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Décisions | Assistance juridique

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AC/250/2023

DAAJ/55/2023 du 02.06.2023 sur AJC/1036/2023 ( AJC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

AC/250/2023 DAAJ/55/2023

COUR DE JUSTICE

Assistance judiciaire

DÉCISION DU VENDREDI 2 JUIN 2023

 

 

Statuant sur le recours déposé par :

 

Madame A______, domiciliée ______ [GE],

représentée par Me Roxane SHEYBANI, avocate, rue Etienne-Dumont 22, 1204 Genève,

 

contre la décision du 24 février 2023 de la vice-présidence du Tribunal civil.

 

 

 


EN FAIT

A.           Le 27 janvier 2023, A______ (ci-après : la recourante) a sollicité l'assistance juridique "dans l'éventualité d'une procédure TBL [Tribunal des baux et loyers]".

Elle expose être cotitulaire du bail avec son époux, portant sur le logement de la famille, sis au n° ______, rue 1______ à Genève, au loyer annuel de 21'000 fr., et que son époux a résilié unilatéralement en imitant sa signature. Elle en avait avisé la régie aussitôt après avoir appris cette résiliation. La réponse de la régie n'est pas connue.

B.            Par décision du 24 février 2023, notifiée le 2 mars 2023, la vice-présidence du Tribunal civil a rejeté la requête d'assistance juridique.

Selon cette décision, les revenus mensuels nets du ménage totalisaient 7'051 fr. 95 (pour la recourante : 3'646 fr. [631 fr. 80 et 3'014 fr. 50, impôts à la source déduit] et son époux : 3'405 fr. 65), pour des charges mensuelles de 5'153 fr. 60 (base mensuelle d'entretien pour le couple : 1'700 fr., loyer : 1'905 fr., primes d'assurance-maladie obligatoires du couple : 997 fr. 60, aide financière versée à leur fille, étudiante au Sénégal : 411 fr. en moyenne, abonnement TPG pour le couple : 140 fr.).

Le disponible du ménage de la recourante était de 1'898 fr. 35 par mois selon un calcul du minimum vital strict, respectivement de 1'473 fr. 35 après augmentation de 25% de la base mensuelle d'entretien du couple sus-évoquée.

Le disponible d'au moins 1'473 fr. 35 de la recourante lui permettait d'assumer par ses propres moyens les frais de la procédure et les honoraires de son conseil, qui pouvaient au besoin être acquittés par mensualités.

C.           a. Recours est formé contre cette décision, par acte expédié le 13 mars 2023 à la Présidence de la Cour de justice.

La recourante conclut, avec suite de frais et dépens, à l'annulation de la décision entreprise et à ce qu'il soit ordonné à la Présidence du Tribunal civil de l'admettre au bénéfice de l'assistance juridique.

Subsidiairement, elle conclut au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

La recourante produit des pièces nouvelles.

b. La Vice-présidence du Tribunal civil a renoncé à formuler des observations.

EN DROIT

1.             1.1. En tant qu'elle refuse l'assistance juridique, la décision entreprise, rendue en procédure sommaire (art. 119 al. 3 CPC), est sujette à recours auprès de la présidente de la Cour de justice (art. 121 CPC, 21 al. 3 LaCC et 1 al. 3 RAJ), compétence expressément déléguée à la vice-présidente soussignée sur la base des art. 29 al. 5 LOJ et 10 al. 1 du Règlement de la Cour de justice (RSG E 2 05.47). Le recours, écrit et motivé, est introduit auprès de l'instance de recours (art. 321 al. 1 CPC) dans un délai de dix jours (art. 321 al. 2 CPC et 11 RAJ).

1.2. En l'espèce, le recours est recevable pour avoir été interjeté dans le délai utile et en la forme écrite prescrite par la loi.

1.3. Lorsque la Cour est saisie d'un recours (art. 121 CPC), son pouvoir d'examen est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC, applicable par renvoi de l'art. 8 al. 3 RAJ). Il appartient en particulier au recourant de motiver en droit son recours et de démontrer l'arbitraire des faits retenus par l'instance inférieure (Hohl, Procédure civile, tome II, 2ème éd., n. 2513-2515).

