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Décisions | Assistance juridique

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AC/1784/2017

DAAJ/116/2023 du 08.11.2023 sur AJC/3318/2023 ( AJC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

AC/1784/2017 DAAJ/116/2023

COUR DE JUSTICE

Assistance judiciaire

DECISION DU MERCREDI 8 NOVEMBRE 2023

 

 

Statuant sur le recours déposé par :

 

Madame A______, domiciliée ______ [VD],

représentée par Me Lucile BONAZ, avocate, Gabus Avocats, boulevard des Tranchées 46, 1206 Genève,

 

contre la décision du 29 juin 2023 de la vice-présidence du Tribunal de première instance.


EN FAIT

A.           a. Un litige oppose A______ (ci-après : la recourante), née le ______ 2004, d'une part, et B______ SA et C______, d'autre part, ce en lien avec l'exposition in utero de la première à un médicament contre l'épilepsie produit par la deuxième, qui aurait causé des problèmes de santé pour lesquels une compensation financière est demandée.

La cause C/1______/2017 y relative est pendante devant le Tribunal de première instance de Genève. Plusieurs actions menées par d'autres personnes et concernant l'exposition au même médicament durant la grossesse, soit des faits similaires, sont parallèlement en cours devant ce même Tribunal.

b. La recourante, dont l'indigence n'est pas remise en cause, a obtenu l'assistance judiciaire pour ladite procédure par décisions des 16 juin 2017 et 1er février 2018, octroi limité à la première instance.

c. Dans l'une des causes connexes susmentionnées (C/2______/2018), le Tribunal a, par ordonnance du 8 février 2023, limité la procédure à la question de la prescription et de la péremption et ordonné la suspension de la cause. Il s'agissait d'attendre que la question de la prescription et de la péremption soit tranchée dans une troisième cause connexe (C/3______/2016), afin d'éviter le prononcé de décisions contradictoires.

Par arrêt ACJC/722/2023 du 6 juin 2023, la Cour a confirmé cette décision : les questions soumises au Tribunal étaient en grande partie les mêmes dans les deux procédures concernées. Un risque de décisions contradictoires était "évident" et l'emportait sur le principe de célérité.

d. Le 19 juin 2023, B______ SA a transmis au juge nanti de la cause C/1______/2017, concernant la recourante, l'arrêt précité lui enjoignant de prononcer la même décision de suspension.

Ce courrier a été transmis à la recourante qui l'a reçu le 21 juin 2023.

e. Par ordonnance du 20 juin 2023, le premier juge a, cependant, prononcé la suspension de la procédure jusqu'à droit jugé dans la cause C/3______/2016 sur la prescription et la péremption.

Le juge a exposé que la cause C/3______/2016 avait fait l'objet d'un jugement rejetant les prétentions de la partie demanderesse, qui faisait valoir des atteintes à la santé consécutives à l'exposition in utero du médicament de B______ SA. Les prétentions avaient été considérées comme prescrites : le point de départ de la prescription décennale était le jour de la naissance. Or, ce jugement faisait l'objet d'une procédure d'appel devant la Cour de justice. L'action d'A______ était fondée sur des circonstances similaires et avait, elle aussi, été introduite plus de dix ans après la naissance. Les questions de droit étaient en grande partie les mêmes : la question de l'application d'un délai de prescription plus long et l'application de la Convention européenne des droits de l'homme.

B.            Le 26 juin 2023, la recourante a sollicité l'assistance juridique pour recourir contre cette ordonnance. Elle entendait faire valoir une violation du principe de célérité et de son droit d'être entendue.

C.           Par décision du 29 juin 2023, notifiée le 6 juillet 2023, la vice-présidence du Tribunal de première instance a rejeté la requête d'assistance juridique précitée, au motif que la cause de la recourante était dénuée de chances de succès.

Selon cette décision, le juge du Tribunal ne s'était pas fondé sur le courrier de B______ SA pour prononcer l'ordonnance du 20 juin 2023 : le droit d'être entendu de la recourante n'avait donc pas été violé. En tout état, même si la recourante avait gain de cause sur cette question formelle, il n'y aurait vraisemblablement aucune incidence sur le fond de l'affaire, ni sur l'issue de la nouvelle décision à rendre. La violation du droit d'être entendu pourrait de surcroît être réparée devant l'instance de recours. Sur le fond, l'ordonnance était exempte de critique et conforme au droit, eu égard au précédent arrêt de la Cour de justice sur ce même point. Un tiers avisé plaidant par ses propres deniers n'entamerait pas une procédure de recours dans ce cas.

D.           a. Recours est formé contre cette décision, par acte déposé le 14 juillet 2023 au greffe de la Cour de justice. La recourante conclut à l'annulation de la décision entreprise et à son admission au bénéfice de l'assistance juridique aux fins de recourir contre l'ordonnance de suspension susmentionnée, sous suite de dépens.

