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Décisions | Chambre civile

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C/13625/2022

ACJC/561/2024 du 06.05.2024 sur JTPI/15068/2023 ( SDF ) , CONFIRME

Recours TF déposé le 07.06.2024, 5A_366/2024
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/13625/2022 ACJC/561/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU LUNDI 6 MAI 2024

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______ [GE], appelant d'un jugement rendu par la 22ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 21 décembre 2023, représenté par Me Anne REISER, avocate, rue de Saint-Léger 2, 1205 Genève,

et

Madame B______, domiciliée ______ [GE], intimée, représentée par Me Nathalie BÜRGISSER SCHEURLEN, avocate, promenade de Saint-Antoine 20, 1204 Genève.

 

 


EN FAIT

A.           Par jugement JTPI/15068/2023 du 21 décembre 2023, le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal), statuant sur mesures protectrices de l'union conjugale, a débouté A______ de sa conclusion en paiement d'une contribution d'entretien (chiffre 1 du dispositif), donné acte aux parties de ce qu'elles convenaient de partager la jouissance de la villa à C______ (France) à raison d'une semaine sur deux chacune en alternance (ch. 2), arrêté les frais judiciaires à 2'000 fr., répartis à raison de la moitié à la charge de chacune des parties et compensés avec l'avance fournie, condamné B______ et A______ à payer respectivement 600 fr. et 1'000 fr. à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire (ch. 3), dit qu'il n'était pas alloué de dépens (ch. 4) et débouté les parties de toute autre conclusion (ch. 5).

B.            a. Par acte déposé le 8 janvier 2024 à la Cour de justice (ci-après: la Cour), A______ a appelé de ce jugement qu'il a reçu le 27 décembre 2023, sollicitant l'annulation des chiffres 1 et 3 de son dispositif. Sous suite de frais, il a conclu à ce que la Cour condamne B______ à lui verser, par mois et d'avance, à compter du 15 juillet 2022, la somme de 10'050 fr. au titre de contribution à son entretien, sous imputation des sommes versées à ce titre, "à charge pour B______ de continuer à s'acquitter des primes de l'assurance de prévoyance liée 3a souscrite par les deux époux n. 1______ et des sommes versées à raison de leurs engagements conjoints souscrits pour financer et entretenir leur résidence secondaire à C______ (amortissements, intérêts hypothécaires, taxes foncières, d'habitation et d'ordures ménagères, moitié de la prime de la police de prévoyance liée 3a n. 1______, prime d'assurance habitation, frais d'électricité, d'eau et d'entretien courant)". Il a en outre conclu à ce que la Cour, "en tout état", augmente la contribution d'entretien qui lui était due à hauteur de 1'217 fr. par mois lorsque D______ aurait terminé ses études, de 4'357 fr. par mois lorsque E______ aurait terminé les siennes et de 1'538 fr. par mois dès que F______ les aurait terminées également.

Il a produit des pièces nouvelles.

b. Dans sa réponse du 5 février 2024 - reçue par A______ le 7 février 2024 -, B______ a conclu, sous suite de frais, à ce que la Cour déclare irrecevables les pièces nouvelles produites à l'appui de l'acte d'appel et confirme le jugement.

c. Par réplique spontanée du 19 février 2024, A______ a persisté dans ses conclusions.

d. Les parties ont été informées par la Cour de ce que la cause était gardée à juger par courriers du 15 mars 2024.

C.           Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a. A______ et B______, tous deux nés en 1963, se sont mariés en 1995 à G______ [GE], sans conclure de contrat de mariage.

Ils sont les parents de D______, née en 1995, E______, née en 1998, et F______, née en 2000.

Depuis 2001, les époux sont copropriétaires d'un bien immobilier situé à C______ (France). La famille y a résidé jusqu'en 2016, date dès laquelle elle s'est installée dans un appartement à Genève, dont les époux étaient locataires et qui est devenu le logement familial. La demeure de C______ a constitué depuis lors la résidence secondaire de la famille.

b. En 2019, dans le cadre d'une procédure pénale ouverte à son encontre, A______ a été placé six mois en détention préventive.

c. De fin juin à début septembre 2022, A______ a été hospitalisé à la Clinique de H______.

d. Parallèlement, le 15 juillet 2022, B______ a saisi le Tribunal d'une requête de mesures protectrices de l'union conjugale assortie d'une requête de mesures superprovisionnelles, tendant notamment à ce qu'il soit fait interdiction à son époux de prendre contact avec elle et de s'approcher d'elle ainsi que du domicile conjugal et de son lieu de travail.

Elle a allégué que A______ était dépendant à l'alcool et aux drogues (benzodiazépines, cocaïne et MDMA) et souffrait de graves problèmes psychiatriques probablement liés à ces dépendances, dont des délires paranoïaques avec hallucinations auditives et visuelles. Plusieurs procédures pénales avaient été ouvertes à son encontre, pour conduite en état d'ébriété, délit de chauffard et infractions à l'intégrité physique et sexuelle d'anciennes patientes, étant médecin. Les trois filles du couple et elle avaient été victimes de la part de leur père et époux de harcèlement, menaces de mort et violences verbales, physiques, psychologiques ainsi que sexuelles. Craignant pour leur sécurité, les trois enfants du couple avaient dû quitter le domicile familial et tenaient leur lieu de résidence secret.

e. Par ordonnance du 15 juillet 2022, sur mesures superprovisionnelles, le Tribunal a notamment attribué à B______ la jouissance exclusive du logement conjugal, ordonné à A______ de quitter ce domicile dès le prononcé de l'ordonnance et fait interdiction à celui-ci de prendre contact avec son épouse ainsi que de s'approcher de son domicile et de son lieu de travail, sous la menace de la peine de l'art. 292 CP.

f. Le Tribunal a tenu une audience de comparution personnelle des parties le 26 septembre 2022. A______ s'est déclaré d'accord avec les conclusions de son épouse tendant à la suspension de la vie commune et à l'attribution de la jouissance exclusive du logement conjugal à celle-ci. Il s'est en revanche opposé à celles tendant au prononcé de la séparation de biens. Enfin, il a réclamé une contribution à son entretien.

g. Par acte du 15 juin 2023, A______ a pris des conclusions sur mesures protectrices de l'union conjugale.

Il a conclu à ce que le Tribunal condamne B______ à lui payer une contribution d'entretien de 10'050 fr. par mois, à compter du 15 juillet 2022, sous imputation des sommes déjà versées, "à charge pour elle de continuer à s'acquitter des primes de l'assurance de prévoyance liée 3a n° 1______ et des sommes versées à raison de leurs engagements conjoints souscrits pour financer et entretenir leur résidence secondaire de C______ (amortissements et intérêts hypothécaires, taxes foncières, d'habitation et d'ordures ménagères, moitié de la prime de la police de prévoyance liée 3a n° 1______, prime d'assurance habitation, frais d'électricité, d'eau et d'entretien courant)."

Subsidiairement, si la séparation de biens était ordonnée, il a conclu à ce que le Tribunal condamne B______ à lui payer une contribution d'entretien de 11'300 fr. par mois, à compter du 15 juillet 2022, sous imputation des sommes déjà versées, "à charge pour lui de rembourser à son épouse la moitié des sommes payées par elle couvrant tous les frais nécessaires au financement et à l'entretien de leur bien sis à C______ (amortissements et intérêts hypothécaires, taxes foncières, d'habitation et d'ordures ménagères, moitié de la prime de la police de prévoyance liée 3a n° 1______, prime d'assurance habitation, frais d'électricité, d'eau et d'entretien courant) depuis la séparation de biens."

Il a requis, en tout état, une augmentation de la contribution d'entretien à hauteur de 1'217 fr. par mois lorsque D______ aurait terminé ses études, 2'179 fr. par mois (en dernier lieu, par courrier du 15 juin 2023) lorsque E______ aurait terminé les siennes et 1'538 fr. par mois dès que F______ les aurait terminées également.

Il a allégué que diverses dépendances l'avaient conduit à des pertes de contrôle qu'il regrettait. Sa santé mentale avait décliné au point qu'il avait demandé une hospitalisation volontaire à la Clinique de H______ le 29 juin 2022. Il n'entendait pas revenir sur les accusations exagérées de son épouse et s'il regrettait d'avoir exposé sa famille à la détresse qu'il subissait, il n'en demeurait pas moins qu'il avait pris les devants pour se faire soigner avant la requête de mesures superprovisionnelles. Soucieux de ne pas nuire à sa famille, il avait respecté à la lettre les interdictions prononcées par ordonnance du 15 juillet 2022.

h. Le 21 juin 2023, le Tribunal a tenu une audience de comparution personnelle des parties et de plaidoiries finales sur les conclusions de B______, auxquelles la procédure a été limitée.

