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Décisions | Chambre civile

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C/11915/2021

ACJC/584/2024 du 06.05.2024 sur JTPI/12378/2023 ( OO ) , CONFIRME

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/11915/2021 ACJC/584/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU LUNDI 6 MAI 2024

Entre

1)      A______ SA, sise chez B______ Sàrl, ______ (Genève),

2)      Monsieur C______, domicilié ______ (Genève),

tous deux recourants contre une ordonnance rendue par la 24ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 30 octobre 2023, représentés par
Me Olivier NICOD, avocat, Walder Wyss SA, avenue du Théâtre 1, case postale 6069, 1002 Lausanne,

et

Monsieur D______, domicilié ______ (Schwytz), intimé, représenté par Me E______, avocat, F______ SA, ______ (Genève).


EN FAIT

A. Par ordonnance JTPI/12378/2023 rendue le 30 octobre 2023, notifiée aux parties le lendemain, le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal) a déclaré recevables les déterminations spontanées de C______ et A______ SA du 5 octobre 2022 (ch. 1 du dispositif), déclaré irrecevables les écritures spontanées des parties des 13 février, 9 mars et 6 avril 2023, de même que les pièces produites à leur appui en lien avec l'incident (ch. 2) et rejeté les conclusions de C______ et A______ SA en interdiction de postuler en tant que dirigées contre [l'étude d'avocats] F______ SA (ch. 3), ainsi que leur requête tendant à faire constater l'incapacité de postuler de Me E______ en tant qu’avocat de D______ et à lui faire interdiction de postuler (ch. 4).

Le premier juge a arrêté les frais judiciaires de la décision à 3'000 fr., mis à la charge de A______ SA et C______ (ch. 5), condamné ces derniers, pris conjointement et solidairement, à verser la somme de 3'000 fr. à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire (ch. 6), ainsi que la somme de 3'000 fr. TTC à titre de dépens (ch. 7), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 8) et réservé la suite de la procédure (ch. 9).

B. a. Par acte expédié le 10 octobre 2023 à la Cour de justice (ci-après : la Cour), A______ SA et C______ ont recouru contre cette ordonnance, dont ils ont sollicité l'annulation.

Ils ont conclu, avec suite de frais judiciaires et dépens de première et seconde instances, à la réformation de l'ordonnance attaquée en ce sens que :

- il soit fait interdiction à Me E______ et/ou à tout autre avocat exerçant au sein de F______ SA de postuler pour D______ dans la présente cause (conclusion d'appel n° 1), et

- un délai de dix jours soit imparti à D______ pour désigner un autre conseil ou pour informer le tribunal qu'il souhaite comparaître en personne (conclusion d'appel n° 2).

Subsidiairement, il a conclu au renvoi de la cause au Tribunal pour nouvelle décision.

b. Dans sa réponse du 18 décembre 2023, D______ a, avec suite de frais judiciaires et dépens, conclu à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement de la conclusion n° 1 en tant qu'elle vise l'interdiction de postuler à tout autre avocat exerçant au sein de F______ SA et de la conclusion n° 2. Sur le fond, il a conclu au rejet du recours.

c. Par réplique et duplique des 12 et 26 janvier 2024, les parties ont persisté dans leurs conclusions respectives.

d. Elles ont été informées de ce que la cause était gardée à juger par plis du greffe du 23 février 2024.

C. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. Par requête déposée en conciliation le 11 juin 2021 et introduite devant le Tribunal le 25 novembre 2021, D______ a assigné A______ SA (anciennement G______ SA) et C______, conjointement et solidairement, en paiement de la somme de 14'308'901 fr. avec intérêts à 5% dès le 23 janvier 2019, concluant également, notamment, à ce qu'il soit constaté que le contrat de vente et d'achat d'actions de H______/1______ SA, H______/2______ AG et H______/3______ LTD passé entre A______ SA et D______ le 23 janvier 2019 a été valablement invalidé par ce dernier avec effet au 23 janvier 2019 et à ce qu'il soit ordonné à A______ SA, dans un délai de trente jours à compter de la décision à rendre, de lui restituer l'intégralité des actions desdites sociétés. Il a, en outre, sollicité l'accomplissement de divers actes dans ce but et la remise de divers documents, sous la menace de la peine prévue à l'art. 292 CP, ainsi que d'une amende d'ordre de 1'000 fr. pour chaque jour d'inexécution.

En substance, il sollicite la réparation du dommage qu'il estime avoir subi à la suite de l'invalidation, pour erreur essentielle ou dol, du "Share purchase agreement" conclu avec A______ SA le 23 janvier 2019, lequel portait sur la vente des actions desdites sociétés.

D______ a été administrateur unique de H______/1______ SA et H______/2______ AG jusqu'en juillet 2020.

En septembre 2021, la société A______ SA a changé sa raison sociale en I______ SA et la société G______ SA (anciennement J______/4______ SA) est alors devenue A______ SA.

Il est relevé qu'une procédure parallèle (C/5______/2020) pendante devant le Tribunal oppose A______ SA, H______/1______ SA et H______/2______ AG à D______, dans laquelle la question de la capacité de postuler du conseil de ce dernier a également été soulevée et n'a, à connaissance de la Cour, pas encore été tranchée.

b. Par réponse du 20 juin 2022, A______ SA et C______ ont conclu au déboutement de D______ de toutes ses conclusions.

A titre préalable, ils ont requis qu'il soit dit que l'étude F______ SA et Me E______ n'ont pas la qualité de postuler pour D______, qu'il soit constaté que la demande en paiement du 25 novembre 2021 était viciée en ce sens que l'étude F______ SA et Me E______ ne représentaient pas valablement D______ et qu'un délai de dix jours soit imparti à ce dernier pour rectifier ce vice.

c. Par ordonnance du 28 juin 2022, le Tribunal a limité la procédure à la question de l'interdiction de postuler et fixé un délai à D______ pour se déterminer.

d. Par déterminations du 15 septembre 2022, ce dernier a conclu à l'irrecevabilité des conclusions préalables de ses parties adverses et au déboutement de toutes leurs conclusions.