Elle reproche, en substance, à l'autorité précédente d'avoir retenu que le juge du Tribunal n'avait pas pris en compte le courrier de B______ SA, alors que tel était le cas, comme le démontrait la concomitance entre la réception de ce courrier et le prononcé de l'ordonnance, ainsi que les références à l'arrêt ACJC/722/2023 contenues dans celle-ci. Une réparation ne pouvait pas entrer en considération, car l'autorité de recours n'avait pas le même pouvoir de cognition. En cas de renvoi au premier juge, elle plaiderait que sa cause ne justifiait pas d'être suspendue par application du principe de célérité. Les faits de sa cause étaient différents de celle dont l'issue serait attendue, puisque, dans chaque procédure, il fallait déterminer individuellement le dies a quo du délai de prescription ou de péremption. Enfin, la cause de la recourante était connexe à celle de son frère, qui n'avait pas été suspendue. Il serait plus économique de laisser les deux procès de la fratrie avancer simultanément : à défaut, les actes d'instruction effectués dans la cause du frère devraient être répétés dans celle de la recourante.

Elle produit des pièces nouvelles.

b. La vice-présidence du Tribunal de première instance a renoncé à formuler des observations.

EN DROIT

1.             1.1. La décision entreprise est sujette à recours auprès de la présidence de la Cour de justice en tant qu'elle refuse l'assistance juridique (art. 121 CPC et art. 21 al. 3 LaCC), compétence expressément déléguée à la vice-présidente soussignée sur la base des art. 29 al. 5 LOJ et 10 al. 1 du Règlement de la Cour de justice (RSG E 2 05.47). Le recours, écrit et motivé, est introduit auprès de l'instance de recours (art. 321 al. 1 CPC) dans un délai de dix jours (art. 321 al. 2 CPC et 11 RAJ).

1.2. En l'espèce, le recours est recevable pour avoir été interjeté dans le délai utile et en la forme écrite prescrite par la loi.

1.3. Lorsque la Cour est saisie d'un recours (art. 121 CPC), son pouvoir d'examen est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC, applicable par renvoi de l'art. 8 al. 3 RAJ). Il appartient en particulier au recourant de motiver en droit son recours et de démontrer l'arbitraire des faits retenus par l'instance inférieure (Hohl, Procédure civile, tome II, 2ème éd., n. 2513-2515).

2.             Aux termes de l'art. 326 al. 1 CPC, les allégations de faits et les preuves nouvelles sont irrecevables dans le cadre d'un recours.

Par conséquent, les allégués de faits dont la recourante n'a pas fait état en première instance et les pièces nouvelles ne seront pas pris en considération.

3.             3.1.
3.1.1. Reprenant l'art. 29 al. 3 Cst., l'art. 117 CPC prévoit que toute personne qui ne dispose pas de ressources suffisantes a droit à l'assistance judiciaire à moins que sa cause paraisse dépourvue de toute chance de succès.

Selon la jurisprudence, une cause est vouée à l'échec, respectivement dépourvue de toute chance de succès, lorsque la perspective d'obtenir gain de cause est notablement plus faible que le risque de succomber et qu'elle ne peut donc être considérée comme sérieuse, de sorte qu'une personne raisonnable disposant des ressources financières nécessaires renoncerait à engager la procédure en raison des frais qu'elle s'exposerait à devoir supporter. En revanche, l'assistance judiciaire doit être accordée lorsque les chances de succès et les risques d'échec s'équilibrent à peu près, ou que les premières n'apparaissent que légèrement inférieures aux seconds. La situation doit être appréciée à la date du dépôt de la requête d'assistance judiciaire, sur la base d'un examen sommaire (ATF 142 III 138 consid. 5.1; 139 III 396 consid. 1.2, 475 consid. 2.2; 138 III 217 consid. 2.2.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_161/2023 du 7 juillet 2023 consid. 4.1).

La situation doit être appréciée à la date du dépôt de la requête et sur la base d'un examen sommaire (ATF 142 III 138 consid. 5.1 ; 133 III 614 consid. 5).

3.1.2. Le droit d'être entendu est une garantie constitutionnelle de nature formelle. En principe, la violation du droit d'être entendu entraîne l'annulation de la décision attaquée, indépendamment des chances de succès du recours sur le fond. Toutefois, le droit d'être entendu n'est pas une fin en soi; il doit permettre d'éviter qu'une procédure judiciaire ne débouche sur un jugement vicié en raison de la violation du droit des parties de participer à la procédure, notamment à l'administration des preuves. Lorsqu'on ne voit pas quelle influence la violation du droit d'être entendu a pu avoir sur la procédure, il n'y a pas lieu d'annuler la décision attaquée (ATF 143 IV 380 consid. 1.4.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_168/2022 du 10 juin 2022 consid. 5.1 et les arrêts cités). Dans ce cas, en effet, le renvoi de la cause à l'autorité précédente en raison de cette seule violation constituerait une vaine formalité et conduirait seulement à prolonger inutilement la procédure (ATF 143 IV 380 consid. 1.4.1 et les références citées; arrêt du Tribunal 5A_647/2022 du 27 mars 2023 consid. 3.3.1).

3.1.3. Selon l'art. 126 al. 1 CPC, le tribunal peut ordonner la suspension de la procédure si des motifs d'opportunité le commandent ; la procédure peut notamment être suspendue lorsque la décision dépend du sort d'un autre procès.

