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Décisions | Chambre civile

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C/4037/2020

ACJC/1568/2023 du 16.11.2023 sur JTPI/9036/2022 ( OO ) , CONFIRME

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/4037/2020 ACJC/1568/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU JEUDI 16 NOVEMBRE 2023

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______, appelant d'un jugement rendu par la
9ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 3 août 2022, représenté par Me Patricia MICHELLOD, avocate, MSV Avocates, rue Nicole 3, case
postale 1075, 1260 Nyon 1,

et

B______ & CIE SA, sise ______, intimée, représentée par Me Marc OEDERLIN, avocat, NOMEA Avocats SA, avenue de la Roseraie 76A, 1205 Genève.

 


EN FAIT

A.           Par jugement JTPI/9036/2022 rendu le 3 août 2022 et notifié aux parties le 4 août 2022, le Tribunal de première instance (ci-après: le Tribunal), statuant par voie de procédure ordinaire, a rejeté la demande en paiement formée par A______ à l'encontre de B______ & CIE SA (chiffre 1 du dispositif), mis les frais à la charge de A______ (ch. 2), arrêté les frais judiciaires à 20'200 fr. compensés avec les avances fournies (ch. 3) et a condamné A______ à payer 22'855 fr. à B______ & CIE SA à titre de dépens (ch. 4).

B.            a. Par acte expédié au greffe de la Cour de justice le 12 septembre 2022, A______ a formé appel à l'encontre dudit jugement, concluant, sous suite de frais judiciaires et dépens, à son annulation et, cela fait, à la condamnation de B______ & CIE SA à lui verser la somme de 472'763 fr. avec intérêts à 5% dès le 1er août 2016. Subsidiairement, il a requis le renvoi de la cause au Tribunal pour nouvelle instruction et nouvelle décision dans le sens des considérants.

b. Aux termes de son mémoire de réponse déposé au greffe de la Cour de justice le 9 novembre 2022, B______ & CIE SA a conclu, sous suite de frais judiciaires et dépens, à la confirmation du jugement entrepris.

c. A______ a répliqué le 30 janvier 2023 et B______ & CIE SA a dupliqué le 6 mars 2023, chacun persistant dans ses conclusions respectives.

d. Par plis du greffe de la Cour du 30 mars 2023, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

C.           Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a. B______ & CIE SA est une société anonyme inscrite au registre du commerce du canton de Genève, dont le but social consiste en l'exploitation d'une banque. Jusqu'au ______ 2016, elle exerçait son activité sous la forme d'une société en commandite, sous la raison sociale B______ & CIE.

C______ a notamment été associé au sein de B______ & CIE. Il est membre de la direction de B______ & CIE SA.

b. A______ a ouvert un compte n° 1______ auprès de B______ & CIE le 3 avril 2009. Il a conféré une procuration à un tiers, D______, le 3 avril 2009, puis une procuration générale à compter du 12 mai 2009.

c. Courant 2010, A______, de concert avec E______, C______, ainsi que trois autres navigateurs, F______, G______ et H______, a eu l'idée de développer, sous la forme d'une société simple, un projet dénommé "I______", dont le but était le développement d'une nouvelle technologie permettant de ______ de grande taille.

Le coût de construction a été estimé dans un premier temps à 550'000 fr., puis revu à la hausse par la suite, soit à 650'000 fr. L'apport initial de A______ devait s'élever à 25'000 fr., les trois autres navigateurs du projet devant s'acquitter de montant équivalents, soit un montant total de 100'000 fr. Pour le développement de ce projet, E______ a quant à lui mis à disposition la société J______ Sàrl, dont il détenait seul le capital-actions et qui avait pour but la construction, le développement, la détention et le commerce de tous bateaux et autres moyens de navigation en Suisse et à l'étranger et dont il détenait l'intégralité du capital. L'ensemble des personnes impliquées se sont également entendues sur la répartition des parts entre elles.

d. Le 1er octobre 2010, A______ a signé un acte de nantissement et déclaration de cession, à teneur duquel il a concédé à B______ & CIE "un droit de gage sur tout avoir et valeur patrimoniale en garantie de toutes créances et prétentions actuelles et futures que la banque possède actuellement ou pourra[it] faire valoir à l'avenir à son encontre, son ayant droit ou J______ Sàrl".

L'art. 4 de cet acte est rédigé ainsi: "si la valeur de gage tombe en-dessous de la marge usuelle ou convenue, ou si, pour d'autres raisons, la banque estime que les sûretés fournies ne sont plus suffisantes pour couvrir les créances, le débiteur a l'obligation, sur simple demande de la banque, de réduire par remboursement le montant de la dette ou de fournir des sûretés complémentaires de manière à rétablir la marge dans le délai fixé. Si le délai n'est pas respecté, ou si, pour des raisons matérielles ou juridiques, la banque est dans l'impossibilité d'atteindre le débiteur, les créances de la banque deviendront immédiatement exigibles dans leur totalité. La banque aura le droit, mais non l'obligation, de réaliser immédiatement le gage de gré à gré ou de procéder, si elle le juge opportun, à la dénonciation ou à l'encaissement des créances nanties et d'en affecter le produit au remboursement de sa créance en capital, intérêts, commissions et frais. […] Le créancier déclare d'ores et déjà renoncer à toute contestation ou discussion en ce qui concerne la réalisation des gages. Lorsque la dette est exigible, la banque peut, même si la marge de couverture est intacte, mettre le débiteur en demeure de rembourser dans le délai qu'elle fixera par pli recommandé, envoyé à la dernière adresse qui lui aura été communiquée. S'il n'est pas donné suite à cette demande dans le délai fixé, la banque sera en droit de réaliser les gages de la manière indiquée ci-dessus. Lorsqu'il existe plusieurs créances gagées, la banque a le droit de déterminer quelle créance doit être amortie et quel gage doit être réalisé en premier lieu".

Selon l'art. 6 du même acte, "si les avoirs nantis en faveur de la banque garantissent la dette d'un tiers débiteur, la faillite de ce dernier ne privera pas la banque de sa faculté de réalisation des gages de gré à gré".

Les parties s'opposent quant à l'étendue de la garantie concédée par A______. Celui-ci soutient qu'elle couvrirait des prétentions à hauteur de 100'000 fr., tandis que B______ & CIE SA fait valoir qu'elle couvrirait toutes les dettes de J______ Sàrl envers elle.

e. Le 25 novembre 2010, B______ & CIE a octroyé un crédit en compte courant à J______ Sàrl, détentrice d'un compte bancaire n° 2______, dont la limite a été fixée à 200'000 fr.

