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Décisions | Chambre civile

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C/21085/2022

ACJC/248/2024 du 26.02.2024 sur OTPI/67/2024 ( SDF )

Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/21085/2022 ACJC/248/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU LUNDI 26 FEVRIER 2024

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______, appelante d'une ordonnance rendue par le Tribunal de première instance de ce canton le 19 janvier 2024, représentée par
Me Valérie SUHAJDA, avocate, NP & VS Avocates, rue des Alpes 15, case postale, 1211 Genève 1,

et

Monsieur B______, domicilié ______, intimé.

 


Attendu, EN FAIT, que les époux A______, née le ______ 1984, de nationalité ukrainienne, et B______, né le ______ 1961, de nationalité espagnole, se sont mariés le ______ 2013 à D______ (GE) et ont eu une fille, E______, née le ______ 2015 à Genève.

Qu'ils se sont séparés en septembre 2018.

Que par jugement du 18 septembre 2019, statuant sur mesures protectrices de l'union conjugale, le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal) a organisé la vie séparée et, notamment, attribué la garde de E______ à sa mère, tout en réservant à son père un droit de visite s'exerçant un week-end sur deux, du vendredi soir au dimanche soir, une nuit par semaine, ainsi que la moitié des vacances scolaires.

Que ce jugement reposait notamment sur un rapport de Service d'évaluation et d'accompagnement de la séparation parentale (ci-après : SEASP) du 5 juin 2019 affirmant que l'enfant allait bien et que son développement était bon. Que les parents avaient réussi à se mettre d'accord sur les modalités de prise en charge de leur fille. Que le SEASP attirait néanmoins l'attention des parents sur l'importance d'une communication parentale fonctionnelle vu l'âge de l'enfant et recommandait la poursuite d'une thérapie familiale entreprise auprès de C______ [centre de consultations familiales]. Que le rapport soulignait que la prise en charge de l'enfant par la mère était adéquate et que celle-ci favorisait les relations avec le père. Qu'il ne mentionnait pas de lacunes du père à cet égard.

Que la réglementation des droits parentaux et des relations personnelles n'a pas été remise en cause en appel, seules les contributions d'entretien ayant fait l'objet d'un appel et ayant été réexaminées par la Cour de justice dans son arrêt du 24 février 2020.

Que par jugement du 23 juin 2020, le Tribunal a, sur requête de A______, modifié les contributions d'entretien fixées sur mesures protectrices de l'union conjugale, les autres aspects de la séparation n'étant pas litigieux.

Que, par requête du 8 avril 2022, B______ a informé le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après : le TPAE) que A______ était partie deux mois avec E______ en Ukraine, sans l'en informer, alors que la guerre avec la Russie avait ou était sur le point d'éclater. Qu'elle en était revenue avec trois réfugiés, dont ses parents. Qu'elle s'apprêtait en outre à s'installer chez son compagnon en France voisine, avec E______, au détriment de l'exercice du droit de visite sur l'enfant par le requérant.

Que A______, dans ses déterminations du 14 juin 2022, a précisé que le voyage en Ukraine avait eu lieu avant que la guerre n'éclate avec la Russie et contesté vouloir s'installer en France chez son compagnon.

Que le rapport demandé par le TPAE au SEASP a souligné les tensions créées entre les parents par le voyage en Ukraine de A______ avec E______ et la rupture du lien de confiance qui en avait découlé. Que les parents s'engageaient toutefois à entreprendre un travail de coparentalité.

Que par décision du 1er décembre 2022, le TPAE a confirmé le droit de visite fixé sur mesures protectrices de l'union conjugale, sans prendre d'autres mesures, conformément au préavis du SEASP.

Que l'Office médico-pédagogique (ci-après : OMP) a rendu un bilan psychologique de l'enfant le 20 décembre 2022 dont il ressortait que cette dernière était exposée depuis sa petite enfance à une situation familiale très instable et à un conflit parental très présent. Qu'elle présentait des symptômes anxieux et traumatiques avec impact important au niveaux psychoaffectif. Que l'insécurité affective qu'elle subissait entraînait d'importants retards du développement (difficultés psychomotrices, retard du langage oral et écrit suivi par un logopédiste, diminution de la concentration, repli, énurésie nocturne, besoin de la présence d'un adulte pour s'endormir et dort encore dans la même chambre que sa mère et avec son père lorsqu'elle est chez lui). Que l'OMP soulignait que le maintien d'un contexte conflictuel qui prenait des allures violentes représentait un risque majeur pour le développement de l'enfant qui était déjà fortement affecté. Qu'il préconisait un travail de coparentalité et une psychothérapie individuelle de la mineure en raison de troubles émotionnels de l'enfance avec des composantes dysharmoniques et traumatiques.