Le Tribunal a communiqué cet acte à A______ SA et C______ le 22 septembre 2022, avec mention que la cause serait gardée à juger sur interdiction de postuler à l'issue d'un délai de quinze jours dès l'envoi de l'ordonnance.

e. A______ SA et C______ ont fait parvenir des déterminations spontanées au Tribunal le 5 octobre 2022, à l'appui desquels ils ont produit deux pièces (n° 414 et 415 déf.), partiellement caviardées, au motif qu'elles étaient soumises au secret professionnel.

f. Dans l'intervalle, le 27 septembre 2022, D______ a adressé au Tribunal un mémoire complémentaire, produisant une pièce nouvelle (n° 520) à l'appui de l'allégué 732 de ses déterminations du 15 septembre 2022, dont il ressort qu'en 2017, feu Me K______ avait effectué, pour le compte de C______, une démarche administrative en vue de l'obtention d'une autorisation de séjour sur la base d'un regroupement familial.

g. Par écritures spontanées du 14 octobre 2022, A______ SA et C______ se sont exprimés sur le mémoire complémentaire du 27 septembre 2022 et les novas invoquées.

h. Le 21 octobre 2022, D______ a conclu à la tardiveté des déterminations du 5 octobre 2022 et à l'irrecevabilité des pièces n° 414 et 415 déf. caviardées. Subsidiairement, il a sollicité la production d'un exemplaire complet de celles-ci et, plus subsidiairement, la production d'un exemplaire complet au Tribunal uniquement afin de permettre à ce dernier de vérifier l'authenticité et le contenu exhaustif de ces pièces.

i. Par déterminations spontanées du 4 novembre 2022, A______ SA et C______ ont conclu au rejet des nouvelles conclusions de D______. Ils ont produit, à l'attention du Tribunal uniquement, un exemplaire non caviardé desdites pièces.

j. Par écritures du 5 décembre 2022, en réponse à la précédente détermination transmise le 24 novembre 2022, D______ a conclu, dans l'hypothèse où les pièces n° 414 et 415 devaient être déclarées recevables, à leur production non caviardée afin de pouvoir se déterminer sur celles-ci.

k. Par mémoire du 13 février 2023, A______ SA et C______ ont invoqué des faits nouveaux et produit de nouvelles pièces.

l. Par observations spontanées du 9 mars 2023, D______ a conclu à l'irrecevabilité du mémoire complémentaire du 13 février 2023, a allégué des faits nouveaux en réponse à des allégations du 13 février 2023 et sollicité la production des originaux non caviardés de la pièce 307 et de l'email du 17 septembre 2021, produit sous pièce 415, ainsi que de ses pièces jointes (pièces requises 1027 et 1028).

m. Ces observations leur ayant été transmises le 28 mars 2023, A______ SA et C______ se sont une dernière fois déterminés spontanément le 6 avril 2023, concluant à l'irrecevabilité des nouveaux allégués contenus dans l'écriture du 9 mars 2023 et des offres de preuve formulées, soit les pièces 524 à 526 produites et les pièces requises 1027 et 1028.

n. S'agissant en particulier de la question du conflit d'intérêts, il ressort ce qui suit :

n.a. Feu Me K______ et Me L______ ont collaboré dans l'étude M______ Avocats. Le 1er janvier 2021, ils ont rejoint F______ SA, le premier en tant qu'associé et la seconde en tant que collaboratrice.

n.b. Me K______ est décédé subitement en ______ 2022.

n.c. Il a assisté, en 2015, le fils de C______, N______, pour l'obtention d'un permis de séjour, de même que C______, en 2017, pour le même motif en vue d'un regroupement familial.

Selon un échange de courriels intervenu en septembre 2020 (pièce 414 déf.), l'étude M______ a encore eu des contacts avec l'OCPM (Service étranger, secteur autorisations) concernant une demande (de nature indéterminée) alors en cours concernant C______.

n.d. Il a également assisté l'épouse de C______, O______, jusqu'en mars 2022 dans une procédure de voisinage en lien avec la maison conjugale, dont elle est propriétaire. A______ SA et C______ allèguent que ce dernier aurait été le principal interlocuteur avec l'avocat dans ce cadre, sans toutefois le justifier.

n.e. Le 1er juillet 2016, feu Me K______ a adressé à A______ SA (devenue I______ SA), à l'attention de C______, une note d'honoraires de 5'222 fr. 90. Contrairement à son fils et son épouse, C______ n'a jamais été administrateur de cette société.

n.f. Feu Me K______ et Me L______ ont également œuvré, en 2021, pour J______/6______ LB, dont C______ est l'un des actionnaires et le président du conseil d'administration, dans une procédure pénale dirigée contre un coactionnaire et ancien membre du conseil d'administration, et ont conseillé A______ SA et ses filiales pour des questions contractuelles en 2016 et 2018. Le mandat avec J______/6______ LB a également donné lieu à différentes factures émises au nom de F______ SA les 18 février, 15 mars, 15 avril, 12 mai, 11 juin, 13 août, 15 septembre 2021 pour un total d'environ 46'500 fr. A notamment été produite la facture du 15 avril 2021, laquelle porte sur des honoraires de 702 fr. 55 pour des prestations effectuées par feu Me K______ (pièce 307 déf.); elle a été adressée à C______, c/o J______/7______ SA, no. ______ chemin 8______.

Un courriel de l'étude F______ SA du 17 septembre 2021 (pièce 415 déf.) fait état de factures ouvertes aux noms de "J______" et C______ (avec mention de copies annexées de celles-ci, lesquelles n'ont pas été produites dans la procédure).

Au printemps 2022, les conseils de A______ SA et C______ ont sollicité le remboursement par l'étude F______ SA de la provision qui avait été versée par J______/7______ SA, afin de céder la créance à A______ SA.

n.g. En juillet 2018, feu Me K______ a facturé des honoraires à hauteur de 3'200 fr. à G______ SA, dont l'administrateur était alors N______, pour une activité en juin 2018. C______ n'est devenu administrateur de cette société qu'en juillet 2019.

n.h. En 2018, feu Me K______ a mis C______ en lien avec D______ en vue de la vente de H______/1______ SA et H______/2______ AG et a participé aux séances de négociation du contrat de vente d'actions y relatif en qualité de "neutre", les parties étant assistées par leurs avocats respectifs.

Le 17 septembre 2020, à la suite du litige survenu en lien avec le contrat de vente litigieux, feu Me K______ est intervenu entre C______ et D______, afin de tenter de rétablir le dialogue entre ceux-ci, sans succès. La séance s'est déroulée en dehors de la présence des conseils des parties. Aucune convention de médiation n'a été établie pour cette intervention. Aucune clause de confidentialité n'a été signée.

