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Décisions | Chambre civile

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C/8370/2021

ACJC/420/2024 du 20.03.2024 sur JTPI/3710/2023 ( OO ) , CONFIRME

Normes : CC.679; CC.685; CC.8
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/8370/2021 ACJC/420/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MERCREDI 20 MARS 2024

 

Entre

Monsieur A______ et Madame B______, domiciliés ______ [GE], appelants d'un jugement rendu par la 20ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 22 mars 2023, représentés par Me Q______, avocat,

et

Monsieur C______, domicilié ______ [ZG], intimé, représenté par
Me Guillaume ETIER, avocat, REISER Avocats, route de Florissant 10, case
postale 186, 1211 Genève 12.

 

 

 

 

 

 

 

 

 


EN FAIT

A. Par jugement du 22 mars 2023, le Tribunal de première instance a débouté B______ et A______ des fins de leur demande (ch. 1 du dispositif), mis à leur charge les frais judicaires, arrêtés à 25'040 fr. et compensés avec les avances fournies (ch. 2) et condamné B______ et A______, solidairement entre eux, à payer à C______ les sommes de 600 fr. à titre de frais judiciaires (ch. 3) ainsi que de 22'000 fr. TTC à titre de dépens (ch. 4) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 5).

B. a. Par acte expédié à la Cour de justice le 8 mai 2023, B______ et A______ ont formé appel contre ce jugement. Ils ont conclu à son annulation et à la condamnation, avec suite de frais, de C______ à leur verser les sommes de:

-     1'574.90 avec intérêts à 5% dès le 29 avril 2017,

-     986 fr. 05 avec intérêts à 5% dès le 31 octobre 2017,

-     14'500 fr. avec intérêts à 5% dès le 23 mars 2021,

-     304'869 fr. 65 avec intérêts à 5% dès le 9 novembre 2020,

-     10'960 fr. avec intérêts à 5% dès le 24 janvier 2020,

-     11'395 fr. 50 avec intérêts à 5% dès le 24 janvier 2020,

-     2'500 fr. en compensation des dépens dans la procédure n° C/1______/2018.

b. C______ a conclu au rejet de l'appel et au déboutement de B______ et A______ de toutes leurs conclusions, avec suite de frais.

c. Les parties ont répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions.

d. Elles ont été informées par la Cour le 19 octobre 2023 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a.a B______ et A______ sont propriétaires de la parcelle n° 2______ de la commune de D______ [GE], située au chemin 3______ no. a______, sur laquelle est érigée leur villa.

a.b C______ était propriétaire de la parcelle n° 4______ de la commune de D______, située au chemin 3______ no. b______, de novembre 2011 à juin 2021.

a.c. Les deux parcelles se situent l'une en face de l'autre, de part et d'autre du chemin 3______, la parcelle 2______ se trouvant en contrebas de la parcelle 4______.

b. Entre décembre 2014 et décembre 2016, C______ a procédé à des travaux de démolition de la villa située sur la parcelle 4______ et de construction d'une nouvelle villa sur ladite parcelle, avec parking souterrain et piscine.

Les travaux ont été réalisés par la société E______ SA.

Selon le planning des travaux, la démolition des bâtiments existants notamment a eu lieu en février 2015 et les travaux de terrassement, entre mars et mai 2015.

c.a Le 4 juin 2015, F______ de la société E______ SA, s'est rendu sur la parcelle 2______ afin de constater des dégâts sur les murs de la villa de B______ et A______. A cette occasion, il a pris des clichés de fissures sur certains murs intérieurs de la maison et établi un rapport.

c.b Le 8 juin 2015, sur requête de E______ SA, G______ s'est également rendu sur la parcelle 2______ pour y prendre des photographies et dresser un procès-verbal constatant diverses fissures à l'intérieur de la maison et sur les façades extérieures, côté chemin 3______, côté lac et sur le retour de façade côté Genève et piscine.

d.a En mars et septembre 2017, B______ et A______ se sont vu facturer des travaux de recherches et de réparations de fuites dans leur piscine d'un montant de 1'574 fr. 90, respectivement 986 fr. 05.

d.b Pour la période du 21 mai 2014 au 21 mai 2015, B______ et A______ ont reçu une facture des services industriels de Genève pour leur consommation d'eau de 2'265 fr. 47 pour une quantité de 510 m3 pour le compteur n° 5______ et 105 fr. 32 pour 0 m3 pour le compteur n° 6______.

d.c Pour la période du 20 mai 2016 au 17 mai 2017, B______ et A______ ont reçu une facture des services industriels de Genève pour leur consommation d'eau de 2'473 fr. 33 pour une quantité de 444 m3 pour le compteur n° 5______ et 15'615 fr. 06 pour 3'620 m3 pour le compteur n° 7______.

e. Le 7 mars 2019, le Tribunal, statuant sur une requête de preuve à futur formée par B______ et A______ dans la cause C/1______/2018, a nommé H______ en qualité d'expert.

e.a Dans son rapport du 27 septembre 2019, l'expert a relevé que la villa de B______ et A______ a été construite entre 1934 et 1945 et qu'entre 1996 et 1999, des travaux de transformation et d'agrandissement ont été exécutés ainsi que la réalisation d'une piscine extérieure avec local technique et agrandissement du garage. La villa présentait un bon état général.

e.b L'expert, qui s'est adjoint les services d'un ingénieur civil pour préparer son rapport, a constaté l'existence de fissures qualifiées de normales, paraissant anciennes, qu'il a estimé être dues à l'âge de la construction, à son hétérogénéité et aux travaux de transformation et d'agrandissement réalisés entre 1996 et 1999.

Il a également constaté des fissures paraissant récentes et n'ayant apparemment pas fait l'objet de tentatives de réparation sur le balcon côté lac, le carrelage dans le séjour coté lac, la façade coté lac, la façade du porche d'entrée et le garage. Ces fissures pourraient être la conséquence de vibrations engendrées par les travaux réalisés sur la parcelle 4______ mais il se pourrait également s'agir de microfissures préexistantes devenues plus importantes en raison des vibrations liées à la réalisation de travaux sur la parcelle voisine (réponse à la question 1).

Le carrelage bordant la piscine extérieure était partiellement affaissé, ce qui pourrait avoir été causé par un tassement de terrain lié aux vibrations engendrées par les travaux sur la parcelle 4______. Il se pourrait que ces vibrations aient pu endommager la pompe de filtration et l'affaissement partiel du carrelage avait pu causer des fissures sur deux skimmers (réponse à la question 3). La date ou la période d'apparition des fissures sur les skimmers ne pouvait être déterminée. (réponse à la question 4).

e.c La villa de la parcelle 2______ se trouvait à une distance de 15 à 55 mètres du chantier sis sur la parcelle 4______, de sorte qu'il pouvait être raisonnablement affirmé qu'elle se trouvait dans la zone d'influence du chantier de la villa de C______, étant relevé que les villas étaient érigées sur le même massif rocheux (réponse à la question 8).

e.d En réponse à la question de savoir si les travaux réalisés sur la parcelle de C______ étaient, selon le cours ordinaire des choses, propres à avoir causé les fissures et autres dégâts constatés, l'expert a considéré que, même s'il n'était pas possible de le prouver de manière indiscutable, il semblait raisonnable d'estimer que les travaux de démolition, de forage, de terrassement et de construction réalisés sur la parcelle 4______ étaient à l'origine d'une partie des nouvelles fissures ou agrandissements de fissures anciennes figurant sur la villa, le garage et la piscine érigés sur la parcelle 2______, soit celles sur le balcon côté lac, le carrelage dans le séjour coté lac, la façade coté lac, la façade du porche d'entrée, le garage et les fissures (non observées car réparées) sur les skimmers de la piscine (réponse à la question 10). Lors de son audition devant le Tribunal dans le cadre de la cause C/1______/2018, l'expert a indiqué qu'il était d'accord, en relation avec cette question, de remplacer le présent utilisé dans son rapport par du conditionnel.

e.f L'expert a enfin relevé que si les mandataires de C______ ou lui-même avaient pris la peine, ainsi qu'il leur incombait, de faire réaliser un constat d'huissier sur l'état des constructions voisines du chantier avant le début des travaux, le problème examiné ne se serait pas posé.

f. Par ordonnance du 9 janvier 2020 rendue dans la cause C/1______/2018, le Tribunal a arrêté le montant des frais judiciaires à 10'960 fr., les a mis à la charge de B______ et A______, solidairement entre eux et les a condamnés à verser à C______ la somme de 2'500 fr. à titre de dépens.

g. Le 7 octobre 2020, B______ et A______ ont réclamé à C______ le versement d'une somme de 302'430 fr. 60 pour les réparations auxquelles ils estimaient devoir procéder en lien avec les travaux réalisés sur la parcelle 4______, ainsi que 10'960 fr. à titre de frais de procédure de preuve à futur et 11'395 fr. 50 d'honoraires engendrés par cette même procédure, soit un montant total de 324'786 fr. 10.

h. Dans son rapport d'inspection du 19 octobre 2017, I______, ingénieur civil travaillant pour la société J______ SA qui a travaillé sur le projet de la villa de C______, a notamment retenu que la date d'apparition des fissures figurant sur les aménagements extérieurs de la parcelle 2______, notamment dans la piscine et dans la maison, était inconnue dès lors qu'aucun constat d'huissier n'avait été établi pour cette parcelle en amont de l'ouverture du chantier. Il a par ailleurs noté qu'aucune fissure n'avait été constatée sur la route en aval du chantier, ce qui était susceptible de prouver l'absence de lien entre le terrassement de la parcelle 4______ et l'endommagement des éléments de la parcelle 2______.

En conclusion, il a considéré que les fissures constatées sur la maison située au no. a______, chemin 3______ et dans l'aménagement extérieur ne pouvaient pas avoir comme origine le chantier qui a eu lieu au no. b______, chemin 3______ puisque l'ouvrage est situé en dehors de la zone de terrassement de "3H".

i. Par déclaration du 24 novembre 2020, laquelle a suivi des déclarations identiques des 1er novembre 2017 et 8 novembre 2018, C______ a renoncé à invoquer l'exception de prescription, sous réserve qu'elle n'était pas déjà acquise, la dernière étant valable jusqu'au 31 décembre 2021.

j. Par acte du 23 avril 2021 déposé en vue de conciliation, non concilié le 6 août 2021 et introduit le 27 août 2021 devant le Tribunal, B______ et A______ ont conclu, sous suite de frais judiciaire et dépens, à ce que le Tribunal condamne C______ à leur verser les sommes de 1'574 fr. 90 avec intérêts à 5% dès le 29 avril 2017 et 986 fr. 05 avec intérêts à 5% dès le 31 octobre 2017 (à titre de frais de recherches et réparation des fuites à la piscine), 14'500 fr. avec intérêts à 5% dès le 23 mars 2021 (pour la surconsommation d'eau résultant des fuites), 304'869 fr. 65 avec intérêts à 5% dès le 9 novembre 2020 (pour la réparation des dégâts causés par les travaux à l'intérieur et à l'extérieur de leur maison selon les devis des entreprises K______, L______, M______ et N______), 10'960 fr. avec intérêts à 5% dès le 24 janvier 2020 (à titre de frais de la procédure de preuve à futur), 2'500 fr. (à titre de dépens de la procédure de preuve à futur) et 11'395 fr. 50 avec intérêts à 5% dès le 24 janvier 2020 (à titre d'honoraires d'avocat de la procédure de preuve à futur).