Que dans un rapport complémentaire du 23 décembre 2022 adressé au TPAE, le SEASP a fait état d'une brutale dégradation des relations entre les parents. Que les intervenants ayant participé à la première séance de coparentalité avaient constaté des tensions d'une telle intensité qu'ils avaient évoqué l'instauration d'une curatelle d'organisation et de surveillance des relations personnelles. Que le SEASP a par conséquent préavisé l'instauration d'une telle mesure qui lui semblait indispensable au vu des éléments nouveaux apparus et ordonné un bilan psychologique ainsi que, cas échéant, un suivi de la mineure. Que le rapport mentionnait deux incidents, l'un survenu le 20 novembre 2022, au cours duquel le père aurait bousculé la mère devant l'enfant qui, effrayée, n'aurait plus voulu dormir chez le premier, de sorte que celui-là avait requis l'intervention de la police le 23 novembre 2022 pour exercer son droit de visite, et le second survenu le 2 décembre 2022, consistant en une dispute ayant éclaté entre les parents à l'école de leur fille.

Que le TPAE ayant invité les parties à se déterminer sur ces éléments nouveaux dans un délai échéant au 27 février 2023, A______ n'a pas conclu à l'instauration d'une curatelle d'organisation et de surveillance des relations personnelles, mais à ce que l'enfant ne passe plus la nuit au domicile de son père et que ce dernier bénéficie d'une assistance éducative, à domicile, afin que E______ se lave, porte des sous-vêtements et respecte des règles (heure de coucher, devoirs, temps d'écran, …) lorsqu'elle se trouvait chez son père.

Que ce dernier s'est déclaré d'accord avec la désignation d'un curateur d'organisation et de surveillance du droit de visite, ainsi qu'avec le suivi psychologique de E______. Qu'il demandait également qu'il soit rappelé à la mère qu'elle ne devait pas perturber les relations entre lui et sa fille, qu'il voyait de moins en moins souvent.

Que le TPAE a rendu 15 mars 2023 une nouvelle décision instaurant une curatelle de surveillance et d'organisation des relations personnelles en faveur de E______ et ordonnant un suivi psychologique de cette dernière.

Que le 18 avril 2023, le SEASP a rendu un nouveau rapport à l'attention du TPAE l'informant de nouveaux élément préoccupants. Que le travail de coparentalité était interrompu en raison des tensions entre les parents. Que le dernier entretien, remontant au début du mois de mars, s'était très mal déroulé en raison de l'agressivité des interlocuteurs qui rendait de telles séances impossibles. Qu'en l'état, trois éducateurs intervenaient à domicile, dont l'activité n'était toutefois pas cohérente, faute de désignation du curateur d'organisation et de surveillance du droit de visite et en l'absence de curatelle d'assistance éducative. Que l'organisation des droits de visite se révélait compliquée. Que, selon la mère, l'enfant ne voudrait plus se rendre chez son père, lequel faisait régulièrement appel à la police. Que le SEASP a pu constater à domicile que B______ présentait des lacunes éducatives, n'avait pas conscience de leur impact sur sa fille et ne se remettait pas en cause, notamment s'agissant des propos tenus devant l'enfant, de la nécessité de poser un cadre (temps d'écran, devoirs, …) et d'avoir plus d'activités; que si l'intéressé admettait certains de ces constats, il estimait ne plus avoir besoin de l'intervention d'une éducatrice à domicile. Que le père a confirmé que E______ dormait dans son lit, mettant ce phénomène à la . Que les parents se disputaient sur diverses circonstances telles que : E______ se lavait-elle et portait-elle des sous-vêtements chez son père; ce dernier l'avait-il suffisamment surveillée lors d'une sortie à F______ [parc aquatique]. Que le dysfonctionnement des relations familiales s'aggravait tellement que le SEASP s'interrogeait sur l'opportunité d'une expertise du groupe familiale. Qu'en l'état il préavisait l'instauration sans délai de curatelles d'organisation et de surveillance des relations personnelles ainsi que d'assistance éducative.

Que le TPAE a ordonné à titre superprovisionnel, le 21 avril 2023, l'instauration de la curatelle d'assistance éducative.