Ces interventions ont donné lieu à des honoraires du 5 octobre 2020 d'un montant de 5'712 fr. 40 pour l'activité déployée de janvier 2019 à octobre 2020, mis à la charge de D______ et de G______ SA (devenue A______ SA) par moitié chacun. La facture y relative rédigée en anglais mentionne une activité de "Mediation" dans son concerne.

n.i. Le 30 septembre 2020, D______ a invalidé le contrat de vente d'actions.

n.j. Avant de rejoindre l'étude F______ SA, feu Me K______ a adressé à C______ un courriel le 17 novembre 2020 indiquant son intégration à ladite étude et proposant de continuer à le représenter, ainsi que ses sociétés, dans les affaires sans lien avec le litige l'opposant à D______, dès lors que F______ SA représentait D______ dans le litige l'opposant à G______ SA (devenue A______ SA), ce qui pouvait être vu comme un conflit d'intérêts.

n.k. En date du 18 novembre 2020, C______ a contresigné pour accord une déclaration écrite (rédigée en anglais) établie par feu Me K______ (pièce 311 déf.), indiquant que le fait que F______ SA représentait D______ contre G______ SA (devenue A______ SA), pouvait être vu comme un conflit d'intérêts au vu du rôle joué en tant que médiateur ("mediator") dans ce conflit par feu Me K______. Ce dernier indiquait avoir été clair avec les parties en ce qu'il ne représenterait aucune d'entre elles dans le litige les opposant. Il proposait de continuer à représenter C______ et ses sociétés dans les affaires sans lien avec le litige mentionné. En parallèle, F______ SA continuerait à représenter D______ dans le litige, mais qu'un strict "chinese wall", physique et numérique, serait mis en place. Aucune communication orale ni consultation d'information ne pourrait avoir lieu à ce sujet entre feu Me K______ et les avocats en charge du litige. Il relevait que si D______ invoquait un conflit d'intérêts et lui demandait de cesser de représenter C______ dans les autres affaires, il ne pouvait garantir d'être autorisé à continuer à le représenter.

Il ressort également de la correspondance échangée par les parties dans le courant de l'année 2020 concernant le présent litige que D______ était représenté dans ce cadre par Me E______ avant la réunion du 17 septembre 2020.

n.l. Entre juin et novembre 2020, H______/1______ SA, H______/2______ AG et A______ SA (anciennement G______ SA) ont intenté huit procédures à l'encontre de D______, dans lequel il était représenté par Me E______, étant relevé que Feu Me K______ et Me L______ n'ont pas été constitués pour représenter les sociétés dans ce cadre.

n.m. De janvier 2021 jusqu'au 8 février 2022, feu Me K______ et Me L______ ont défendu les intérêts de H______/1______ SA, dont l'administrateur était alors C______, dans une procédure civile contre la société Q______, cliente de H______/1______ SA, pour le recouvrement d'honoraires de D______ du temps où il en était l'administrateur. Des e-mails ont été échangés au sujet de cette procédure entre feu Me K______, C______ et D______.

Dans la présente procédure, D______ nie avoir surfacturé Q______.

n.n. Par courrier du 7 février 2022, feu Me K______ a demandé aux conseils de C______, H______/1______ SA, H______/2______ AG et A______ SA de le lever du secret professionnel uniquement dans la mesure nécessaire au règlement du désaccord s'agissant d'un éventuel conflit d'intérêts, afin de pouvoir débattre de la problématique avec tous les éléments pertinents.

Par réponse du 8 février 2022, les conseils se sont opposés à toute levée du secret professionnel.

o. Aux termes de l'ordonnance entreprise, le Tribunal a, notamment, rejeté la requête en tant qu'elle visait F______ SA pour défaut de légitimité passive, celle-ci ne pouvant pas représenter au sens de la LLCA.

Concernant Me E______, le premier juge a relevé que tant le consentement du client que l'élaboration de stratégies internes de type "chinese walls" n'étaient suffisants pour écarter tout risque de conflit d'intérêts.

Il convenait ainsi de déterminer si, de par l'activité déployée par feu Me K______, il existait un risque concret de conflit d'intérêts, question à laquelle le premier juge a répondu négativement.

Il a, en effet, considéré qu'avant son arrivée à l'étude F______ SA, feu Me K______ était intervenu comme conseil de l'épouse de C______, laquelle n'était pas partie à la présente procédure, et dans le cadre d'un conflit de voisinage, ce qui ne saurait engendrer un conflit concret d'intérêts.

S'agissant des démarches auprès de l'OCPM visant une procédure de regroupement familial d'ordre purement administratif et dont l'activité principale remontait à plus de quatre ans avant le changement d'étude, les connaissances que l'avocat avait pu, cas échéant, acquérir dans ce cadre ne présentaient qu'un risque purement théorique de conflit d'intérêts.

Outre ce mandat sans lien avec la présente procédure, il n'apparaissait pas que feu Me K______ ait représenté C______ ou une autre partie en lien avec le présent litige, ou encore qu'il ait exercé une activité qui lui aurait permis d'avoir la connaissance déterminante pour retenir la réalisation d'un conflit d'intérêts concret. Certes, feu Me K______ avait mis en relation C______ et D______ pour la vente des actions. Il était intervenu, en 2018, pour les deux parties en qualité de "tiers neutre" à l'occasion de séances de négociation, durant lesquelles les deux parties étaient assistées de leurs propres avocats; cette intervention, en l'absence de toute convention de médiation ou de clause de confidentialité, s'apparentait à celle d'un facilitateur, sans que la conséquence liée à la qualité de médiateur, lequel aurait dû renoncer à représenter l'une ou l'autre des parties ultérieurement, ne trouve application. Feu Me K______ avait également participé à la séance du 17 septembre 2020, laquelle s'était déroulée en présence des deux protagonistes, de sorte que l'on ne pouvait retenir un risque, pour une partie, d'utilisation à son détriment par le conseil d'informations qui n'auraient pas été déjà connues par l'autre.