A l'appui de cette demande, ils ont exposé que les travaux réalisés entre janvier 2015 et décembre 2016 sur la parcelle 4______ étaient à l'origine de dégâts sur leur propriété.

Ils ont notamment produit des devis des entreprises K______ SA (pour la réfection partielle des façades, de la rigole de la piscine, de certains sols intérieurs et du garage), L______ SA (pour des travaux de peinture intérieure), M______ SA (pour des frais de déménagement et garde de meubles) et N______ SA (recherche et réparation des fuites de la piscine). Ces devis comprennent non seulement la réparation des dégâts qui auraient été causés par les travaux opérés par C______, mais également des réparations correspondant à de l'entretien différé (allégué 17 demande; pièces 6-9 dem).

Ils ont par ailleurs soutenu que les dégâts sur leur piscine avaient engendré une surconsommation d'eau pour la période du 20 mai 2016 au 17 mai 2017 et ils ont produit à cet égard des factures des SIG pour les périodes de mai 2014 à mai 2015 et de mai 2016 à mai 2017.

k. Dans sa réponse du 10 décembre 2021, C______ a conclu au déboutement de B______ et A______ de leur demande.

Il a affirmé que les travaux de terrassement, seuls susceptibles d'avoir une incidence vibratoire, ont été réalisés de mars à mai 2015. Il a par ailleurs relevé que la villa de B______ et A______ se trouvait hors de la zone d'influence des travaux réalisés sur la parcelle 4______. Selon lui, les devis produits portaient sur des travaux sans proportion avec les quelques fissures constatées par l'expert. Enfin, il a soulevé l'exception de prescription, estimant que l'action en dommage-intérêts était prescrite déjà le 9 juin 2016.

l. Lors de l'audience du 18 janvier 2022, B______ et A______ ont déposé des déterminations écrites sur les allégués de la réponse.

Les parties ont par ailleurs sollicité la réalisation d'une inspection.

m. Le 9 mars 2022, le Tribunal a procédé à l’inspection de la parcelle 2______ et a constaté ce qui suit:

Dans la villa :

Au 3ème niveau : A l'intérieur d'une pièce, se trouve une fissure au-dessus du côté droit de la porte d'entrée et de nombreuses fissures derrière la porte d'entrée de la chambre. Il existe également des fissures de moindre importance dans le couloir sur le toit à côté de la poutre et à un endroit au niveau du plafond. Il y a également une fissure à peine visible sur le mur du couloir.

Au 2ème niveau : Il y a des traces de fissures réparées au niveau du plafond. Il existe des fissures importantes sur le sol de la salle de jeux. Le carrelage est fendu à différents endroits.

Au 1er niveau : Dans la salle à manger, se trouvent des fissures peu visibles sur le carrelage du sol sur la longueur de la pièce. Par endroit, la fissure est très visible. Il y a également des fissures dans le carrelage de la même pièce à un endroit près de la porte d'entrée de la cuisine.

Dans le salon, une fissure est présente le long de toutes les fenêtres de l'angle. Le carrelage est fissuré le long des fenêtres du salon. Il y a une fissure sur l'arche du salon, réparée mais demeurant visible, ainsi que sur une des colonnes de la 2ème arche.

A l'extérieur :

Autour de la piscine: Le carrelage a été intégralement ôté. Des traces de réparation sont visibles à un endroit.

Sur la façade de la maison: Il est aperçu des traces de réparation couvrant une grande partie de la façade.

A______ a expliqué que des travaux de réparation avaient commencé deux ou trois mois auparavant.

Le garage :

A l'extérieur: Une fissure est présente sur 1/5ème du mur extérieur longeant le toit. Il existe une fissure d'environ 40 centimètres sur le mur gauche. Le mur du toit est fissuré sur environ 2 mètres. Une fissure verticale de 70 centimètres est visible à l'opposé de l'entrée du garage.

A l'intérieur: Des fissures longeant le plafond existent sur un mètre de chaque côté de l'angle, de même que sur un des murs, verticalement sur 50 centimètres. Le sol du garage présente des fissures.

n. Lors de l'audience du 2 mai 2022, le Tribunal a procédé à l'audition de témoins.

n.a O______, de l'entreprise N______, a indiqué avoir construit la piscine de la parcelle 2______ en 1997. A______ lui avait téléphoné le 15 octobre 2016 au sujet de dégâts sur sa piscine. En 2017, il était intervenu et avait constaté que deux éléments en béton s'étaient dissociés. Il procédait régulièrement à des réparations provisoires, mais une réparation définitive nécessitait l'intervention d'un ingénieur civil. Les dégâts constatés chez les époux A______/B______ avaient pour conséquence que l'eau fuyait par le skimmer. Il ne pouvait pas estimer la surconsommation d'eau liée à l'endommagement de la piscine. Il ignorait de quand datait les fissures des skimmers. Il était possible que celles-ci se soient agrandies avec le temps.

