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Décisions | Assistance juridique

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AC/1155/2022

DAAJ/90/2022 du 26.09.2022 sur AJC/3093/2022 ( AJC ) , REJETE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

AC/1155/2022 DAAJ/90/2022

COUR DE JUSTICE

Assistance judiciaire

DÉCISION DU LUNDI 26 SEPTEMBRE 2022

 

 

Statuant sur le recours déposé par :

 

Monsieur A______, domicilié ______ [GE],

 

 

contre la décision du 29 juin 2022 de la vice-présidente du Tribunal de première instance.

 


EN FAIT

A.           a. Par acte du 9 novembre 2017, A______ (ci-après : le recourant) a déposé, à l'encontre de son ancienne compagne, B______, une action alimentaire et en fixation des relations personnelles sur sa fille, C______, née le ______ 2017.

b. Par ordonnance du 18 mai 2020, statuant sur mesures provisionnelles d'accord entre les parties, le Tribunal de première instance a notamment donné acte à celles-ci de ce que le recourant avait déposé ses passeports auprès de Me D______, curatrice de la mineure, ce jusqu'à la prochaine audience.

c. Ce point a été maintenu par ordonnances des 13 juillet 2020 et 25 janvier 2021.

Dans son ordonnance du 25 janvier 2021, le Tribunal a considéré que la mesure concernant le dépôt des passeports du recourant en mains de la curatrice serait « maintenue » eu égard aux recommandations de l’experte judiciaire qui estimait qu’il était encore nécessaire de prendre des précautions pour diminuer le risque d’excision de l’enfant.

d. Sur appel d’B______, la Cour de justice a, par arrêt du 28 mai 2021, annulé l'ordonnance du 25 janvier 2021, considérant que, depuis le 1er décembre 2020, les tribunaux suisses n'étaient plus compétents pour statuer sur les droits parentaux, au regard du déplacement de la résidence habituelle de l'enfant en France, étant précisé que les mesures prises dans les ordonnances des 18 mai et 13 juillet 2020 demeuraient en vigueur tant que les tribunaux français compétents ne les auraient pas modifiées, remplacées ou levées.

e. Par courrier du 27 juillet 2021, le recourant a sollicité du Tribunal la restitution des passeports en mains de la curatrice de représentation de l'enfant, demande qu'il a réitérée le 11 août 2021.

f. Par acte du 15 novembre 2021, il a formé un recours pour déni de justice dans le cadre d'un retard injustifié reproché au Tribunal concernant la restitution de ses documents d'identité.

g. Par ordonnance du 30 novembre 2021, le Tribunal a déclaré irrecevable la requête du recourant. Il a considéré qu'il ne pouvait pas soumettre ce dernier à l'obligation de déposer ses passeports en mains de la curatrice après le 1er décembre 2020, étant précisé que cette mesure était limitée dans le temps, soit jusqu'à la "prochaine audience", ce qui signifiait que la mesure était devenue caduque à l'issue de l'audience du 1er septembre 2020, faute pour les parties d'avoir pris de nouvelles conclusions concordantes à ce sujet. Dans ces circonstances, le recourant, qui pouvait librement récupérer ses documents auprès de la curatrice de représentation, ne disposait d'aucun intérêt digne de protection à voir sa demande examinée.

B.            Le 19 avril 2022, le recourant a sollicité l'assistance juridique pour former une action en responsabilité à l’encontre de l’Etat de Genève, estimant qu’il avait été privé de sa liberté de mouvement en raison de la restitution tardive de ses documents d'identité. Il entendait réclamer à l'Etat de Genève la somme de 36'100 fr. à titre de réparation morale, soit 100 fr. par jour sur 361 jours, durant lesquels il avait été privé de ses passeports, faisant un parallèle avec la réparation pour tort moral arrêtée à 200 fr. par jour en cas de privation de liberté du prévenu acquitté ainsi qu'avec la réparation morale estimée à 30'000 fr. lors de la perte d'un enfant. Le Tribunal avait retenu, dans son ordonnance du 30 novembre 2021, que la mesure concernant ses passeports était devenue caduque à l'issue de l'audience du 1er septembre 2020, alors qu'il avait ordonné le maintien des passeports en mains de la curatrice, par ordonnance du 25 janvier 2021, sans justifier d'aucune base légale.