En ce qui concernait l'activité déployée en faveur de sociétés, en particulier les sociétés du groupe J______ et H______/1______ SA, que feu Me K______ avait assistées par le passé, dont C______ serait aujourd'hui l'ayant-droit économique, le risque de conflit d'intérêts demeurait purement théorique, puisque ces sociétés n'étaient pas parties à la présente cause et l'activité déployée pour elles ne concernait pas D______, mais une procédure en recouvrement à l'encontre d'un tiers (pour laquelle C______ avait expressément consenti à ce que feu Me K______ poursuive son mandat quand bien même il avait déjà rejoint l'étude F______ SA) et une procédure dirigée contre un ancien actionnaire et membre du conseil d'administration.

Si feu Me K______, alors à l'étude M______, avait facturé des honoraires en juillet 2018 à hauteur de 3'200 fr. pour une activité déployée en juin 2018 en faveur de G______ SA (devenue A______ SA), C______ n'en était alors pas administrateur et aucun lien entre l'activité déployée et la présente procédure n'avait été allégué.

Bien que la facture du 15 avril 2021 concernant l'activité en faveur de J______/6______ LB ait été adressée à C______, mais pour adresse c/o J______/7______ SA au siège de la société, celle-ci concernait cette société, ce qui était admis et confirmé par le fait que le remboursement de la provision qui avait été versée par J______/7______ SA avait été réclamé afin de céder la créance à A______ SA. Ni la mention de factures ouvertes aux noms de A______ SA et C______ dans le courriel du 17 septembre 2021 ni le courrier de feu Me K______ du 18 novembre 2020 ne suffisaient à prouver l'existence d'un mandat avec C______, ce dernier ayant eu la possibilité de prouver un éventuel mandat par une procuration en son propre nom ou par des factures d'honoraires pour une activité déployée pour lui personnellement, ce qu'il n'avait pas fait.

Finalement, A______ SA et C______ n'avaient pas démontré que D______ se serait procuré des informations sur eux par l'intermédiaire de feu Me K______ et de l'étude F______ SA.

EN DROIT

1. 1.1 La décision attaquée peut faire l'objet d'un recours au sens de l'art. 319 let. b CPC, à la condition qu'elle soit susceptible de causer un préjudice difficilement réparable.

1.1.1 La compétence de la juridiction civile ordinaire pour statuer sur une requête en interdiction de postuler de l'avocat n'est à raison pas remise en cause (ATF 147 III 351 consid. 6.3).

Introduit dans le délai et la forme prescrits par la loi (art. 130, 131, 142 al. 1, 143 al. 1 et 321 CPC), le recours est recevable de ces points de vue.

1.1.2 Reste à examiner l'existence d'un préjudice difficilement réparable.

Les recourants, qui font valoir l'existence d'un conflit d'intérêts contraire à l'art. 12 let. c LCCA résultant du fait que "Me E______/F______ SA" représenterait l'intimé dans la présente procédure, alors que C______, ses proches et des sociétés contrôlées par lui auraient été représentés dans de nombreuses procédures par F______ SA via feu Me K______, invoquent un préjudice difficilement réparable résidant dans le risque de l'exploitation par ladite étude et Me E______ d'informations confidentielles et protégées par le secret professionnel ayant été obtenues par feu Me K______ et sa collaboratrice.

1.1.2.1 Constitue un préjudice difficilement réparable au sens de l'art. 319 let. b ch. 2 CPC toute incidence dommageable, y compris financière ou temporelle, qui ne peut être que difficilement réparée dans le cours ultérieur de la procédure. L'instance supérieure devra se montrer exigeante, voire restrictive, avant d'admettre l'accomplissement de cette dernière condition, sous peine d'ouvrir le recours à toute décision ou ordonnance d'instruction, ce que le législateur a clairement exclu : il s'agit de se prémunir contre le risque d'un prolongement sans fin du procès (parmi d'autres : ACJC/1609/2023 du 5 décembre 2023 consid. 2.1; ACJC/1458/2022 du 3 novembre 2022 consid. 2.1; Jeandin, CR-CPC, 2019, n. 22 ad art. 319 CPC).

En d'autres termes, la notion de préjudice difficilement réparable doit être interprétée restrictivement, puisque la personne touchée disposera le moment venu de la faculté de remettre en cause la décision ou ordonnance en même temps que la décision au fond. On retiendra l'existence d'un préjudice difficilement réparable lorsque ledit préjudice ne pourra plus être réparé par un jugement au fond favorable au recourant, ce qui surviendra par exemple lorsque des secrets d'affaires sont révélés ou qu'il y a atteinte à des droits absolus à l'instar de la réputation, de la propriété et du droit à la sphère privée (Jeandin, op. cit., n. 22a ad art. 319 CPC).

Il appartient au recourant d'alléguer et d'établir la possibilité que la décision attaquée lui cause un préjudice difficilement réparable, à moins que cela ne fasse d'emblée aucun doute (par analogie : ATF 142 III 798 consid. 2.2; 133 III 629 consid. 2.3.1), étant relevé qu'une simple prolongation de la procédure ou un accroissement des frais ne suffisent pas (Jeandin, op. cit., n. 22a ad art. 319 CPC).

Si la condition du préjudice difficilement réparable n'est pas remplie, le recours est irrecevable et la partie doit attaquer la décision incidente avec la décision finale sur le fond (ACJC/1609/2023 précité consid. 2.1; ACJC/580/2017 du 19 mai 2017 consid. 1.2; Message du Conseil fédéral relatif au CPC, FF 2006 6841, p. 6984; Brunner, Schweizerische Zivilprozessordnung, n. 13 ad art. 319 CPC).

1.1.2.2 Lorsque la décision incidente interdit à l'avocat mandaté par une partie de procéder en tant que représentant de celle-ci, elle cause un préjudice irréparable au mandant de l'avocat; il est en effet privé du droit de faire défendre ses intérêts par l'avocat de son choix. L'avocat évincé peut aussi former un recours immédiat. Une telle règle générale ne saurait prévaloir dans l'hypothèse inverse, soit lorsque la décision incidente rejette l'exception tirée de l'incapacité de postuler et autorise l'avocat d'une partie à poursuivre la représentation. Le Tribunal fédéral considère bien plutôt qu'en principe, pour la partie adverse, les inconvénients résultant d'une pareille décision sont purement matériels et dépourvus de caractère juridique, de sorte qu'elle n'est pas susceptible de lui causer un préjudice irréparable (arrêt du Tribunal fédéral 4A_25/2022 du 11 février 2022 consid. 4.2 et les réf. cit.).

