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Décisions | Chambre civile

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C/9732/2024

ACJC/69/2025 du 17.01.2025 sur OTPI/806/2024 ( SDF )

Normes : CPC.315
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/9732/2024 ACJC/69/2025

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU VENDREDI 17 JANVIER 2025

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______, appelant d'une ordonnance rendue par la 3ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 19 décembre 2024, représenté par Me Cyril AELLEN, avocat, AAA Avocats SA, rue du Rhône 118,
1204 Genève,

et

1)   Madame B______, domiciliée c/o A______, ______, intimée, représentée par
Me Gandy DESPINASSE, avocat, rue de Carouge 60, 1205 Genève;

2)   Les mineurs C______, D______, E______ et F______, domiciliés ______, intimés, tous quatre représentés par Me Laura SANTONINO, SWDS AVOCATS, rue du Conseil-Général 4, case postale 5422, 1211 Genève 11.

 


Attendu, EN FAIT, que par décision rendue sur mesures superprovisionnelles le 13 novembre 2024, immédiatement exécutoire et non sujette à recours, le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant a prononcé le retrait du droit de déterminer le lieu de résidence à A______ et à B______ sur leurs enfants C______, E______, D______ et F______, nés respectivement les ______ 2011, ______ 2012, ______ 2014 et ______ 2018, ordonné le placement des trois (sic) mineurs dans une institution, en fonction de leurs besoins, dès qu'une place sera disponible, instauré une curatelle d'assistance éducative en faveur des trois (sic) mineurs, une curatelle aux fins d'organiser, surveiller et financer le lieu de placement, une curatelle en vue de faire valoir la créance alimentaire des enfants et une curatelle de surveillance et d'organisation des relations personnelles de A______ et B______ sur C______, E______, D______ et F______ et fixé un droit de visite en faveur des parents sur leurs enfants selon le lieu de prise en charge et d'entente avec les curateurs;

Que par ordonnance du 19 décembre 2024, le Tribunal de première instance, statuant sur mesures provisionnelles, a maintenu le retrait à A______ et B______ de leur droit de déterminer le lieu de résidence de leurs enfants C______, E______, D______ et F______ (ch. 1 du dispositif) et limité en conséquence l'autorité parentale de A______ et B______ (ch. 2), maintenu le placement des enfants C______, E______, D______ et F______ dans une institution en fonction de leurs besoins, dès qu'une place sera disponible (ch. 3), retiré la garde à A______ sur ses enfants C______, E______, D______ et F______ (ch. 4), maintenu les curatelles d'assistance éducative en faveur des quatre enfants (ch. 5), aux fins d'organiser, surveiller et financer le lieu de placement (ch. 6), en vue de faire valoir la créance alimentaire des enfants (ch. 7) et la curatelle de surveillance et d'organisation des relations personnelles des parents sur les enfants (ch. 8), maintenu un droit de visite en faveur de A______ et B______ sur leurs enfants selon le lieu de prise en charge et d'entente avec les curateurs (ch. 9), transmis cette ordonnance au Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ch. 10), réservé le sort des frais de l'ordonnance avec la décision finale du Tribunal (ch. 11), dit qu'il n'était pas alloué de dépens (ch. 12) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 13);