Que par déterminations adressées au TPAE le 5 mai 2023, A______ a conclu à ce que le droit aux relations personnelles de B______ soit réduit à la journée, à l'exclusion des nuits, au motif que E______ manquait de cadre chez son père.

Que le père a conclu à la levée de la curatelle d'assistance éducative, estimant avoir pris les mesures nécessaires, en recourant à une action préventive en milieu familial (ci-après : APMF).

Que le TPAE a rendu le 15 mai 2023 une nouvelle décision, à titre superprovisionnel, rejetant les conclusions de A______ en limitation des relations personnelles et ne modifiant pas les décisions prises les 15 mars et 21 avril 2023, au motif que la situation n'était pas suffisamment critique pour supprimer des droits de B______, sans l'avoir préalablement entendu, nonobstant de vraisemblables difficultés éducatives du père, la curatelle d'assistance éducative représentant à ce stade un cadre suffisant.

Que parallèlement au déroulement de la procédure devant le TPAE, A______ a déposé une requête de divorce auprès du Tribunal de première instance de Genève, le 26 octobre 2022, en vue de conciliation. Qu'elle a, à cette occasion, conclu au maintien des droits parentaux et des relations personnelles tels que réglés par le jugement sur mesures protectrices de l'union conjugale.

Que compte tenu de la saisine du juge du divorce, le TPAE a transféré à ce dernier sa procédure en fixation des relations personnelles et en mesures de protection, pour raison de compétence, suite à sa décision superprovisionnelle du 15 mai 2023.

Que le TPAE, saisi d'une requête de mesures superprovisionnelles du SEASP en modification du droit aux relations personnelles de B______, a, par décision du 11 juillet 2023, réduit celles-ci à une visite hebdomadaire en modalités "1 pour 1" au Point Rencontre et enjoint les parents à reprendre le processus de coparentalité. Qu'il a pour le surplus renvoyé la décision sur mesures provisionnelles et sur le fond au juge du divorce pour raison de compétence.

Que suite à plusieurs audiences de conciliation tenues devant le juge du divorce, A______ a déposé une demande en divorce motivée le 1er juin 2023.

Qu'elle a conclu sur mesures provisionnelles à ce que les relations personnelles entre E______ et son père s'exercent le mercredi après-midi de 16h30 à 19h00, un week-end sur deux le vendredi soir de 16h00 à 19h00, le samedi de 10h00 à 19h00 et les dimanches de 10h00 à 19h00.

Que dans sa réponse 5 juillet 2023, B______ a conclu, sur mesures provisionnelles, à ce que le droit de visite tel que fixé sur mesures protectrices de l'union conjugale soit maintenu, que la curatelle d'assistance éducative soit révoquée et à ce qu'il soit fait interdiction à A______ d'interférer dans les relations personnelles en intervenant à la sortie de l'école lorsqu'il était censé aller chercher E______ ou en organisant des activités de l'enfant sur les droits de visite.

Que suite à la nouvelle décision superprovisionnelle prise par le TPAE le 11 juillet 2023, A______ a complété ses conclusions le 31 août 2023 en demandant la confirmation à titre provisionnel de cette décision.

Que B______ a, par détermination du même jour, persisté dans ses conclusions du 5 juillet 2023, concluant à la révocation des mesures superprovisionnelles ordonnées par le TPAE.

Que les parties ont déposé des répliques devant le Tribunal, lequel a tenu trois audiences sur mesures provisionnelles les 1er, 15 novembre et 20 décembre 2023 au cours desquelles les parties ont évoqué qu'un processus de médiation se mettait en place sous les auspices de G______ [centre de consultations familiales].

Que lors de l'audience du 15 novembre 2023, les parties ont fait état d'un accord entre elles tendant à l'élargissement des relations personnelles litigieuses en ce sens que le droit de visite continuait à être exercé au Point Rencontre jusqu'à la fin de l'année à raison de deux heures minimum si possible; que A______ s'engageait à amener E______ au Point Rencontre les 24 et 31 décembre 2023; que dès janvier 2024, les visites devaient avoir lieu au domicile de B______, une semaine sur deux, le vendredi de 16h00 à 20h00 et, l'autre semaine, le dimanche de 12h00 à 18h00, en présence d'un intervenant de la Fondation officielle de la jeunesse (ci-après la FOJ).

Que le Tribunal a tenu une ultime audience sur mesures provisionnelles le 20 décembre 2023 au cours de laquelle A______ a déclaré qu'une première séance de médiation s'était tenue et qu'une autre était prévue le 22 décembre 2023. Que l'élargissement du droit de visite à l'extérieur du Point Rencontre avait été évoqué avec le Service de protection des mineurs (ci-après SPMi) qui considérait que ces modalités étaient possibles.