2.             Aux termes de l'art. 326 al. 1 CPC, les allégations de faits et les preuves nouvelles sont irrecevables dans le cadre d'un recours.

Par conséquent, les allégués de faits dont la recourante n'a pas fait état en première instance et les pièces nouvelles ne seront pas pris en considération.

3.             Selon la recourante, son revenu mensuel brut est de 2'985 fr. 15 et le revenu mensuel net de son époux ne peut pas être pris en considération, car il lui a annoncé son déménagement au 31 mars 2023. A son sens, elle remplit la condition d'indigence.

Invoquant la doctrine (CPC-Tappy, n. 26 ad. art. 117 CPC), elle fait valoir que la créance d'entretien contre son époux est douteuse, parce qu'"il paraît hautement improbable qu'il respecte son obligation d'assistance envers [elle]". A son sens, il serait justifié de lui accorder l'assistance judiciaire tout en lui impartissant un délai pour agir en entretien contre son époux.

Elle précise que sa cause n'est pas dépourvue de chances de succès et qu'il convient de la dispenser du paiement de l'avance de frais.

3.1. 3.1.1 Reprenant l'art. 29 al. 3 Cst., l'art. 117 CPC prévoit que toute personne qui ne dispose pas de ressources suffisantes a droit à l'assistance judiciaire à moins que sa cause paraisse dépourvue de toute chance de succès.

Outre la présence d'une cause non dénuée de chances de succès et de l'indigence, la fourniture d'un conseil juridique rémunéré par l'Etat suppose la nécessité de l'assistance par un professionnel (ATF 141 III 560 consid. 3.2.1).

L'octroi de l'assistance juridique est notamment subordonné à la condition que le requérant soit dans l'indigence (art. 29 al. 3 Cst. et 117 let. a CPC).

Une personne est indigente lorsqu'elle ne peut assurer les frais liés à la défense de ses intérêts sans porter atteinte au minimum nécessaire à son entretien et à celui de sa famille (ATF 141 III 369 consid. 4.1; 128 I 225 consid. 2.5.1).

L'indigence s'apprécie en fonction de l'ensemble des ressources du recourant, dont ses revenus, sa fortune et ses charges, tous les éléments pertinents étant pris en considération (ATF 135 I 221 consid. 5.1; 120 Ia 179 consid. 3a). La situation économique existant au moment du dépôt de la requête est déterminante (ATF 135 I 221 consid. 5.1; arrêt du Tribunal fédéral 4D_19/2016 du 11 avril 2016 consid. 4.1).

Il incombe au requérant d'indiquer de manière complète et d'établir autant que faire se peut ses revenus, sa situation de fortune et ses charges (art. 119 al. 2 CPC et 7 al. 2 RAJ; ATF 135 I 221 consid. 5.1; arrêt du Tribunal fédéral 2C_585/2015 du 30 novembre 2015 consid. 5).

Les ressources effectives des personnes qui ont à l'égard du requérant une obligation d'entretien doivent être prises en compte (ATF 119 Ia 11 consid. 3a), le devoir de l'État d'accorder l'assistance judiciaire à un plaideur impécunieux dans une cause non dénuée de chances de succès étant subsidiaire à l'obligation d'entretien qui résulte du droit de la famille (ATF 138 III 672 consid. 4.2.1; arrêts du Tribunal fédéral 4A_404/2022 du 17 octobre 2022 consid. 4.3.3 e les références citées).