Que le Tribunal a considéré qu'il ressortait des divers rapports du Service de protection des mineurs que la situation des quatre enfants s'était péjorée ces derniers mois, qu'ils souffraient de manière importante du vif conflit de leurs parents, qui avait resurgi encore plus concrètement depuis le retour à Genève de la mère, que ces derniers se dénigraient réciproquement, s'accusaient mutuellement de mentir, et n'arrivaient pas à empêcher de tels comportements délétères pour leur enfants, n'étant pas en mesure non plus de leur offrir un discours et un cadre éducatif cohérent et rassurant; que malgré les aides mises en place, le père n'avait pas su éviter que la situation se péjore, étant dépassé dans la prise en charge de ses enfants, si bien qu'il ne présentait plus les compétences parentales suffisantes pour protéger ses enfants; qu'il n'était pas possible à ce stade d'établir si la mère pourrait avoir les compétences parentales suffisantes pour faire face à la prise en charge des quatre enfants, au vu de sa longue et récente absence auprès d'eux; qu'il était précisé que tant E______, au vu de ses comportements d'une extrême gravité et très inquiétants, que F______, qui n'avait que 6 ans, avaient des besoins spécifiques que le maintien à domicile ne pouvait offrir; que s'agissant des deux autres enfants, C______ et D______, l'important conflit de loyauté dans lequel ils se trouvaient les plaçaient dans une grande souffrance et mettait en danger leur développement; qu'ainsi les conclusions prises par le Tribunal de protection pour permettre aux enfants de pouvoir bénéficier d'un lieu de vie calme et serein, loin du litige constant de leurs parents étaient maintenues;

Que cette ordonnance se fonde sur deux rapports du SPMi des 15 octobre 2024 et 13 novembre 2024;

Que dans le premier rapport le SPMi évoque la grande précarité socio-économique de la famille, les difficultés que rencontre le père dans la prise en charge de ses enfants, qui vont mal et qui ont pour deux d'entre eux des besoins spécifiques; que s'agissant plus particulièrement de E______, la police avait dû intervenir à l'école le 11 octobre 2024 après des violences extrêmes exercées contre l'un de ses camarades et certains éducateurs et enseignants, l'ambulance des HUG ayant dû intervenir pour l'amener aux urgences pédiatriques après sédation tant la violence s'était accrue, que concernant F______, son comportement en classe 2P devenait ingérable, une orientation spécialisée étant sollicitée aussi pour lui;

Que selon le rapport du 13 novembre 2024, le SPMI a fait état d'une péjoration de la situation des enfants, plus particulièrement de l'état psychique de E______ qui avait nécessité une hospitalisation à la G______ du 31 octobre au 11 novembre 2024, suite à un nouvel épisode de violence survenu à l'école de H______, la police ayant dû intervenir ainsi que l'ambulance, ayant mis en danger le mineur lui-même mais aussi l'ensemble des personnes présentes dans l'enceinte de l'établissement, ajoutant que les dernières semaines E______ avait fait divers passages à l'acte agressifs tant sur ses camarades que sur des adultes tels que tentative d'étranglement sur un camarade, coups extrêmement violents sur des éducateurs, des enseignants et des camarades, morsures jusqu'au sang, crachats, ainsi que des menaces de poignarder le responsable pédagogique en tenant ces propos : "je vais te tuer lundi, je vais de poignarder, je le jure sur le Coran", précisant encore que selon toute vraisemblance E______ ne prenait plus son médicament; que ce même rapport indique s'agissant du reste de la fratrie, que l'inquiétude reste importante, s'agissant plus particulièrement de C______, qui est parentifiée et utilisée dans le conflit parental dont elle avait de la peine à s'extraire; que D______, très affecté par la situation familiale actuelle, présentait des angoisses de séparation et de pertes importantes, son comportement se dégradant à l'école; que F______ avait dû intégrer l'école I______, externat pédago-thérapeutique, en raison de la situation de danger dans laquelle il se trouvait;

Que par acte expédié à la Cour de justice le 30 décembre 2024, A______ a formé appel conter cette ordonnance, qu'il a conclu à l'annulation des ch. 1, 2, 3, 4, 7 et 9 de son dispositif et, cela fait, à ce que les mineurs C______, E______, D______ et F______ soient placés auprès de lui, subsidiairement à ce que les chiffres précités du dispositif de l'ordonnance entreprise soient annulés en tant qu'ils concernent les mineurs C______, D______ et F______ et à ce qu'ils soient maintenus concernant E______;