Le contrat de crédit précise à son article III que l'emprunteur "signe un acte de nantissement au terme duquel il reconnaît mettre en gage les avoirs déposés auprès de la banque au profit de cette dernière" et que le crédit est garanti par le portefeuille n° 00.1______/0 de A______.

f. En date du 13 novembre 2013, une partie de la documentation contractuelle liant A______ et B______ & CIE a été révisée.

g.a A cette occasion, A______ a notamment signé un acte de nantissement et déclaration de cession par lequel il a concédé à B______ & CIE "un droit de gage sur tout avoir et valeur patrimoniale en garantie de toutes créances et prétentions actuelles et futures que la Banque possède actuellement ou pourra[it] faire valoir à l'avenir contre le Constituant ou son ayant droit en raison de ses relations d'affaires".

g.b Le même jour, A______ a signé un document intitulé "mandat de conseil en investissement", par lequel il a donné mandat à B______ & CIE de lui fournir à sa demande ou à l'initiative de la Banque, des conseils en investissements concernant les avoirs déposés sur son compte.

En vertu de l'art. 2 du contrat, B______ & CIE s'est engagée à fournir des recommandations portant sur différents types d'actifs ou sur des investissements spécifiques couverts par la Banque, des analyses financières et des études de placement, des informations et des recommandations sur des fonds de placement non réservés exclusivement aux investisseurs qualifiés et des informations et des recommandations sur des investissements alternatifs.

A______ a mis un terme à ce mandat le 5 septembre 2014.

g.c Toujours le 13 novembre 2013, A______ a conféré à D______, respectivement à D______/K______ SA, un pouvoir de gestion sur son compte bancaire.

A cet égard, le témoin C______ a déclaré que ce n'était pas la banque qui gérait le compte de A______, ce dernier ayant confié un mandat de gestion à un tiers. Il y avait cependant un responsable au sein de la banque pour la partie administrative du compte bancaire, soit d'abord L______ puis M______.

L______, entendu comme témoin, a déclaré qu'il avait été responsable du compte de A______ mais qu'il ne le gérait pas, un gérant externe, D______ étant en charge du compte. Il ne s'occupait pas de la gestion du compte mais uniquement de la relation clientèle.

h.   Le 19 juin 2015, B______ & CIE a octroyé un crédit de 450'000 fr. à J______ Sàrl. Selon le document "confirmation d'octroi du crédit", les comptes n° 2______ et n° 1______ constituaient des sûretés, soit le compte bancaire de J______ Sàrl, respectivement celui de A______. Il était précisé que les "conditions de crédit-cadre pour l'octroi de l'avance ferme/du crédit" faisaient partie intégrante de la confirmation.

Le témoin C______ a déclaré ne pas avoir participé à l'élaboration ou à la prise de décision relative aux contrats de crédit, dans la mesure où un comité de crédit s'occupait de ce type de contrat. Il arrivait que lui soient soumises des pièces à viser, mais ce n'était pas lui qui élaborait le projet.

N______, employé au département crédit de B______ & CIE SA, entendu comme témoin, a confirmé l'existence d'un nantissement croisé signé par A______, en raison duquel le compte de celui-ci faisait l'objet d'un contrôle par le département crédit, qui devait s'assurer que les fonds de A______ soient suffisants pour couvrir l'intégralité de ses engagements, soit aussi bien les siens que ceux de J______ Sàrl. En cas de nantissement croisé, il n'était pas usuel de demander au tiers garant de contresigner le contrat de crédit octroyé à la personne garantie. Tant que les garanties étaient supérieures aux engagements, le client avait le droit de mettre son compte au débit. La signature d'un document tel que celui du 19 juin 2015 intervenait à titre de confirmation de l'octroi du crédit qui s'était fait par débit du compte.

i. A tout le moins en janvier 2016, des ordres de paiement concernant le compte bancaire de A______ ont été bloqués par B______ & CIE afin de disposer de suffisamment de garantie pour couvrir les engagements de J______ Sàrl, comme cela ressort d'un courriel interne à B______ & CIE du 11 juin 2016.

Le témoin N______ a confirmé que des ordres permanents effectués depuis le compte de A______ avaient effectivement été bloqués afin de disposer de suffisamment de garantie.

j.                        Le 7 mars 2016, B______ & CIE a avisé J______ Sàrl de ce qu'elle avait décidé de dénoncer de manière anticipée le crédit octroyé de 450'000 fr. et la priait de bien vouloir procéder au remboursement du prêt avec intérêts d'ici au 20 mars 2016. A défaut, elle procéderait à la réalisation des sûretés et créditerait le produit en guise de couverture des engagements de J______ Sàrl.

k.   Dans un courriel du 28 mars 2016 adressé à ses partenaires du projet "I______", A______ a indiqué ce qui suit: "lorsque nous avons choisi de faire la ______, nous avions été mis au courant que nous avions déjà dépensé 650'000 fr. […] Nous étions tous impliqués dans ces choix de développement et donc surprenant que nous nous soyons pas plus préoccupés de l'état des dépenses, n'y de s'être plus préoccupés qu'à chaque grande modification, les coûts finaux étaient beaucoup plus importants qu'annoncé. Et ceci malgré que l'on s'offusquait du montant de ces factures…[…] Fort de ce constat, je pense que la moindre des choses est d'au moins faire face à la situation, d'assumer ses choix de vie et de payer l'ardoise que notre fonctionnement a généré. Le fait que la Sarl J______ soit dissolue [sic] ou mise en faillite ne change rien au fait qu'il reste encore +− 400'000 fr. à payer. Dans un premier temps c'est moi qui vais devoir les aligner du fait de ne pas avoir douté une minute de vos engagements et de votre confiance. Sans quoi, une ligne de crédit n'aurait pas été possible. Toute la correspondance sur le projet montre clairement l'implication de chacun et la connaissance des démarches et investissements décidés au fur et à mesure des modifications".

l. Le 30 mars 2016, le précédent conseil de A______ a requis de B______ & CIE que lui soient remis "l'ensemble des documents d'ouverture des comptes et des actes de nantissement/déclaration de cession", les documents du prêt liant B______ & CIE SA et J______ Sàrl, les conditions du contrat-cadre pour l'octroi de l'avance ferme/du crédit ainsi que l'extrait de compte de J______ Sàrl établissant le montant de la dette garantie à la date de la résiliation du prêt, ajoutant que dans la mesure où A______ s'était engagé à garantir les dettes de J______ Sàrl, il allait de soi que les documents du prêt sous garantie auraient dû lui être remis.

m. Le 1er avril 2016, A______ a requis de B______ & CIE d'être informé avant la réalisation des sûretés liées au prêt de J______ Sàrl, afin de pouvoir discuter des actions à vendre.

n.   Le 6 juillet 2016, un avis de surendettement a été formé concernant J______ Sàrl.

o.    Par courrier du même jour, B______ & CIE SA a formellement informé A______ qu'elle avait dénoncé le prêt accordé à J______ Sàrl et entendait procéder à la compensation des engagements de cette dernière par le débit de son compte n° 1______, conformément à l'acte de nantissement du 13 octobre 2010. La banque faisait valoir qu'aucun remboursement n'avait été effectué et que les administrateurs de J______ Sàrl avaient annoncé le surendettement de la société.

p.   A______ n'a donné aucune instruction s'agissant des titres qu'il souhaitait réaliser. Il ne s'est pas non plus opposé à la réalisation de son portefeuille.

q.   Le 7 juillet 2016, B______ & CIE SA a procédé à la réalisation de l'intégralité du portefeuille de A______.

r.    Le 13 juillet 2016, un virement de 446'438 fr. 25 a été effectué par B______ & CIE SA depuis le compte bancaire de A______ sur le compte bancaire de J______ Sàrl.

s.     Par courriel du 27 juillet 2016, A______ a indiqué à M______ qu'à la lecture des transactions réalisées par B______ & CIE SA pour couvrir le nantissement du compte J______ Sàrl, soit 446'438 fr. 25, il apparaissait que les actions O______ et P______ n'avaient pas besoin d'être vendues. Il a sollicité la réintégration de ces actions dans son portefeuille.

t.     Par courrier du 17 août 2016, agissant par l'intermédiaire de son précédent conseil, A______ a rappelé à B______ & CIE SA que l'établissement bancaire avait procédé à la vente de ses titres, de sorte que son compte présentait, après exécution des opérations, un solde de 582'204 fr. 53, soit un montant nettement supérieur à ce qui était nécessaire pour couvrir la dette garantie. Il a exigé en conséquence que B______ & CIE SA extourne les opérations de vente de 3368 titres P______ [nom] et des 360 titres O______ [nom].

B______ & CIE SA a extourné sans frais les opérations sur ces titres, sans reconnaissance de responsabilité quant aux reproches formulés en lien avec la vente des actions.

Le témoin M______ a confirmé que A______ ne s'était pas opposé à la réalisation de son portefeuille pour couvrir les engagements de J______ Sàrl. En l'absence d'instruction spécifique, la banque avait réalisé l'intégralité du portefeuille. Par la suite, la seule contestation de A______ avait porté sur la vente des titres P______ et O______.

u.   La faillite de J______ Sàrl a été prononcée le ______ 2016.

v.    Le 16 mai 2017, A______ a clôturé son compte bancaire auprès de B______ & CIE SA au motif qu'il souhaitait regrouper ses avoirs dans un même établissement.

D.           a. Par acte déposé en vue de conciliation le 26 février 2020 et introduit au fond le 21 décembre 2020, A______ a formé une demande à l'encontre de B______ & CIE SA tendant à la condamnation de celle-ci à lui verser la somme de 472'763 fr., avec intérêts à 5% dès le 1er août 2016, sous suite de frais et dépens.

b. B______ & CIE SA a conclu, avec suite de frais et dépens, au déboutement de A______ de ses conclusions en paiement.

c. Les parties ont déposé le 28 avril 2022 leurs plaidoiries finales écrites à teneur desquelles elles ont persisté dans leurs conclusions.

d. Les parties se sont encore déterminées le 13 mai 2022 pour A______ et le 18 mai 2022 pour B______ & CIE SA.

e. Le Tribunal a gardé la cause à juger à l'issue d'un délai de 15 jours suivant la réception des dernières déterminations spontanées des parties.

E.            Dans le jugement entrepris, le Tribunal a retenu que les actes reprochés par A______ à B______ & CIE SA ne concernaient pas des opérations de gestion de fortune ou de placements. Par conséquent, le devoir de diligence et d'information à la charge de B______ & CIE SA ne découlait ni du contrat de conseil en placement qui avait lié les parties du 13 novembre 2013 au 5 septembre 2014, ni de leur contrat de simple compte/dépôt bancaire. Le devoir de diligence et d'information à charge de B______ & CIE SA devait s'apprécier à l'aune du contrat de nantissement.

Il n'était pas nécessaire de renouveler l'acte de nantissement signé par A______ le 13 octobre 2010, celui-ci n'étant pas limité dans le temps. L'acte était ainsi valable au moment de l'octroi du crédit de 450'000 fr. en faveur de J______ Sàrl le 19 juin 2015.

J______ Sàrl avait été surendettée en 2013 et en 2016. Selon une vraisemblance confinant à la certitude, le surendettement existait également en 2014 et 2015. Cela étant, déterminer si B______ & CIE SA savait que J______ Sàrl était en état de surendettement à l'époque de la conclusion du crédit pouvait rester indécis. En effet, le contrat de nantissement n'imposait pas au créancier gagiste de veiller aux intérêts du contractant de sorte que B______ & CIE SA n'avait pas d'obligation envers A______ de s'enquérir de la solvabilité de J______ Sàrl avant de conclure avec cette dernière le contrat de crédit du 19 juin 2015. B______ & CIE SA n'avait pas davantage le devoir envers A______ de ne pas accorder ledit crédit si elle avait connu le surendettement de J______ Sàrl. Aucun manquement fautif n'était ainsi imputable à B______ & CIE SA.


 

EN DROIT

1.             1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales de première instance, dans les causes dont la valeur litigieuse, au dernier état des conclusions devant l'instance inférieure, est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 1 let. a et al. 2 CPC).

La valeur litigieuse étant, en l'espèce, supérieure à 10'000 fr., l'appel interjeté par l'appelant, motivé et formé dans un délai de trente jours à compter de la notification de la décision, est recevable (art. 130, 131 et 311 al. 1 CPC).

Le mémoire de réponse est également recevable pour avoir été déposé dans le délai et la forme prescrits par la loi (art. 312 CPC). Il en va de même des écritures subséquentes des parties.

1.2 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC). En particulier, elle contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC). Conformément à l'art. 311 al. 1 CPC, elle le fait cependant uniquement sur les points du jugement que l'appelant estime entachés d'erreurs et qui ont fait l'objet d'une motivation suffisante – et, partant, recevable – pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) ou pour constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). Hormis les cas de vices manifestes, elle doit en principe se limiter à statuer sur les critiques formulées dans la motivation écrite contre la décision de première instance (ATF 142 III 413, consid. 2.2.4; arrêt du Tribunal fédéral 5A_111/2016 du 6 septembre 2016, consid. 5.3). Elle applique en outre la maxime des débats et le principe de disposition (art. 55 al. 1 et 58 al. 1 CPC). La procédure ordinaire s'applique.

