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Décisions | Assistance juridique

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AC/1912/2023

DAAJ/137/2023 du 07.12.2023 sur AJC/4663/2023 ( AJC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

AC/1912/2023 DAAJ/137/2023

COUR DE JUSTICE

Assistance judiciaire

DÉCISION DU JEUDI 7 DECEMBRE 2023

 

 

Statuant sur le recours déposé par :

 

Monsieur A______, domicilié ______ [GE],

 

 

contre la décision du 14 septembre 2023 de la vice-présidence du Tribunal civil.

 

 

 


EN FAIT

A.           Le 28 juin 2023, A______ (ci-après : le recourant), retraité, a sollicité l'assistance juridique pour une démarche extrajudiciaire, à savoir l'obtention de conseils dans la perspective d'une éventuelle procédure de divorce.

Par courrier du 6 septembre 2023, le recourant a informé le greffe de l'Assistance juridique que son fils – qui vit avec lui - percevait un revenu annuel d'environ 60'000 fr. à 70'000 fr. Il a précisé ne pas pouvoir produire les fiches de paie y relatives, car il souhaitait que sa démarche demeure confidentielle. Il ne pouvait pas renseigner sur le salaire de son épouse, qui avait quitté définitivement la Suisse depuis avril 2022.

B.            Par décision du 14 septembre 2023, notifiée le 22 septembre 2023, la vice-présidence du Tribunal civil a rejeté la requête sus-évoquée, au motif que le recourant ne remplissait pas la condition d'indigence.

Selon cette décision, les revenus mensuels nets du recourant totalisaient 3'126 fr. (rente AVS : 1'772 fr. et prestations complémentaires : 1'354 fr.) pour des charges mensuelles de 1'903 fr. (moitié du loyer : 897 fr., l'autre moitié devant être assumée par son fils majeur et financièrement indépendant), TPG pour personnes au bénéfice des prestations complémentaires : arrondi à 6 fr. et base mensuelle d'entretien réduite à 1'000 fr., en raison de la colocation avec son fils).

Le disponible du recourant était de 1'223 fr. par mois selon un calcul du minimum vital strict, respectivement de 973 fr. après augmentation de 25% de sa base mensuelle d'entretien de 1'000 fr. sus-évoquée.

Le disponible d'au moins 973 fr. du recourant lui permettait d'assumer par ses propres moyens les honoraires de son conseil, qui pouvaient au besoin être acquittés par mensualités.

Dans l'indication des voies de recours, cette décision mentionne qu'elle pouvait faire l'objet d'un recours formé par écrit auprès de la Présidence de la Cour de justice, "dans les 30 jours de sa notification" et qu'en procédure sommaire, les délais n'étaient jamais suspendus.

C.           a. Par acte expédié le 16 octobre 2023 à la Présidence de la Cour de justice, le recourant, agissant en personne, a formé "opposition" à la décision du 14 septembre 2023.

Il a implicitement conclu à l'annulation de la décision du 14 septembre 2023 et à l'octroi de l'assistance juridique.

Le recourant, qui admet vivre avec son fils, conteste que ce soit une colocation, car il assume le ménage, les courses, le bricolage et tous les "achats". Comme il est "vieux et un peu malade", mais heureux de vivre avec son fils, de sorte qu'il accepte cette situation.

b. La vice-présidence du Tribunal civil a renoncé à formuler des observations.

EN DROIT

1.             1.1.
1.1.1
En tant qu'elle refuse l'assistance juridique, la décision entreprise, rendue en procédure sommaire (art. 119 al. 3 CPC), est sujette à recours auprès de la présidence de la Cour de justice (art. 121 CPC, 21 al. 3 LaCC et 1 al. 3 RAJ), compétence expressément déléguée à la vice-présidence soussignée sur la base des art. 29 al. 5 LOJ et 10 al. 1 du Règlement de la Cour de justice (RSG E 2 05.47). Le recours, écrit et motivé, doit être introduit auprès de l'instance de recours (art. 321 al. 1 CPC) dans un délai de dix jours (art. 321 al. 2 CPC et 11 RAJ).