Sur mesures provisionnelles, le Tribunal a donné acte aux parties de leur accord de partager la jouissance de leur bien situé à C______ à raison d'une semaine sur deux chacune.

La cause a été gardée à juger sur les conclusions de B______ à l'issue de cette audience.

i. Par jugement partiel du 6 juillet 2023, statuant sur mesures protectrices de l'union conjugale "limitées aux conclusions prises par B______", le Tribunal a notamment autorisé les époux à vivre séparés, attribué à celle-ci la jouissance exclusive du logement conjugal, donné acte à A______ de son engagement à s'interdire de prendre contact avec la précitée et de pénétrer dans un périmètre de 200 mètres autour de son domicile ainsi que de son lieu de travail, donné acte à A______ de son engagement à restituer les clés de l'ancien domicile conjugal et du lieu de travail qu'il partageait avec son épouse et prononcé la séparation de biens des parties.

j. Par acte du 12 septembre 2023 - reçu par A______ le 18 septembre 2023 -, B______ s'est déterminée sur la requête de son époux du 15 juin 2023.

k. Le Tribunal a tenu une audience de comparution personnelle des parties et de plaidoiries finales le 27 septembre 2023, au terme de laquelle la cause a été gardée à juger.

D.           La situation personnelle et financière des parties est la suivante :

a.a B______ exerce la profession de gynécologue-obstétricienne en tant qu'indépendante depuis l'année 2000 dans un cabinet médical qu'elle partage avec son époux depuis 2004. Devant le Tribunal, elle a allégué travailler environ 70h00 par semaine, y compris le week-end.

Aux termes des déclarations fiscales communes des parties, ses revenus annuels nets réalisés au titre de cette activité étaient les suivants, après déduction des charges sociales "privées" liées à celle-ci et des éventuels rachats de prévoyance professionnelle :

-          739'378 fr. en 2016 (869'828 fr. de "bénéfice net selon son compte de pertes et profits" - 130'450 fr. de "déductions liées aux revenus" [cotisations "privées" pour les 1er et 2ème piliers ainsi que pour le 3ème pilier lié (A), aucun rachat de prévoyance professionnelle n'étant effectué]);

-          610'184 fr. en 2017 (884'780 fr. - 274'596 fr. de déductions [cotisations sociales "privées" et rachat de prévoyance professionnelle pour les 1er et 2ème piliers ainsi que pour le 3ème pilier lié (A), dont 150'000 fr. au titre du rachat précité]);

-          633'366 fr. en 2018 (875'365 fr. - 241'999 fr., dont 110'000 fr. au titre du rachat précité);

-          664'640 fr. en 2019 (878'557 fr. - 213'917 fr., dont 80'000 fr. au titre du rachat précité) et

-          643'899 fr. en 2020 (985'123 fr. - 341'224 fr., dont 200'000 fr. au titre du rachat précité).

En résumé, aux termes des déclarations fiscales, la précitée a bénéficié de revenus mensuels nets moyens de 54'857 fr. de 2016 à 2020, après le rachat de 135'000 fr. en moyenne de prévoyance professionnelle chaque année durant la période de 2017 à 2020, ce qui représente 11'250 fr. par mois.

Se fondant sur lesdites déclarations, le Tribunal a retenu que les revenus mensuels nets de la précitée se montaient en moyenne à 53'942 fr. de 2018 à 2020.

A la lumière des comptes 2020 relatifs à l'activité indépendante de l'intimée faisant état des chiffres portant sur les années 2019 et 2020, il apparaît que les "charges commerciales" déclarées à l'administration fiscale comprenaient les cotisations "privées" de la précitée au 2ème pilier, ce qui a représenté 41'887 fr. (3'490 fr. par mois) en 2019 et 41'949 fr. (3'495 fr. par mois) en 2020, soit un montant arrondi de 3'500 fr. par mois en moyenne. Tel n'a en revanche pas été le cas de ses cotisations "privées" aux 1er pilier et 3èmes piliers liés et non liés (A et B) ainsi que de ses rachats de prévoyance professionnelle.

a.b Le Tribunal a arrêté les "charges" mensuelles de B______ à 13'140 fr., comprenant son loyer (3'490 fr.), sa prime d'assurance-maladie LAMal (408 fr.), sa prime d'assurance-maladie LCA (228 fr.), ses frais de parking (952 fr. [500 fr. au domicile + 452 fr. au cabinet médical]), ses frais médicaux (255 fr.), ses frais de télévision et internet (118 fr.), ses frais SIG (41 fr.), ses frais de véhicule (470 fr.), ses primes d'assurances RC, ménage, protection juridique et perte de gain (682 fr.), ses cotisations à deux polices d'assurance 3ème pilier A et B (1'746 fr. dont 573 fr. au titre de la prévoyance liée A et 1'173 fr. au titre de la prévoyance non liée B), les frais liés au bien immobilier situé à C______ (3'400 fr.) et son montant de base OP (1'350 fr.).

A compter du 1er janvier 2024, son loyer augmenterait à 4'125 fr. et ses frais de parking à son domicile à 549 fr.

a.c A teneur des déclarations fiscales, la fortune de B______, soit, selon ses allégations, son "épargne mobilière issue du travail et acquise au fil des années", se montait à environ 5'700 fr. en 2016, 7'400 fr. en 2017, 30'500 fr. en 2018, 26'000 fr. en 2019 et 12'000 fr. en 2020.

b.a A______ a exercé la profession de gynécologue-obstétricien en tant qu'indépendant au sein du même cabinet que son épouse de 2004 jusqu'en 2019. Selon les déclarations non contestées de celui-ci devant le Tribunal, les parties étaient liées par différents contrats dans le cadre de l'exercice de leur activité indépendante au sein de ce cabinet, dont des contrats avec le personnel et des contrats portant sur le matériel et les assurances.

Le Tribunal a constaté qu'en 2019, du fait de la procédure pénale ouverte à son encontre, une interdiction de pratiquer tout métier de la santé en relation avec des patients avait été prononcée contre A______, lequel était dépourvu d'activité lucrative depuis lors. Le 26 septembre 2022 devant le Tribunal et dans sa requête du 15 juin 2023, A______ a exposé être toujours sous le coup de cette interdiction.

Dans sa requête précitée, A______ a également allégué qu'en raison des accusations mensongères dont il faisait l'objet dans le cadre de la procédure pénale, laquelle était encore en cours à ce stade, et du fait de son emprisonnement en détention préventive pendant six mois en 2019, son état de santé s'était gravement détérioré. Il bénéficiait dorénavant d'un suivi médical et était en incapacité de travail. Il prenait des médicaments qui altéraient sa mémoire. Il n'avait pas déposé de demande en vue d'obtenir une rente de l'assurance invalidité, espérant pouvoir travailler à nouveau. Il devait prendre contact avec son courtier en assurances, lequel l'avait informé du fait que l'assurance I______, auprès de laquelle il était titulaire de plusieurs polices, pouvait lui verser une rente en cas d'invalidité. Il avait toutefois du retard dans la gestion de ses affaires administratives.

Le Tribunal a constaté que A______ était devenu incapable de travailler.

Le 21 juin 2023 devant le Tribunal, celui-ci a déclaré avoir touché dès octobre 2019, durant 720 jours, une indemnité pour perte de gain et, depuis juillet 2022, une "rente privée" en raison de son incapacité de travail.

Le Tribunal a retenu que depuis le 5 septembre 2021, A______ percevait une rente mensuelle de 7'604 fr. de la caisse maladie L______, versée après un délai d'attente de 720 jours (montant de l'indemnité journalière : 250 fr. x 365 jours / 12 mois).

Selon des certificats médicaux de son médecin psychiatre produits par A______ en seconde instance portant sur la période d'octobre à décembre 2023, celui-ci souffrait de troubles psychiques et d'une altération de ses capacités mnésiques en rapport avec la médication qu'il prenait. Sa capacité de travail durant cette période était nulle pour des raisons de maladie. A teneur de documents médicaux produits en seconde instance, A______ ne souffrait en revanche plus d'aucun problème de santé en lien avec ses pieds en novembre 2023.