n.b P______, architecte auprès de sa société E______ SA, était intervenu chez C______ pour la construction d'une villa et d'une piscine, dont il avait dirigé les travaux. Les travaux de terrassement avaient été réalisés de mars à mai 2015. Les passages de camion, le forage, la mise en place des poutrelles pour retenir des terres constituaient des éléments susceptibles de causer des vibrations. Les travaux n'avaient pas pu causer de dégât à la propriété de B______ et A______ car celle-ci se trouvait en dehors de la zone d'influence des travaux. Deux maisons plus proches de la zone de travaux n'avaient eu aucun dégât. En juin 2015, il s'était rendu sur la parcelle 2______ pour constater des fissures dans le grenier au niveau des poutres. Le 28 février 2017, il s'était à nouveau rendu sur place pour constater des problèmes avec la piscine et des fissures autour de la maison. Il avait alors émis l'hypothèse que ces fissures se trouvaient toutes sur une ligne de faille. La terrasse de la parcelle 2______ se trouvait sur une zone de remblai, de sorte qu'elle se tassait avec le temps. Les fissures constatées sur la maison étaient de vieilles fissures pouvant être liées à ce phénomène. La bute de D______ était constituée de remblais provenant des glaciers du Rhône. Il était nécessaire de stabiliser chaque construction car ce remblai n'était pas stable. Par email du 11 septembre 2017, il avait conclu que le chantier aurait pu causer des fissures dans la structure porteuse du bâtiment. Cela n'avait toutefois pas été observé en 2015. En revanche, des fissures dans la structure non porteuse avaient été observées, lesquelles ne pouvaient avoir été causées par le chantier. La structure non porteuse était constituée de cloisons avec des bandes de mousse pour être fixée aux plaques de plâtre et à la charpente. Afin de déterminer la cause des fissures, il aurait fallu examiner ces bandes de mousse. L'affaissement de la plage de la piscine tel que constaté en 2017 pouvait causer des problèmes d'étanchéité de la piscine. Il avait été constaté que le joint entre la margelle et la terrasse manquait, ce qui était dû à l'écoulement du temps. En juin 2015, B______ et A______ lui avaient uniquement montré des fissures se trouvant dans le grenier, sans se plaindre de l’existence d'autres fissures.

n.c I______, ingénieur civil travaillant pour J______ SA, s'est occupé du chantier de la villa de C______. Seuls les travaux de terrassement étaient susceptibles d'impacter les propriétés voisines, lesquels avaient duré entre 3 à 4 mois, avant les travaux de gros œuvre. Selon une formule généralement admise, non scientifique, les effets du terrassement pouvaient avoir des effets jusqu'à trois fois la hauteur du terrassement. La propriété sise sur la parcelle 2______ se trouvait ainsi hors de la zone d'influence du terrassement. Par ailleurs, la méthode de construction utilisée pour le chantier de C______ ne causait pas de vibration dès lors qu'il s'agissait de forage vertical. Les travaux de terrassement purs n'avaient pas pu causer de vibration dès lors que la méthode classique, soit avec une pelle mécanique, avait été employée. Selon lui, l'origine des fissures était liée aux conditions des fondations différentes de la maison du fait de la déclivité du terrain. En effet, le terrain était composé de plusieurs couches et chacune avait une raideur différente. La structure porteuse en bois avait pu causer certaines fissures intérieures par la création de variations thermiques et des variations de charges se répercutant sur la structure non porteuse. D'autres fissures pouvaient avoir été causées par les tassements différentiels à l'origine des fissures extérieurs ou par l'emploi de matériaux inadaptés lors d'une rénovation. Il n'avait cependant pas réalisé d'étude géotechnique de la propriété de B______ et A______. Il était possible que la maison située sur la parcelle 2______ ait réagi différemment à un chantier en amont compte tenu des différents facteurs évoqués. Il ne pensait pas que l'accès des camions et engins de chantiers ait pu causer des vibrations se répercutant sur la maison de la parcelle 2______ dès lors qu'il s'agissait d'un trafic modéré.

n.d F______, architecte dans le bureau E______ SA, a déclaré qu'il était présent lors de la visite chez B______ et A______ le 4 juin 2015 et avait rédigé le rapport établi le même jour. Lors de cette réunion, A______ ne s'était plaint que de fissures intérieures, sans mention des fissures extérieures autour de la piscine. Selon lui, les fissures constatées ne pouvaient pas être en lien avec le chantier. Les fissures se trouvaient toutes à la jonction entre le plâtre et la charpente, de sorte qu'elles étaient dues à l'âge de la maison. S'agissant des fissures extérieures, dont A______ s'était plaint beaucoup plus tard, il avait constaté qu'elles étaient couvertes de mousses, voire de stalactites. Selon lui, ces fissures étaient dues à l'eau qui ruisselait sur la colline de D______. Les règles de construction n'étaient pas les mêmes lors de la construction de la maison de la parcelle 2______. A titre exemplatif, aujourd'hui, une piscine sur la bute de D______ serait construite sur des pieux fixés sur la partie dure du sol pour s'assurer qu'elle ne subisse pas de variation. Les travaux de terrassement pouvaient impacter une propriété voisine suffisamment proche du chantier. Les maisons voisines de celle de la parcelle 2______ n'avaient toutefois subi aucun impact. Lorsque A______ s'était plaint des fissures, la démolition de la maison de C______ était achevée depuis un moment. Il y avait beaucoup de passages de camion sur le chemin 3______ sur lequel se trouvaient les deux maisons, notamment des camions poubelles et des engins pour d'autres chantiers.

o. Le 19 septembre 2022, le Tribunal a procédé à l'audition de B______ et A______, C______ ayant été dispensé de comparaître.

B______ a exposé qu'au printemps 2015, elle avait senti la maison trembler comme pendant un tremblement de terre.

