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Décisions | Assistance juridique

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AC/3086/2020

DAAJ/76/2022 du 31.08.2022 sur AJC/2772/2022 ( AJC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

AC/3086/2020 DAAJ/76/2022

COUR DE JUSTICE

Assistance judiciaire

DÉCISION DU MERCREDI 31 AOUT 2022

 

 

Statuant sur le recours déposé par :

 

Madame A______, domiciliée ______ [GE],

 

 

contre la décision du 15 juin 2022 de la Vice-présidente du Tribunal de première instance.

 

 

 


EN FAIT

A.           a. Par décision du 9 novembre 2020, la Vice-Présidente du Tribunal de première instance (ci-après : la Vice-Présidente) a accordé l'assistance judiciaire à A______ (ci-après : la recourante) pour défendre à l'action en modification du jugement de divorce formée par son ex-époux (C/1______/2020), avec effet au 27 octobre 2020, limitant cet octroi à 12 heures d'activité d'avocate, forfait courrier/téléphones et audiences en sus.

Me B______, avocate de choix, lui a été désignée en qualité de conseil d'office.

b. Par courrier du 24 mai 2022 adressé à l'Assistance juridique, la recourante a sollicité un changement d'avocat afin que Me C______ soit désignée en remplacement de Me B______.

Il convient de préciser que ces deux avocates sont associées avec Me D______ au sein de l'Etude E______. L'Etude est titulaire d'un numéro de téléphone (2______) et d'une adresse de courriel (info@E______.ch). Me B______ dispose sa propre adresse de courriel (B______@E______.ch).

Selon la recourante, Me B______ ne lui donnait pas satisfaction car elle ne répondait jamais au téléphone et elle n'arrivait pas à obtenir de rendez-vous. Elle en a déduit que son avocate n'était pas intéressée par sa cause et que celle-ci avait "de fait rompu le lien de confiance" entre elles. Elle attendait une réponse de l'Assistance juridique avant l'audience du 9 juin 2022, date de sa prochaine comparution au Tribunal.

c. Invitée à se déterminer, Me B______ a répondu, par courrier du 10 juin 2022, en exposant avoir effectué les démarches suivantes pour la recourante :

-       9 novembre 2020 : chargé de pièces adressé au Tribunal;

-       19 novembre 2020 : audience de conciliation, représentation de la recourante (absente en dernière minute pour raison de santé);

-       18 janvier 2021 : rédaction d'une réponse à la requête de l'ex-époux en modification du jugement de divorce et chargé de pièces complémentaires.

-       Entretien demandé à la recourante, mais celle-ci était au Sénégal, sans accès régulier à ses courriels et son séjour s'était prolongé pour cause de décès dans sa famille;

-       28 janvier 2021 : courriel adressé à la recourante pour l'informer de la date de la prochaine audience.

-       21 avril 2021 : audience, au cours de laquelle l'avocate a représenté la recourante, dispensée de comparaître;

-       21 mai 2021 : rédaction et dépôt au Tribunal de déterminations sur les allégués complémentaires de l'ex-époux avec chargé complémentaire du 30 juin 2021, l'avocate ayant précisé qu'à la suite de relances infructueuses de la recourante, elle s'était procuré les documents directement auprès de l'Hospice général;

-       19 octobre 2021 : courriel adressé par l'avocate à la recourante pour lui communiquer la date de la prochaine audience, du 25 novembre 2021, et le rapport du SEASP;

-       En l'absence de la recourante, nouveau courriel à celle-ci la veille de l'audience précitée et entretien téléphonique avec la recourante, le matin de ladite audience.

-       25 novembre 2021 : audience avec audition de la recourante par le Tribunal, puis, en l'absence de l'ex-époux, fixation d'une nouvelle audience au 24 mars 2022, reportée au 31 mars 2022, puis au 9 juin 2022.

-       Audience du 9 juin 2022 : représentation de la recourante, qui était absente.

-       Délai imparti par le Tribunal aux parties au 14 juillet 2022 pour actualiser leur situation financière et audience fixée au 25 août 2022 : la recourante a indiqué à son conseil ne pas vouloir fournir les documents car elle avait décidé de rompre la collaboration. L'avocate a précisé que l'Hospice général fournirait les décomptes, si la recourante était encore bénéficiaire de ses prestations.

B.            Par décision du 15 juin 2022, notifiée le 20 juin 2022, la Vice-Présidente a refusé le changement de conseil juridique au motif que les conditions posées par l'art. 14 [recte : 17] RAJ n'étaient pas réalisées.

Selon la Vice-présidente, la recourante n'avait pas allégué que ses intérêts auraient été mal défendus par Me B______, celle-là ne s'étant plainte que de n'avoir pas pu joindre son conseil par téléphone et des difficultés à obtenir des rendez-vous. Le fait que ce conseil n'ait pas été facilement atteignable à une certaine période ne constituait pas un juste motif de changement d'avocat, ce d'autant plus que la recourante n'avait pas allégué que ce manque de disponibilité, fût-il établi, aurait eu des répercussions négatives sur la conduite de son procès.

