indiqué de manière lacunaire que les raisons invoquées ne permettent pas de revenir sur cette décision d’élimination, sans autre motivation.

Cette argumentation n’est pas satisfaisante.

7. A teneur de l’article 14 RIOR, la décision sur opposition doit être motivée en fait et en droit pour respecter l’article 29 alinéa 2 de la Constitution fédérale du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et permettre aux intéressés de savoir pour quelles raisons une décision a été prise et pour quels motifs elle peut dès lors être contestée (ATF 129 I 232, consid. 3.2). Il suffit toutefois que l’autorité mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l’ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision pour que l’intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci (ATF 132 I 133, consid. 4 ; ACOM/61/2006 du 25 juillet 2006).

8. La CRUNI a déjà eu l’occasion de préciser qu’en omettant de se prononcer sur les circonstances exceptionnelles invoquées par le recourant dans la procédure d’opposition, la faculté violait le droit constitutionnel d’être entendu de ce dernier (ACOM/30/2006 du 27 avril 2006).

En l’espèce, la faculté a donc violé le droit d’être entendu de M. B______.

9. Il n’appartient pas à la CRUNI de statuer pour la première fois sur l’existence de telles circonstances au vu de certificats médicaux produits devant elle. Elle ne peut en effet que censurer l’abus du large pouvoir d’appréciation accordé à l’université (ACOM/1/2005 du 11 janvier 2005). Il lui est dès lors impossible de réparer la violation du droit d’être entendu.

10. Au vu de ce qui précède, le recours sera admis, la décision annulée et le dossier renvoyé à la faculté afin qu’elle se détermine sur l’existence de circonstances exceptionnelles au sens de l’article 22 alinéa 3 RU.

11. Vu la nature du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 33 RIOR).

 

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS,
LA COMMISSION DE RECOURS DE L’UNIVERSITÉ

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 18 juin 2006 par M. B______ contre la décision sur opposition de la faculté des sciences du 17 mai 2006 ;

au fond :

l’admet ;

annule la décision ;

renvoie le dossier à la faculté des sciences pour nouvelle décision au sens des considérants ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ;

communique la présente décision à M. B______, à la faculté des sciences, au service juridique de l’université ainsi qu’au département de l’instruction publique.

Siégeants : Madame Hurni, présidente suppléante,
Messieurs Schulthess et Chatton, membres

 

 

Au nom de la commission de recours de l’université :

la greffière :

 

 

 

C. Barnaoui-Blatter

 

la présidente suppléante :

 

 

 

E. Hurni

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :