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Décisions | Chambre civile

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C/19222/2023

ACJC/1576/2024 du 10.12.2024 sur JTPI/8767/2024 ( OO ) , MODIFIE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/19222/2023 ACJC/1576/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 10 DECEMBRE 2024

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______ [GE], appelant d'un jugement rendu par la 26ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 10 juillet 2024, représenté par Me Mehdi ABASSI CHRAÏBI, avocat, OA Legal SA, place de Longemalle 1, 1204 Genève,

et

Madame B______, domiciliée ______ [GE], intimée, représenté par Me Maïssa FATTAL, avocate, SLRG Avocats, quai Gustave-Ador 2, 1207 Genève.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/8767/2024 rendu le 10 juillet 2024, le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal) a prononcé le divorce de B______ et A______ (ch. 1 du dispositif), dit que l'autorité parentale sur les enfants C______, D______, E______ et F______ demeurerait conjointe (ch. 2), attribué la garde des enfants à leur mère (ch. 3), réservé au père un droit de visite devant s'exercer d'entente entre les parties mais au minimum un week-end sur deux et pendant la moitié des vacances scolaires, celui-ci devant être exercé en Suisse uniquement, sauf accord écrit express de B______ (ch. 4), institué une curatelle d'organisation et de surveillance des relations personnelles, à charge pour le curateur de faire évoluer le droit de visite entre le père et les enfants (ch. 5) et transmis le jugement au Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant, pour qu'il nomme un curateur et l'instruise dans le sens des considérants, les frais des curatelles devant être mis à la charge des parents pour moitié chacun (ch. 6). Le Tribunal a dit que les allocations familiales pour les enfants seraient attribuées à B______ (ch. 7), de même que la bonification pour tâches éducatives selon l'article 52f bis RAVS (ch. 8), donné acte aux parties de ce que A______ était, en l'état, dispensé de contribuer à l'entretien des enfants, vu sa situation financière (ch. 9) et de ce qu'elles renonçaient à se réclamer réciproquement une contribution post-divorce (ch. 10). Il a encore donné acte aux parties de ce qu'elles avaient liquidé à l'amiable leur régime matrimonial et n'avaient plus aucune prétention à faire valoir l'une envers l'autre de ce chef (ch. 11), renoncé à ordonner le partage des avoirs de prévoyance professionnelle des parties au vu du très faible montant accumulé par les parties durant le mariage (ch. 12), arrêté les frais de la procédure à 1'240 fr., les a mis par moitié à la charge de chacune des parties (ch. 13), dit qu'il n'était pas alloué de dépens (ch. 14), condamné les parties à respecter et à exécuter les dispositions du jugement (ch. 15) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 16).

B. a. Par acte expédié le 12 septembre 2024 à la Cour de justice (ci-après : la Cour), A______ a formé appel contre ce jugement, qu'il a reçu le 12 juillet 2024. Il a conclu à l'annulation des chiffres 5 et 6 de son dispositif, sous suite de frais judiciaires et dépens.

Il fait valoir qu'il communique avec la mère des enfants pour organiser les relations personnelles et que ces dernières se déroulent bien, de sorte que l'institution de la curatelle d'organisation et de surveillance du droit de visite ne se justifie pas.

Il a produit une pièce nouvelle, soit une attestation de B______ du 11 septembre 2024 selon laquelle les visites entre les enfants et leur père se déroulent très bien et qu'une curatelle de surveillance des relations personnelles n'est pas nécessaire.

b. Dans sa réponse du 15 octobre 2024, B______ ne s'est pas opposée aux conclusions de A______.

Elle a indiqué avoir fait valoir de bonne foi son souhait à l'instauration d'une curatelle d'organisation et de surveillance du droit de visite au début de la procédure, mais que depuis lors elle avait pu constater un changement radical dans l'exercice du droit de visite du père avec les enfants. A______ voyait maintenant les enfants régulièrement et les parents parvenaient à se mettre d'accord sur les modalités de l'exercice des relations personnelles, de sorte que la nomination d'un curateur s'avérait inutile.

c. Les parties n'ayant pas fait usage de leur droit à des déterminations spontanées, par avis du greffe de la Cour du 4 novembre 2024, celles-ci s ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les éléments pertinents suivants résultent de la procédure :

a. B______, née le ______ 1979, et A______, né le ______ 1969, se sont mariés le ______ 2007 à G______ (Libye).