2.             L'appelant se plaint d'une constatation inexacte des faits, reprochant au premier juge d'avoir omis certains éléments essentiels pour la résolution du litige.

L'état de fait retenu par le Tribunal a, en tant que de besoin, été complété sur la base des pièces de la procédure, respectivement et dans une moindre mesure des auditions des témoins, de sorte que le grief de l'appelant en lien avec la constatation inexacte des faits ne sera pas traité plus avant.

En tout état, il n'a pas été tenu compte des nombreux faits dont se prévaut l'appelant – sauf à permettre une meilleure compréhension du litige l'opposant à l'intimée – en lien avec les relations existant entre l'intimée et J______ Sàrl, respectivement les faits résultant des relations entre l'appelant et ses (anciens) partenaires, lesquels relèvent davantage des rapports internes entre ces derniers et ne sont pas pertinents dans le cadre du présent litige.

3.             L'appelant invoque une violation de son droit d'être entendu, en relation avec la motivation de la décision attaquée. Il reproche au premier juge de n'avoir pas exposé les motifs l'ayant conduit à écarter certains de ses arguments.

3.1 La jurisprudence a déduit du droit d'être entendu de l'art. 29 al. 2 Cst. l'obligation pour l'autorité de motiver sa décision, afin que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaque en connaissance de cause (ATF 143 III 65 consid. 5.2; 142 I 135 consid. 2.1). Pour satisfaire à cette exigence, il suffit que l'autorité mentionne au moins brièvement les motifs qui l'ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision. Elle n'a pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais peut au contraire se limiter à ceux qui, sans arbitraire, peuvent être tenus pour pertinents (ATF 142 II 154 consid. 4.2 et les références). Dès lors que l'on peut discerner les motifs qui ont guidé la décision de l'autorité, le droit à une décision motivée est respecté même si la motivation présentée est erronée. La motivation peut d'ailleurs être implicite et résulter des différents considérants de la décision (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1 et les références; arrêt 5A_69/2022 du 17 mai 2023 consid. 3.1).

3.2 En l'espèce, le fait que le premier juge aurait omis de prendre en compte des faits pertinents pour l'issue du litige ne relève pas de la violation du droit d'être entendu mais de la constatation inexacte des faits, grief qui a déjà été traité (cf. consid. 2).

En outre, on comprend des motifs de la décision entreprise, tels qu'exposés sous consid. E. ci-dessus, que le Tribunal a considéré que les actes reprochés par l'appelant à l'intimée ne concernaient ni des opérations de gestion de fortune ni des opérations de placement, de sorte que le devoir de diligence et d'information à charge de l'intimée devait exclusivement s'apprécier à l'aune du contrat de nantissement conclu avec l'appelant, dans la mesure où ce contrat, dont la durée n'était pas limitée dans le temps, était pleinement valable au moment de l'octroi du crédit. Le premier juge a retenu que dans la mesure où ce contrat n'imposait pas à l'intimée de veiller aux intérêts de l'appelant, aucun manquement fautif ne lui était imputable.

Cette motivation, certes succincte, est compréhensible et suffisante pour permettre à l'appelant de la critiquer devant la Cour, qui dispose d'un plein pouvoir d'examen.

Infondé, le grief de violation du droit d'être entendu doit être rejeté.

4.             L'appelant fait grief au Tribunal de ne pas avoir retenu que l'intimée aurait violé ses obligations de fidélité, de diligence, de mise en garde et d'information à son égard.

Selon lui, le Tribunal a considéré de manière erronée que les devoirs de l'intimée devaient être analysés à l'aune du contrat de nantissement uniquement, et non pas de l'ensemble des relations contractuelles la liant à l'appelant. Ainsi, les obligations de l'intimée à son égard devaient être déterminées à l'aune de l'ensemble de leurs relations contractuelles et notamment de l'acte de nantissement conclu selon lui dans le cadre d'un crédit Lombard. Compte tenu du rapport de confiance existant entre l'appelant et l'intimée, cette dernière avait violé le devoir de mise en garde qui lui incombait en dissimulant à l'appelant les risques encourus et la portée de ses engagements lors de la conclusion de l'acte de nantissement. L'intimée avait également violé son devoir d'information et son obligation de fidélité découlant du mandat de conseil octroyé par l'appelant en accordant à J______ Sàrl un prêt alors même que celle-ci se trouvait en état de surendettement. Il a pour le surplus fait état d'un conflit d'intérêt concernant la personne de C______.

4.1

4.1.1 En matière d'opérations boursières, s'agissant des devoirs contractuels de diligence et de fidélité de la banque envers son client, la jurisprudence distingue trois types de relations contractuelles: (1) le contrat de gestion de fortune, (2) le contrat de conseil en placement et (3) la relation de simple compte/dépôt bancaire ("execution only") (ATF 133 III 97 consid. 7.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_54/2017 du 29 janvier 2018 consid. 5.1.1).

De la qualification du contrat passé entre la banque et le client dépendent l'objet exact et l'étendue des devoirs contractuels d'information, de conseil et d'avertissement de la banque (arrêts du Tribunal fédéral 4A_593/2015 précité consid. 7; 4A_336/2014 du 18 décembre 2014 consid. 4.2; 4A_364/2013 du 5 mars 2014 consid. 6.2; 4A_525/2011 du 3 février 2012 consid. 3.1-3.2, in AJP 2012 p. 1317 ss; 4A_90/2011 du 22 juin 2011 consid. 2.2.1). Ces devoirs contractuels découlent des obligations de diligence et de fidélité ancrées dans les règles du mandat (art. 398 al. 2 CO), dans le principe de la confiance (art. 2 CC) ou encore à l'art. 11 LBVM, lequel, bien qu'aujourd'hui abrogé (RO 2018 5270) était applicable au moment des faits litigieux (arrêts du Tribunal fédéral 4A_412/2021 du 21 avril 2022 consid. 9.2; 4A_54/2017 du 29 janvier 2018 consid. 5.1.1).

Dans le contrat de conseil en placements, le client sollicite des informations et conseils de la part de la banque, mais il décide toujours lui-même des opérations à effectuer; la banque ne peut en entreprendre que sur instructions ou avec l'accord de son client (arrêts du Tribunal fédéral 4A_54/2017 du 29 janvier 2018 consid. 5.1.3; 4A_90/2011 du 22 juin 2011 consid. 2.2.1; 4A_262/2008 du 23 septembre 2008 consid. 2.1).

Dans le contrat de simple compte/dépôt bancaire ("execution only") en revanche, la banque s'engage uniquement à exécuter les instructions ponctuelles d'investissement du client, sans être tenue de veiller à la sauvegarde générale des intérêts de celui-ci (arrêts du Tribunal fédéral 4A_54/2017 du 29 janvier 2018, consid. 5.1.4; 4C_385/2006 du 2 avril 2007 consid. 2.1; 4A_369/2015 du 25 avril 2016 consid. 2). Partant, la banque n'a pas à vérifier le caractère approprié d'une opération demandée par le client, ni l'adéquation de celle-ci par rapport à l'ensemble de son portefeuille. La banque n'a pas non plus un devoir de conseiller spontanément le client sur les développements probables des investissements choisis et sur les mesures à prendre pour limiter ses risques (De Senarclens/ Harrison, Le crédit Lombard et l'effet levier, in SJ 2021 II 47 ss et les références). Exceptionnellement, il y a lieu d'admettre que la banque a un devoir de mise en garde lorsqu'elle se rend compte ou devait se rendre compte, en faisant preuve de l'attention commandée par les circonstances, que le client n'a pas identifié le risque lié au placement qu'il envisage. Il existe également un devoir d'information lorsque, dans le cadre d'une relation d'affaires durable entre le client et la banque, un rapport particulier de confiance s'est développé, en vertu duquel le premier peut, sur la base des règles de la bonne foi, attendre des avertissements de la seconde, même si le client ne les a pas demandés (De Senarclens/ Harrison, op. cit, et les références, notamment arrêt du Tribunal fédéral 4A_54/2017 du 29 janvier 2018 consid. 5.1.4).

4.1.2 Par la conclusion d'un contrat de nantissement, le constituant s'oblige à créer un droit de gage sur une chose mobilière en garantie d'une dette, alors que le créancier assume l'obligation de restituer l'objet grevé une fois le droit de gage éteint (art. 889 CC; arrêt du Tribunal fédéral 5A_924/2013 du 20 mai 2014 consid. 4.2.1).

Aux termes de l'art. 891 CC, le créancier qui n'est pas désintéressé a le droit de se payer sur le prix provenant de la réalisation du gage (al. 1). Le nantissement garantit au créancier le capital, les intérêts conventionnels, les frais de poursuites et les intérêts moratoires (al. 2). En principe, le créancier introduira une procédure d'exécution forcée pour réaliser le gage. Néanmoins, les parties peuvent convenir, dans le contrat de nantissement ou par la suite, que le créancier est autorisé à vendre l'objet grevé. Le créancier doit alors, avant de procéder à cette réalisation privée, donner au constituant un avis correspondant, conformément aux règles de la bonne foi. Le créancier a aussi un devoir de diligence et répond du dommage causé au constituant lors de l'exécution de la vente. Ce devoir résulte du contrat de nantissement, dans lequel la réalisation privée est prévue. Une fois la chose réalisée, le créancier doit fournir un décompte au constituant et lui restituer ce qui excède le montant nécessaire à le désintéresser. Le créancier qui viole son devoir de diligence lors de la réalisation privée de la chose nantie engage sa responsabilité contractuelle. Il en va de même lorsqu'il conclut avec diligence la vente, mais viole son obligation de restituer l'excédent au constituant, une fois qu'il s'est désintéressé sur le prix provenant de la réalisation (arrêt du Tribunal fédéral 5A_924/2013 précité consid. 4.2.1.1).

L'art. 890 CC institue une responsabilité du créancier, qui doit réparer le dommage qu'il a causé au constituant par la dépréciation, la perte (al. 1) ou l'acte d'aliénation non autorisé (al. 2). La vente privée réalisée avant l'échéance de la dette, sans le consentement du constituant, ou celle effectuée sans préavis adressé à celui-ci, entre dans le champ d'application de l'art. 890 al. 2 CC. La responsabilité fondée sur l'art. 890 CC est de nature contractuelle (arrêt du Tribunal fédéral 5A_924/2013 précité consid. 4.2.1.2).

4.1.3 Conformément aux règles générales de la responsabilité contractuelle et à l'art. 8 CC, il incombe au client d'apporter la preuve de la conclusion d'un contrat et de sa mauvaise exécution par le mandataire. Il lui incombe de même de prouver la relation de causalité entre la mauvaise exécution du contrat et le préjudice subi. Lorsque l'inexécution contractuelle consiste dans une omission de renseigner, le client doit établir avec une vraisemblance prépondérante qu'il aurait pris, s'il avait été informé, une décision qui lui aurait permis d'éviter le dommage (ATF
124 III 155 consid. 3d; arrêts du Tribunal fédéral 4A_593/2015 du 13 décembre 2016 consid. 8.1).

4.2

4.2.1 En l'espèce, l'appelant persiste à soutenir en appel que les obligations de l'intimée à son encontre devraient s'examiner à l'aune de l'ensemble de leurs relations contractuelles – respectivement en tenant compte de celles liant l'intimée à J______ Sàrl – et non seulement de l'acte de nantissement conclu.

L'appelant échoue cependant à démontrer en quoi le raisonnement du premier juge serait erroné. Il se contente en effet pour l'essentiel de reprendre sa motivation déjà présentée en première instance et de la substituer au raisonnement du Tribunal, sans démontrer en quoi la décision attaquée serait entachée d'erreurs. A cet égard, le seul fait pour l'appelant d'affirmer en appel qu'il aurait dûment établi qu'un certain nombre d'obligations incombaient à l'intimée ne suffit pas à prouver que tel était effectivement le cas.

En tout état, l'appelant ne peut pas être suivi lorsqu'il soutient que les parties étaient liées tant par un mandat de conseil que par un acte de nantissement dans le cadre d'un crédit lombard. Les conditions d'une telle institution n'étant manifestement pas réunies, nul n'est besoin de s'y attarder. Il en va de même s'agissant des obligations de l'intimée qui résulteraient d'un rapport de confiance les liant, l'appelant et elle, dans la mesure où l'appelant se prévaut en réalité d'une relation de confiance qui existerait entre C______ et lui-même en raison du fait que ce dernier était personnellement impliqué dans le projet "I______" et qu'ils auraient été mis en relation par un proche. Non seulement l'appelant se méprend sur ce que la jurisprudence qualifie de "relation de confiance", puisqu'il est question d'un rapport de confiance particulier résultant d'une relation d'affaires durable entre le client et la banque – susceptible de fonder une obligation de mise en garde dans le cadre d'un contrat de simple compte/dépôt bancaire –, mais il échoue également à démontrer qu'une telle relation existerait entre l'intimée et lui-même. C'est par ailleurs également à tort que l'appelant déduit de la révision d'une partie de la documentation contractuelle le liant à l'intimée en novembre 2013, ainsi que du mandat de conseil en investissement brièvement concédé à l'intimée, une obligation à charge de cette dernière de l'informer de la persistance de l'acte de nantissement précédemment conclu et de la portée de celui-ci, étant encore relevé qu'il est établi que l'appelant avait, à cette même période, confié la gestion de son compte bancaire à un tiers externe. Les actes que l'appelant reproche à l'intimée ne concernent ainsi ni des opérations de gestion de fortune, ni des opérations de placement, de sorte que l'éventuel devoir de diligence ou d'information ne peut découler du contrat de conseil en placement ayant lié les parties entre novembre 2013 et septembre 2014, ni du contrat de simple compte/dépôt bancaire. Les obligations de l'intimée doivent en conséquence, comme le premier juge l'a retenu à juste titre, être examinées à l'aune du seul contrat de nantissement.