Aux termes des déclarations fiscales communes des parties, les revenus annuels nets ou le déficit annuel réalisés par A______ au titre de son activité indépendante étaient les suivants, après déduction des charges sociales "privées" liées à celle-ci et des éventuels rachats de prévoyance professionnelle :

-          4'185 fr. en 2016 (355'697 fr. de "bénéfice net selon son compte de pertes et profits" - 351'512 fr. de "déductions liées aux revenus" [cotisations sociales "privées" et rachat de prévoyance professionnelle pour les 1er et 2ème piliers ainsi que pour le 3ème pilier lié (A), dont 300'000 fr. au titre du rachat précité]);

-          14'933 fr. en 2017 (370'519 fr. - 355'586 fr., dont 300'000 fr. au titre du rachat précité);

-          déficit de 40'364 fr. en 2018 (320'292 fr. - 360'656 fr., dont 300'000 fr. au titre du rachat précité);

-          3'390 fr. en 2019 (47'646 fr. - 44'256 fr., aucun rachat de prévoyance professionnelle n'étant effectué) et

-          128'836 fr. en 2020 (172'660 fr. - 43'824 fr., aucun rachat de prévoyance professionnelle n'étant effectué et un montant de l'ordre de 256'000 fr. ayant été perçu au titre d'indemnité perte de gain).

En résumé, aux termes des déclarations fiscales, le précité a subi en moyenne un déficit arrondi de 600 fr. par mois de 2016 à 2018, après le rachat chaque année durant cette période d'un montant de 300'000 fr. de prévoyance professionnelle, ce qui représente 25'000 fr. par mois. Il a bénéficié de revenus mensuels nets moyens de 282 fr. en 2019 et 10'736 fr. en 2020 et n'a investi aucun montant dans le rachat de prévoyance professionnelle ces deux années-ci.

A la lumière des comptes 2020 relatifs à l'activité indépendante de A______ faisant état des chiffres portant sur les années 2019 et 2020, il apparaît que les "charges commerciales" déclarées à l'administration fiscale comprenaient les cotisations "privées" du précité au 2ème pilier, ce qui a représenté 36'330 fr. (3'027 fr. par mois) chacune de ces deux années, soit un montant arrondi de 3'000 fr. par mois en moyenne. Tel n'a en revanche pas été le cas de ses cotisations "privées" aux 1er pilier et 3ème pilier lié (A).

b.b Selon ses allégations dans sa requête du 15 juin 2023, A______ s'était installé à l'hôtel J______ après sa sortie de [la clinique] H______ en septembre 2022 dans l'attente de l'issue des procédures civiles et pénales et dans le but de "retrouver une stabilité au niveau de sa santé afin d'être plus autonome". Le 21 juin 2023 devant le Tribunal, il a exposé avoir en vain cherché un appartement et vivre toujours à l'hôtel dans une chambre équipée d'une kitchenette, moyennant un forfait mensuel de 4'140 fr.

Dans son écriture du 12 septembre 2023 en première instance, B______ a relevé que A______ n'avait produit qu'une seule facture de l'hôtel J______ pour quelques nuits passées en janvier 2023 et ne prouvait aucunement y vivre encore.

En seconde instance, A______ produit une pièce dont il ressort qu'il a résidé auprès dudit hôtel du 1er octobre au 31 décembre 2023 au prix moyen de 4'647 fr. par mois.

Le Tribunal a arrêté les "charges mensuelles" de A______ à 4'723 fr., comprenant son loyer hypothétique (1'600 fr.), sa prime d'assurance-maladie LAMal (627 fr.), sa prime d'assurance-maladie LCA (266 fr.), ses frais de téléphonie (87 fr.), ses frais médicaux (820 fr.), ses frais de transport (70 fr.), ses cotisations AVS (53 fr.) et son montant de base OP (1'200 fr.).

b.c Le 21 juin 2023 devant le Tribunal, A______ a déclaré disposer d'économies d'environ 1'000'0000 fr., qu'il utilisait pour payer ses factures, en complément de la rente qu'il percevait.

A teneur des déclarations fiscales communes des parties, la fortune de A______ - sans déduire celle relativement insignifiante de son épouse - a généré des intérêts annuels de 8'976 fr. en 2017 pour une fortune mobilière totale de 1'032'552 fr., 7'339 fr. en 2018 pour une fortune mobilière totale de 1'307'045 fr., 11'265 fr. en 2019 pour une fortune mobilière totale de 1'438'595 fr. et 10'957 fr. en 2020 pour une fortune mobilière totale de 1'710'155 fr., à savoir des intérêts de 913 fr. par mois en 2020.

c. Le 27 septembre 2023 devant le Tribunal, B______ a exposé en substance que les trois enfants majeures des parties poursuivaient chacune leur formation respective, en ______ et ______ ainsi que dans ______, en vue, toutes les trois, d'obtenir un master.

Le Tribunal a constaté, sans être critiqué, que leurs coûts mensuels d'entretien s'élevaient à 2'941 fr. pour D______, 3'093 fr. s'agissant de E______ et 3'345 fr. en ce qui concernait F______.

Selon les parties, durant leur vie commune et depuis leur séparation, l'entretien de leurs trois enfants avait été et continuait d'être pris en charge exclusivement par B______.

d.a Pendant la vie commune, à teneur des allégations de A______ dans sa requête du 15 juin 2023, B______ aurait réalisé des revenus plus importants que lui et fait ainsi bénéficier la famille d'un train de vie confortable. Le précité en voulait pour preuve exclusivement les déclarations fiscales communes des parties portant sur les années 2016 à 2020.

Dans son écriture du 12 septembre 2023 déposée devant le Tribunal, B______ a allégué que durant la vie commune les époux avaient toujours été indépendants financièrement. A______ avait choisi de travailler moins qu'elle et donc d'avoir des revenus moindres, considérant ce qu'il percevait comme suffisant pour assurer son train de vie. Les parties tenaient des comptabilités séparées et chacune d'entre elles payait ses propres factures. Lorsqu'elle partait en vacances avec leurs trois enfants, son époux n'était souvent pas présent. Elle payait les vacances pour elle-même et les trois enfants. A______ assumait son propre train de vie, auquel elle n'avait jamais participé, tandis que ses propres revenus, au prix d'une importante implication professionnelle, permettaient de payer ses propres charges et celles des trois enfants. A______ fréquentait régulièrement les restaurants, les hôtels et les "spa" sans son épouse et payait ces frais avec ses propres revenus. Elle en voulait pour preuve les comptes séparés dont faisaient l'objet les activités indépendantes des parties en 2020, 2021 et 2022, les justificatifs de ses frais de vacances seule avec les trois enfants des parties en 2015 (cf. infra) et des quittances isolées de dépenses de son époux entre février et juin 2022 (cf. infra).

En septembre 2015, B______ a réservé pour elle et les trois enfants des parties un séjour aux Maldives en octobre 2015.

Il ressort de quittances au dossier que A______ a dépensé en frais d'hôtels à Genève des montants de 260 fr. le 22 février 2022, 162 fr. le 2 mars 2022, 1'300 fr. pour deux nuits les 5 et 6 mars 2022, 1'300 fr. le 9 mars 2022, 386 fr. le 12 mars 2022 et 710 fr. en avril 2022.

A teneur du relevé de sa carte K______, entre mi-mai et mi-juin 2022, soit avant son hospitalisation à la Clinique de H______ et la séparation des parties, A______ a dépensé environ 4'000 fr., principalement en restaurants/bars, taxi, massages et "spa".

d.b Selon ses allégations dans sa requête de juillet 2022, B______ s'acquittait seule depuis plusieurs années de "toutes les charges communes du couple" et de l'entretien des trois enfants majeures des parties, toujours "dépendantes financièrement de leur mère". Depuis janvier 2022 à tout le moins, A______ ne relevait pas son courrier et laissait s'accumuler de nombreux rappels de factures. Elle s'en était acquittée, sans toutefois connaître précisément l'origine des dépenses de son époux.

Devant le Tribunal, le 21 juin 2023, B______ a déclaré avoir payé les factures de A______ depuis 2019 jusqu'en juillet 2022 car il ne s'en acquittait pas. Il recevait des rappels et des poursuites qu'elle réglait. Elle avait payé notamment des frais d'avocats. A______ a, pour sa part, déclaré avoir utilisé son bénéfice réalisé au cabinet en 2020, constitué de l'indemnité perte de gain qu'il avait touchée, pour payer les factures dont B______ ne s'était pas acquittée. Il devait faire face à d'importants frais d'avocats, car il en avait cinq pour le défendre dans le cadre de ses différentes procédures pénales.