Seules des circonstances exceptionnelles peuvent justifier de déroger à ce principe (arrêt du Tribunal fédéral 4A_313/2020 du 1er octobre 2020 consid. 4).

1.1.2.3 En l'espèce, la question de l'existence d'un préjudice difficilement réparable – qui apparaît a priori discutable – peut rester ouverte, dès lors qu'il résulte de ce qui suit que le recours est en tout état infondé (cf. infra consid. 2).

1.2 L'intimé conclut à l'irrecevabilité de la conclusion n° 1 des recourants en tant qu'elle vise l'interdiction de postuler à tout autre avocat exerçant au sein de F______ SA, ainsi que de la conclusion n° 2, au motif qu'elles seraient nouvelles.

Les recourants le contestent, faisant valoir que, concernant la conclusion n° 1, il résulterait de l'interprétation de sa requête en interdiction de postuler que celle-ci ne visait pas la société d'avocats, mais chaque avocat de celle-ci pris individuellement, de sorte que les conclusions du recours n'auraient subi aucune modification matérielle sur ce point. S'agissant de la conclusion n° 2, la requête sollicitait déjà l'octroi d'un délai de dix jours à l'intimé pour "réparer ce vice".

1.2.1 Dans le cadre du recours, les conclusions, les allégations de faits et les preuves nouvelles sont irrecevables (art. 326 al. 1 CPC).

Comme tous les actes de procédure, les conclusions doivent être interprétées objectivement, soit selon le sens que, d'après les règles de la bonne foi, les destinataires pouvaient et devaient raisonnablement leur prêter (interprétation selon le principe de la confiance). L'interdiction du formalisme excessif commande de ne pas se montrer trop strict dans la formulation des conclusions si, à la lecture du mémoire, on comprend clairement ce que veut le recourant (interprétation à la lumière de la motivation de l'acte; arrêts du Tribunal fédéral 5A_368/2018 du 25 avril 2019 consid. 4.3.3, publié in SJ 2019 I p. 391; 4A_556/2016 du 19 septembre 2017 consid. 4.1; 4A_66/2016 du 22 août 2016 consid. 4.1.2).

1.2.2 In casu, la question de la recevabilité de la conclusion n° 1 des recourants en tant qu'elle vise l'interdiction de postuler à tout autre avocat exerçant au sein de F______ SA souffrira de rester indécise pour le même motif que celui qui précède.

S'agissant de la conclusion n° 2, celle-ci est clairement recevable, dès lors que la requête en interdiction de postuler comporte une conclusion au but similaire.

1.3 La cognition de la Cour est limitée à la constatation manifestement inexacte des faits et à la violation du droit (art. 320 CPC).

1.4 En seconde instance, les parties doivent formuler leurs griefs de façon complète dans leurs premières écritures; un éventuel second échange d'écritures ou l'exercice d'un droit de réplique ne peut servir à compléter une critique insuffisante ou à formuler de nouveaux griefs (ATF 142 III 413 consid. 2.2.4 in fine et les réf. cit.). 

2. Les recourants se plaignent de la violation de l'art. 12 let. c LLCA et d'une constatation manifestement inexacte des faits.

2.1 Parmi les règles professionnelles que doit respecter l'avocat, l'art. 12 let. c LLCA prévoit qu'il doit éviter tout conflit entre les intérêts de son client et ceux des personnes avec lesquelles il est en relation sur le plan professionnel ou privé.

L'interdiction de plaider en cas de conflit d'intérêts est une règle cardinale de la profession d'avocat. Elle est en lien avec la clause générale de l'art. 12 let. a LLCA - selon laquelle l'avocat exerce sa profession avec soin et diligence -, avec l'obligation d'indépendance figurant à l'art. 12 let. b LLCA, ainsi qu'avec l'art. 13 LLCA relatif au secret professionnel. Le Tribunal fédéral a souvent rappelé que l'avocat a notamment le devoir d'éviter la double représentation, c'est-à-dire le cas où il serait amené à défendre les intérêts opposés de deux parties à la fois, car il n'est alors plus en mesure de respecter pleinement son obligation de fidélité et son devoir de diligence envers chacun de ses clients (ATF 145 IV 218 consid. 2.1 et les réf. cit.; arrêt du Tribunal fédéral 5A_27/2023 du 21 mai 2023 consid. 3.2).

Il faut éviter toute situation susceptible d'entraîner un tel conflit d'intérêts. Toutefois, un risque purement abstrait ou théorique ne suffit pas, le risque devant être concret. Il n'est toutefois pas nécessaire que le danger concret se soit réalisé et que l'avocat ait déjà exécuté son mandat de façon critiquable ou en défaveur de son client. Dès que le conflit d'intérêts survient, l'avocat doit mettre fin à la représentation (ATF 145 IV 218 consid. 2.1 et les réf. cit.; arrêt du Tribunal fédéral 2C_101/2023 du 11 mai 2023 consid. 7.1). Celui qui, en violation des obligations énoncées à l'art. 12 LLCA, accepte ou poursuit la défense alors qu'il existe un tel risque de conflit doit se voir dénier par l'autorité la capacité de postuler. L'interdiction de plaider est, en effet, la conséquence logique du constat de l'existence d'un tel conflit (ATF 138 II 162 consid. 2.5.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_124/2022 du 26 avril 2022 consid. 4.1.1).

Cette règle est absolue en matière de représentation en justice; le consentement éventuel des parties n'y change rien (arrêt du Tribunal fédéral 1A.223/2002 du 18 mars 2003 consid. 5.2; Werro, Les conflits d'intérêts de l'avocat, Droit suisse des avocats, 1998 p. 231ss, p. 244; Chappuis/Gurtner, La profession d'avocat, 2021, p. 152 n° 570).

Il y a notamment violation de l'art. 12 let. c LLCA lorsqu'il existe un lien entre deux procédures et que l'avocat représente dans celles-ci des clients dont les intérêts ne sont pas identiques. Il importe peu en principe que la première des procédures soit déjà terminée ou encore pendante, dès lors que le devoir de fidélité de l'avocat n'est pas limité dans le temps (ATF 134 II 108 consid. 3 et les références). Il y a aussi conflit d'intérêts au sens de cette disposition dès que survient la possibilité d'utiliser, consciemment ou non, dans un nouveau mandat les connaissances acquises antérieurement sous couvert du secret professionnel, dans l'exercice d'un mandat antérieur (ATF 145 IV 218 consid. 2.1; arrêt du Tribunal fédéral 2C_898/2018 du 30 janvier 2019 consid. 5.2).

L'incapacité de représentation affectant un avocat rejaillit sur ses associés (ATF 135 II 145 consid. 9.1). Le problème de la double représentation peut donc survenir quand les parties sont représentées par des avocats distincts, mais pratiquant dans la même étude, en qualité d'associés. L'interdiction de conflits d'intérêts ne se limite ainsi pas à la personne même de l'avocat, mais s'étend à l'ensemble de l'étude ou du groupement auquel il appartient. Sous cet angle, sont donc en principe concernés tous les avocats exerçant dans une même étude au moment de la constitution du mandat, peu importe leur statut (associés ou collaborateurs) et les difficultés que le respect de cette exigence découlant des règles professionnelles peut engendrer pour une étude d'une certaine taille (ATF 145 IV 218 consid. 2.2 et les références). Appelé à se prononcer sur le cas particulier du changement d'étude par un avocat, le Tribunal fédéral a jugé que la connaissance par le collaborateur en raison de son précédent emploi d'un dossier traité par le nouvel employeur constitue l'élément déterminant pour retenir la réalisation d'un conflit d'intérêts concret qui doit être évité, ce que permet la résiliation du mandat par le second (ATF 145 IV 218 consid. 2.3). Il avait auparavant déjà appliqué ce critère de la connaissance pour confirmer l'interdiction de plaider ordonnée à l'encontre d'un avocat qui avait été le stagiaire, puis le collaborateur du mandataire de la partie adverse (arrêt du Tribunal fédéral 5A_967/2014 du 27 mars 2015 consid. 3.3.2 et 3.3.3).

Les règles susmentionnées visent avant tout à protéger les intérêts des clients de l'avocat, en leur garantissant une défense exempte de conflit d'intérêts. Elles tendent également à garantir la bonne marche du procès, en particulier en s'assurant qu'aucun avocat ne soit restreint dans sa capacité de défendre l'un de ses clients - notamment en cas de défense multiple -, respectivement en évitant qu'un mandataire puisse utiliser les connaissances d'une partie adverse acquises lors d'un mandat antérieur au détriment de celle-ci (ATF 145 IV 218 consid. 2.1 et les réf. cit.; arrêt du Tribunal fédéral 2C_101/2023 précité consid. 7.1). Les critères suivants peuvent permettre de déterminer l'existence ou non de mandats opposés dans un cas concret : l'écoulement du temps entre deux mandats, la connexité (factuelle et/ou juridique) de ceux-ci, la portée du premier mandat - à savoir son importance et sa durée -, les connaissances acquises par l'avocat dans l'exercice du premier mandat, ainsi que la persistance d'une relation de confiance avec l'ancien client (ATF 145 IV 218 consid. 2.1 et les réf. cit.).

2.2 La notion de "faits établis de façon manifestement inexacte" se recoupe avec celle d'arbitraire dans l'appréciation des preuves ou d'arbitraire dans l'établissement des faits (ATF 138 III 232 consid. 4.1.2, in JT 2012 II 511).

La constatation manifestement inexacte des faits équivaut à l'arbitraire. La constatation des faits ou l'appréciation des preuves est arbitraire lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des constatations insoutenables (ATF 140 III 264 consid. 2.3; 137 III 226 consid. 4.2).

2.3
2.3.1
Les recourants font valoir que les connaissances que l'avocat acquiert dans le cadre d'une démarche de regroupement familial sont éminemment privées, puisque l'obtention d'un permis de séjour implique que l'avocat soit en possession de nombreuses informations en lien avec la situation personnelle, patrimoniale et fiscale de son client. Dans ce contexte, il est, selon les recourants, notoire que cela impliquerait obligatoirement que Me K______ et sa collaboratrice auraient été renseignés sur de telles informations privilégiées, telles que l'origine de la fortune de C______, les sociétés qu'il détiendrait et ses relations d'affaires. La possibilité que ces connaissances soient utilisées – consciemment ou non – existerait, selon eux, concrètement, ce d'autant plus au regard de la connexité des procédures toutes liées à des aspects financiers. Cela serait par ailleurs confirmé par le fait que l'intimé n'a pas manqué de formuler, dans sa demande, plusieurs allégués sur la situation patrimoniale de C______ et de son épouse, sur l'origine de la fortune de ce dernier, sur les sociétés qu'il détiendrait et sur ses relations d'affaires. Ces procédures auraient, selon eux, inévitablement marqué de leur empreinte l'esprit des avocats ayant eu à les traiter et créé un solide lien de confiance, commandant de retenir l'existence d'un conflit d'intérêts concret. S'agissant de la procédure de droit de voisinage, si celle-ci concernait certes la maison conjugale, dont seule l'épouse était propriétaire, C______ aurait néanmoins été le seul interlocuteur de Me K______, ce mandat ne faisant que renforcer davantage le lien de confiance existant entre eux.

2.3.2 En l'occurrence, il convient de retenir, à l'instar du premier juge, que les formalités en obtention d'un permis de séjour par regroupement familial sont d'ordre purement administratif et qu'elles ne nécessitent en principe pas que le bénéficiaire renseigne sur sa situation patrimoniale et fiscale (art. 42 ss de la Loi sur les étrangers et l'intégration). Il ne peut ainsi être retenu que les connaissances que l'avocat a pu acquérir dans le cadre des démarches auprès de l'OCPM en faveur de C______ représenteraient un risque concret de conflit d'intérêts. Les recourants n'expliquent, par ailleurs, pas les raisons pour lesquelles l'activité déployée pour l'obtention d'un permis de séjour en faveur du fils de C______, N______ - lequel n'est pas partie au présent litige -, serait susceptible de créer un conflit d'intérêts. En ce qui concerne le litige relatif au droit de voisinage, il n'est pas établi que C______ aurait été le principal interlocuteur de Me K______ dans cette affaire, laquelle n'a, en tout état, aucun lien avec le présent litige.

