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Décisions | Assistance juridique

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AC/1752/2021

DAAJ/69/2022 du 09.08.2022 sur AJC/2222/2022 ( AJC ) , REJETE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

AC/1752/2021 DAAJ/69/2022

COUR DE JUSTICE

Assistance judiciaire

DÉCISION DU MARDI 9 AOÛT 2022

 

 

Statuant sur le recours déposé par :

 

Madame A______, domiciliée ______ [GE],

contre la décision du 10 mai 2022 de la Vice-Présidente du Tribunal de première instance.

 

 

 


EN FAIT

A.           Par décision du 2 janvier 2021, la Vice-Présidente du Tribunal de première instance (ci-après : la Vice-Présidente) a accordé l'assistance judiciaire à A______ (ci-après : la recourante) pour se défendre dans le cadre d'une procédure par-devant le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après : TPAE) concernant ses enfants (C/1______/2016).

Me B______, avocat de choix, lui a été désigné en qualité de conseil d'office.

B.            a. Le 9 juin 2021, la recourante, représentée par Me B______, a formé une requête unilatérale en divorce (C/2______/2021).

b. Par décision du 22 juin 2021, la Vice-Présidente a accordé l'assistance judiciaire à la recourante pour cette procédure de divorce et Me B______ a été commis d'office à cette fin.

c. Par acte du 30 décembre 2021, la recourante, représentée par son conseil, a requis du Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal) le prononcé de mesures superprovisionnelles et provisionnelles à l'encontre de son époux, qu'elle a obtenu par ordonnance du même jour.

C. a. Par courrier du 1er avril 2022 adressé à l'Assistance juridique, la recourante a sollicité un changement d'avocat afin que Me C______, avocat, soit désigné en remplacement de Me B______ pour les deux procédures sus évoquées.

Elle a affirmé ne pas s'entendre avec son conseil "depuis le début du mandat" ( ) ne [s]e sen[tant] ni bien informée de ce qui se pass[ait] dans [s]es procédures ni bien défendue. Dans ces conditions, [elle] considér[ait] que [s]a collaboration avec Me B______ sera[it] toujours compliquée et infructueuse, que [s]es difficultés quotidiennes ne cesse[raient] de s'aggraver, et [s]a confiance dans [s]on avocat actuel [était] totalement absente".

b. Invité à se déterminer, Me B______ a répondu, par courriers des 14 avril et 2 mai 2022, qu'il était "fortement surpris du contenu de la requête" de la recourante, dont il défendait les intérêts "depuis 2015, et cela dans le cadre de plusieurs procédures judiciaires", que le rapport de confiance instauré entre eux n'avait "jamais été entamé par quelque critique ou observation que ce soit", que la recourante faisait partie des très rares clients disposant de son "numéro de téléphone portable personnel" et que celle-là avait "toujours été parfaitement informée de l'avancement de toutes les procédures". Il contestait "catégoriquement" toute mésentente entre lui ou quelque collaborateur de l'Etude. Enfin, il n'avait pas "non plus le souvenir d'une seule incompréhension ou de la moindre divergence de points de vue dans le cadre de la stratégie à adopter sur le plan judiciaire ou dans l'exécution des différents mandats de défense" dont il avait eu la charge.

D. Par décision du 10 mai 2022, notifiée le 17 mai 2022, la Vice-Présidente a refusé le changement de conseil juridique au motif que les conditions posées par l'art. 14 [recte : 17] RAJ n'étaient pas réalisées dès lors que la recourante n'avait démontré l'existence d'aucun juste motif à l'appui de sa requête de changement d'avocat.

En particulier, Me B______ avait défendu correctement les intérêts de la recourante dans le cadre de la procédure par-devant le TPAE, ayant assisté aux audiences et répondu à différentes sollicitations de cette juridiction, étant précisé qu'il appartenait en principe à l'avocat et non à son client de décider de la stratégie juridique à adopter.

Il en était allé de même s'agissant de la procédure de divorce dans laquelle Me B______ avait obtenu du Tribunal le prononcé de mesures superprovisionnelles par ordonnance du 30 décembre 2021 et s'était rendu aux différentes audiences par-devant cette juridiction.

La recourante n'avait pas donné d'explications au sujet des difficultés quotidiennes qu'elle prétendait avoir rencontrées, ni indiqué en quoi Me B______ aurait pu en être tenu responsable, étant rappelé que l'avocat était tenu à une obligation de moyen et non de résultat.