Qu'il a par ailleurs conclu, sur effet suspensif, à l'annulation des ch. 1, 2, 3, 4, 7 et 9 du dispositif de l'ordonnance entreprise, à la restitution de l'effet suspensif à son recours et à ce que soit ordonné, par conséquent, le placement immédiat des mineurs C______, E______, D______ et F______ auprès de lui, subsidiairement à l'annulation des chiffres précités de l'ordonnance entreprise en tant qu'ils concernent les mineurs C______, D______ et F______ et à la restitution de l'effet suspensif et à leur maintien concernant E______;

Qu'il a invoqué à cet égard que la mise en œuvre immédiate de l'ordonnance attaqué fragilisera la situation des quatre enfants, que leur placement en foyer était une mesure disproportionnée, précipitée et non adaptée à la situation, que la période des fêtes ne permettait pas l'accompagnement des enfants dans l'annonce et la mise en œuvre de la mesure; que si la mesure ordonnée paraissait adaptée pour E______, elle ne l'était pas pour les autres enfants; qu'il demandait dès lors, sur effet suspensif, que les enfants soient placés chez lui;

Qu'invitée à se déterminer, B______ s'en est rapportée à justice s'agissant de la requête d'effet suspensif;

Que la représentante des enfants a considéré qu'il était prématuré de prononcer un placement des quatre enfants, seul le placement de E______ pouvant éventuellement se justifier; qu'il était toutefois délicat de le séparer de ses frères et sœurs; qu'elle concluait dès lors à la restitution de l'effet suspensif au recours;

Considérant, EN DROIT, que l'appel n'a pas d'effet suspensif lorsqu'il a pour objet des décisions portant sur des mesures provisionnelles (art. 315 al. 4 let. b CPC);

Que selon l'art. 315 al. 5 CPC, l'exécution des mesures provisionnelles peut toutefois être exceptionnellement suspendue si la partie concernée risque de subir un préjudice difficilement réparable; que le préjudice difficilement réparable peut être de nature factuelle; il concerne tout préjudice, patrimonial ou immatériel, et peut même résulter du seul écoulement du temps pendant le procès; que le dommage est constitué, pour celui qui requiert les mesures provisionnelles, par le fait que, sans celles-ci, il serait lésé dans sa position juridique de fond et, pour celui qui recourt contre le prononcé de telles mesures, par les conséquences matérielles qu'elles engendrent (ATF 138 III 378 consid. 6.3 et les références).

Qu'en matière de garde et d'exercice du droit aux relations personnelles, la jurisprudence considère que des changements trop fréquents peuvent être préjudiciables à l'intérêt de l'enfant; que, par conséquent, lorsque la décision de mesures protectrices ou provisionnelles statue sur la garde ou modifie celle-ci de sorte que l'enfant devrait être séparé du parent qui prenait régulièrement soin de lui au moment de l'ouverture de la procédure ayant donné lieu à la décision attaquée, le bien de l'enfant commande alors, dans la règle, de maintenir les choses en l'état et de laisser celui-ci auprès de la personne qui lui sert actuellement de référence (ATF 144 III 469 consid. 4.2.1; 138 III 565 consid. 4.3.2; arrêts du Tribunal fédéral 5A_792/2018 du 6 février 2019 consid. 3.2.2; 5A_941/2018 du 23 janvier 2019 consid. 5.3.2);

Que le juge prendra également en considération les chances de succès du recours (ATF 115 Ib 157 consid. 2; arrêt du Tribunal fédéral 4D_30/2010 du 25 mars 2010 consid. 2.3);

Que, saisie d'une demande d'effet suspensif, l'autorité de recours doit faire preuve de retenue et ne modifier la décision de première instance que dans des cas exceptionnels; qu'elle dispose cependant d'un large pouvoir d'appréciation permettant de tenir compte des circonstances concrètes du cas d'espèce (ATF 138 III 565 consid. 4.3.1, 137 III 475 consid. 4.1; arrêts du Tribunal fédéral 5A_201/2023 du 28 avril 2023 consid. 3.3; 5A_853/2021 du 8 novembre 2021 consid. 5.1; 5A_792/2018 du 6 février 2019 consid. 3.2.2);