2.4
2.4.1
Dans leur recours, les recourants indiquent "pour rappel" qu'en 2018, Me K______ a mis en lien C______ avec l'intimé en vue de la vente d'actions et qu'il a ensuite "participé entre fin 2018 et 2019 aux séances de négociations du contrat de vente d'actions y afférent et qui fait l'objet du présent litige (…), en qualité de "neutre"", sans remettre en question une intervention en cette qualité. Ils reprochent ensuite au Tribunal d'avoir retenu que Me K______ serait intervenu en qualité de "facilitateur" durant la séance du 17 septembre 2020. Selon eux, il ressortirait tant de la facture y relative du 5 octobre 2020 que du courrier du 17 novembre 2020 – lesquels font référence à une activité de médiation – que l'avocat serait, de son propre aveu, intervenu en tant que médiateur, en tenant une séance avec les parties hors la présence de leurs conseils respectifs. L'absence de convention écrite de médiation ou de clause de confidentialité n'y changerait rien, de tels accords pouvant être conclus oralement. Cette activité de médiation imposerait donc audit conseil de renoncer à représenter l'une ou l'autre des parties ultérieurement.

Dans leur réplique, les recourants prétendent que l'apposition de guillemets au terme "neutre" signifierait précisément qu'elles n'auraient pas admis la participation de l'avocat aux séances de 2018 et 2019 en cette qualité.

2.4.2 En l'espèce, il sera relevé que, dans leurs premières écritures de seconde instance, les recourants n'ont pas reproché au Tribunal d'avoir retenu que Me K______ avait participé, entre fin 2018 et 2019, aux séances de négociations du contrat de vente d'actions en qualité de "neutre", et non de médiateur. Cela n'est au demeurant pas déterminant pour l'issue du litige au vu de ce qui suit.

Le Tribunal ne saurait être suivi lorsqu'il considère que l'intervention de Me K______ lors des séances de 2018 et 2019 et celle du 17 septembre 2020 s'est apparentée à celle d'un "neutre" ou d'un facilitateur et non d'un médiateur, le rôle du médiateur étant précisément d'agir comme un facilitateur auprès des parties afin de tenter de renouer le dialogue entre elles et/ou de trouver un arrangement amiable. Le fait qu'aucune convention de médiation ou clause de confidentialité n'aient été signées n'est pas non plus déterminant. L'intervention de Me K______ en qualité de médiateur est par ailleurs confirmée par lui-même, tant dans la facture y relative que dans son courrier du 18 novembre 2020.

Cela étant, il n'est pas contesté que la séance du 17 septembre 2020 s'est déroulée en présence de C______ et de D______, de sorte que, comme l'a relevé à raison le premier juge, l'on ne saurait retenir un risque, pour une partie, d'utilisation à son détriment d'informations qui n'auraient pas été déjà connues par l'autre. A cela s'ajoutent qu'au moment où il a été informé du fait que Me K______ allait rejoindre l'étude F______ SA, soit en novembre 2020, C______ savait déjà que Me E______ assurait la défense de D______ de manière extrajudiciaire dans le cadre du présent litige et de manière judiciaire dans les huit procédures intentées entre juin et novembre 2020 par H______/1______ SA, H______/2______ AG et A______ SA (anciennement G______ SA), qu'il a toutefois accepté la proposition faite par son conseil dans le courrier du 18 novembre 2020, ne faisant valoir alors aucun risque de conflit d'intérêts à cette occasion, et qu'il a attendu le mois de juin 2022 pour invoquer un tel risque, alors que la demande en paiement avait été déposée en juin 2021. Si le consentement du client n'efface certes pas l'existence d'un conflit d'intérêts, il est toutefois, dans ce cas, l'indice en faveur de l'absence d'un risque concret, dès lors que l'on peine à imaginer que C______ l'ait d'emblée donné si Me K______ avait, comme les recourants l'allèguent, été en possession d'informations sensibles qui auraient pu être utilisées à son encontre dans le différend qui l'opposait déjà à D______.

Ainsi, l'on ne saurait dès lors admettre, au vu des circonstances, l'existence d'un risque concret de conflit d'intérêts résultant de la participation de Me K______ à la réunion du 17 septembre 2020 et de son association à Me E______ au sein de l'étude F______ SA dès janvier 2021.

2.5
2.5.1
Les recourants reprochent au premier juge d'avoir nié l'existence d'un conflit d'intérêts en lien avec le mandat exercé par Me K______ et sa collaboratrice pour H______/1______ SA dans la procédure à l'encontre de la société Q______. Ils font valoir que le Tribunal ne pouvait tenir compte du fait que C______ avait "expressément consenti à ce que Me K______ poursuive son mandat quand bien même il avait rejoint l'étude F______ SA", alors que l'éventuel consentement d'une partie ne change rien en cas de conflit d'intérêts, qu'il n'a pas tenu compte de la problématique de la surfacturation reprochée à l'intimé et que tant H______/1______ SA (sur mandat et instruction de C______) que l'intimé ont été ou sont représentés par F______ SA.

2.5.2 In casu, la procédure civile intentée par H______/1______ SA, dont l'administrateur était alors C______, à l'encontre la société Q______ avait pour objet le recouvrement d'honoraires facturés par l'intimé du temps où il en était l'administrateur. Or H______/1______ SA n'est pas partie à la présente procédure, dont le fondement est de tout autre nature, et cette procédure en recouvrement n'était pas dirigée contre l'intimé. L'évocation, dans le cadre du présent litige, d'accusations formulées à l'encontre de l'intimé quant à une éventuelle surfacturation de prestations à Q______ ne suffit pas à retenir l'existence d'une double représentation.

De plus, du fait de sa qualité d'ancien administrateur de H______/1______ SA et de prestataire des honoraires facturés, ainsi que du fait des e-mails échangés au sujet de cette procédure entre feu Me K______, C______ et lui-même, l'intimé était au fait du litige à l'encontre de l'ancienne société cliente et l'on peine à déterminer l'existence d'informations dont Me K______ aurait pu avoir connaissance dans le cadre de son mandat pour H______/1______ SA qui n'auraient pas déjà été connues de l'intimé et qui pourraient être utilisées dans la présente procédure. Cela est, à nouveau, confirmé par le fait que C______ a consenti à ce que Me K______ poursuive ce mandat après avoir rejoint l'étude F______ SA et a attendu jusqu'en juin 2022 pour soulever judiciairement la question d'un conflit d'intérêts.

Comme le relève à raison l'intimé, il ne s'agit pas d'une constellation dans laquelle un avocat représente deux parties opposées dans une procédure ou des procédures connexes ni d'une situation où les deux affaires seraient proches ou interagiraient l'une sur l'autre au point que l'avocat ne puisse conduire l'une sans être inexorablement amené à devoir faire référence aux faits qu'il connaît dans l'autre.