En première instance, dans son écriture du 12 septembre 2023, B______ a également exposé avoir commencé à payer certaines factures pour son époux uniquement lorsqu'il lui avait été interdit d'exercer sa profession en 2019 et que les procédures pénales avaient débuté. A______ ne l'avait pas informée du fait qu'il avait perçu des indemnités perte de gain maladie, dont il n'avait pas fait bénéficier sa famille. Elle ne l'avait appris qu'en décembre 2021, à la signature de la déclaration fiscale 2020 des parties. A teneur du dossier, cette déclaration a effectivement été signée par les parties le 8 décembre 2021.

Selon ses allégations non contestées, dont certaines sont documentées, entre avril 2019 et juillet 2022, B______ s'est acquittée de factures de A______ portant sur les charges courantes de celui-ci (primes d’assurance maladie, cotisations de prévoyance professionnelle, taxe professionnelle, etc.) à hauteur d'une somme de l'ordre de 185'600 fr., soit 4'640 fr. par mois en moyenne, de même que de factures relatives à des frais de justice et honoraires des conseils de son époux à hauteur d'un montant de l'ordre de 156'000 fr. au total, soit 3'900 fr. par mois en moyenne.

 

EN DROIT

1.             1.1 L'appel est recevable contre les jugements de mesures protectrices de l'union conjugale, considérés comme des décisions provisionnelles au sens de l'art. 308 al. 1 let. b CPC (ATF 137 III 475 consid. 4.1), dans les causes dont la valeur litigieuse au dernier état des conclusions devant l'autorité inférieure est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC).

En l'espèce, le litige porte sur la contribution due à l'entretien de l'époux, qui, capitalisée selon l'art. 92 al. 2 CPC, conduit à une valeur litigieuse supérieure à 10'000 fr., de sorte que la voie de l'appel est ouverte.

1.2 Interjeté dans le délai utile de dix jours (art. 142 al. 1 et 3, 143 al. 1, 271 lit. a et 314 al. 1 CPC) et suivant la forme prescrite par la loi (art. 130, 131 et 311 al. 1 CPC), l'appel est recevable.

La réponse de l'intimée et la réplique spontanée de l'appelant sont également recevables (art. 312 et 314 al. 1 CPC; sur le droit à la réplique spontanée: cf. ATF 146 III 97 consid. 3.4.1).

1.3 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC).

Les mesures protectrices de l'union conjugale étant soumises à la procédure sommaire (art. 271 let. a CPC), l'autorité peut se limiter à la simple vraisemblance des faits et à l'examen sommaire du droit, en se fondant sur les moyens de preuve immédiatement disponibles, tout en ayant l'obligation de peser les intérêts respectifs des parties (ATF 139 III 86 consid. 4.2; 131 III 473 consid. 2.3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_916/2019 du 12 mars 2020 consid. 3.4).

1.4 La cause est soumise à la maxime de disposition (art. 58 al. 1 CPC) et à la maxime inquisitoire limitée (art. 55 al. 2, 272 et 277 CPC).

L'obligation du juge d'établir les faits d'office ne dispense pas les parties de collaborer activement à la procédure. Il leur incombe de renseigner le juge sur les faits de la cause et de lui indiquer les moyens de preuve disponibles (ATF 130 III 102 consid. 2.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_584/2022 du 18 janvier 2023 consid. 3.1.1).

2.             L'appelant a déposé des pièces nouvelles devant la Cour. Selon l'intimée, il a également allégué des faits nouveaux.

2.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuve nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard
(let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de diligence (let. b).

Ces conditions sont cumulatives (ATF 144 III 349 consid. 4.2.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_239/2021 du 16 décembre 2022 consid. 4.2.1). S'agissant des vrais nova, la condition de nouveauté posée par la lettre b est sans autre réalisée et seule celle d'allégation immédiate doit être examinée. En ce qui concerne les pseudo nova, à savoir les faits et moyens de preuves qui étaient déjà survenus à la fin de l'audience des débats principaux de première instance, il appartient au plaideur qui entend les invoquer devant l'instance d'appel de démontrer qu'il a fait preuve de la diligence requise, ce qui implique notamment d'exposer précisément les raisons pour lesquelles le moyen de preuve n'a pas pu être produit en première instance (ATF 144 III 349 consid. 4.2.1).

Des faux nova sont excusables lorsque le comportement de la partie adverse en première instance a permis de croire qu'il n'était pas nécessaire de les présenter (arrêts du Tribunal fédéral 5A_697/2020 du 22 mars 2021 consid. 3; 5A_621/2012 du 20 mars 2013 consid. 5.4; Bastons Bulleti, PC- CPC, 2021,
n. 14 ad art. 317 CPC) ou lorsqu'un thème est abordé pour la première fois en appel (arrêts du Tribunal fédéral 4A_360/2017 du 30 novembre 2017 consid. 8.1; 5A_621/2012 précité; 4A_305/2012 du 6 février 2013 consid. 3.3; Bastons Bulletti, ibid.).

2.2.1 En l'espèce, l'attestation de l'hôtel J______ du 3 janvier 2024 a été établie après que la cause a été gardée à juger par le Tribunal, le 27 septembre 2023. Cela étant, en tant qu'elle porte sur la résidence de l'appelant au sein dudit hôtel du 21 octobre 2022 à septembre 2023, elle aurait pu être établie et produite en première instance. Cela d'autant plus que l'intimée a précisément fait valoir dans son écriture du 12 septembre 2023 déposée devant le Tribunal que le précité ne démontrait pas avoir continué de loger dans cet hôtel après janvier 2023. Afin de répliquer sur ce point, l'appelant aurait donc pu produire une telle attestation lors de la dernière audience tenue par le Tribunal, le 27 septembre 2023, ce qu'il n'a pas fait. L'attestation en question, en tant qu'elle porte sur la résidence de l'appelant au sein dudit hôtel du 21 octobre 2022 à septembre 2023, est donc irrecevable. En revanche, pour ce qui est de sa résidence dans ledit hôtel d'octobre à décembre 2023, l'attestation produite est recevable ainsi que les faits qu'elle contient.

Le certificat médical du psychiatre de l'appelant du 3 janvier 2024 a été établi après que la cause a été gardée à juger par le Tribunal, le 27 septembre 2023. Cela étant, en tant qu'il porte sur l'état de santé de l'appelant du 24 octobre 2022 à septembre 2023, il aurait pu être établi et produit en première instance, de sorte qu'il est irrecevable. En revanche, pour ce qui est de l'état de santé du précité d'octobre 2023 à début janvier 2024, l'attestation produite est recevable, de même que les faits qu'elle comporte.

Les compte rendu opératoire, rapport d'hospitalisation, courriers entre médecins et comptes rendus de consultations datés de mai, juin et novembre 2023 et portant sur les traitements qu'a dû suivre l'appelant en raison d'une fracture du pied en mai 2023 sont irrecevables en tant qu'ils portent sur l'état de santé de celui-ci de mai à septembre 2023 et recevables pour le surplus.

Les six photographies des membres de la famille réunis, qui ne sont pas datées et dont la date n'a pas été alléguée, mais qui sont censées démontrer "l'existence d'une union conjugale" auraient pu être produites en première instance, l'appelant ne faisant au demeurant pas valoir le contraire. Ces pièces sont donc irrecevables. Quoi qu'il en soit, elles ne sont pas de nature à démontrer le fait allégué.

En tout état, même si l'ensemble des pièces susvisées avait été déclaré recevable, il n'en serait résulté aucune incidence sur l'issue du litige.

2.2.2 L'intimée soutient que l'appelant allègue des faits nouveaux devant la Cour, à savoir qu'elle aurait acquitté ses factures de 2019 à 2022 par solidarité, qu'elle l'aurait défendu dans le cadre des accusations mensongères proférées à son encontre et que les époux avaient adopté une convention tacite, selon laquelle elle mettait à disposition la totalité de ses revenus au service du train de vie de la famille, assumant l'ensemble des charges de base du couple et des enfants pour permettre à son conjoint de bénéficier d'un train de vie confortable, celui-ci allouant ses revenus à ses loisirs et à de l'épargne.