L'examen l'indigence selon l'art. 29 al. 3 Cst. ne doit pas se baser sur des conditions financières hypothétiques, mais sur des conditions financières réelles. Ainsi, le Tribunal fédéral a jugé que lorsque le débirentier ne verse pas la contribution mensuelle d'entretien à ses enfants, il n'est pas raisonnable d'exiger d'eux qu'ils obtiennent d'abord un jugement exécutoire concernant l'obligation d'avancer les frais de procès avec un tiers. L'assistance judiciaire gratuite peut leur être accordée, à condition que les enfants engagent, dans un délai donné, une procédure en vue de fixer le montant de l'avance de frais de justice à fournir par le débiteur d'aliments (arrêt du Tribunal fédéral 5A_52/2021 du 25 octobre 2021 consid. 9.3 et 5A_590/2009 du 6 janvier 2021 consid. 3.3.2 publié in RSPC 2010 155 et les références citées; CR CPC-Tappy, n. 26 ad art. 117 CPC).

Seules les charges réellement acquittées sont susceptibles d'entrer dans le calcul du minimum vital (ATF 135 I 221 consid. 5.1; arrêt du Tribunal fédéral 4D_19/2016 du 11 avril 2016 consid. 4.1).

En vertu du principe de l'effectivité, il y a lieu de mettre en balance, d'une part, la totalité des ressources effectives du requérant et, d'autre part, l'ensemble de ses engagements financiers, et non seulement une partie de celles-là ou de ceux-ci. En effet, si l'on peut attendre certains sacrifices financiers de la part du requérant, cela ne doit pas aller jusqu'à le contraindre à se procurer les moyens nécessaires pour faire valoir ses droits en justice, en contractant de nouvelles dettes, en n'honorant pas les dettes existantes ou en se dessaisissant de biens de première nécessité (ATF 135 I 221 consid. 5.1 et 5.2.1).

Le minimum d'existence du droit des poursuites n'est pas déterminant à lui seul pour établir l'indigence au sens des règles sur l'assistance judiciaire. L'autorité compétente peut certes partir du minimum vital du droit des poursuites, mais elle doit tenir compte de manière suffisante des données individuelles du cas d'espèce (ATF 141 III 369 consid. 4.1; 124 I 1 consid. 2a).

Il appartient au justiciable sollicitant l'aide de l'État d'adapter son train de vie aux moyens financiers dont il dispose en donnant priorité aux dépenses relevant du strict minimum vital (arrêt du Tribunal fédéral 1B_428/2010 du 2 février 2011 consid. 4).

La part des ressources excédant ce qui est nécessaire à la satisfaction des besoins personnels doit être comparée aux frais prévisibles de la procédure pour laquelle l'assistance judiciaire est requise. Celle-ci n'est pas accordée lorsque le solde disponible permet d'amortir les frais judiciaires et d'avocat en une année au plus, pour les procès relativement simples, et en deux ans pour les autres (ATF 141 III 369 consid. 4.1;
135 I 221 consid. 5.1).

3.1.2 Lorsque la chose louée sert de logement à la famille, un époux ne peut résilier le bail sans le consentement exprès de son conjoint (art. 266m al. 1 CO).

Selon l'art. 266o CO, le congé qui ne satisfait pas aux conditions prévues aux art. 266l à 266n est nul.

Compte tenu du caractère informel et simple de la procédure de conciliation en matière de baux et loyers et de l'admissibilité des requêtes très succinctes, la maxime inquisitoire sociale s'applique par analogie devant l'autorité paritaire de conciliation. Selon l'art. 201 al. 2 CPC, les autorités paritaires de conciliation donnent des conseils juridiques aux parties, notamment dans les litiges relatifs aux baux à loyer d'habitations (par renvoi à l'art. 200 CPC; DAAJ/28/2021 du 3 mars 2021 consid. 3.1.1).

La maxime inquisitoire sociale est également applicable devant le Tribunal des baux et loyers (art. 247 al. 2 let. a CPC). Elle implique, notamment, que cette juridiction n'est pas liée par les offres de preuves et par les allégués de fait des parties, et qu'elle peut prendre en considération des faits et moyens de preuve nouveaux jusqu'aux délibérations (art. 229 al. 3 CPC; ATF 139 III 457 consid. 4.4.3.2; ACJC/554/2023 du 2 mai 2023 consid. 2.1).