L'appelant se prévaut enfin de nombreuses circonstances relevant des rapports internes entre les différents partenaires du projet, ou encore du "conflit d'intérêts" dans lequel se serait trouvé C______ au regard de son implication dans ce projet et de ses fonctions au sein de la banque intimée. Ces éléments ne sont toutefois d'aucune pertinence pour statuer sur les obligations contractuelles de l'intimée à l'égard de l'appelant, de sorte que le Tribunal n'avait pas à les prendre en considération.

C'est en conséquence à juste titre que le Tribunal a examiné les obligations contractuelles de l'intimée à l'aune du seul contrat de nantissement liant les parties, les circonstances dont se prévaut l'appelant n'étant pas de nature à fonder d'autres devoirs de la banque à son égard.

4.2.2 S'agissant des obligations incombant à l'intimée du fait du contrat de nantissement conclu avec l'appelant, il ressort du dossier qu'elle a dénoncé le crédit octroyé à J______ Sàrl et lui a imparti un délai au 20 mars 2016 pour procéder au remboursement du prêt avec intérêt, à défaut de quoi elle procéderait à la réalisation des sûretés et créditerait le produit en couverture des engagements de J______ Sàrl. En l'absence de remboursement dans le délai imparti pour ce faire, l'intimée a dûment informé l'appelant qu'elle entendait procéder à la compensation des engagements non respectés par le débit de son compte, ce à quoi elle a procédé dans un second temps, après l'avoir invité à se déterminer sur les titres à réaliser, ce qu'il n'a pas fait. Nul besoin de s'interroger sur une éventuelle responsabilité de l'intimée s'agissant de la réalisation du portefeuille de l'appelant dans une mesure plus importante que celle nécessaire à la couverture de la créance, l'appelant n'ayant formulé aucun grief à cet égard et cette question ayant été résolue entre les parties avant même l'introduction de la présente procédure. Enfin, la question de savoir si J______ Sàrl était surendettée au moment où l'intimée lui a octroyé un crédit, respectivement lors de l'augmentation de la ligne de crédit afin de formaliser le débit sur le compte, peut demeurer indécise dans la mesure où cela est sans incidence sur l'issue du litige et ne fonde aucune obligation de l'intimée à l'égard de l'appelant.

Dès lors, l'intimée a satisfait aux obligations qui lui incombaient, lesquelles résultaient de l'acte de nantissement conclu avec l'appelant (ce dernier n'alléguant, ni ne démontrant le contraire au demeurant). Aucune violation de ses obligations ne pouvant être retenue à l'égard de l'intimée, sa responsabilité n'est pas engagée à ce titre.

4.2.3 Par conséquent, les griefs de l'appelant s'agissant des prétendues violations par l'intimée de ses obligations à son égard, insuffisamment motivés (art. 311 CPC) et infondés, seront rejetés, dans la mesure de leur recevabilité.

5.             Dans un ultime grief, l'appelant soutient que l'acte de nantissement du 13 octobre 2010 constituerait un engagement excessif; il fait valoir une violation de l'art. 27 al. 2 CC.

Selon lui, le cercle des créances garanties par l'acte de nantissement était illimité, en tant qu'il garantissait notamment toutes les créances actuelles ou futures issues de la relation entre l'intimée et J______ Sàrl et qu'il n'était pas limité dans le temps, ce qui constituait un engagement excessif. Il fait également valoir qu'il aurait démontré qu'il pensait s'engager à hauteur d'un montant maximal de 100'000 fr. au moment de la signature de l'acte et qu'il ne se serait jamais engagé pour un montant correspondant à la créance invoquée par l'intimée.

5.1

5.1.1 Le contenu du contrat constitutif de gage n'est pas réglementé spécialement par les art. 884 ss CC; il s'agit d'un contrat innomé. Les règles de la partie générale du code des obligations lui sont applicables (art. 7 CC). Les conditions matérielles de ce contrat, sur lesquelles l'accord des parties doit porter, sont l'obligation du constituant de constituer le droit de gage mobilier, la désignation de l'objet grevé et la désignation de la créance garantie. Le constituant doit s'obliger à constituer le droit de gage; autrement dit, le contrat doit contenir l'engagement de conclure l'acte de disposition et en plus, pour les choses mobilières et les créances incorporées dans un titre, l'acte matériel. Seules des choses mobilières ou des créances ou des droits peuvent être grevés de droit de gage, conformément au principe de spécialité (ATF 142 III 746 consid. 2.2). Le nantissement peut garantir une dette du constituant ou la dette d'un tiers (Steinauer, Les droits réels, tome III, 2021, no. 4947, p. 494).

5.1.2 En ce qui concerne la désignation de la créance garantie, le droit de gage mobilier peut être constitué pour garantir une créance quelconque, actuelle (exigible ou non), future, conditionnelle ou simplement éventuelle. Cette créance peut être de nature contractuelle, mais aussi une créance en dommages-intérêts de la banque contre le client en relation avec le contrat passé avec lui ou une créance pour enrichissement illégitime en raison de l'annulation, de la nullité ou de la révocation du contrat lorsque les parties en sont expressément convenues ou que cela doit être admis selon leur volonté hypothétique. Le principe de spécialité ne s'applique pas strictement: la créance garantie ne doit être déterminée ni qualitativement ni quantitativement (contrairement à l'hypothèque qui exige l'indication d'une somme maximale, cf. art. 794 al. 1 CC). Il suffit que les créances garanties par le contrat de gage mobilier – rapport de sûreté – soient déterminées ou suffisamment déterminables au moment de la conclusion du contrat de gage, ce qu'elles sont lorsqu'elles sont connexes aux relations d'affaires entre créancier et débiteur, qui constitue le rapport de base. Il résulte en outre du principe de l'accessoriété que le droit de gage mobilier ne peut pas exister indépendamment de la créance garantie. L'existence du droit de gage dépend donc de l'existence d'une créance garantie valable (ATF 142 III 746 consid. 2.2.1).