La Vice-présidente a ajouté que l'avocat nommé d'office devait limiter son intervention aux actes utiles et nécessaires, ainsi que les entretiens avec sa cliente (sauf urgences, faits nouveaux, écriture ou audience).

Enfin, il ressortait des explications de Me B______ que son activité n'appelait pas de critique et qu'elle avait correctement sauvegardé les intérêts de sa cliente en la représentant par-devant le Tribunal lors des absences prolongées de celle-là, en obtenant directement des institutions concernées les pièces nécessaires au bon déroulement du procès qu'elle n'avait pas pu obtenir de la recourante.

La Vice-présidente a averti la recourante que si elle devait poursuivre la procédure assistée d'un(e) nouvel(le) avocat(e), ce serait au moyen de ses propres deniers.

C.           a. Recours est formé contre cette décision, par acte expédié le 27 juin 2022 à la Présidence de la Cour de justice.

b. La Vice-présidente du Tribunal de première instance a renoncé à formuler des observations.

EN DROIT

1.             1.1. La décision entreprise est sujette à recours auprès de la présidente de la Cour de justice en tant qu'elle refuse l'assistance juridique (art. 121 CPC et art. 21 al. 3 LaCC). Le recours, écrit et motivé, est introduit auprès de l'instance de recours (art. 321 al. 1 CPC) dans un délai de dix jours (art. 321 al. 2 CPC et 11 RAJ).

1.2. En l'espèce, le recours est recevable pour avoir été interjeté dans le délai utile et en la forme écrite prescrite par la loi.

1.3. Lorsque la Cour est saisie d'un recours (art. 121 CPC), son pouvoir d'examen est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC, applicable par renvoi de l'art. 8 al. 3 RAJ). Il appartient en particulier au recourant de motiver en droit son recours et de démontrer l'arbitraire des faits retenus par l'instance inférieure (Hohl, Procédure civile, tome II, 2ème éd., n. 2513-2515).

2. 2.1.
2.1.1
Le mandat d'office constitue une relation tripartite dans laquelle l'Etat confère au conseil d'office la mission de défendre les intérêts du justiciable démuni, lui conférant une sorte de mandat en faveur d'un tiers. Le conseil juridique commis d'office n'exerce pas un mandat privé, mais accomplit une tâche de droit public, à laquelle il ne peut se soustraire et qui lui confère une prétention de droit public à être rémunéré équitablement. En dépit de ce rapport particulier avec l'Etat, il n'est obligé que par les intérêts de l'assisté, dans les limites toutefois de la loi et des règles de sa profession. Sous cet angle, son activité ne se distingue pas de celle d'un mandataire de choix. Si le conseil d'office fournit ses prestations en premier lieu dans l'intérêt du bénéficiaire de l'assistance judiciaire, il le fait toutefois aussi dans l'intérêt de l'Etat. Sa désignation ne concrétise pas seulement un droit constitutionnel du justiciable. Elle est aussi le moyen pour l'Etat d'assurer l'égalité de traitement et la garantie d'un procès équitable et d'accomplir ses obligations d'assistance. C'est à cet effet que l'Etat désigne le conseil juridique d'office et il est seul compétent pour le délier de cette fonction (ATF
141 III 560 consid. 3.2.2). Il n'existe pas, dans le cadre de l'assistance judiciaire, un droit au libre choix de son mandataire (ATF 139 IV 113 consid. 1.1, 135 I 261 consid. 1.2; arrêt du Tribunal fédéral 2C_71/2017 du 23 août 2017 consid. 7.1).

2.1.2 Selon l'art. 17 al. 1 RAJ, le relief d'une nomination, avec ou sans nomination d'un nouvel avocat, n'est accordé ou ordonné d'office que pour de justes motifs, tels : a) la fin du stage ou l'absence prolongée de l'avocat; b) une cause nécessitant de l'avocat des compétences ou une expérience particulière; c) la rupture de la relation de confiance. Tel est également le cas si l'avocat désigné ne peut pas défendre efficacement les intérêts de son client, par exemple en cas de conflit d'intérêts ou de carences manifestes (ATF 139 IV 113 consid. 1.1, 135 I 261 consid. 1.2, arrêt du Tribunal fédéral 5A_715/2021 du 26 janvier 2022 consid. 2.1). Le simple fait que la partie assistée n'ait pas confiance dans son conseil d'office, ne l'apprécie pas ou doute de ses capacités ne lui donne pas le droit d'en demander le remplacement, lorsque cette perte de confiance repose sur des motifs purement subjectifs et qu'il n'apparaît pas de manière patente que l'attitude de l'avocat d'office est gravement préjudiciable aux intérêts de la partie (ATF 138 IV 161 consid. 2.4, 114 Ia 101 consid. 3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_715/2021 du 26 janvier 2022 consid. 2.1).