1.1.2 Selon l'art. 238 let. f CPC, la décision contient l'indication des voies de droit si les parties n'ont pas renoncé à recourir.

Aux termes de l'art. 5 al. 3 Cst., les organes de l'Etat et les particuliers doivent agir de manière conforme aux règles de la bonne foi. De ce principe général découle notamment le droit fondamental du particulier à la protection de sa bonne foi dans ses relations avec l'Etat, consacré à l'art. 9 in fine Cst. (ATF 138 I 49 consid. 8.3.1; 136 I 254 consid. 5.2; 135 IV 212 consid. 2.6). On déduit du principe de la bonne foi que les parties ne doivent subir aucun préjudice en raison d'une indication inexacte des voies de droit (ATF 138 I 49 consid. 8.3.2; 117 Ia 297 consid. 2, 421 consid. 2c). Une partie ne peut toutefois se prévaloir de cette protection que si elle se fie de bonne foi à cette indication. Tel n'est pas le cas de celle qui s'est aperçue de l'erreur, ou aurait dû s'en apercevoir en prêtant l'attention commandée par les circonstances. Seule une négligence procédurale grossière peut faire échec à la protection de la bonne foi. Celle-ci cesse uniquement si une partie ou son avocat aurait pu se rendre compte de l'inexactitude de l'indication des voies de droit en lisant simplement la législation applicable. En revanche, il n'est pas attendu d'eux qu'outre les textes de loi, ils consultent encore la jurisprudence ou la doctrine y relatives. Déterminer si la négligence commise est grossière s'apprécie selon les circonstances concrètes et les connaissances juridiques de la personne en cause. Les exigences envers les avocats sont naturellement plus élevées : on attend dans tous les cas de ces derniers qu'ils procèdent à un contrôle sommaire des indications sur la voie de droit (ATF 138 I 49 consid. 8.3.2; 135 III 374 consid. 1.2.2.2; 134 I 199 consid. 1.3.1). La confiance que la partie recourante assistée d'un avocat peut placer dans l'indication erronée du délai de recours dans une décision n'est pas protégée lorsqu'une lecture systématique de la loi suffisait à déceler l'erreur (ATF 141 III 270 consid. 3.3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_1017/2018 du 1er avril 2019 consid. 1.2.2.1).

1.2 En l'espèce, la décision entreprise a indiqué par erreur un délai de recours de 30 jours, au lieu de celui de 10 jours et le recours a été formé au-delà des 10 jours de la réception de la décision en cause, mais encore dans le délai de 30 jours.

Le recourant, retraité, est, a priori, profane en droit, puisque le but de sa démarche est d'obtenir l'assistance juridique afin d'être conseillé en matière de divorce.

La question de savoir s'il aurait pu se rendre compte de l'inexactitude du délai pour former le recours en lisant le CPC, en particulier l'art. 321 al. 1 et al. 2 CPC qui ne sont pas mentionnés dans l'indication de la voie de droit de la décision en cause, peut demeurer indécise en l'espèce, dès lors que le recours est, en tout état de cause, infondé.

1.3. Lorsque la Cour est saisie d'un recours (art. 121 CPC), son pouvoir d'examen est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC, applicable par renvoi de l'art. 8 al. 3 RAJ). Il appartient en particulier au recourant de motiver en droit son recours et de démontrer l'arbitraire des faits retenus par l'instance inférieure (Hohl, Procédure civile, tome II, 2ème éd., n. 2513-2515).

2.             2.1. L'octroi de l'assistance juridique est notamment subordonné à la condition que le requérant soit dans l'indigence (art. 29 al. 3 Cst. et 117 let. a CPC).

Une personne est indigente lorsqu'elle ne peut assurer les frais liés à la défense de ses intérêts sans porter atteinte au minimum nécessaire à son entretien et à celui de sa famille (ATF 141 III 369 consid. 4.1; 128 I 225 consid. 2.5.1).