En ce qui concerne les créances futures éventuelles, en particulier des banques à l'égard de leurs clients, elles sont suffisamment déterminables au moment de la conclusion du contrat constitutif de gage lorsque les parties devaient raisonnablement compter avec leur survenance. Autrement dit, il est nécessaire que ces créances découlent clairement des rapports d'affaires entre la banque et le client – connexité avec le rapport de base – et que les parties aient pu ou dû raisonnablement penser, lors de la conclusion du contrat constitutif de gage, qu'elles pourraient prendre naissance. Il importe, en effet, que le constituant du gage ait accepté de garantir de telles créances, ce qui présuppose qu'au moment de conclure le contrat constitutif de gage, lesdites créances aient été prévisibles. Il peut donc s'avérer nécessaire de devoir interpréter la volonté des parties (ATF 142 III 746 consid. 2.2.2).

5.1.3 Lorsque le contrat constitutif de gage prévoit que le droit de gage garantit l'ensemble des créances actuelles et futures de la banque contre son client, la licéité de l'accord peut se poser au regard des art. 27 al. 2 CC et 19 al. 2 CO. L'exigence de la déterminabilité suffisante de la créance garantie, en particulier des créances futures, sert à l'individualisation de la créance garantie; en revanche, la protection des droits de la personnalité assurée par les art. 27 al. 2 CC et 19 al. 2 CO entend protéger celui qui s'oblige contre des engagements excessifs. L'engagement de garantir toutes les créances futures qu'une personne pourrait avoir envers une autre, sans que celles-ci soient définies par une limite dans le temps, par le genre d'affaires dont elles résultent ou par la manière dont le créancier les a acquises, est nul en vertu de ces dispositions (ATF 142 III 756 consid. 2.3).

D'une façon générale, l'accord des volontés sur la créance garantie est une condition absolument nécessaire à la constitution du droit de gage et il faut considérer que le nantissement n'est admissible sous l'angle de l'art. 27 al. 2 que s'il garantit des créances auxquelles le constituant pouvait raisonnablement penser lors de la constitution du droit; il faut donc que celles-ci soient désignées de façon suffisamment précise. A cet égard, est par exemple licite une clause prévoyant que la garantie s'étend à toutes les créances résultant des relations d'affaires entre une banque et l'un de ses clients (prêts, comptes courants, garanties données à des tiers par la banque sur demande du client, prétentions en dommages-intérêts de la banque contre le client en relation avec l'un de ses contrats, etc.); en revanche, l'extension de la garantie à des créances en dommages-intérêts ayant leur origine hors de ces relations d'affaires ou à des créances acquises de tiers, sans intervention quelconque du débiteur, n'est pas couverte par le nantissement. Les contrats de nantissement qui ne sont pas conformes à l'art. 27 al. 2 sont frappés de nullité partielle et la couverture offerte par le droit de gage doit être ramenée par le tribunal à ce qui est admissible selon cette disposition, pour autant que la nullité totale ne soit pas requise pour assurer une protection effective du constituant (Steinauer, op. cit., no. 4953 pp. 496-497 et les références). L'on ajoute souvent que seules sont susceptibles d'être garanties les créances auxquelles les parties pouvaient raisonnablement penser lors de la conclusion du contrat de gage; il semble cependant que l'on puisse admettre que cette "prévisibilité" des créances garanties est donnée dès que celles-ci résultent des relations d'affaires entre le débiteur et le créancier gagiste. Se montrer plus exigeant reviendrait à attendre du créancier qu'il démontre que le débiteur pouvait envisager que la créance à garantir aujourd'hui prenne un jour naissance, ce qui constituerait un facteur d'insécurité non négligeable (Foëx, Commentaire Romand CC-II, 2016, n. 44 ad art. 884 CC).

5.1.4 Dans un arrêt 4A_540/2015 du 1er avril 2016, le Tribunal fédéral a admis qu'un établissement bancaire pouvait invoquer son droit de gage contractuel pour retenir les avoirs du client en garantie de ses prétentions éventuelles résultant des actions des liquidateurs du fonds en question. Le contrat de gage signé par le client garantissait toutes les créances actuelles ou futures de la banque envers le constituant. Une délimitation aussi vaste étant excessive au regard de l'art. 27 al. 2 CC, elle devait être restreinte aux créances résultant des relations d'affaires en cours ou envisageables entre la banque et le client. Or, selon le Tribunal fédéral, la créance dont se prévalait la banque étant étroitement liée à une opération d'investissement s'inscrivant dans des relations d'affaires prévisibles, de sorte qu'il convenait d'admettre qu'une telle créance était couverte par le droit de gage (consid. 2.2.3).

Dans un second arrêt, publié aux ATF 142 III 746, le Tribunal fédéral a considéré – sans se référer à sa précédente jurisprudence – qu'une créance future ou éventuelle n'était suffisamment déterminable que si, cumulativement, elle était connexe à la relation d'affaires existant entre les parties et elle était prévisible au moment de la conclusion du contrat constitutif de gage. Alors que jusqu'ici le Tribunal fédéral admettait qu'une créance était suffisamment déterminable et prévisible lorsqu'elle résultait des relations d'affaires entre les parties, cet arrêt a ajouté une condition de prévisibilité subjective.

5.1.5 En présence d'un litige sur l'interprétation de clauses contractuelles, le juge doit rechercher, dans un premier temps, la réelle et commune intention des parties (interprétation subjective), le cas échéant, empiriquement sur la base d'indices, sans s'arrêter aux expressions ou dénominations inexactes dont elles ont pu se servir, soit par erreur, soit pour déguiser la nature véritable de la convention (art. 18 al. 1 CO). Constituent des indices en ce sens non seulement la teneur des déclarations de volonté – écrites ou orales –, mais aussi le contexte général, soit toutes les circonstances permettant de découvrir la volonté des parties, qu'il s'agisse de déclarations antérieures à la conclusion du contrat, des projets de contrat, de la correspondance échangée ou encore de l'attitude des parties après la conclusion du contrat, établissant qu'elles étaient à l'époque les conceptions des contractants eux-mêmes (ATF 144 III 93 consid. 5.2.2; 140 III 86 consid. 4.1; 125 III 263 consid. 4c; 118 II 365 consid. 1).

5.1.6 Selon l'art. 8 CC, chaque partie doit, si la loi ne prescrit pas le contraire, prouver les faits qu'elle allègue pour en déduire son droit.