Que le Tribunal a abordé la question de la désignation d'un curateur de représentation de E______ dans le cadre de la procédure de divorce, à laquelle A______ adhérait. Qu'en revanche, B______ s'y est opposé.

Que le Tribunal a gardé la cause à juger sur mesures provisionnelles à l'issue de l'audience du 20 décembre 2023.

Que les 22 novembre 2023 et 16 janvier 2024, le Point Rencontre a rendu des rapports des 17 visites organisées en ses murs entre juillet et décembre 2023, dont 16 se sont bien déroulées et une a été annulée par le SPMi.

Que par ordonnance provisionnelle OTPI/67/2024 du 19 janvier 2024, le Tribunal a, notamment, levé la mesure visant à ce que les relations personnelles entre E______ et son père soient exercées au Point Rencontre (chiffre 6 du dispositif), fixé le droit de visite entre E______ et son père, une semaine sur deux, le vendredi de 16h00 à 20h00 et, l'autre semaine, le dimanche de 12h00 à 18h00 (ch. 2), maintenu la curatelle d'organisation et de surveillance des relations personnelles, ainsi que la curatelle d'assistance éducative (ch. 3), dit que le droit de visite serait progressivement élargi pour aboutir à un week-end sur deux du vendredi soir au dimanche soir, une nuit dans la semaine ainsi que durant la moitié des vacances scolaires, charge pour le curateur d'évaluer cet élargissement en fonction de l'évolution de la situation (ch. 4), transmis l'ordonnance au TPAE pour la mise en place des mesures (ch. 5) et exhorté les parties à continuer leur travail de médiation auprès de G______ (ch. 6).

Qu'à l'appui de cette décision, le Tribunal a, en substance, retenu que le TPAE avait dû rendre plusieurs décisions lorsque la situation entre les parties s'était compliquée, suite au dépôt de la demande de divorce. Que les visites organisées dans le cadre du Point Rencontre s'étaient bien déroulées et que les parties avaient entrepris une démarche de médiation qui devait les conduire à mieux dialoguer et travailler sur leur coparentalité. Qu'elles avaient trouvé en audience un accord sur les modalités des relations personnelles. Que compte tenu de ces circonstances, le Tribunal pouvait lever la mesure visant à restreindre le droit de visite à un Point Rencontre, pour progressivement l'étendre aux modalités prévues sur mesures protectrices de l'union conjugale. Que les curatelles d'organisation et de surveillance du droit de visite ainsi que la curatelle d'assistance éducative étaient maintenues. Qu'en revanche, la présence d'un intervenant du SPMi pendant l'exercice du droit de visite par le père était disproportionnée et il n'existait aucun motif qui justifiait un tel appui auprès d'un père qui se montrait aimant et attaché à sa fille, semblant adopter un comportement adéquat avec elle.

Que par acte expédié à la Cour de justice (ci-après la Cour) le 5 février 2024, A______ a formé un appel contre cette ordonnance, concluant à ce que les chiffres 1, 2 et 4 de son dispositif soient annulés et, cela fait, à ce que la Cour, principalement, fixe le droit de visite entre E______ et son père à raison d'une semaine sur deux, le vendredi de 16h00 à 18h00 et, l'autre semaine, de 12h00 à 15h00, en présence d'un éducateur, dise que l'intervenant devait être un représentant du SPMi ou de H______ [centre de consultations familiales], maintienne le droit de visite actuel au Point Rencontre tant que les modalités du droit de visite susvisées n'auraient pas pu être mises en place, nomme un curateur de représentation en faveur de E______, dise que le droit de visite entre le père et sa fille serait progressivement élargi, à raison d'une semaine sur deux, le vendredi de 16h00 à 20h00 et, l'autre semaine, de 12h00 à 18h00, en présence d'un éducateur, selon les recommandations du SPMi et du curateur de représentation, confirme l'ordonnance entreprise pour le surplus. Que l'appelante a pris des conclusions subsidiaires visant à la fixation du droit de visite entre E______ et son père directement à raison d'une semaine sur deux, le vendredi de 16h00 à 20h00 et, l'autre semaine, de 12h00 à 18h00, en présence d'un éducateur.