C.           Par décision du 29 juin 2022, notifiée le 4 juillet 2022, la vice-présidente du Tribunal a rejeté la requête d'assistance juridique précitée, au motif que la cause du recourant était dénuée de chances de succès. La condition du dommage, plus particulièrement de la gravité objective de l'atteinte, faisait défaut, dès lors que le recourant avait la possibilité de récupérer ses documents d'identité en dehors de l'exercice de son droit de visite sur sa fille et qu'il n'alléguait pas avoir été empêché de voyager ou de se déplacer dans un quelconque endroit. En outre, la décision du 25 janvier 2021 ne pouvait être considérée comme un acte illicite au sens de l'art. 49 CO, dans la mesure où le recourant avait formé un recours à l'encontre de cette décision, laquelle avait été annulée par arrêt de la Cour de justice du 28 mai 2021. En tout état de cause et même à considérer que toutes les conditions de la responsabilité fussent remplies, le montant de 36'100 fr. réclamé semblait excessif au regard des montants alloués par la jurisprudence au titre de tort moral, notamment s'agissant de la perte d'un enfant (30'000 fr.), voire même de la privation de liberté d'un prévenu acquitté (200 fr. par jour).

D.           a. Recours est formé contre cette décision, par acte déposé le 13 juillet 2022 au greffe de la Cour de justice. Le recourant conclut à son annulation et à l’octroi de l’assistance juridique.

Le recourant allègue pour la première fois qu’il aurait été empêché de rejoindre sa sœur à Londres en octobre 2021 et produit des pièces nouvelles.

b. La vice-présidente du Tribunal a renoncé à formuler des observations.

c. Par courrier du 18 juillet 2022, le recourant a été informé que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             1.1. La décision entreprise est sujette à recours auprès de la présidente de la Cour de justice en tant qu'elle refuse l'assistance juridique (art. 121 CPC et art. 21 al. 3 LaCC). Le recours, écrit et motivé, est introduit auprès de l'instance de recours (art. 321 al. 1 CPC) dans un délai de dix jours (art. 321 al. 2 CPC et 11 RAJ).

1.2. En l'espèce, le recours est recevable pour avoir été interjeté dans le délai utile et en la forme écrite prescrite par la loi.

1.3. Lorsque la Cour est saisie d'un recours (art. 121 CPC), son pouvoir d'examen est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC, applicable par renvoi de l'art. 8 al. 3 RAJ). Il appartient en particulier au recourant de motiver en droit son recours et de démontrer l'arbitraire des faits retenus par l'instance inférieure (Hohl, Procédure civile, tome II, 2ème éd., n. 2513-2515).

2.             Aux termes de l'art. 326 al. 1 CPC, les allégations de faits et les preuves nouvelles sont irrecevables dans le cadre d'un recours.

Par conséquent, les allégués de faits dont le recourant n'a pas fait état en première instance et les pièces nouvelles ne seront pas pris en considération.

3.             3.1. Reprenant l'art. 29 al. 3 Cst., l'art. 117 CPC prévoit que toute personne qui ne dispose pas de ressources suffisantes a droit à l'assistance judiciaire à moins que sa cause paraisse dépourvue de toute chance de succès.

3.2. 3.2.1. D'après les art. 1 et 2 de la loi sur la responsabilité de l'Etat et des communes (LREC), l’Etat de Genève et les communes du canton sont tenus de réparer le dommage résultant pour des tiers d’actes illicites commis soit intentionnellement, soit par négligence ou imprudence dans l’exercice de leurs fonctions par des magistrats qui les représentent ou par leurs fonctionnaires ou agents dans l’accomplissement de leur travail.

La responsabilité de l'Etat pour les actes d'un magistrat suppose un acte illicite et une faute (ATF 112 II 231 consid. 4).