Selon l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers

3.2. 3.2.1 En l'espèce, la décision entreprise a retenu un revenu mensuel de la recourante de 3'646 fr. net, montant qu'elle conteste, affirmant que celui-ci est, brut, de 2'985 fr. 15. Elle n'indique toutefois aucune pièce de la procédure à l'appui de son affirmation, de sorte que ce grief n'est pas fondé.

3.2.2 La recourante conteste à tort que le revenu mensuel net de son époux devrait être écarté des revenus du ménage. En effet, au moment du dépôt de sa requête le 27 janvier 2023, la recourante faisait ménage commun avec son époux, de sorte que c'est avec raison que l'Autorité de première instance a retenu les ressources financières du couple.

En tout état de cause, l'annonce du déménagement de l'époux au 31 mars 2023 est un fait nouveau, qui ne peut pas être pris en considération dans le cadre du recours (cf. consid. 2 ci-dessus).

Par conséquent, ce sont les revenus du couple en 7'051 fr. 95 qui sont déterminants, pour des charges mensuelles non contestées de 5'153 fr. 60, soit un disponible mensuel strict de 1'898 fr. 35, respectivement de 1'473 fr. 35 après augmentation de la base mensuelle du couple de 25%. Par conséquent, la recourante ne remplit pas la condition d'indigence, ainsi que la décision entreprise l'a retenu avec raison.

3.2.3 S'ajoute à ces considérations le fait que la requête d'assistance juridique de la recourante est prématurée : en effet, la résiliation du bail portant sur le logement de la famille, effectuée unilatéralement par l'époux, qui aurait imité la signature de la recourante, est, a priori, nulle pour cause de vice de forme (art. 266m al. 1 et 266o CO), de sorte que la régie ne devrait pas, a priori, la considérer comme étant valable. Dans cette hypothèse, il n'y aurait pas de litige, puisque le bail du logement familial n'aurait pas été valablement résilié par le seul époux. Or, la réponse de la régie n'est pas connue à ce jour et aucune instance n'a été saisie. Dans ces conditions, l'assistance juridique ne saurait être accordée à la recourante pour une procédure purement hypothétique et aucun délai ne lui sera imparti pour agir en entretien contre son époux puisque la recourante n'a pas rendu vraisemblable l'existence d'un litige concret entre elle-même et le(s) bailleur(s), représentés par la régie.

En tout état de cause, si ledit litige venait à se concrétiser, la question de la représentation de la recourante par un avocat rémunéré par l'Etat se poserait, dès lors que la situation en cause est simple, soumise à la maxime inquisitoriale sociale, et que la recourante devrait être en mesure, seule, d'expliquer à la commission paritaire des baux et loyers, respectivement au Tribunal des baux et loyers, que la résiliation unilatérale du bail est contestée en raison de l'imitation de sa signature.

Enfin, il n'est pas nécessaire de dispenser la recourante d'une avance de frais, puisque la procédure est gratuite devant la juridiction des baux et loyers (art. 22 al. 1 LaCC).

3.2.4 Infondé, le recours sera, dès lors, rejeté.

4.             Sauf exceptions non réalisées en l'espèce, il n'est pas perçu de frais judiciaires pour la procédure d'assistance juridique (art. 119 al. 6 CPC). Compte tenu de l'issue du litige, il n'y a pas lieu à l'octroi de dépens.

* * * * *



PAR CES MOTIFS,
LA VICE-PRÉSIDENTE DE LA COUR :


A la forme
:

Déclare recevable le recours formé par A______ contre la décision rendue le 24 février 2023 par la vice-présidence du Tribunal civil dans la cause AC/250/2023.

Au fond :

Rejette le recours.

Déboute A______ de toutes autres conclusions.

Dit qu'il n'est pas perçu de frais judiciaires pour le recours, ni alloué de dépens.

Notifie une copie de la présente décision à A______ en l'Étude de Me Roxane SHEYBANI (art. 137 CPC).

Siégeant :

Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, vice-présidente; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à
30'000 fr.