5.2

5.2.1 En l'espèce, l'acte de nantissement conclu par les parties le 13 octobre 2010 précise que sont garanties "toutes créances et prétentions actuelles et futures que la banque possède actuellement ou pourra faire valoir à l'avenir à son encontre, son ayant droit ou J______ Sàrl". Il faut admettre avec l'appelant qu'une délimitation aussi vaste est excessive au regard de l'art. 27 al. 2 CC et ne satisfait pas aux exigences requises, la créance garantie n'étant pas suffisamment déterminable. Cela n'entraîne pas pour autant la nullité de l'acte de nantissement, ce à quoi l'appelant n'a au demeurant jamais conclu. En application de la jurisprudence et de la doctrine précitées, il convient ainsi de limiter la couverture offerte par le droit de gage aux créances connexes aux relations d'affaires entre les parties, soit dans le cas présent et compte tenu du fait que la créance garantie est celle d'un tiers, celles existant entre l'intimée et J______ Sàrl, et pour autant qu'elles aient été subjectivement prévisibles au moment de la conclusion du contrat de nantissement, ces deux conditions étant cumulatives.

5.2.2 S'agissant de la créance dont se prévaut l'intimée, soit le remboursement du crédit octroyé par l'intimée à J______ Sàrl, celle-ci s'inscrit précisément dans le cadre des relations d'affaires existant entre elles, et était prévisible au regard de l'ensemble des circonstances, l'appelant ne démontrant au demeurant pas le contraire. Il faut dès lors admettre qu'une telle créance est couverte par le droit de gage.

L'appelant, qui se contente une nouvelle fois de formuler un grief et d'affirmer en avoir démontré le bienfondé, sans que cela ne soit le cas, ne saurait ainsi soutenir avoir dûment établi qu'il ne pouvait raisonnablement prévoir qu'une telle créance future éventuelle était garantie par le droit de gage concédé par l'acte de nantissement conclu entre les parties et qui résultait des relations d'affaires entre l'intimée et J______ Sàrl. En effet, l'appelant se limite en grande partie, dans ses écritures, à relater sa propre vision des événements ayant entouré et suivi la conclusion de l'acte de nantissement, dans le but de démontrer qu'il ignorait l'ampleur de son engagement, respectivement qu'il n'aurait jamais accepté de s'engager dans une telle mesure. Il ne s'efforce guère de reprendre le raisonnement du Tribunal et d'expliquer sur quels points celui-ci serait erroné, ainsi que l'art. 311 al. 1 CPC le lui impose. A supposer qu'ils puissent être considérés comme suffisamment motivés, ses griefs à l'encontre du jugement entrepris n'emportent quoi qu'il en soit pas conviction.

A l'exception de ses propres déclarations devant le Tribunal, l'affirmation de l'appelant selon laquelle l'acte de nantissement impliquait qu'il s'engageait à hauteur d'un montant maximal de 100'000 fr. ne trouve aucune assise dans le dossier. En tout état, une telle limitation quant au montant de l'engagement pris ou quant à sa durée aurait pu figurer dans l'accord conclu. Il n'en a toutefois rien été. L'appelant ne peut pas davantage être suivi lorsqu'il affirme que l'acte de nantissement aurait cessé de déployer ses effets en novembre 2013, en raison du nouvel acte de nantissement conclu avec l'intimée, soit un acte distinct, l'appelant n'ayant nullement démontré que tel serait le cas.

Au contraire, l'attitude postérieure adoptée par l'appelant tend à confirmer le fait qu'il avait bien conscience de la portée de son engagement. En particulier, il a admis avoir eu connaissance du blocage d'un certain nombre de ses ordres permanents. Son absence de réaction à ce moment-là comme par la suite, soit notamment lorsqu'il a été informé de la dénonciation du crédit accordé à J______ Sàrl au remboursement, ou lorsqu'il a été avisé de la réalisation prochaine de ses titres, corrobore le fait qu'il connaissait l'étendue de son engagement, respectivement qu'il envisageait qu'elle puisse être de cet ordre-là. Avant l'introduction de sa requête en justice, l'appelant n'a en effet jamais contesté le nantissement de son portefeuille, ni l'étendue de celui-ci, ni encore sa réalisation, l'unique réclamation ayant porté sur les titres réalisés sans que cela soit nécessaire à la couverture de la créance garantie. Cela résulte également de son courriel du 28 mars 2016 adressé a posteriori à ses différents partenaires et duquel il ressort expressément, en dépit des critiques de l'appelant, que le nantissement concédé à l'intimée avait notamment pour but de permettre l'octroi d'un crédit à J______ Sàrl.

Il résulte de l'ensemble des éléments qui précèdent que la volonté réelle et commune des parties, au moment de la conclusion du contrat de nantissement, n'a jamais été de limiter la garantie offerte par l'appelant à un montant maximal de 100'000 fr. Partant, la créance garantie relevant des rapports d'affaires entre l'intimée et J______ Sàrl et satisfaisant à l'exigence de prévisibilité, l'intimée était légitimée, sur la base de l'acte de nantissement du 13 octobre 2010, à réaliser les titres de l'appelant comme elle l'a fait.

5.2.3 Au vu de ce qui précède, l'appel est infondé, de sorte que le jugement entrepris sera confirmé.

6. Les frais judiciaires d'appel seront arrêtés à 12'000 fr. (art. 17 et 35 RTFMC) et mis à la charge de l'appelant, qui succombe (art. 105 al. 1, 106 al. 1 CPC). Ils seront compensés à due concurrence avec l'avance fournie par l'appelant à hauteur de 18'000 fr. Les Services financiers du Pouvoir judiciaire lui restitueront le solde de l'avance versée en 6'000 fr.

L'appelant sera par ailleurs condamné à payer à l'intimée la somme de 8'000 fr. à titre de dépens d'appel (art. 105 al. 2 CPC; art. 84, 85 et 90 RTFMC), débours et TVA compris (art. 25 et 26 LaCC).

* * * * *



PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 12 septembre 2022 par A______ contre le jugement JTPI/9036/2022 rendu le 3 août 2022 par le Tribunal de première instance dans la cause C/4037/2020.

Au fond :

Confirme le jugement entrepris.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 12'000 fr., les met à la charge de A______ et les compense avec l'avance de frais versée par lui, qui reste acquise à l'Etat de Genève à due concurrence.

Invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer à A______ le solde de son avance de frais, soit 6'000 fr.

Condamne A______ à verser 8'000 fr. à B______ & CIE SA au titre de dépens d'appel.

Siégeant :

Madame Ursula ZEHETBAUER GHAVAMI, présidente; Madame Sylvie DROIN, Monsieur Jean REYMOND, juges; Madame Camille LESTEVEN, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.