Ils sont les parents de C______, née le ______ 2008, de D______, né le ______ 2009, de E______, née le ______ 2009 et de F______, née le ______ 2017.

b. Par jugement du 30 août 2021, statuant sur mesures protectrices de l'union conjugale, le Tribunal a notamment autorisé les époux à vivre séparés, attribué à B______ la garde sur les quatre enfants du couple et réservé à A______ un droit de visite sur ses enfants, devant s'exercer, à défaut d'accord contraire des parties, à raison d'un week-end sur deux et de la moitié des vacances scolaires, dès qu'il disposerait d'un logement lui permettant d'accueillir les enfants, étant précisé que ce droit de visite devait être exercé uniquement en Suisse.

c. Par acte déposé au Tribunal de première instance le 12 septembre 2023, A______ a formé une demande unilatérale en divorce, concluant en substance à ce que le divorce des parties soit prononcé "sur la base du dispositif du jugement de mesures protectrices de l'union conjugale du 30 août 2021".

d. Lors de l'audience du Tribunal du 7 décembre 2023, A______ a notamment conclu à ce qu'un droit de visite lui soit octroyé, devant s'exercer un week-end sur deux et la moitié des vacances scolaires, précisant vouloir pouvoir partir à l'étranger avec les enfants.

B______ s'est dite d'accord avec le principe du divorce. Elle a notamment conclu à ce qu'un droit de visite soit accordé à A______ conformément au jugement sur mesures protectrices de l'union conjugale, précisant à ce propos que le père n'exerçait pas son droit de visite. Elle s'est opposée à ce que A______ puisse exercer son droit de visite ailleurs qu'en Suisse, ayant peur qu'il enlève leurs enfants.

e. Par courrier du 16 février 2024, B______ a conclu à l'instauration d'une mesure de curatelle d'organisation des relations personnelles, dans l'intérêt et pour le bien-être des quatre enfants du couple. Elle a allégué que A______ n'exerçait pas régulièrement son droit de visite. L'ainée et un des jumeaux n'avaient pas vu leur père depuis un an, respectivement huit mois, et les quatre enfants n'avaient jamais dormi chez leur père. Elle a rapporté que récemment le père n'avait pas répondu aux messages des enfants, ce qui les avait blessés.

f. Par courrier du 20 février 2024, A______ a contesté la teneur du courrier de B______ du 16 février 2024, indiquant qu'elle souhaitait compliquer l'exercice des relations personnelles du père avec les enfants.

g. Lors de l'audience du Tribunal du 29 février 2024, B______ s'est dite d'accord avec l'autorité parentale conjointe et a persisté à demander l'instauration d'une curatelle d'organisation des relations personnelles.

A______ s'est opposé à l'instauration d'une curatelle d'organisation des relations personnelles, proposant que sa sœur organise son droit de visite. Quant à l'étendue dudit droit de visite, il s'est dit d'accord avec un week-end sur deux et la moitié des vacances scolaires.

h. Le Tribunal a gardé la cause à juger le 9 mai 2024.

D. Dans la décision querellée, le Tribunal a retenu, s'agissant du point litigieux en appel, qu'il se justifiait d'instaurer une curatelle d'organisation et de surveillance du droit de visite car le père n'exercerait pas son droit de visite conformément à ce qui avait été décidé par jugement sur mesures protectrices de l'union conjugale, du fait que la mère avait rapporté des événements blessants pour les enfants et que la situation entre les parties était particulièrement tendue.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales de première instance, dans les causes non patrimoniales ou dont la valeur litigieuse, au dernier état des conclusions devant l'autorité inférieure, est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 1 let. a et al. 2 CPC).