Qu'en l'espèce, la décision attaquée remplace la décision qui avait été prise par le Tribunal de protection sur mesures superprovisionnelles; qu'elle maintient le retrait du droit des parents de déterminer le lieu de résidence de leurs quatre enfants ainsi que leur placement dans une institution en fonction de leurs besoins dès qu'une place sera disponible;

Qu'il ne ressort pas de la procédure que le placement des enfants aurait déjà eu lieu;

Qu'il ressort des rapports sur lesquels le Tribunal s'est fondé que la situation de la famille est préoccupante et que les enfants ne vont pas bien; que des mesures doivent vraisemblablement être ordonnées dans l'intérêt des enfants; que leur placement constitue cependant une mesure incisive, difficilement réversible;

Que la situation des quatre enfants n'est vraisemblablement pas identique; que le premier rapport mentionnait particulièrement le cas de E______ et F______; que la situation de ce dernier a évolué puisqu'il fréquente désormais l'externat psychothérapeutique du I______; qu'il ne peut être exclu, prima facie, à ce stade que des mesures moins incisives qu'un placement puissent être ordonnées pour ce dernier; qu'il en va de même pour C______ et D______; qu'en ce qui concerne E______ en revanche, sa situation paraît inquiétante, pour lui et les autres, et il est peu vraisemblable à ce stade, prima facie, que son intérêt ne requiert pas que des mesures soient prises et qu'il puisse rester chez son père, comme celui-ci le sollicite principalement; que le père reconnaît cependant que des mesures doivent être prises pour lui et qu'un placement en institution pourrait se révéler utile; qu'il serait certes préférable que les enfants ne soient pas séparés, mais cet argument ne permet pas de justifier, soit le placement des quatre enfants, quand bien même cette mesure ne serait pas nécessaire pour l'un ou l'autre, soit leur maintien dans le foyer familial, alors qu'un placement serait dans l'intérêt de l'un d'eux seulement;

Qu'en définitive, au vu de ce qui précède, afin d'éviter un placement qui pourrait par la suite être annulé, l'effet suspensif sera accordé, conformément aux conclusions subsidiaires de l'appelant, concernant C______, D______ et F______ et rejeté concernant E______, les chances de succès de l'appel le concernant paraissant, prima facie, moindres;

Pour le surplus, l'appelant a conclu à l'octroi de l'effet suspensif concernant le ch. 7 du dispositif de l'ordonnance attaquée, relatif à la curatelle en vue de faire valoir la créance alimentaire des enfants; qu'il ne motive pas sa conclusion à cet égard et que l'effet suspensif ne se justifie pas sur ce point, de sorte que la requête sera rejetée à cet égard;

Qu'il sera statué sur les frais et dépens liés à la présente décision avec l'arrêt au fond (art. 104 al. 3 CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

Statuant sur requête de suspension du caractère exécutoire de l'ordonnance entreprise :

Admet la requête formée par A______ tendant à la suspension du caractère exécutoire des ch. 1, 2, 3, 4 et 9 de l'ordonnance OTPI/806/2024 rendue le 19 décembre 2024 par le Tribunal de première instance dans la cause C/9732/2024 en tant qu'ils concernent les enfants C______, D______ et F______.

La rejette pour le surplus.

Dit qu'il sera statué sur les frais liés à la présente décision dans l'arrêt au fond.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Madame Camille LESTEVEN, greffière.

 

Le président :

Laurent RIEBEN

 

La greffière :

Camille LESTEVEN

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

La présente décision, incidente et de nature provisionnelle (ATF 137 III 475 consid. 1 et 2), est susceptible d'un recours en matière civile (art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005; LTF - RS 173.110), les griefs pouvant être invoqués étant toutefois limités (art. 93/98 LTF), respectivement d'un recours constitutionnel subsidiaire (art. 113 ss LTF). Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la décision attaquée.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.