L'indigence s'apprécie en fonction de l'ensemble des ressources du recourant, dont ses revenus, sa fortune et ses charges, tous les éléments pertinents étant pris en considération (ATF 135 I 221 consid. 5.1; 120 Ia 179 consid. 3a). La situation économique existant au moment du dépôt de la requête est déterminante (ATF 135 I 221 consid. 5.1; arrêt du Tribunal fédéral 4D_19/2016 du 11 avril 2016 consid. 4.1).

Il incombe au requérant d'indiquer de manière complète et d'établir autant que faire se peut ses revenus, sa situation de fortune et ses charges (art. 119 al. 2 CPC et 7 al. 2 RAJ; ATF 135 I 221 consid. 5.1; arrêt du Tribunal fédéral 2C_585/2015 du 30 novembre 2015 consid. 5).

Seules les charges réellement acquittées sont susceptibles d'entrer dans le calcul du minimum vital (ATF 135 I 221 consid. 5.1; arrêt du Tribunal fédéral 4D_19/2016 précité consid. 4.1). Les dettes anciennes, pour lesquelles le débiteur ne verse plus rien, n'entrent pas en ligne de compte (ATF 135 I 221 consid. 5.1).

En vertu du principe de l'effectivité, il y a lieu de mettre en balance, d'une part, la totalité des ressources effectives du requérant et, d'autre part, l'ensemble de ses engagements financiers, et non seulement une partie de celles-là ou de ceux-ci. En effet, si l'on peut attendre certains sacrifices financiers de la part du requérant, cela ne doit pas aller jusqu'à le contraindre à se procurer les moyens nécessaires pour faire valoir ses droits en justice, en contractant de nouvelles dettes, en n'honorant pas les dettes existantes ou en se dessaisissant de biens de première nécessité (ATF 135 I 221 consid. 5.1 et 5.2.1).

Le minimum d'existence du droit des poursuites n'est pas déterminant à lui seul pour établir l'indigence au sens des règles sur l'assistance judiciaire. L'autorité compétente peut certes partir du minimum vital du droit des poursuites, mais elle doit tenir compte de manière suffisante des données individuelles du cas d'espèce (ATF 141 III 369 consid. 4.1; ATF 124 I 1 consid. 2a).

Il appartient au justiciable sollicitant l'aide de l'État d'adapter son train de vie aux moyens financiers dont il dispose en donnant priorité aux dépenses relevant du strict minimum vital (arrêt du Tribunal fédéral 1B_428/2010 du 2 février 2011 consid. 4).

La part des ressources excédant ce qui est nécessaire à la satisfaction des besoins personnels doit être comparée aux frais prévisibles de la procédure pour laquelle l'assistance judiciaire est requise. Celle-ci n'est pas accordée lorsque le solde disponible permet d'amortir les frais judiciaires et d'avocat en une année au plus, pour les procès relativement simples, et en deux ans pour les autres (ATF 141 III 369 consid. 4.1; 135 I 221 consid. 5.1).

2.2 Les Normes d'insaisissabilité pour l'année 2023 (NI-2023) prévoient que le montant de base mensuel pour un débiteur vivant seul est de 1'200 fr. (ch. I. 1); il est de 1'350 fr. pour un débiteur monoparental (ch. I. 2) et de 1'700 fr. pour un couple marié, deux personnes vivant en partenariat enregistré ou un couple avec des enfants (ch. I. 3).

Si le partenaire d'un débiteur vivant sans enfant en colocation ou en communauté de vie réduisant les coûts dispose également de revenus, il convient d'appliquer le montant de base défini pour le couple marié et, en règle générale, de le réduire (au maximum) à la moitié (NI_2023, ch. I; cf. ATF 130 III 765 consid. 2.4; arrêt du Tribunal fédéral 5A_827/2022 du 16 mai 2023 consid. 5.3.1).