Ces éléments ne constituent pas des faits nouveaux, mais relèvent d'une argumentation développée en seconde instance par l'appelant en lien avec les faits allégués par ses soins devant le Tribunal. Partant, il n'y a pas lieu de statuer sur leur recevabilité. En tout état, cette argumentation de l'appelant sera rejetée et il ne sera pas fait droit à sa prétention, de sorte que déclarer lesdits éléments irrecevables, comme le sollicite l'intimée, n'aurait aucune incidence sur l'issue du litige.

3.             L'appelant reproche à l'instance précédente d'avoir procédé à une constatation arbitraire des faits en lien avec la convention conclue par les parties durant la vie commune s'agissant des questions financières, le rendement de sa fortune, ses frais de logement et son état de santé. Pour ce qui est de l'ensemble de ces points, l'état de fait présenté ci-dessus a été complété dans la mesure utile, sur la base des actes et des pièces de la procédure, y compris celles produites en seconde instance dans la mesure de leur recevabilité. Pour le surplus, ce grief quant à la constatation des faits sera examiné dans le considérant ci-après relatif à la question de la contribution d'entretien.

4.             L'appelant reproche au Tribunal de l'avoir débouté de sa conclusion tendant à la condamnation de son épouse à lui verser une contribution d'entretien.

4.1 Selon l'art. 176 al. 1 ch. 1 CC, lorsque le juge constate que la suspension de la vie commune est fondée, il fixe la contribution pécuniaire à verser par un époux à l'autre.

4.1.1 Le principe et le montant de la contribution d'entretien due selon l'art. 176 al. 1 ch. 1 CC se déterminent en fonction des facultés économiques et des besoins respectifs des époux. Même lorsqu'on ne peut plus sérieusement compter sur une reprise de la vie commune, l'art. 163 CC constitue la cause de l'obligation d'entretien (ATF 145 III 169 consid. 3.6; 140 III 337 consid. 4.2.1; 138 III 97 consid. 2.2; arrêts du Tribunal fédéral 5A_255/2022 du 6 juillet 2023 consid. 3.1; 5A_935/2021 du 19 décembre 2022 consid. 3.1).

Le juge doit partir de la convention, expresse ou tacite, que les époux ont conclue au sujet de la répartition des tâches et des ressources entre eux, l'art. 163 CC demeurant la cause de l'obligation d'entretien réciproque des époux
(ATF 138 III 97 consid. 2.2; 137 III 385 consid. 3.1). La protection de la confiance mise par chacun des conjoints dans l'organisation et la répartition choisie justifie, dans la mesure du possible, le maintien du niveau de vie existant pendant la vie commune, qui constitue la limite supérieure du droit à l'entretien (ATF 147 III 293 consid. 4.4; De Weck-Immele, Droit matrimonial, Commentaire pratique, 2015, n. 19 à 21 ad art. 176 CC).

Cela étant, il faut également prendre en considération le fait qu’en cas de suspension de la vie commune, le but de l’art. 163 CC - dont découle l’obligation d’entretien tant que dure le mariage (principe de solidarité) - impose à chacun des époux le devoir de participer, selon ses facultés, aux frais supplémentaires qu’engendre la vie séparée. Il se peut dès lors que le juge doive modifier la convention conclue pour la vie commune, pour l’adapter à ces faits nouveaux (Rieben, CR CC I, n. 5 ad art. 176 CC et les réf. cit.).

4.1.2 Le principe de solidarité demeure applicable durant la procédure de mesures protectrices. Selon ce principe, les conjoints sont responsables l'un envers l'autre des effets que le partage des tâches adopté durant le mariage a pu avoir sur la capacité de gain de l'un des époux (arrêts du Tribunal fédéral 5A_645/2020 du 19 mai 2021 consid. 5.3; 5A_267/2018 du 5 juillet 2018 consid. 5.3; 5A_848/2017 du 15 mai 2018 consid. 5.4; De Weck-Immelé, op. cit., n. 19 à 21, 26 et 27 ad art. 176 CC).

4.1.3 Si, durant le mariage, les époux étaient convenus d'une indépendance totale, chacun d'eux subvenant à ses propres besoins et vivant en tous points de manière autonome par rapport à l'autre, l'octroi d'une contribution d'entretien ne se justifie en principe pas, vu l'absence de train de vie commun. Dans ce cas, la séparation ne crée pas non plus une situation nouvelle justifiant de modifier la convention passée durant le mariage. Tel est notamment le cas lorsque les époux n'ont jamais ou seulement très brièvement vécu ensemble, qu'ils n'ont pas constitué de communauté de vie, sous quelque forme que ce soit, et qu'aucun d'eux n'a contribué, en espèce ou en nature, à l'entretien de l'autre (ATF 137 III 385
consid. 3.2 [mariage fictif]; arrêt du Tribunal fédéral 5A_935/2021 du 19 décembre 2022 consid. 3.1 et les réf. cit.).

4.1.4 L'art. 176 al. 1 ch. 1 CC ne confère pas la possibilité de refuser ou de réduire la contribution pour des motifs d'équité, à l'instar de ce qui est prévu à l'art. 125 al. 3 CC, lequel dispose que l'allocation d'une contribution d'entretien peut exceptionnellement être refusée en tout ou en partie lorsqu'elle s'avère manifestement inéquitable, en particulier parce que le créancier a gravement violé son obligation d'entretien de la famille (ch. 1), a délibérément provoqué la situation de nécessité dans laquelle il se trouve (ch. 2) ou a commis une infraction pénale grave contre le débiteur ou un de ses proches (ch. 3) (arrêt du Tribunal fédéral 5P.522/2006 du 5 avril 2007 consid. 3).

Cela étant, à l'instar de toute prétention fondée sur le droit civil fédéral, les prétentions tendant à l'octroi d'une contribution d'entretien (ATF 132 I 249 consid. 5; 83 II 345 consid. 2), sont soumises à la réserve de l'art. 2 al. 2 CC, aux termes duquel l'abus manifeste d'un droit n'est pas protégé par la loi (arrêt du Tribunal fédéral 5P.522/2006 précité). La prétention à une contribution d'entretien sur la base de l'art. 176 al. 1 ch. 1 CC pourra ainsi être niée lorsqu'elle apparaît choquante ou manifestement inéquitable, étant précisé qu'il ne pourra être fait usage de cette faculté qu'avec la plus grande retenue (Simeoni, Droit matrimonial, Fond et procédure, 2016, n. 124 ad art. 125 CC et les réf. cit.).

4.1.5 Toutes les prestations d'entretien doivent en principe être calculées selon la méthode du minimum vital avec répartition de l'excédent, dite en deux étapes (ATF 147 III 265 in SJ 2021 I 316; 147 III 308).

Cette méthode implique d'établir dans un premier temps les moyens financiers à disposition, en prenant en considération l'ensemble des revenus. Il s'agit ensuite de déterminer les besoins, en prenant pour point de départ les lignes directrices pour le calcul du minimum vital du droit des poursuites selon l'art. 93 LP. Dans la mesure où les moyens financiers le permettent, la contribution d'entretien doit être étendue au minimum vital dit de droit familial, comprenant notamment, en sus, les impôts, les primes d'assurance-maladie complémentaires, les frais médicaux spécifiques et les frais scolaires pour les enfants. L'éventuel excédent est ensuite à répartir selon la méthode des "grandes et des petites têtes", les parents valant le double des enfants mineurs, en tenant compte de toutes les particularités du cas d'espèce (ATF 147 III 265 consid. 7.3).

4.1.6 S'il existe une situation exceptionnelle dans laquelle l'application de la méthode du minimum vital avec répartition de l'excédent n'a tout simplement pas de sens, comme cela peut notamment être le cas en cas de circonstances financières exceptionnellement favorables (ATF 147 III 293 consid. 4.5 in JdT 2022 II 107), il convient de recourir à la méthode fondée sur les dépenses indispensables au maintien du train de vie durant la vie commune. Cette dernière méthode demeure applicable dans des cas exceptionnels (ATF 147 III 293 consid. 4.1 et 4.5 in JdT 2022 II 107; 147 III 265 consid. 6.6 in SJ 2021 I 316).

La comparaison des revenus et des minimas vitaux est alors inopportune; il faut se fonder sur les dépenses nécessaires au maintien de ce train de vie, en y ajoutant les charges inhérentes à la séparation et en maintenant pour le surplus les postes qui existaient du temps de la vie commune du fait de la convention des parties (ATF 115 II 424 consid. 2), méthode qui implique un calcul concret. Il incombe au créancier de la contribution d'entretien de démontrer les dépenses nécessaires au maintien de son train de vie (ATF 140 III 485 consid. 3.3; 137 III 102 consid. 4.2.1.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_4/2019 du 13 août 2019 consid. 3.2).