Que l'appelante fait en substance grief au Tribunal d'avoir largement édulcoré l'état de fait, notamment s'agissant des capacités parentales de l'intimé, d'avoir une représentation excessivement positive de ce dernier et de n'avoir procédé à aucune analyse du bien de l'enfant en élargissant le droit de visite et en renonçant à la présence d'un tiers lors de l'exercice du droit de visite. Que l'intimé devait en effet être régulièrement recadré, ne savait pas dialoguer avec sa fille et n'était pas conscient du caractère inadmissible et délétère de ses attitudes effrayantes envers cette dernière.

Que dans ses observations du 16 février 2024, l'intimé a conclu au rejet de l'effet suspensif afin de pouvoir immédiatement bénéficier du droit de visite fixé par le premier juge. Qu'il contestait représenter un danger pour sa fille, ce que seule son épouse soutenait, le contraignant à exercer son droit de visite au Point Rencontre. Que cette mesure était stigmatisante et insatisfaisante. Que le Tribunal l'avait levée à raison. Que l'appelante n'avait d'ailleurs pas allégué de carences de l'intimé avant qu'il ne lui reproche de s'être rendue en Ukraine avec l'enfant. Que le refus de cette dernière de voir son père n'était qu'un prétexte créé par la mère, car tout se passait bien lorsque E______ se trouvait avec lui.

Que la Cour a avisé les parties par courrier du 19 février 2024 que la cause était gardée à juger sur effet suspensif.

Considérant, EN DROIT, que l'appel n'a pas d'effet suspensif lorsqu'il a pour objet des décisions portant sur des mesures provisionnelles (art. 315 al. 4 let. b CPC).

Que toutefois, l'exécution de mesures provisionnelles peut exceptionnellement être suspendue si la partie concernée risque de subir un préjudice difficilement réparable (art. 315 al. 5 CPC).

Que, saisie d'une demande d'effet suspensif, l'autorité de recours doit faire preuve de retenue et ne modifier la décision de première instance que dans des cas exceptionnels. Qu'elle dispose cependant d'un large pouvoir d'appréciation permettant de tenir compte des circonstances concrètes du cas d'espèce (ATF 138 III 565 consid. 4.3.1, 137 III 475 consid. 4.1; arrêts du Tribunal fédéral 5A_201/2023 du 28 avril 2023 consid. 3.3; 5A_853/2021 du 8 novembre 2021 consid. 5.1; 5A_792/2018 du 6 février 2019 consid. 3.2.2).

Que, selon les principes généraux applicables en matière d'effet suspensif, le juge procède à une pesée des intérêts en présence et se demande en particulier si sa décision est de nature à provoquer une situation irréversible. Qu'elle prend également en considération les chances de succès de l'appel (ATF 138 III 378 consid. 6.3 et les références citées; 137 III 475 consid. 4.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_1047/2017 du 3 mai 2018 consid. 3.3.2).

Qu'en matière de garde et d'exercice du droit aux relations personnelles, des changements trop fréquents peuvent être préjudiciables à l'intérêt de l'enfant; que par conséquent, lorsque la décision de mesures provisionnelles statue sur ces objets ou les modifie, le bien de l'enfant commande, dans la règle, de maintenir les choses en l'état, sauf si le maintien de la situation antérieure met en péril le bien de l'enfant ou encore si l'appel paraît sur ce point d'emblée irrecevable ou manifestement infondé (ATF
144 III 469consid. 4.2.1; 138 III 565 consid. 4.3.2; arrêts 5A_792/2018 du 6 février 2019 consid. 3.2.2; 5A_648/2014 du 3 octobre 2014 consid. 3.2.2; 5A_780/2012 du 8 novembre 2012 consid. 3.3.2).

Qu'en l'espèce, le Tribunal a avalisé partiellement un accord intervenu entre les parties et décidé de ne pas entériner la disposition de l'accord prévoyant présence d'un intervenant de la FOJ lors de l'exercice de ses droits de visite par l'intimé, à son domicile, retenant que ce dernier disposait des qualités requises pour prendre en charge seul sa fille.

Que l'appel vise essentiellement ce point de la décision entreprise.

Qu'il s'agit d'un point essentiel de l'accord des parties compte tenu des contestations importantes et encore largement irrésolues entre les parties sur les capacités de l'intimé à prendre en charge seul sa fille.

Que ne pas ordonner l'effet suspensif requis impliquerait le maintien d'une décision qui ne respectait pas l'accord des parties et présentait un certain risque pour le bien de l'enfant, alors que la solution proposée par les parties aurait permis de l'écarter, même si l'intimé n'était pas convaincu de sa nécessité.