Enfin, il était douteux que la mésentente entre la recourante et son conseil remontât au début du mandat dès lors que la procédure au TPAE existait depuis décembre 2019 et qu'elle n'avait jamais émis la moindre critique envers lui avant son courrier du 1er avril 2022.

E.            a. Recours est formé contre cette décision, par acte expédié le 27 mai 2022 à la Présidence de la Cour de justice.

La recourante conclut à l'annulation de la décision du 10 mai 2022 de la Vice-Présidente en tant qu'elle a refusé le changement de conseil et à ce qu'elle soit autorisée à avoir pour avocat Me C______ pour les deux procédures en cours, depuis la date de sa demande du 1er avril 2022.

b. La Vice-Présidente du Tribunal de première instance a renoncé à formuler des observations.

EN DROIT

1. 1.1 En tant qu'elle refuse un changement d'avocat, la décision entreprise, rendue en procédure sommaire (art. 119 al. 3 CPC), est sujette à recours auprès de la Présidente de la Cour de justice (art. 21 al. 3 LaCC). Le recours, écrit et motivé, est introduit auprès de l'instance de recours (art. 321 al. 1 CPC) dans un délai de dix jours (art. 17 al. 2 RAJ).

1.2 En l'espèce, le recours est recevable pour avoir été interjeté dans le délai utile et en la forme écrite prescrite par la loi.

1.3 Lorsque la Cour est saisie d'un recours, son pouvoir d'examen est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC, applicable par renvoi de l'art. 8 al. 3 RAJ). Il appartient en particulier au recourant de motiver en droit son recours et de démontrer l'arbitraire des faits retenus par l'instance inférieure (Hohl, Procédure civile, tome II, 2ème éd., n. 2513-2515).

2. Aux termes de l'art. 326 al. 1 CPC, les allégations de faits et les preuves nouvelles sont irrecevables dans le cadre d'un recours.

Par conséquent, les nouveaux reproches de la recourante à l'endroit de son conseil nommé d'office qui diffèrent de ceux contenus dans son courrier du 1er avril 2022 ne seront pas pris en considération.

3.             3.1.1 Le mandat d'office constitue une relation tripartite dans laquelle l'Etat confère au conseil d'office la mission de défendre les intérêts du justiciable démuni, lui conférant une sorte de mandat en faveur d'un tiers. Le conseil juridique commis d'office n'exerce pas un mandat privé, mais accomplit une tâche de droit public, à laquelle il ne peut se soustraire et qui lui confère une prétention de droit public à être rémunéré équitablement. En dépit de ce rapport particulier avec l'Etat, il n'est obligé que par les intérêts de l'assisté, dans les limites toutefois de la loi et des règles de sa profession. Sous cet angle, son activité ne se distingue pas de celle d'un mandataire de choix. Si le conseil d'office fournit ses prestations en premier lieu dans l'intérêt du bénéficiaire de l'assistance judiciaire, il le fait toutefois aussi dans l'intérêt de l'Etat. Sa désignation ne concrétise pas seulement un droit constitutionnel du justiciable. Elle est aussi le moyen pour l'Etat d'assurer l'égalité de traitement et la garantie d'un procès équitable et d'accomplir ses obligations d'assistance. C'est à cet effet que l'Etat désigne le conseil juridique d'office et il est seul compétent pour le délier de cette fonction (ATF
141 III 560 consid. 3.2.2). Il n'existe pas, dans le cadre de l'assistance judiciaire, un droit au libre choix de son mandataire (ATF 139 IV 113 consid. 1.1, 135 I 261 consid. 1.2; arrêt du Tribunal fédéral 2C_71/2017 du 23 août 2017 consid. 7.1).

3.1.2 Selon l'art. 17 al. 1 RAJ, le relief d'une nomination, avec ou sans nomination d'un nouvel avocat, n'est accordé ou ordonné d'office que pour de justes motifs, tels : a) la fin du stage ou l'absence prolongée de l'avocat; b) une cause nécessitant de l'avocat des compétences ou une expérience particulière; c) la rupture de la relation de confiance. Tel est également le cas si l'avocat désigné ne peut pas défendre efficacement les intérêts de son client, par exemple en cas de conflit d'intérêts ou de carences manifestes (ATF 139 IV 113 consid. 1.1, 135 I 261 consid. 1.2, arrêt du Tribunal fédéral 5A_715/2021 du 26 janvier 2022 consid. 2.1). Le simple fait que la partie assistée n'ait pas confiance dans son conseil d'office, ne l'apprécie pas ou doute de ses capacités ne lui donne pas le droit d'en demander le remplacement, lorsque cette perte de confiance repose sur des motifs purement subjectifs et qu'il n'apparaît pas de manière patente que l'attitude de l'avocat d'office est gravement préjudiciable aux intérêts de la partie (ATF 138 IV 161 consid. 2.4, 114 Ia 101 consid. 3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_715/2021 du 26 janvier 2022 consid. 2.1).