Un changement d'avocat d'office ne peut ainsi intervenir que pour des raisons objectives (arrêt du Tribunal fédéral 5A_715/2021 du 26 janvier 2022 consid. 2.1). On est en effet en droit d'attendre de celui qui est mis au bénéfice de l'assistance judiciaire gratuite qu'il fasse preuve de bonne volonté et collabore de manière constructive avec son défenseur d'office, lequel ne saurait être qu'un simple porte-parole de son mandant (ATF
116 Ia 102 consid. 4b/bb, in JdT 1992 IV 186; arrêt du Tribunal fédéral 5A_643/2010 du 11 janvier 2011 consid. 4.3).

2.2. 2.2.1 En l'espèce, il convient d'examiner si un changement d'avocat se justifie au regard de l'art. 17 al. 1 let a) et/ou c) RAJ, soit en raison d'une absence prolongée de l'avocate ou d'une rupture du lien de confiance entre la recourante et son conseil nommé d'office, étant rappelé que la recourante, dans le cadre de l'assistance judiciaire, ne dispose pas du libre choix de sa mandataire car celle-ci n'exécute pas un mandat de droit privé, mais accomplit une tâche de droit public.

La recourante a affirmé, le 24 mai 2022, avoir vainement tenté de joindre son avocate par téléphone, en vue de l'audience du 9 juin 2022.

Cependant, la recourante n'a indiqué ni les jours, ni les heures auxquelles elle avait téléphoné à l'Etude, ni les réponses qu'elle avait éventuellement reçues du secrétariat de E______.

De plus, la recourante n'a produit aucun courriel adressé directement à son conseil à B______@E______.ch, respectivement, en cas de non réponse, à l'Etude E______ à info@E______.ch, alors que l'avocate et la recourante communiquaient usuellement par courriels à ce propos.

Enfin, la recourante n'a pas envoyé de courrier à son conseil ni ne s'est rendue à l'Etude pour clarifier la situation, étant rappelé que Me B______ est l'une des trois avocates au sein de E______ et qu'une personne au sein de l'Etude aurait pu renseigner la recourante, respectivement prendre note de son message. La recourante aurait ainsi fait preuve de bonne volonté et d'une collaboration constructive avec son conseil au lieu de s'impatienter neuf jours ouvrables avant l'audience du 9 juin 2022, à laquelle elle ne s'est pas présentée.

La recourante n'a, dès lors, pas non plus rendu vraisemblable une absence prolongée ou une période d'indisponibilité de Me B______, de sorte qu'un changement d'avocat au sens de l'art. 17 al. 1 let. a ne se justifie pas.

2.2.2 Il apparaît par ailleurs que Me B______ a été active et a déployé une activité d'avocate conforme aux intérêts de la recourante, en l'ayant représentée à quatre audiences (les 19 novembre 2020, 21 avril et 25 novembre 2021 et 9 juin 2022), en ayant rédigé deux écritures (réponse du 18 janvier 2021 à la requête de l'ex-époux en modification du jugement de divorce et déterminations du 21 mai 2021 sur les allégués complémentaires de l'ex-époux), et en confectionnant trois chargés (des 9 novembre 2020, 18 janvier et 30 juin 2021), dont certaines pièces ont été requises directement auprès de l'Hospice général.

La recourante n'a, en outre, pas été en mesure d'articuler un reproche objectif, concret, précis, daté et documenté permettant d'imputer à Me B______ un manquement gravement préjudiciable à ses intérêts. Or, la perte de confiance alléguée ne peut pas reposer uniquement sur des motifs subjectifs, car ceux-ci ne suffisent pas à justifier le relief de la nomination de Me B______ en application de l'art. 17 al. 1 let. c RAJ.

C'est, dès lors, avec raison que la Vice-présidente a refusé le changement de conseil juridique.

Partant, le recours, infondé, sera rejeté.

3.             Sauf exceptions non réalisées en l'espèce, il n'est pas perçu de frais judiciaires pour la procédure d'assistance juridique (art. 119 al. 6 CPC). Compte tenu de l'issue du litige, il n'y a pas lieu à l'octroi de dépens.

* * * * *



PAR CES MOTIFS,
LA PRÉSIDENTE DE LA COUR :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé par A______ contre la décision rendue le 15 juin 2022 par la Vice-présidente du Tribunal de première instance dans la cause AC/3086/2020.

Au fond :

Rejette le recours.

Déboute A______ de toutes autres conclusions.

Dit qu'il n'est pas perçu de frais judiciaires pour le recours, ni alloué de dépens.

Notifie une copie de la présente décision à A______ (art. 327 al. 5 CPC et 8 al. 3 RAJ).

Siégeant :

Madame Sylvie DROIN, présidente; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière civile; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 72 à 77 et 90 ss de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110). Il connaît également des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la décision attaquée. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF indéterminée.