A______ a indiqué avoir également constaté ces tremblements. Il avait appelé l'architecte et il avait été procédé à un constat d'huissier. Initialement, il avait constaté des fissures à l'intérieur et à l'extérieur de la maison. Par la suite, il avait été alerté par la margelle de la piscine car il avait observé que le carrelage s'abaissait d'un côté de la piscine, côté route. Leur maison avait été entièrement rénovée en 1999 et la piscine avait été construite à ce moment-là. Lors de la rénovation, ils n'avaient pas touché aux fondations. Il n'y avait pas de fissures avant les tremblements. Les travaux sur la parcelle voisine avaient été très conséquents; celle-ci avait été entièrement vidée et excavée.

p. Le 31 octobre 2022, les parties ont déposés leurs plaidoiries finales écrites respectives.

B______ et A______ ont persisté dans leurs conclusions initiales et ont sollicité le versement de dépens à hauteur de 29'350 fr. 95.

C______ a persisté dans ses conclusions.

q. Les parties ont encore répliqué le 15 novembre 2022 pour C______ et le 5 décembre 2022 pour B______ et A______.

r. Le Tribunal a transmis ces dernières écritures et a gardé la cause à juger.

s. Dans son jugement du 22 mars 2023, le Tribunal a d'abord considéré que ce n'était qu'à partir de la transmission du rapport d'expertise du 27 septembre 2019 que B______ et A______ disposaient des éléments nécessaires à établir la quotité du dommage et, dans une certaine mesure, de l'auteur de celui-ci. Même dans l'hypothèse la plus défavorable aux demandeurs, ils ne sauraient être admis qu'ils disposaient des éléments suffisants pour ouvrir une action en dommage-intérêts avant la fin des travaux sur la parcelle 4______, soit au mois de décembre 2016. Or, C______ avait déclaré, déjà le 1er novembre 2017, puis de manière continue jusqu'au 31 décembre 2021, qu'il renonçait à invoquer l'exception de prescription. B______ et A______ ayant ouvert action le 23 avril 2021, le délai de prescription courrait encore.

Le Tribunal a ensuite relevé que contrairement à ce que soutenaient B______ et A______, l'expert n'avait pas été à même d'affirmer que les dégâts de la villa et de la piscine étaient la cause des travaux opérés sur la parcelle 4______. Le rapport d'expertise du 27 septembre 2019 était rédigé pour l'essentiel au conditionnel. La conclusion de l'expert n'était pas empreinte de plus d'assurance, celui-ci ayant affirmé qu'il était raisonnable d'estimer qu'une partie des fissures de la villa, du garage et de la piscine de la parcelle 2______ étaient dus aux travaux réalisés sur la parcelle de C______. Les différents témoins entendus par le Tribunal n'avaient pas affirmé qu’il existait un lien entre l’endommagement de la propriété des époux A______/B______ et la réalisation de travaux sur la parcelle 4______. A teneur de ces éléments, force était de constater que B______ et A______ n'avaient pas démontré l'existence d'un lien de causalité entre les différents dommages dont ils se plaignaient et la réalisation de travaux sur la parcelle du défendeur.

Même à admettre que tel fût le cas pour certaines fissures, soit une des hypothèses retenues par l'expert, B______ et A______ n'avaient pas suffisamment démontré la quotité du dommage.

En l’absence d’éléments permettant de déterminer avec suffisamment de précision le dommage subi et d’établir un lien de causalité entre celui-ci et les travaux commandés par C______ sur la parcelle 4______, les conditions de l’action fondée sur les articles 679 et 685 CC n'étaient pas remplies.

EN DROIT

1. 1.1 Interjeté selon la forme et dans le délai prescrits, dans une affaire patrimoniale dont la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr., l'appel est recevable (art. 308 al. 1 let. a et al. 2 et 311 al. 1 CPC).

1.2 L'intimé a produit une pièce nouvelle, à savoir un procès-verbal d'audience du Tribunal du 16 décembre 2019 dans la procédure de preuve à futur ayant opposé les parties.

Les faits qui sont immédiatement connus du Tribunal, notamment parce qu'ils ressortent d'une autre procédure entre les mêmes parties, peuvent être pris en considération même en l'absence d'allégation ou d'offre de preuve correspondante; il s'agit en effet de faits notoires qui n'ont pas à être prouvés et ne peuvent pas être considérés comme nouveaux (arrêts du Tribunal fédéral 5A_857/2020 du 31 mai 2021 consid. 2.4; 5A_610/2016 du 3 mai 2016 consid. 3.1 et 3.2). La pièce nouvelle est dès lors recevable.

1.3 L'appel peut être formé pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) et constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). L'instance d'appel dispose ainsi d'un plein pouvoir d'examen de la cause en fait et en droit; en particulier, le juge d'appel contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1), dans la limite des griefs que les parties adressent à la motivation du premier jugement, lesquels forment le cadre de l'examen de la cour d'appel (ATF 144 III 394 consid. 4.1.4; 142 III 413 consid. 2.2.4).

2. Les appelants contestent le jugement attaqué en tant qu'il a nié un lien de causalité entre les travaux réalisés par l'intimé et le dommage qu'ils invoquent au vu du rapport de l'expert.

2.1 L'art. 679 al. 1 CC introduit une responsabilité du propriétaire d'immeuble pour les dommages causés à ses voisins à la suite d'une violation des art. 684 ss CC. L'art. 684 CC est concrétisé notamment par l'art. 685 al. 1 CC, aux termes duquel le propriétaire qui fait des fouilles ou des constructions ne doit pas nuire à ses voisins en ébranlant leur terrain, en l’exposant à un dommage ou en compromettant les ouvrages qui s’y trouvent.