Un changement d'avocat d'office ne peut ainsi intervenir que pour des raisons objectives (arrêt du Tribunal fédéral 5A_715/2021 du 26 janvier 2022 consid. 2.1). On est en effet en droit d'attendre de celui qui est mis au bénéfice de l'assistance judiciaire gratuite qu'il fasse preuve de bonne volonté et collabore de manière constructive avec son défenseur d'office, lequel ne saurait être qu'un simple porte-parole de son mandant (ATF
116 Ia 102 consid. 4b/bb, in JdT 1992 IV 186; arrêt du Tribunal fédéral 5A_643/2010 du 11 janvier 2011 consid. 4.3).

3.2 En l'espèce, il convient d'examiner si un changement d'avocat se justifie au regard de l'art. 17 al. 1 let c) RAJ, soit une rupture du lien de confiance entre la recourante et son conseil nommé d'office, étant rappelé que la recourante, dans le cadre de l'assistance judiciaire, ne dispose pas du libre choix de son mandataire car celui-ci n'exécute pas un mandat de droit privé, mais accomplit une tâche de droit public.

Lorsque Me B______ a été nommé le 2 janvier 2021 pour la procédure C/1______/2016 par-devant le TPAE, sa désignation procédait du choix de la recourante. C'est également par l'intermédiaire de cet avocat que la recourante a formé une action unilatérale en divorce le 9 juin 2021. La perte alléguée du lien de confiance entre la recourante et Me B______ "depuis le début du mandat", comme elle l'a affirmé dans son courrier du 1er avril 2022, n'est dès lors pas avérée.

Ensuite, la recourante a invoqué ne s'être sentie "ni bien informée de ce qui se pass[ait] dans [s]es procédures ni bien défendue. Dans ces conditions, [elle] considér[ait] que [s]a collaboration avec Me B______ sera[it] toujours compliquée et infructueuse, que [s]es difficultés quotidiennes ne cesse[raient] de s'aggraver, et [s]a confiance dans [s]on avocat actuel [était] totalement absente".

Il s'agit là de critiques toutes générales à l'encontre de son conseil. Or, la perte de confiance alléguée ne peut pas reposer uniquement sur des motifs subjectifs, car ceux-ci ne suffisent pas à justifier le relief de la nomination de Me B______ en application de l'art. 17 al. 1 let. c RAJ.

En effet, la recourante n'a émis aucun reproche objectif, concret, précis, daté et documenté permettant d'imputer à Me B______ un manquement gravement préjudiciable à ses intérêts. Au contraire, il apparaît que Me B______ a été actif et a déployé une activité d'avocat conforme aux intérêts de la recourante. Ainsi que le relève la décision entreprise, Me B______ a répondu aux différentes sollicitations du TPAE, assisté aux audiences par-devant cette juridiction et le Tribunal, et a obtenu de celui-ci le prononcé de mesures superprovisionnelles par ordonnance du 30 décembre 2021. De plus, il s'est rendu particulièrement disponible et accessible en confiant son numéro de portable personnel à la recourante et a catégoriquement affirmé l'avoir informée de "l'avancement de toutes les procédures", niant toute divergence de vues entre eux de quelque ordre que ce soit.

C'est, dès lors, avec raison que la Vice-présidente a refusé le changement de conseil juridique.

Le recours, infondé, sera par conséquent rejeté.

4.             Sauf exceptions non réalisées en l'espèce, il n'est pas perçu de frais judiciaires pour la procédure d'assistance juridique (art. 119 al. 6 CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA PRÉSIDENTE DE LA COUR :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé par A______ contre la décision rendue le 10 mai 2022 par la Vice-Présidente du Tribunal de première instance dans la cause AC/1752/2021.

Au fond :

Le rejette.

Déboute A______ de toutes autres conclusions.

Dit qu'il n'est pas perçu de frais judiciaires pour le recours.

Notifie une copie de la présente décision à A______ (art. 327 al. 5 CPC et 8 al. 3 RAJ).

Siégeant :

Madame Sylvie DROIN, présidente; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.