4.1.7 Le revenu d'un indépendant est constitué par son bénéfice net, à savoir la différence entre les produits et les charges. En cas de revenus fluctuants, pour obtenir un résultat fiable, il convient de tenir compte, en général, du bénéfice net moyen réalisé durant plusieurs années (dans la règle, les trois dernières) (ATF 143 III 617 consid. 5.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_987/2020 du 24 février 2022 consid. 4.1).

4.1.8 Le revenu de la fortune est pris en considération au même titre que le revenu de l'activité lucrative et, lorsque la fortune ne produit aucun ou qu'un faible rendement, il peut être tenu compte d'un revenu hypothétique (ATF 117 II 16 consid. 1b; arrêt du Tribunal fédéral 5A_372/2015 du 29 septembre 2015 consid. 2.1.2). Dans plusieurs arrêts, le Tribunal fédéral a retenu que le rendement de la fortune mobilière pouvait être estimé à 3% l'an (arrêts du Tribunal fédéral 5A_908/2014 du 5 mars 2015 consid. 3; 5A_959/2013 du 1er octobre 2014 consid. 5; 5A_48/2013 du 19 juillet 2013 consid. 4.1.1 et 4.2). Dans des arrêts plus récents, il a considéré qu'il n'était pas arbitraire de retenir un rendement de la fortune de 1% (arrêts du Tribunal fédéral 5A_273/2018 et 5A_281/2018 du 25 mars 2019 consid. 5.3) ni de prendre en compte la conjoncture actuelle dans le cadre de la détermination d'un rendement hypothétique de la fortune (arrêt du Tribunal fédéral 5A_851/2015 du 23 mars 2016 consid. 4.3).

4.2 En l'espèce, le Tribunal a retenu qu'une reprise de la vie commune semblait inenvisageable.

L'intimée disposait de revenus mensuels nets confortables de 53'000 fr. qui couvraient aisément ses "charges" et celles des trois enfants des parties, lesquelles totalisaient 23'204 fr. par mois dès le 1er janvier 2024.

L'appelant était incapable de travailler et bénéficiait de ce fait d'indemnités journalières à hauteur de 7'604 fr. par mois versées par la caisse maladie L______. Il pourrait percevoir des revenus supplémentaires de [l'assurance] I______ et de l'assurance invalidité. Il avait déclaré pouvoir prétendre à des prestations de la part de la I______ et avoir prévu de rencontrer son courtier à cette fin. Il avait exposé n'avoir entrepris aucune démarche en vue d'obtenir une rente AI, espérant pouvoir travailler à nouveau. Or, au vu de la durée de son incapacité de travail, des indemnités qu’il touchait déjà et de l’état de santé qu’il décrivait, il était probablement en droit de percevoir une telle rente et une demande dans ce sens ne l’empêcherait pas de reprendre un travail lorsqu'il en serait capable. En outre, sa fortune conséquente devait générer des revenus. Le Tribunal a ainsi arrêté les revenus totaux du précité à 10'000 fr. par mois.

Selon le Tribunal, les "charges admissibles avant impôts" de l'appelant totalisaient 4'723 fr. par mois. Il était difficile d'estimer le montant de ses impôts étant donné que l'on ignorait les montants qu'il pourrait obtenir de la I______ et de l'AI. Toutefois, il apparaissait peu probable qu'il ne soit pas en mesure de s'en acquitter. Il alléguait, sans le prouver, loger dans un hôtel moyennant 4'140 fr. par mois, montant excessif qui pourrait être diminué en cas de location d'un appartement. A cet égard, il alléguait, sans le démontrer, avoir effectué des recherches en vain. En diminuant sa charge de logement, il pourrait encore s'acquitter de ses frais d'avocats encourus dans le cadre des procédures pénales.

Le premier juge a par ailleurs constaté, "au regard des allégations des parties, certaines non contestées", que durant les dernières années de la vie commune, les époux menaient des vies séparées et n’avaient pas de train de vie commun. En particulier, l'appelant n’avait pas fait valoir qu’il dinait ou sortait le soir avec son épouse ou qu’il partait en vacances avec elle à cette époque.

Il était de même vraisemblable que les époux tenaient des comptes séparés et que chacun d'eux s'acquittait de ses propres charges, de sorte qu'ils étaient indépendants financièrement l'un de l'autre pendant la vie commune.

Aucun élément de la procédure, autre que les affirmations de l'appelant, ne permettait de retenir que l'intimée aurait fait bénéficier la famille d'un train de vie confortable autrement qu’en s’acquittant éventuellement du loyer de l’appartement familial, de l’intégralité de l’entretien des enfants et des coûts du bien situé à C______. Ce n’était que de 2019 à juillet 2022 que l'intimée s’était acquittée des factures de son époux, dans l’ignorance qu’il touchait des indemnités pour perte de gain et par crainte de poursuites.

Faute d’avoir financé le train de vie de son époux durant la vie commune, il n’y avait pas matière à maintenir un train de vie confortable financé par l'intimée. Chaque époux finançait son propre train de vie et ses dépenses de loisirs, situation qu'il y avait lieu de faire perdurer après la séparation. Quant au bien situé à C______, financé par l'intimée, l'appelant pouvait en jouir la moitié de l’année selon l’accord passé entre les parties, ce qui permettait à celui-ci de maintenir cet aspect de son train de vie antérieur.

4.2.1 Dans un premier moyen, l'appelant fait grief au Tribunal - qui s'est fondé sur les déclarations fiscales des parties portant sur les années 2018 à 2020 - d'avoir déterminé les revenus nets réalisés par l'intimée en déduisant du bénéfice net comptable réalisé par celle-ci ses cotisations sociales "privées" aux 1er et 2ème piliers ainsi qu'au 3ème pilier lié (A) et ses rachats de prévoyance professionnelle.

Il est vrai que le Tribunal a procédé de la sorte et que, contrairement aux charges d'exploitation figurant dans les comptes de l'entreprise, de tels paiements doivent en principe être pris en considération dans le cadre des "charges privées" de l'exploitant, pour autant qu'ils soient admissibles, en particulier selon la méthode de calcul de la contribution d'entretien applicable. Cela étant, en l'occurrence, au vu de la situation financière favorable de la famille, lesdits paiements sont admissibles. Ainsi, leur prise en compte en tant que "charges professionnelles" pour déterminer le revenu net réalisé, comme l'a fait le premier juge, ou en tant que "charges privées", comme il conviendrait de le faire selon l'appelant, ne fait pas de différence. Au vu de ce qui précède, ce premier grief de l'appelant est sans incidence sur l'issue du litige.

Dans un second moyen, toujours en lien avec les revenus nets réalisés par l'intimée, l'appelant reproche au Tribunal d'avoir tenu compte "à double" des cotisations "privées" aux 1er et 2ème piliers ainsi que du rachat de la prévoyance professionnelle. Le premier juge aurait en effet opéré la déduction dont il a été question au paragraphe précédent, alors que les paiements concernés auraient déjà été pris en considération dans les charges d'exploitation de l'entreprise.

Ce second grief est infondé s'agissant des cotisations "privées" au 1er pilier et du rachat de prévoyance. Le Tribunal, tout comme la Cour, s'est basé sur les chiffres indiqués au titre des "charges commerciales" et des "déductions liées aux revenus" figurant dans les déclarations fiscales des parties et ces deux groupes de charges ne sont pas censés comprendre les mêmes postes. Ce dernier point est d'ailleurs confirmé par la teneur des documents comptables 2020 de l'intimée, auxquels l'appelant renvoie à l'appui de son grief. En effet, les cotisations au 1er pilier figurant dans les "charges commerciales" concernent le personnel et non l'intimée, dont les cotisations "privées" au 1er pilier sont comprises uniquement dans les "déductions liées aux revenus". Quant au rachat de la prévoyance, si, dans les documents comptables 2020 de la précitée, la moitié de ce rachat a effectivement été prise en compte dans les charges d'exploitation de l'entreprise, tel n'a pas été le cas dans le cadre de la déclaration fiscale y relative.