Au vu de ces éléments, l'existence d'un risque concret de conflit d'intérêts découlant de la représentation de H______/1______ SA dans la procédure précitée ne sera pas retenue.

2.6
2.6.1
Les recourants font de même valoir que Me K______ et sa collaboratrice étaient les conseils de la société J______/6______ LB, dont C______ est l'un des actionnaires et le président du conseil d'administration, et avaient défendu la société dans une procédure pénale dirigée contre une personne qui est coactionnaire et était membre du conseil d'administration, ce qui avait amené C______ et les avocats à tisser un fort lien de confiance. Les recourants soutiennent qu'en tant qu'avocat historique de "J______", Me K______ représentait matériellement les intérêts de C______, dont il connaissait la situation personnelle, patrimoniale, financière et fiscale. Ils avancent que, dans ce cadre, les avocats avaient eu de fréquents contacts avec ce dernier, qui leur avait confié de nombreuses informations confidentielles le concernant, lesquelles seraient utilisées par l'intimé à son profit dans la présente procédure. Ils se réfèrent sur ce point à nouveau aux allégations formulées par l'intimé dans sa demande concernant la fortune de C______, ses relations d'affaires, sa participation dans des sociétés ou encore la création de sociétés. Ils en veulent également pour preuve le courriel de l'étude F______ SA du 17 septembre 2021 (pièce 415 déf.), qui fait état de factures ouvertes aux noms de C______ et de "J______", ainsi que la déclaration écrite établie par Me K______ en date du 18 novembre 2020 et adressée personnellement à C______ (pièce 311 déf.), dans laquelle l'avocat proposait de continuer à représenter ce dernier et ses sociétés dans les affaires sans lien avec le litige, ceci tendant, selon les recourants, à démontrer que Me K______ et l'étude F______ SA considéraient être liés par un mandat à titre personnel avec C______.

2.6.2 En l'espèce, la société J______/6______ LB n'est pas partie à la présente procédure et l'affaire dans laquelle Me K______ a assisté cette société portait sur un tout autre objet.

S'agissant de l'allégation selon laquelle ledit conseil aurait en réalité matériellement représenté C______ et que, dans ce cadre, ce dernier aurait confié des informations confidentielles à l'avocat, lesquelles pourraient être utilisées à son encontre dans la présente procédure, il convient de retenir, à l'instar du Tribunal, que les pièces produites ne suffisent pas à l'attester. En effet, il n'est pas contesté, dans le cadre du recours, que la facture émise le 15 avril 2021 au nom de F______ SA pour des prestations effectuées par Me K______ et adressée à C______, c/o J______/7______ SA, no. ______ chemin 8______ (pièce 307 déf.) concernait des démarches effectuées en faveur de la société malgré le libellé de son destinataire. Le courriel adressé le 17 septembre 2021 par F______ SA (qui mentionne l'existence de factures ouvertes aux noms de "J______" et de C______; pièce 415 déf.) et la déclaration écrite de Me K______ du 18 novembre 2020 (qui contient la proposition de continuer à représenter C______ et ses société malgré son changement d'études; pièce 311 déf.) ne sont à elles seules pas suffisantes pour établir l'existence d'un mandat à titre personnel entre l'étude et ce dernier (autre que le mandat concernant les démarches effectuées auprès de l'OCMP examiné ci-avant; cf. consid. 2.3.2), dès lors que, comme l'a relevé à raison le Tribunal, C______ aurait aisément pu produire les factures jointes à la pièce 415 déf., une procuration en son propre nom ou des factures d'honoraires pour une activité déployée pour lui personnellement, ce qu'il n'a pas fait.

De plus, et d'une manière générale, rien ne permet de retenir, comme l'allèguent les recourants, que, lors de leurs interactions concernant la représentation de H______/1______ SA et J______/6______ LB, C______ aurait confié à Me K______ des données sensibles qui seraient susceptibles d'être utilisées à son encontre dans le cadre du présent litige. Il sera au contraire relevé qu'il n'est pas contesté, dans le recours, que l'intimé a été en relation étroite avec C______ et les sociétés du groupe J______, dont le siège était à la même adresse que H______/1______ SA, et dont l'intimé était administrateur jusqu'en juillet 2020.

2.7 Au vu de ce qui précède, les recourants ayant échoué à démontrer l'existence d'un risque concret de conflit d'intérêts devant conduire à une interdiction de postuler du conseil de l'intimé, le recours, supposé recevable, sera rejeté.

3. Les frais du recours seront arrêtés à 2'400 fr. (art. 13 et 41 RTFMC), compensés partiellement avec l'avance effectuée, qui demeure acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC). Ils seront supportés, conjointement et solidairement, par les recourants, qui succombent (art. 106 al. 1 CPC) et qui seront condamnés à verser le solde des frais de 1'200 fr. aux Services financiers du Pouvoir judiciaire.

Ces derniers seront également condamnés, conjointement et solidairement, à verser à l'intimé la somme de 2'500 fr., débours et TVA compris, à titre de dépens de recours, compte tenu de l'activité déployée par le conseil de la partie adverse et du caractère limité de la question litigieuse (art. 95, 104 al. 1, 105 al. 1 et 106 al. 1 CPC; art. 20, 23 al. 1, 25 et 26 al. 1 LaCC; art. 25 al. 1 LTVA; art. 84 ss et 90 RTFMC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

Rejette, dans la mesure de sa recevabilité, le recours interjeté par A______ SA et C______ contre l'ordonnance JTPI/12378/2023 rendue le 30 octobre 2023 par le Tribunal de première instance dans la cause C/11915/2021-24.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires du recours à 2'400 fr., les met à la charge de A______ SA et C______, conjointement et solidairement, et dit qu'ils sont compensés avec l'avance effectuée par ces derniers, laquelle demeure acquise à l'Etat de Genève.

Condamne A______ SA et C______, conjointement et solidairement, à verser 1'200 fr. aux Services financiers du Pouvoir judiciaire.

Condamne A______ SA et C______, conjointement et solidairement, à verser 2'500 fr. à D______ à titre de dépens de recours.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Madame Pauline ERARD, Madame Stéphanie MUSY, juges; Madame Camille LESTEVEN, greffière.

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière civile; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 72 à 77 et 90 ss de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110). Il connaît également des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les
art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.