Pour qu'une décision d'un magistrat ou d'un fonctionnaire puisse être qualifiée d'illicite, il faut une violation grave du droit, réalisée par exemple lorsque le magistrat ou l'autorité abuse de son pouvoir d'appréciation ou l'excède, lorsqu'il viole un texte clair, méconnaît un principe général du droit, n'instruit pas un dossier correctement ou agit par malveillance. Lorsque la responsabilité de l'Etat n'est engagée qu'en cas de faute, comme en l'espèce, on peut admettre qu'un magistrat n'en commet pas s'il ne viole pas un devoir primordial de sa fonction (ATF 112 II 231 consid. 4).

L'illicéité du comportement du juge, dans l'exercice du pouvoir juridictionnel, suppose un manquement caractérisé qui n'est pas réalisé du seul fait qu'une décision se révèle après coup dénuée de fondement, contraire à la loi, voire arbitraire, mais il faut en outre que le magistrat ait violé le devoir primordial de sa fonction (ATF 118 Ib 163 consid. 2). Commet un acte illicite le juge qui se rend coupable d'une faute ou d'une erreur qu'un magistrat normalement soucieux de ses fonctions n'aurait pas commise (SJ 1981 p. 233).

3.2.2. Appliqué à titre de droit cantonal supplétif (art. 6 LREC), l'art. 49 al. 1 CO indique que celui qui subit une atteinte illicite à sa personnalité a droit à une somme d’argent à titre de réparation morale, pour autant que la gravité de l’atteinte le justifie et que l’auteur ne lui ait pas donné satisfaction autrement.

Pour qu’une indemnité pour tort moral soit due, il faut que la victime ait subi un tort moral, que celui-ci soit en relation de causalité adéquate avec l’atteinte, que celle-ci soit illicite, qu’elle soit imputable à son auteur et que la gravité du tort moral le justifie (ATF 131 III 26 consid. 12.1). Dans cette perspective, l’ampleur de la réparation morale dépend avant tout de la gravité des souffrances physiques ou psychiques consécutives à l’atteinte subie par la victime et de la possibilité d’adoucir sensiblement, par le versement d’une somme d’argent, la douleur morale qui en résulte (ATF 129 IV 22 consid. 7.2).

L’atteinte illicite, laquelle doit être objectivement grave, doit être ressentie par la victime comme une souffrance morale. A défaut, aucune indemnisation ne peut lui être accordée. Comme chaque être humain ne réagit pas de la même manière à une atteinte portée à son intégrité psychique, le juge doit se déterminer à l'aune de l'attitude d'une personne ni trop sensible, ni particulièrement résistante. Pour que le juge puisse se faire une image précise de l'origine et de l'effet de l'atteinte illicite, le lésé doit alléguer et prouver les circonstances objectives desquelles on peut inférer la grave souffrance subjective qu'il ressent, malgré la difficulté de la preuve dans le domaine des sentiments (ATF 125 III 70, consid. 3a; ATF 120 II 97 consid. 2b). La gravité de l'atteinte à la personnalité suppose en tout cas une atteinte extraordinaire, dont l'intensité dépasse l'émoi ou le souci habituel, de telle sorte qu'elle peut fonder une prétention particulière contre son auteur, alors que la vie exige de chacun qu'il tolère de petites contrariétés (arrêt du Tribunal fédéral 6B_400/2008 du 7 octobre 2008 consid. 6.1).

3.3. En l'espèce, le recourant reproche aux tribunaux genevois d’avoir commis un acte illicite en ayant maintenu sans fondement la mesure liée au dépôt de ses passeports en mains de la curatrice du 1er décembre 2020 au 7 décembre 2021. Le Tribunal avait en effet ordonné, par ordonnance du 25 janvier 2021, le « maintien » desdits passeports en mains de la curatrice et avait tardé à se prononcer sur la question de la restitution de ces derniers dès l’été 2021, laissant ainsi présumer que la mesure litigieuse était valable. La Cour de justice avait, elle aussi, conforté les parties dans cette idée, en précisant que les mesures prises dans l’ordonnance du 13 juillet 2020 demeuraient en vigueur. Le Tribunal avait ensuite considéré, dans son ordonnance du 30 novembre 2021, que la mesure litigieuse était en réalité devenue caduque à l'issue de l'audience du 1er septembre 2020. Dans les faits, le recourant avait néanmoins été injustement privé de la jouissance de ses papiers d’identité pendant plus d’un an.