Cela étant, ce second grief de l'appelant est fondé s'agissant des cotisations "privées" de l'intimée au 2ème pilier pour ce qui est des années 2019 et 2020. Lesdites cotisations ont en effet été prises en considération tant dans les "charges commerciales" que dans les "déductions liées aux revenus" figurant dans les déclarations fiscales des parties. Tel a été le cas également s'agissant de l'appelant pour ces deux mêmes années. Les revenus mensuels nets de l'intimée et ceux de l'appelant constatés dans le présent arrêt sur la base de leurs déclarations fiscales (cf. supra, En fait, let. D a.a et b.a) doivent donc être augmentés d'un montant moyen arrondi de 3'500 fr. par mois s'agissant de l'intimée et de 3'000 fr. par mois pour ce qui est de l'appelant.

4.2.2 Pour ce qui est des "charges privées" de l'intimée, l'appelant reproche avec raison au Tribunal d'avoir pris en considération la cotisation de celle-ci à une police d'assurance 3ème pilier liée (A) (573 fr. par mois). Ce paiement a en effet déjà été pris en considération au stade de la détermination des revenus de celle-ci (cf. considérant précédent, deux premiers paragraphes). Les "charges privées" mensuelles de la précitée dès le 1er janvier 2024 seront donc arrêtées à 13'251 fr. (13'140 fr. + 684 fr. - 573 fr.), étant relevé que cette modification est sans incidence sur l'issue du litige.

4.2.3 L'appelant reproche au Tribunal de lui avoir imputé des revenus mensuels nets de l'ordre de 10'000 francs.

Il expose que le Tribunal avait constaté, sans autres motivations, que sa fortune "conséquente" générait des revenus, alors que les déclarations fiscales des parties faisaient état, selon lui, de montants "négligeables" de 800 fr. en moyenne réalisés mensuellement à ce titre.

En 2020, aux termes de la dernière déclaration fiscale versée à la procédure, la fortune de l'appelant avait augmenté à 1'710'155 fr. et généré des intérêts de 913 fr. par mois, comme l'allègue celui-ci. Si l'on applique le taux de 1% admis a minima par la jurisprudence, ce sont des revenus hypothétiques de 1'425 fr. par mois qui peuvent être retenus à ce titre, étant relevé qu'avec un placement raisonnable, un taux de 3% pourrait être atteint, soit 4'275 fr. par mois.

Partant, le premier juge a arrêté avec raison sous l'angle de la vraisemblance les revenus mensuels nets imputables à l'appelant à 9'029 fr. (7'604 fr. de rente + 1'425 fr. de revenus de la fortune), somme à laquelle il convient d'ajouter un montant estimé d'environ 1'000 fr. par mois au minimum qu'il devrait recevoir s'il ne renonçait pas, comme il l'allègue, à entreprendre les démarches utiles dans ce sens, notamment auprès de l'assurance invalidité et de ses assurances privées.

Sur ce dernier point, l'appelant avance sans succès un retard dont il souffrirait dans la gestion de ses affaires administratives. S'il n'était plus capable de gérer celles-ci, ce qui n'est pas rendu vraisemblable, au vu notamment de l'existence de la présente procédure, il lui incomberait de mandater un tiers à cette fin ou de faire appel à la justice en vue de la désignation d'un curateur. Il ne saurait être exigé de l'intimée qu'elle contribue à l'entretien de son époux pour remédier aux conséquences du défaut de diligence dont il admet faire preuve dans la gestion de ses affaires, que ce soit fautivement ou non.

4.2.4 L'appelant remet en cause les frais de loyer hypothétique de 1'600 fr. par mois retenus par le premier juge dans son budget.

Il soutient tout d'abord avoir démontré, contrairement à ce qu'aurait relevé le Tribunal, l'existence de frais effectifs plus élevés. Cet argument est développé en vain. Si le Tribunal a, avec raison, écarté le montant de plus de 4'000 fr. par mois invoqué par l'appelant au titre de ses frais de logement à l'hôtel, ce n'est pas faute de démonstration de ceux-ci, mais au motif de leur caractère excessif comparé au loyer d'un appartement qu'il aurait pu louer. Or, ce caractère excessif retenu par le Tribunal n'est en soi pas critiqué, ni par ailleurs critiquable.

L'appelant reproche ensuite au Tribunal un "manque d'égard total réservé à son état de santé, alors qu'en plus des problèmes qui l'[avaient] conduit à son hospitalisation à l'aube de l'été 2022, [il avait] souffert d'une fracture le 5 mai 2023 l'immobilisant complètement durant plusieurs mois". Cet argument ne convainc pas non plus. L'appelant n'expose pas en quoi ces problèmes de santé l'auraient empêché de trouver un appartement à louer. S'il fallait comprendre qu'il invoquait une impossibilité de se déplacer, cette argumentation aurait été vaine dans la mesure où le 21 juin 2023 devant le Tribunal, il a exposé avoir cherché un appartement. S'il faisait référence à son incapacité de gérer ses affaires pour des raisons psychiques, une telle argumentation aurait été vaine également, pour le même motif qu'exposé au considérant précédent en lien avec ses revenus.

4.2.5 L'appelant invoque la convention tacite qu'il aurait conclue avec son épouse au sujet de la répartition des tâches et des ressources entre eux durant la vie commune. Selon lui, celle-ci gagnait plus que lui, de sorte qu'elle faisait bénéficier toute la famille, y compris lui, d'un train de vie confortable.

A l'appui de sa thèse, il invoque les déclarations fiscales 2016 à 2020 des parties. Or, à teneur de celles-ci, l'intimée aurait réalisé un revenu mensuel net moyen d'environ 57'500 fr. (54'000 fr. + 3'500 fr. [cf. supra, consid. 4.2.1 in fine]) sans avoir procédé à un rachat de sa prévoyance professionnelle ou après un rachat à hauteur de 11'000 fr. par mois environ et elle aurait été dépourvue de fortune. L'appelant, pour sa part, aurait consacré l'essentiel de son bénéfice net au rachat de sa prévoyance professionnelle, soit à hauteur de 25'000 fr. par mois, se retrouvant pratiquement sans ressources pour son entretien et celui de sa famille, à savoir avec un revenu mensuel net d'environ 2'400 fr. (3'000 fr. [cf. supra, consid. 4.2.1 in fine] - 600 fr.), tout en bénéficiant d'une fortune de plus de 1'500'000 fr. Les parties ne fournissent pas d'explication au sujet du caractère insolite de ces éléments annoncés à l'administration fiscale. Il est rappelé par ailleurs que leur épargne découlant du produit de leur travail devra en principe faire l'objet d'un partage, tout comme leur prévoyance professionnelle accumulée durant le mariage. Ainsi, l'on ne saurait tirer aucune conclusion des dites déclarations fiscales quant aux revenus effectifs qu'aurait en définitive dégagé chacun des époux de son activité, et encore moins quant à la façon dont ceux-ci avaient convenu de se répartir les revenus réalisés au sein de leur cabinet commun durant la vie commune.

Compte tenu de ce qui précède, l'appelant n'a pas rendu vraisemblable que les parties avaient convenu, au sens de l'art. 163 CC, que l'intimée finance entièrement ou partiellement le train de vie de son époux durant la vie commune.

4.2.6 Le fait que l'intimée ait commencé en 2019 à payer les factures de son époux, lorsqu'il a été emprisonné durant six mois, s'est vu interdire d'exercer sa profession et ne s'occupait plus de ses paiements, et qu'elle l'ait fait jusqu'à juillet 2022, soit jusqu'à sa requête tendant à la séparation de biens, ne porte pas atteinte à ce qui précède.

Alors que la vie commune a duré à tout le moins vingt-sept ans, les paiements en question sont intervenus à titre exceptionnel, sur une période limitée de trois ans avant de requérir le prononcé de la séparation de biens. Au vu des liens financiers et contractuels unissant les parties, en particulier au regard de leur association sur le plan professionnel, il est crédible que, comme le soutient l'intimée, les paiements de celle-ci invoqués par l'appelant n'ont pas été effectués dans un esprit de solidarité, mais ont été avant tout motivés par la crainte de se voir elle-même exposée à des difficultés financières et/ou judiciaires. L'intimée a en outre rendu vraisemblable avoir été dans l'ignorance, jusqu'à décembre 2021, du fait que son époux n'était pas dépourvu de toutes ressources, mais touchait des indemnités pour perte de gain. Enfin, l'incapacité alléguée par l'appelant d'assurer le maintien de son niveau de vie durant la vie commune n'est pas la conséquence du partage des tâches adopté durant le mariage, mais, comme il le fait valoir, de la procédure pénale ouverte à son encontre en 2019 et des conséquences de celle-ci, en particulier l'interdiction d'exercer son métier.