La prise en compte d'un tel montant de base suppose l'existence d'une communauté de vie fondée sur un partenariat. Le ménage commun formé par exemple par l'épouse et ses deux fils majeurs n'entre pas dans cette catégorie (ATF 144 III 502 consid. 6.6; 132 III 483 consid. 4.2; arrêts du Tribunal fédéral 5A_827/2022 du 16 mai 2023 consid. 5.3; arrêt 5A_6/2019 du 3 juillet 2019 consid. 4.4).

L'enfant majeur assume une part des coûts du logement s'il en a effectivement la capacité économique (arrêt du Tribunal fédéral 5A_432/2011 du 20 septembre 2011 consid. 3.2). En cas de communauté domestique avec un enfant majeur qui exerce une activité lucrative, il peut être équitable, selon les circonstances, de partager à parts égales les frais de logement (ATF 144 III 502 consid. 6.6; 132 III 483 consid. 4.2, 4.3 et 5, in JdT 2007 II 78). Aucune participation au loyer ne devrait toutefois être retenue pour un enfant majeur devant s'entretenir seul avec un salaire de 1'000 fr. (arrêt du Tribunal fédéral 5C.45/2006 du 15 mars 2006 consid. 3.6; ACJC/1241/2023 du 21 septembre 2023 consid. 3.1.7; Bastons Bulletti, L'entretien après le divorce : Méthodes de calcul, montant, durée et limites, in SJ 2007 II 77, p. 88).

2.3. En l'espèce, le recourant forme une communauté de vie avec son fils majeur, lequel est indépendant financièrement et perçoit un revenu annuel de l'ordre de 60'000 fr. à 70'000 fr., soit au moins 5'000 fr. par mois, de sorte qu'en application de la jurisprudence sus-évoquée, il est équitable que le montant du loyer du logement soit partagé à parts égales entre le recourant et son fils, soit une charge mensuelle de 897 fr. chacun, que la vice-présidence du Tribunal civil a retenue avec raison.

Ensuite, même en portant la base mensuelle d'entretien du recourant à 1'350 fr. parce qu'il vit avec son fils sans que ce soit assimilable à un partenariat, le recourant dispose encore des moyens financiers pour rémunérer les conseils d'un avocat afin de se déterminer s'il envisage ou non de former une action en divorce.

En effet, le disponible du recourant est de 873 fr. selon un calcul du minimum vital strict (3'126 fr. – [base mensuelle d'entretien : 1'350 fr. + moitié du loyer : 897 fr. + TPG : 6 fr.)] respectivement de 535 fr. après augmentation de 25% de sa base mensuelle d'entretien (3'126 fr. – [1'350 fr. + 25% = 1'688 fr. + 897 fr. + 6 fr.)].

Il s'ensuit que c'est avec raison que la vice-présidence du Tribunal civil rejeté la requête d'assistance juridique pour des démarches extrajudiciaires pour des conseils dans la perspective d'une procédure de divorce, puisque le recourant ne remplit pas la condition d'indigence.

Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté, dans la mesure de sa recevabilité.

3.             Sauf exceptions non réalisées en l'espèce, il n'est pas perçu de frais judiciaires pour la procédure d'assistance juridique (art. 119 al. 6 CPC).

Il n'y a pas lieu à l'octroi de dépens.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA VICE-PRÉSIDENTE DE LA COUR :

Rejette, dans la mesure de sa recevabilité, le recours formé par A______ contre la décision rendue le 14 septembre 2023 par la vice-présidence du Tribunal civil dans la cause AC/1912/2023.

Déboute A______ de toutes autres conclusions.

Dit qu'il n'est pas perçu de frais judiciaires pour le recours, ni alloué de dépens.

Notifie une copie de la présente décision à A______ (art. 327 al. 5 CPC et 8 al. 3 RAJ).

Siégeant :

Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, vice-présidente; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière civile; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 72 à 77 et 90 ss de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110). Il connaît également des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la décision attaquée. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF indéterminée.