Qu'ordonner l'effet suspensif requis implique de revenir au status quo ante, soit une solution réinstaurant un droit de visite extrêmement réduit et cadré de l'intimé dont les deux parties ont admis, dans leur accord, qu'il n'était plus nécessaire sous une forme aussi restrictive.

Que ces deux solutions impliquent un risque de préjudice difficilement réparable, pour l'une ou l'autre des parties eu égard aux positions qu'elles adoptent et aux arguments qu'elles développent.

Que la solution du litige dépend en grande partie de l'établissement de circonstances à propos desquelles l'instruction de la cause n'a pas encore apporté de réponse définitivement convaincante, les diverses appréciations des rapports produits à la procédure ne permettant pas de comprendre l'origine et les raisons exactes du dysfonctionnement de la relation parentale, ni de déterminer la réalité des reproches que s'adressent les parents, ainsi que leurs capacités respectives à prendre en charge leur fille, sans interférer de manière indue dans la prise en charge par l'autre.

Qu'il est à cet égard particulièrement troublant que, dans les procédures de mesures protectrices de l'union conjugale, les rapports d'évaluation sociale et le positionnement des parties n'aient fait état ni d'une relation parentale gravement dégradée, ni d'une incapacité de l'intimé à prendre en charge sa fille dans le cadre d'un droit de visite relativement large. Que si le voyage de l'appelante en Ukraine avec E______, puis le dépôt d'une demande en divorce par l'appelante ont certainement eu un impact sur la relation parentale, ils n'expliquent pas l'ampleur de sa dégradation, ni l'apparition soudaine de reproches sur l'incapacité de l'intimé à assumer la charge de sa fille. Qu'il est dès lors peu surprenant d'apprendre, dans le cadre d'un rapport de l'OMP, que la relation parentale aurait en réalité été exécrable depuis le plus jeune âge de E______ et que cette dernière aurait été durablement confrontée à une situation délétère avec une incidence importante sur son bienêtre et son apprentissage.

Que confrontée à de telles contradictions, la Cour ne peut que favoriser, au stade de l'effet suspensif, la solution qui préserve le mieux les intérêts de l'enfant en l'occurrence, soit celle qui prévalait avant l'ordonnance entreprise et instaurait une surveillance étroite de l'organisation et de l'exercice des relations personnelles.

Que l'encadrement étroit du droit de visite a permis d'éviter la perpétuation d'une dynamique familiale perturbante et de restaurer une certaine confiance entre les protagonistes, notamment entre la fille et le père, dont la relation avait été altérée par les procédures et les différentes circonstances alléguées, à bon ou mauvais escient, sur cet objet. Qu'il semble également avoir permis l'émergence d'un processus de médiation.

Que la modification de ce régime semble prématurée, faute de préparation suffisante du régime proposé par les parties permettant sa mise en œuvre rapide.

Que le régime antérieur à la décision attaquée apparaît donc être provisoirement le moins mauvais, même s'il implique une réduction drastique du temps de relations personnelles entre E______ et son père ainsi que l'exercice stigmatisant et inconfortable d'un droit de visite en milieu protégé, le temps que les mesures de surveillance plus légères acceptées par les parties, ou toutes autres mesures préférables, puissent être mises concrètement en place.

Que cette solution a de surcroît l'avantage de ne pas modifier la situation de l'enfant, permettant de lui épargner divers changements de régime tout au long de la procédure.

Que la suspension du caractère exécutoire des chiffres 1, 2 et 4 du dispositif de l'ordonnance OTPI/67/2024 du 19 janvier 2024 sera ordonnée.

Qu'il sera statué sur les frais liés à la présente décision dans l'arrêt rendu sur le fond (art. 104 al. 3 CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

Statuant sur requête de suspension du caractère exécutoire de l'ordonnance entreprise :

Admet la requête tendant à suspendre le caractère exécutoire des chiffres 1, 2 et 4 du dispositif de l'ordonnance OTPI/67/2024 du 19 janvier 2024.

Réserve la décision sur les frais à la décision sur le fond.

Siégeant :

Monsieur Jean REYMOND, président ad interim; Madame Camille LESTEVEN, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

La présente décision, incidente et de nature provisionnelle (ATF 137 III 475 consid. 1 et 2), est susceptible d'un recours en matière civile (art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005; ci-après LTF; RS 173.110), les griefs pouvant être invoqués étant toutefois limités (art. 93/98 LTF), respectivement d'un recours constitutionnel subsidiaire (art. 113 ss LTF). Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la décision attaquée (art. 100 al. 1 LTF). L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.