Savoir si l’affaire est de nature patrimoniale dépend des conclusions de l’appel. Si tel est le cas, la valeur décisive pour l’appel est celle des conclusions qui étaient litigieuses immédiatement avant la communication de la décision attaquée (arrêt du Tribunal fédéral 5D_13/2017 du 4 décembre 2017 consid. 5.2; Tappy, Commentaire romand, CPC, 2019, n. 64 ad art. 91 CPC; Baston Bulletti, Petit commentaire, CPC, 2020, n. 6 ad art. 308 CPC).

En l'espèce, le litige en appel porte uniquement sur l'instauration d'une curatelle d'organisation et de surveillance du droit de visite, soit une question non patrimoniale, de sorte que la voie de l'appel est ouverte.

1.2 Interjeté dans le délai et les formes prescrits par la loi (art. 130, 131, 142 al. 1 et 3 et 311 al. 1 CPC) auprès de l'autorité compétente (art. 120 al. 1 let. a LOJ), l'appel est recevable.

1.3 L'appel peut être formé pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) et constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). L'instance d'appel dispose ainsi d'un plein pouvoir d'examen de la cause en fait et en droit. En particulier, elle contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 142 III 413 consid. 2.2.4 ;
138 III 374 consid. 4.3.1).

1.4 Les maximes d'office et inquisitoire illimitée sont applicables aux questions concernant les enfants mineurs (art. 55 al. 2, 58 al. 2 et 296 CPC), ce qui a pour conséquence que la Cour n'est pas liée par les conclusions des parties (art. 296 al. 3 CPC), ni par l'interdiction de la reformatio in pejus (ATF 129 III 417 consid. 2.1.1; arrêts du Tribunal fédéral 5A_841/2018, 5A_843/2018 du 12 février 2020 consid. 5.2).

1.5 En application du principe de la force de chose jugée partielle instituée par l'art. 315 al. 1 CPC, la Cour peut revoir uniquement celles des dispositions du jugement entrepris qui sont remises en cause en appel, à la seule exception du cas visé par l'art. 282 al. 2 CPC, non réalisé en l'occurrence.

Dès lors, les chiffres 1 à 4 et 7 à 12 du dispositif du jugement entrepris, non remis en cause par les parties, sont entrés en force de chose jugée. Les chiffres 13 et 14 relatifs aux frais pourront être revus d'office en cas d'annulation de tout ou partie du jugement entrepris (art. 318 al. 3 CPC).

2. Lorsque la procédure est soumise à la maxime inquisitoire illimitée, les parties peuvent présenter des nova en appel même si les conditions de l'art. 317 al. 1 CPC ne sont pas réunies (ATF 144 III 349 consid. 4.2.1), de sorte que la pièce nouvelle produite par l'appelant est recevable.

3. L'appelant reproche au Tribunal d'avoir instauré une curatelle d'organisation et de surveillance du droit de visite.

3.1 Selon l'art. 308 al. 1 CC, lorsque les circonstances l'exigent, l'autorité de protection de l'enfant – respectivement le juge (art. 315a al. 1 CC) - nomme un curateur qui assiste les père et mère de ses conseils et de son appui dans la prise en charge de l'enfant. Le curateur peut se voir conférer certains pouvoirs tels que la surveillance des relations personnelles (al. 2).

La curatelle de surveillance des relations personnelles prévue à l'art. 308 al. 2 CC fait partie des modalités auxquelles peut être soumis le droit de visite. Le rôle du curateur est, dans ce cas, proche de celui d'un intermédiaire et d'un négociateur. Ce dernier n'a pas le pouvoir de décider lui-même de la réglementation du droit de visite, mais le juge peut lui confier le soin d'organiser les modalités pratiques de ce droit dans le cadre qu'il aura préalablement déterminé (arrêts du Tribunal fédéral 5A_670/2013 du 8 janvier 2014 consid. 4.1; 5A_101/2011 du 7 juin 2011 consid. 3.1.4).