Selon la jurisprudence, la suspension d'une procédure n'entre en considération qu'exceptionnellement. Dans le doute, le principe de célérité prévaut (ATF 135 III 127 consid. 3.4; 119 II 386 consid. 1b). Elle est ordonnée par souci d'économie de procédure et dans le but d'éviter des jugements contradictoires, lorsque plusieurs tribunaux sont saisis simultanément d'objets identiques. Il en va ainsi notamment lorsque la décision à rendre dépend du sort d'une autre procédure (ATF 141 III 549 consid. 6.5; arrêt du Tribunal fédéral 4A_175/2022 du 7 juillet 2022 consid. 5.2.1).

3.2. En l'espèce, il s'agit d'examiner les chances de succès d'un recours contre l'ordonnance de suspension rendue par le Tribunal de première instance, pour lequel la recourante demande l'assistance juridique.

Les questions de l'existence ou non d'une violation du droit d'être entendu de la recourante, ainsi que du caractère réparable d'une éventuelle violation de ce droit, peuvent être laissées indécises eu égard à ce qui suit.

Comme l'a souligné à juste titre l'autorité précédente, un bénéfice matériel d'un éventuel recours pour violation du droit d'être entendu contre l'ordonnance du Tribunal n'a pas été prouvé, ni même rendu vraisemblable. La recourante n'apporte aucune explication sur les éléments pertinents de fait ou de droit qu'elle aurait souhaité faire valoir, si l'occasion lui avait été donnée de se prononcer sur le courrier de B______ SA par lequel l'arrêt de la Cour ACJC/722/2023 a été transmis au Tribunal. Elle se limite à déclarer qu'elle plaiderait une violation du principe de célérité. Or, même en cas d'admission du recours de la recourante contre la décision de suspension pour violation du droit d'être entendu, la nouvelle décision à rendre serait la même, comme il va être examiné ci-après, car elle est fondée. Ainsi, un recours pour violation du droit d'être entendu contre cette décision conduirait seulement à prolonger la procédure inutilement et n'aurait aucune influence sur l'issue de celle-ci, même en cas d'admission.

Sur le fond, l'ordonnance du Tribunal repose sur des motifs identiques à celle prononcée dans la cause connexe C/2______/2018 et ayant donné lieu à l'ACJC/722/2023, qui l'a confirmée. Il s'agit précisément de l'un des cas où la suspension est justifiée, en raison d'un risque de décisions contradictoires. Il apparaît donc comme hautement prévisible que l'issue d'une procédure de recours contre l'ordonnance de suspension serait la même, à savoir le rejet du recours, tant les faits sont similaires, soit l'exposition à un médicament identique durant la croissance in utero. A ce sujet, la recourante a invoqué le principe de célérité et des fondements factuels propres à sa cause. S'agissant de la question de la célérité, cet argument a été expressément écarté par la Cour dans son arrêt. Quant à des différences dans les faits pertinents, la recourante se limite à déclarer que chaque cause contenait des dates propres pour calculer les délais de prescription ou de péremption. De toute évidence, cette différence n'est pas significative, puisqu'il est au contraire déterminant in casu de poser des principes généraux et abstraits de calcul des délais tant quant à leur durée que quant à leur dies a quo, ce afin de les transposer égalitairement ensuite dans toutes les causes concernées par subsomption avec les faits particuliers et concrets. Ainsi, le fait que chaque enfant concerné soit né à une date différente est sans pertinence, sous l'angle de l'intérêt à éviter des décisions contradictoires. En dernier lieu, la recourante soulève un argumentaire quelque peu abscons et qui ne ressort pas de sa requête de première instance sur la cause connexe concernant son frère et dont l'instruction se poursuivrait. Il n'existe pas suffisamment de faits au dossier permettant de déterminer dans quelle mesure la cause concernant du frère de la recourante aurait une influence quelconque sur le traitement de la cause de la recourante elle-même.

Par conséquent, la recourante échoue à démontrer qu'un recours aurait une quelconque chance de conduire à la poursuite de l'instruction. Une personne raisonnable plaidant par ses propres deniers ne procéderait donc pas, comme l'a retenu à juste titre l'autorité précédente.

Par conséquent, le recours sera rejeté.

4. Sauf exceptions non réalisées en l'espèce, il n'est pas perçu de frais judiciaires pour la procédure d'assistance juridique (art. 119 al. 6 CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA VICE-PRÉSIDENTE DE LA COUR :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé par A______ contre la décision rendue le 29 juin 2023 par la vice-présidence du Tribunal de première instance dans la cause AC/1784/2017.

Au fond :

Le rejette.

Déboute A______ de toutes autres conclusions.

Dit qu'il n'est pas perçu de frais judiciaires pour le recours.

Notifie une copie de la présente décision à A______ en l'Etude de Me Lucile BONAZ (art. 137 CPC).

Siégeant :

Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, vice-présidente; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

La vice-présidente :

Verena PEDRAZZINI RIZZI

 

La greffière :

Maïté VALENTE

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à
30'000 fr.