Il est vrai que, dans son ordonnance du 25 janvier 2021, le Tribunal a ordonné le « maintien » de la mesure. Cette ordonnance a toutefois été annulée par arrêt de la Cour de justice du 28 mai 2021. A cet égard, le recourant n’allègue pas, ni ne démontre que ladite ordonnance contenait une violation flagrante des prescriptions claires et impératives de la loi ou un abus manifeste du pouvoir d’appréciation du juge. Il se limite à relever que sa terminologie suggère que la mesure litigieuse, à savoir le dépôt des passeports, avait perduré valablement jusqu’à son prononcé. Si les termes utilisés pouvaient effectivement faire naître un doute sur la validité de la mesure au-delà du 1er septembre 2020, cet élément ne saurait néanmoins constituer à lui seul un manquement caractérisé. Il en va de même pour l’arrêt de la Cour de justice du 28 mai 2021, qui précise que les mesures prises dans l’ordonnance du 13 juillet 2020 demeurent en vigueur tant qu’elles ne sont pas modifiées ou levées par les autorités françaises. Cette formulation n’exclut au demeurant pas l’interprétation effectuée par le Tribunal dans sa décision du 30 novembre 2021, à savoir la caducité de la mesure litigieuse dès le 1er septembre 2020. La condition de l’acte illicite fait donc a priori défaut.

Par ailleurs, le recourant allègue avoir subi un tort moral du fait que tous ses déplacements, entre le 1er décembre 2020 et le 7 décembre 2021, étaient conditionnés à la restitution de ses passeports. Son droit à pouvoir partir ou tout simplement à organiser un quelconque déplacement était alors illusoire. Or, ces éléments ne suffisent pas pour prouver que la situation lui aurait causé des souffrances psychiques telles qu’elles justifieraient l’allocation d’une indemnité pour tort moral. Le recourant était certes conditionné dans ses éventuels choix de déplacements. Cependant, il n’évoque aucune situation concrète lui ayant causé une souffrance particulière, dont l’intensité dépasserait l’émoi ou le souci éventuel, du fait qu’il aurait dû renoncer à voyager. Il a d’ailleurs attendu le 27 juillet 2021 pour requérir formellement du Tribunal qu’il ordonne la restitution de ses passeports et se plaindre par la suite d’un déni de justice à cet égard. La condition du dommage n’est ainsi elle non plus pas remplie.

Au vu de ce qui précède, l’action en responsabilité envisagée semble, de prime abord, vouée à l'échec.

C’est ainsi à bon droit que la vice-présidente du Tribunal de première instance a refusé d'octroyer l'assistance juridique au recourant au motif que sa cause paraissait dénuée de chances de succès.

Partant, le recours, infondé, sera rejeté.

4.             Sauf exceptions non réalisées en l'espèce, il n'est pas perçu de frais judiciaires pour la procédure d'assistance juridique (art. 119 al. 6 CPC). Compte tenu de l'issue du litige, il n'y a pas lieu à l'octroi de dépens.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA PRÉSIDENTE DE LA COUR :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé par A______ contre la décision rendue le 29 juin 2022 par la vice-présidente du Tribunal de première instance dans la cause AC/1155/2022.

Au fond :

Rejette le recours.

Déboute A______ de toutes autres conclusions.

Dit qu'il n'est pas perçu de frais judiciaires pour le recours, ni alloué de dépens.

Notifie une copie de la présente décision à A______ (art. 327 al. 5 CPC et 8 al. 3 RAJ).

Siégeant :

Madame Sylvie DROIN, présidente; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à
30'000 fr.