4.2.7 Même s'il fallait admettre la thèse de l'appelant relative à la convention des parties durant la vie commune, il conviendrait de rejeter sa prétention en paiement d'une contribution d'entretien.

En effet, au vu des revenus cumulés dont les parties disposaient durant la vie commune et disposent à ce stade, l'on se trouve en présence de circonstances financières exceptionnellement favorables, de sorte que l'application de la méthode du minimum vital avec répartition de l'excédent, dite en deux étapes, n'est pas indiquée. Il convient de recourir à la méthode fondée sur les dépenses indispensables au maintien du train de vie durant la vie commune, dans le cadre de laquelle il incombait à l'appelant de démontrer dites dépenses, ce qu'il n'a pas fait, celles-ci n'étant au demeurant pas même alléguées.

4.2.8 En tout état, la prétention de l'appelant paraît abusive.

Il serait choquant que l'intimée soit condamnée à contribuer à l'entretien de l'appelant. Dépourvue de fortune, elle devrait le faire au moyen des revenus de son travail, alors qu'elle assume seule son propre entretien et celui des trois enfants des parties et que la situation de nécessité invoquée par l'appelant ne le justifie pas. Une telle situation n'est, en effet, pas rendue vraisemblable. Outre ses revenus qui couvrent ses charges admissibles, l'appelant dispose d'une fortune d'environ 1'700'000 fr. En omettant de s'occuper de ses affaires administratives ou de mandater un tiers à cet effet, il renonce de plus en toute connaissance de cause à entreprendre les démarches tendant à l'augmentation de ses revenus, telles qu'une demande en vue d'obtenir des prestations de l'assurance invalidité et/ou de ses assurances privées. Il fait de surcroît le choix de loger en permanence à l'hôtel au prix excessif de plus de 4'600 fr. par mois, selon la pièce produite devant la Cour. Il serait par ailleurs choquant que l'intimée soit condamnée à contribuer à l'entretien de l'appelant, alors que celui-ci n'a pas contesté lui avoir fait subir, ainsi qu'à leurs trois enfants, des actes ayant nécessité le départ de ces dernières du domicile familial ainsi que des mesures d'éloignement prononcées à son encontre.

4.3 L'ensemble des griefs soulevés par l'appelant se révélant infondés, le chiffre 1 du dispositif du jugement entrepris sera confirmé en tant qu'il déboute celui-ci de sa conclusion tendant au paiement d'une contribution d'entretien en sa faveur.

5.             L'appelant fait en dernier lieu grief au Tribunal d'avoir violé son droit d'être entendu en "laissant planer une incertitude" sur la question des charges liées à la copropriété des parties sur le bien situé à C______. Selon lui, le premier juge aurait refusé sans motivation de statuer sur cette question, malgré les conclusions qu'il avait prises à cet égard. L'intimée devait être condamnée à s'acquitter seule des charges liées à ce bien, à défaut de quoi, du fait des rapports de copropriété des parties sur celui-ci, il en demeurait codébiteur.

5.1 Le droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.) implique l'obligation, pour l'autorité, de motiver sa décision, afin que son destinataire puisse la comprendre et l'attaquer utilement s'il y a lieu. Le juge n'a, en revanche, pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties. Il suffit qu'il mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause (ATF 129 I 232 consid. 3.2 in JdT 2004 I 588; arrêt du Tribunal fédéral 5A_598/2012 du 4 décembre 2012 consid. 3.1). Dès lors que l'on peut discerner les motifs qui ont guidé la décision de l'autorité, le droit à une décision motivée est respecté, même si la motivation présentée est erronée. La motivation peut d'ailleurs être implicite et résulter des différents considérants de la décision (arrêt du Tribunal fédéral 5A_111/2015 du 20 octobre 2015 consid. 3.1).

Si l'autorité de recours a une cognition complète, il est en principe admissible, sous l'angle du droit constitutionnel, de guérir les défauts de motivation du jugement de première instance (ATF 137 I 195 consid. 2.3.2 in SJ 2011 I 345; 135 I 279 consid. 2.6.1 in JdT 2010 I 255; arrêt du Tribunal fédéral 5A_638/2016 du 2 décembre 2016 consid. 3.5.2).

5.2 En l'espèce, que ce soit en première ou en seconde instance, l'appelant a certes conclu à la condamnation de l'intimée à continuer à s'acquitter des charges du bien situé à C______ [France], mais ceci uniquement en lien avec sa conclusion tendant à se voir verser par celle-ci une contribution d'entretien. Il n'a pris aucune conclusion indépendante portant sur les charges du bien précité. En outre, en première instance, il a formulé des conclusions subsidiaires pour le cas où la séparation de biens serait prononcée, dans le cadre desquelles il n'a, cette fois, pas conclu à la condamnation de l'intimée à payer les charges du bien situé à C______, mais à ce qu'il soit pris acte de son engagement à rembourser à celle-ci la moitié des dites charges.

Au vu de ce qui précède, dans la mesure où la conclusion de l'appelant tendant à se voir payer une contribution d'entretien a été rejetée et la séparation de biens des parties prononcée, le premier juge était fondé à ne pas se prononcer spécifiquement sur la question des charges du bien de C______, sans qu'il n'en résulte une violation du droit d'être entendu du précité.

En tout état, même si une telle violation devait être admise, ce vice pourrait, comme le soutient d'ailleurs l'appelant, être réparé devant la Cour. Sous cet angle, il est suffisant d'observer que les motifs fondant le déboutement de l'appelant de sa conclusion tendant à se voir payer une contribution d'entretien justifient également son déboutement de sa conclusion qui y est liée, portant sur les charges du bien situé à C______.

En conclusion, le chiffre 1 du dispositif du jugement entrepris sera confirmé en tant qu'il déboute implicitement l'appelant de sa conclusion relative au paiement des charges du bien des parties situé à C______.

6.             6.1 Si l'instance d'appel statue à nouveau, elle se prononce sur les frais de la première instance (art. 318 al. 3 CPC).

Les frais sont mis à la charge de la partie succombante (art. 106 al. 1 CPC). Le juge peut s'écarter des règles générales et répartir les frais selon sa libre appréciation notamment lorsque le litige relève du droit de la famille (art. 107 al. 1 let. c CPC).

6.2.1 En l'espèce, il n'y a pas lieu de revoir la décision du Tribunal de répartir les frais judiciaires par moitié et de compenser les dépens. Cette décision est conforme à la loi (art. 107 al. 1 let. c CPC) et n'a fait l'objet d'aucun grief motivé devant la Cour, de sorte qu'elle sera confirmée.

6.2.2 Les frais judiciaires de la procédure d'appel seront arrêtés à 3'000 fr. (art. 31 et 37 RTFMC) et mis à la charge de l'appelant qui succombe. Ils seront partiellement compensés avec l'avance de 1'000 fr. versée par celui-ci, qui reste acquise à l'Etat de Genève. L'appelant sera en conséquence condamné à verser la somme de 2'000 fr. aux Services financiers du Pouvoir judiciaire à titre de solde des frais judiciaires d'appel.

L'appelant sera en outre condamné aux dépens d'appel de sa partie adverse, lesquels seront arrêtés à 3'000 fr., TVA et débours compris, au regard de l'activité déployée par le conseil de l'intimée (art. 95, 104 al. 1, 105 al. 1 et 106 al. 1 CPC; art. 20, 25 et 26 al. 1 LaCC; art. 25 al. 1 LTVA; art. 84 ss RTFMC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 8 janvier 2024 par A______ contre le jugement JTPI/15068/2023 rendu le 21 décembre 2023 par le Tribunal de première instance dans la cause C/13625/2022.

Au fond :

Confirme ce jugement.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais d'appel :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 3'000 fr., les met à la charge de A______ et les compense partiellement avec l'avance de frais versée par ce dernier qui reste acquise à l'Etat de Genève.

Condamne A______ à verser aux Services financiers du Pouvoir judiciaire la somme de 2'000 fr. à titre de solde des frais judiciaires d'appel.

Condamne A______ à verser 3'000 fr. à B______ à titre de dépens d'appel.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Madame Pauline ERARD, Madame Stéphanie MUSY, juges; Madame Camille LESTEVEN, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.