Les prétentions fondées sur l'art. 679 CC – sanction générale des règles sur les rapports de voisinage – ne sont pas subordonnées à une faute du propriétaire à l'origine de l'atteinte. Les art. 679 et 684 ss CC instituent en effet une responsabilité causale ou objective et suppose la réalisation de trois conditions matérielles: un excès dans l'utilisation du fonds, soit un dépassement des limites assignées à la propriété foncière par le droit de voisinage, une atteinte aux droits du voisin ainsi qu'un rapport de causalité naturelle et adéquate entre l'excès et l'atteinte (ATF 143 III 242 consid. 3.1).

Les règles ordinaires sur la causalité, naturelle et adéquate, trouvent application (ATF 119 Ib 334 consid. 3c p. 342).

2.1.2 Un rapport de causalité naturelle relie un comportement dommageable au préjudice allégué lorsque, sans le premier (condicio sine qua non), le second ne serait pas survenu, ou pas de la même façon. Celui-là est une condition nécessaire du résultat, mais pas forcément la cause unique et immédiate (ATF 143 III 242 consid. 3.7; 143 II 661 consid. 5.1.1; 133 III 462 consid. 4.4.2).

Le comportement incriminé est la cause adéquate d'un dommage si, d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience générale de la vie, il était propre à provoquer le résultat qui s'est produit, de sorte que la survenance de celui-ci paraît, de façon générale, favorisée par celui-là (ATF 143 III 242 consid. 3.7; 143 II 661 consid. 5.1.2; 123 III 110 consid. 3a; cf. déjà ATF 41 II 90 spéc. p. 93 i.f.et s.). A ce stade, le juge doit sélectionner, dans la chaîne des causes (condiciones), celle (s) qui revête (nt) un caractère prépondérant, une certaine typicité.

2.1.3 Selon la définition qui en est donnée par la jurisprudence de la preuve certaine (Gewissheit), la preuve d'un fait est certaine si le juge a acquis, en se fondant sur des éléments objectifs, la conviction de l'existence de ce fait. Une certitude absolue ne peut pas être exigée. Il suffit que le juge n'ait plus de doutes sérieux quant à l'existence du fait allégué ou que les doutes qui subsistent semblent légers (ATF 130 III 321 consid. 3.2).

La jurisprudence n'admet une réduction du degré de la preuve pour un fait pertinent que si, de par la nature du fait à établir, une preuve certaine est objectivement impossible à apporter ou ne peut pas être raisonnablement exigée. En d'autres termes, il faut qu'il y ait un état de nécessité en matière de preuve (Beweisnot).

Dès lors qu'on ne se trouve pas dans un cas dans lequel, au vu de sa nature, une preuve certaine est objectivement impossible à apporter ou ne peut pas être raisonnablement exigée, une réduction du degré de la preuve à la vraisemblance prépondérante n'entre pas en ligne de compte. (ATF 123 III 317 consid. 4d). De simples difficultés de preuve dans le cas concret ne peuvent pas conduire à un allègement de la preuve, sous peine de créer une entorse au système légal, tel qu'il a été voulu par le législateur fédéral (ATF 148 III 105 consid. 3.3.1; 130 III 321 consid. 3.2; arrêt 4A_559/2022 du 3 août 2023 consid. 6.2.2).

La vraisemblance prépondérante est soumise à des exigences plus élevées que la simple vraisemblance; la vraisemblance prépondérante suppose que, d'un point de vue objectif, des motifs importants plaident pour l'exactitude d'une allégation, sans que d'autres possibilités ne revêtent une importance significative ou n'entrent raisonnablement en considération (ATF 133 III 81 consid. 4.2.2; 132 III 715 consid. 3.1 p. 720; 130 III 321 consid. 3.3 et les références).

L'existence d'un lien de causalité naturelle entre le fait générateur de responsabilité et le dommage est une question de fait que le juge doit trancher selon le degré de la vraisemblance prépondérante lorsqu'en raison de la nature même de l'affaire, une preuve certaine (ou stricte) n'est pas possible ou ne peut être raisonnablement exigée de celui qui en supporte le fardeau (état de nécessité en matière de preuve) (ATF 133 III 81 consid. 4.2.2).

2.2 En l'espèce, dans son rapport, l'expert mandaté par le Tribunal indique, dans un premier temps, de manière assez prudente, que les fissures "pourraient" être la conséquence des travaux (réponses aux questions 1 et 3). Il indique ensuite qu'il est "raisonnable d'estimer" selon le cours ordinaire des choses que les travaux sont à l'origine d'une partie des nouvelles fissures ou agrandissements de fissures anciennes (réponse à la question 10 et conclusions). Le constat de l'expert, que celui-ci a modéré lors de son audition devant le Tribunal dans la procédure de preuve à futur en indiquant que le conditionnel devait être utilisé à ce dernier égard, ne se fonde que sur des hypothèses ou des possibilités, mais il ne peut cependant être retenu, sur la base de ce rapport, que l'expert considère de manière suffisamment certaines qu'il existe un lien de causalité naturelle entre les travaux sur la parcelle de l'intimé et les dégâts invoqués par les appelants. La référence au cours ordinaire des choses s'inscrit par ailleurs dans le cadre de l'examen de la question de la causalité adéquate, qui relève de l'application du droit, alors que l'expert doit se prononcer sur des questions de fait uniquement.

Il y a par ailleurs lieu de relever que des fissures anciennes ont été constatées sur la maison des appelants par l'expert, ce qui tend à démontrer que ce type d'événement est susceptible de se produire indépendamment de facteurs extérieurs, tels les travaux réalisés par l'intimé. Ainsi même si des fissures sont apparues concomitamment à la réalisation des travaux, cela ne signifie pas encore nécessairement que ces derniers en sont la cause. Il n'est par ailleurs pas démontré que les maisons situées sur les parcelles directement voisines de celle de l'intimé, du même côté du chemin 3______, auraient subi des dégâts à l'époque à laquelle l'intimé a procédé aux travaux sur sa parcelle, ce qui aurait pu constituer un indice de ce que les travaux entrepris étaient de nature à causer des dégâts tels que ceux invoqués par les appelants.