L'institution d'une curatelle au sens de l'art. 308 CC suppose d'abord, comme toute mesure de protection de l'enfant (cf. art. 307 al. 1 CC), que le développement de celui-ci soit menacé. Il faut ensuite, conformément au principe de subsidiarité, que ce danger ne puisse être prévenu par les père et mère eux-mêmes, ni par les mesures plus limitées de l'art. 307 CC. Enfin, selon le principe de l'adéquation, l'intervention active d'un conseiller doit apparaître appropriée pour atteindre ce but (ATF 140 III 241 consid. 2.1 et les arrêts cités; arrêts du Tribunal fédéral 5A_690/2022 du 31 janvier 2023 consid. 3.1; 5A_791/2022 du 26 janvier 2023 consid. 7.2 et la jurisprudence citée).

L'autorité jouit à cet égard d'un large pouvoir d'appréciation (art. 4 CC) (arrêts du Tribunal fédéral 5A_818/2022 du 9 mars 2023 consid. 4.1; 5A_690/2022 du 31 janvier 2023 consid. 3.1).

3.2 En l'espèce, il résulte des écritures des parties en appel que la situation familiale a évolué favorablement depuis le prononcé du jugement de divorce. Les relations entre le père et les enfants ont repris à un rythme régulier et se déroulent dorénavant de manière conforme à l'intérêt des enfants.

En outre, selon leurs déclarations concordantes, les parties communiquent suffisamment bien pour organiser les relations personnelles, sans que cela nécessite l'intervention d'un tiers. Dans ces circonstances, il ne se justifie pas de maintenir la mesure de curatelle d'organisation et de surveillance des relations personnelles instaurée par le premier juge.

Si des problèmes devaient survenir à l'avenir à ce sujet, il appartiendra aux parties de saisir directement le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant de cette question.

Les chiffres 5 et 6 du dispositif du jugement querellé seront donc annulés.

4. 4.1 Lorsque l'instance d'appel statue à nouveau, elle se prononce sur les frais de la première instance (art. 318 al. 3 CPC).

En l'occurrence, la quotité et la répartition des frais judiciaires et dépens de première instance ont été arrêtées conformément aux règles légales (art. 95, 96, 104 al. 1, 106 al. 2, 107 al. 1 let. c et f CPC; art. 30 RTFMC) et ne sont pas critiquées en appel. La modification du jugement entrepris ne commande, par ailleurs, pas de revoir la répartition effectuée par le premier juge, compte tenu de la nature du litige et du fait qu'aucune des parties n'obtient entièrement gain de cause. Le montant et la répartition des frais de première instance seront par conséquent confirmés.

4.2 Les frais judiciaires de la procédure d'appel seront arrêtés à 1'000 fr. (art. 30 et 35 RTFMC). Compte tenu de la nature familiale du litige, ils seront répartis à parts égales entre les parties, soit 500 fr. à charge de chacune d'elles (art. 107 al. 1 let. c CPC).

Les deux parties plaidant au bénéfice de l'assistance judiciaire, les frais seront provisoirement supportés par l'Etat de Genève, lequel pourra en réclamer le remboursement ultérieurement aux conditions de l'art. 123 CPC.

Compte tenu de la nature et de l'issue du litige, chaque partie supportera ses propres dépens d'appel (art. 107 al. 1 let. c. CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 12 septembre 2024 par A______ contre le jugement JTPI/8767/2024 rendu le 10 juillet 2024 par le Tribunal de première instance dans la cause C/19222/2023.

Au fond :

Annule les chiffres 5 et 6 du dispositif de ce jugement.

Confirme le jugement entrepris pour le surplus.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Met les frais judiciaires d'appel, arrêtés à 1'000 fr., à charge des parties à raison d'une moitié chacune.

Dit que les frais judiciaires d'appel sont provisoirement supportés par l'Etat de Genève.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens.

Siégeant :

Madame Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, présidente; Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, juges; Madame Sophie MARTINEZ, greffière.

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.