Quant aux dégâts à la piscine en particulier, les appelants ne s'en sont pas plaints en 2015 lorsqu'ils ont contacté l'intimé et ils ne sont pas mentionnés dans les constats et rapports des 4 et 8 juin 2015. Il ressort par ailleurs des déclarations de O______ que les appelants ne l'auraient contacté qu'en automne 2016, soit à la fin des travaux. Ces dégâts ont donc une autre origine que ceux dont s'étaient plaints les appelants plus d'un an auparavant. Les appelants n'ont pas exposé lors de leur audition devant le Tribunal qu'ils avaient ressenti des tremblements à cette époque. L'origine de l'affaissement constaté est dès lors largement inconnue même si, comme l'expert l'a indiqué, il a pu être causé par le chantier situé sur la parcelle de l'intimé.

Dès lors, en définitive, la cause des fissures et autres dégâts dont les appelants réclament la réparation n'est pas établie. Elle peut résider dans les travaux sur la parcelle de l'intimé, mais également dans l'ancienneté de la maison des appelants ou d'autres causes, liées à la nature du terrain sur lequel est construit la maison des appelants, par exemple. Il y a autant de probabilité que les dégâts constatés résultent des travaux que de probabilité qu'ils n'en résultent pas. En l'absence d'éléments permettant de retenir qu'ils en résultent, au vu en particulier du rapport d'expertise, il ne peut être retenu qu'il existe un lien de causalité naturelle entre les dégâts invoqués par les appelants et les travaux effectués par l'intimé sur sa parcelle. Il n'y a pas lieu de réduire le degré de preuve requis dans la mesure où la preuve du lien de causalité entre les travaux et les dégâts invoqués n'était pas, par nature, impossible à établir par expertise. Cela étant, au vu des considérations qui précèdent, même en admettant un tel allégement, la cause des dégâts dont les appelants demandent la réparation ne serait pas suffisamment établie.

3. Il peut, au surplus, être relevé ce qui suit quant aux griefs des appelants quant au fait qu'ils n'ont pas suffisamment prouvé leur dommage selon le Tribunal.

3.1 Le dommage se définit comme une diminution involontaire de la fortune nette, qui peut consister en une diminution de l'actif, une augmentation du passif ou un gain manqué. Il correspond à la différence entre le montant actuel du patrimoine du lésé et le montant que ce même patrimoine aurait atteint si l'événement dommageable ne s'était pas produit. Il peut survenir sous la forme d'une diminution de l'actif, d'une augmentation du passif, d'une non-augmentation de l'actif ou d'une non-diminution du passif (ATF 144 III 155 consid. 2.2 et les arrêts cités).

Dans les procès soumis à la maxime des débats (art. 55 al. 1 CPC), il incombe aux parties, et non au juge, de rassembler les faits du procès. Les parties doivent alléguer les faits sur lesquels elles fondent leurs prétentions (fardeau de l'allégation subjectif), produire les moyens de preuve qui s'y rapportent (art. 55 al. 1 CPC) et contester les faits allégués par la partie adverse. Le demandeur supporte le fardeau de l'allégation objectif (objektive Behauptungslast) et le fardeau de la preuve (objektive Beweislast; art. 8 CC), en ce sens qu'il supporte les conséquences de l'absence d'allégation de ce fait, respectivement celles de l'absence de preuve de celui-ci (ATF 143 III 1 consid. 4.1).

En principe, le lésé doit prouver avec certitude non seulement l'existence du dommage, mais aussi son montant, de manière chiffrée (art. 42 al. 1 CO; arrêt du Tribunal fédéral 4A_397/2016 du 30 novembre 2016 consid. 5.1).

3.2 En l'espèce, les appelants ont produit des devis qui comprennent des travaux non seulement de réparation des dégâts dont ils soutiennent qu'ils auraient été causés par les travaux effectués par l'intimé, mais également des réparations et rénovations correspondant à de l'entretien différé, qu'il n'appartient pas à l'intimé de prendre à sa charge. Dans la mesure où les deux types de travaux ne sont pas clairement distingués dans les devis produits, la force probante des pièces produites pour fixer le montant du dommage à la réparation duquel les appelants pourraient prétendre est indéniablement réduite. Les appelants avaient pourtant la possibilité de présenter des devis qui ne concernaient que la seule réparation des dégâts imputables, selon eux, à l'intimé selon le rapport de l'expert. Des déductions ont certes été opérées par les appelants pour tenir compte du fait que les travaux d'entretien ne pouvaient être mis à la charge de l'intimé, mais qui ne peuvent être qu'approximatives.

Concernant en particulier le devis K______, soit le poste le plus important puisqu'il s'élève, pour la réparation du dommage allégué, à 283'371 fr. 75, tous les postes ont été pris en compte, à l'exception du poste 3.4 pour lequel une réduction de une réduction de 60% a été opérée pour exclure les travaux dans la chambre enfant et la salle à manger. Cela ne permet toutefois pas encore de savoir si les travaux devisés dans ce poste pour le salon, dont le carrelage a été endommagé selon le rapport de l'expert, concernent strictement les travaux de réparation nécessaires ou également des travaux de rénovation complète. Il est relevé à cet égard que le devis prévoit en particulier pour ce poste 90 m2 de pierre pour un montant de 45'000 fr. Même en ne tenant compte que de 40% de cette surface, soit 36 m2, celle-ci paraît importante pour une simple réparation des seuls carreaux qui auraient été fissurés. Le devis mentionne également le traitement des fissures en façades, sans qu'il en ressorte que ledit traitement ne concerne pas des fissures qualifiées de normales et anciennes par l'expert et dont il n'a pas été envisagé qu'elles aient pu être causées par les travaux sur la parcelle de l'intimé. Le fait que le devis concerne tant des travaux de réparation que de rénovation ne permet pas non plus de savoir si les coûts d'installation du chantier et d'échafaudage, estimés à 27'150 fr., n'auraient pas été moindres si le devis avait concerné uniquement les travaux de réparation. Il peut également être relevé, comme le note l'intimé, que le devis prévoit pour la réfection de la piscine, côté maison, la fourniture de 240 m2 de pierres pour un montant de 120'000 fr., soit une surface qui, à nouveau, paraît très importante pour une simple réparation et non une réfection totale. Enfin, il ressort des explications de l'appelant lors de l'inspection du 9 mars 2022 que des travaux avaient débuté sur la façade de la maison, mais les factures de ceux-ci, qui seraient plus probantes qu'un unique devis estimatif, n'ont pas été produites.

Il ressort ainsi des divers éléments précités que le devis K______ n'est pas apte à établir la quotité du dommage qui aurait été causé par les travaux réalisés sur la parcelle de l'intimé pour les postes concernés.

Il en va de même du devis L______, qui concerne des travaux de peinture pour l'ensemble de la maison. Seuls certains postes ont certes été invoqués à titre de dommage, soit celui "installation du chantier et protection" et celui "corniches" dans le salon et la bibliothèque. L'ampleur de l'installation d'un chantier pour une pièce n'est toutefois pas la même que pour l'ensemble de la maison et son coût est vraisemblablement moindre. En outre, il ne ressort pas de l'expertise que les corniches dans la pièce précitée auraient été endommagées et qu'elles devraient être réparées. Ce devis n'est dès lors pas apte à prouver la quotité du dommage qui résulterait des travaux effectués par l'intimé pour les postes visés.

De plus, concernant les frais de déménagement et entreposage selon le devis M______, si, sur le principe, le déménagement de meubles et leur stockage peut s'avérer nécessaires si la maison est rénovée dans son ensemble, cette nécessité n'apparaît pas évidente si une seule pièce est concernée, les meubles s'y trouvant pouvant être momentanément déplacé dans une autre. La nécessité d'un tel déménagement n'ayant pas été prouvée, le poste invoqué à cet égard, même réduit, ne saurait être pris en compte.

Quant à la surconsommation d'eau, les factures des SIG pour les périodes de mai 2014 à mai 2015 et de mai 2016 à mai 2017 (soit, pour cette dernière, la période durant laquelle sont apparues les fissures de la piscine comme le relèvent les appelants) ont été produites à l'appui des prétentions de appelants. La facture pour la période de mai 2015 à mai 2016, qui précède l'apparition des fissures sur la piscine, n'a cependant pas été produite, alors qu'elle aurait pourtant été utile pour déterminer la consommation d'eau juste avant que lesdites fissures apparaissent et donc, une éventuelle surconsommation en lien avec celles-ci. En outre, les factures produites mentionnent pour les deux périodes un compteur 5______ qui présente une consommation similaire, soit 510 m3 et 444 m3 pour chaque période, qui ne démontre donc aucune surconsommation d'eau, mais au contraire une réduction. Un compteur 6______ indiquait par ailleurs une quantité de 0 m3 en 2014-2015, lequel ne concernait donc vraisemblablement pas la piscine. Il ne figure plus sur la facture pour la période 2016-2017. Cette dernière mentionne en revanche un compteur 7______ qui indique une consommation de 3'620 m3. On ne sait cependant pas à quoi il correspond et s'il a simplement remplacé le compteur 6______, dont il vient toutefois d'être relevé qu'il ne concernait vraisemblablement pas la piscine vu la consommation nulle. Dans la mesure où ce compteur 7______ n'est pas mentionné dans la précédente facture produite, une comparaison entre les périodes n'est pas possible. Il ne permet en tous les cas pas de retenir que la consommation d'eau a augmenté d'un volume correspondant à celui qui est indiqué en raison des problèmes rencontrés par les appelants avec leur piscine. En tout état de cause, une simple différence entre les factures et une consommation supplémentaire peut avoir plusieurs causes et ne résulte pas nécessairement, au vu des éléments fournis, d'une consommation supplémentaire liée à la seule piscine.

Au vu de ce qui précède, les appelants n'ont pas prouvé le dommage allégué, même à considérer que les dégâts invoqués auraient pour cause les travaux réalisés sur la parcelle de l'intimé.

4. Les appelants, qui succombent, supporteront les frais judiciaires d'appel (art. 106 al. 1 CPC), arrêtés à 18'000 fr. (art. 17, 35 RFTMC), compensés avec l'avance opérée, acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

Les appelants seront en outre condamnés, solidairement, à verser 15'000 fr. à l'intimé à titre de dépens d'appel, débours et TVA compris (art. 20, 23, 25 et 26 LaCC, art. 85 et 90 RTFMC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté par A______ et B______ contre le jugement JTPI/3710/2023 rendu le 22 mars 2023 par le Tribunal de première instance dans la cause C/8370/2021.

Au fond :

Confirme ce jugement.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 18'000 fr., les met à la charge de A______ et B______, solidairement entre eux, et les compense avec l'avance effectuée, acquise à l'Etat de Genève.

Condamne A______ et B______, solidairement entre eux, à verser à C______ 15'000 fr. à titre de dépens d'appel.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Monsieur Patrick CHENAUX, Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Madame Camille LESTEVEN, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.