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Décisions | Chambre civile

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C/12771/2021

ACJC/1447/2023 du 31.10.2023 sur JTPI/924/2023 ( OO ) , MODIFIE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/12771/2021 ACJC/1447/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 31 OCTOBRE 2023

Entre

Madame A______, domiciliée ______, appelante d'un jugement rendu par la 10ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 17 janvier 2023, représentée par Me Elisabeth GABUS-THORENS, avocate, boulevard des Philosophes 15, 1205 Genève,

et

Monsieur B______, domicilié c/o Monsieur C______, ______, intimé, représenté par Me Rachel DUC, avocate, boulevard de Saint-Georges 72, case postale, 1211 Genève 8.

 

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/924/2023 du 17 janvier 2023, reçu par les parties le 19 janvier 2023, le Tribunal de première instance a prononcé le divorce des parties (ch. 1 du dispositif), donné acte à celles-ci de ce qu'aucune d’entre elles ne réclamait de contribution à son entretien post-divorce (ch. 2), attribué à A______ exclusivement les droits et obligations qui résultaient du contrat de bail à loyer portant sur le logement de la famille sis rue 1______ no. ______, [code postal] Genève (ch. 3), donné acte aux parties de leur accord sur le partage du mobilier du ménage, lequel revenait en pleine propriété à A______, à l'exception d'un lustre et d'un tapis qui revenaient en pleine propriété à B______, condamné en conséquence la première à restituer au second ce lustre et ce tapis (ch. 4), débouté les parties de toutes leurs conclusions pour le surplus tendant à la liquidation de leur régime matrimonial et au règlement de leurs rapports patrimoniaux (ch. 5), dit en conséquence qu’après exécution de la restitution ordonnée en application du chiffre 4 du dispositif du jugement, le régime matrimonial des parties serait considéré comme liquidé (ch. 6), ordonné le partage par moitié des avoirs de prévoyance professionnelle accumulés par les parties durant le mariage (ch. 7), ordonné en conséquence à la [caisse de prévoyance] D______ de transférer 7'755 fr. 61 par débit du compte de B______ sur le compte de A______ auprès de [la fondation LPP] E______ (ch. 8), arrêté les frais judiciaires à 1'800 fr. (ch. 9), mis à la charge des parties par moitié chacune (ch. 10), dispensé provisoirement celles-ci, au bénéfice de l'assistance judiciaire, du versement de leurs parts des frais judiciaires, sous réserve d'une application ultérieure éventuelle de l'art. 123 CPC (ch. 11), dit qu’il n’était pas alloué de dépens (ch. 12) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 13).

B. a. Le 14 février 2023, A______ a formé un "recours" contre ce jugement, dont elle a sollicité l'annulation des chiffres 5 et 6 du dispositif. Sous suite de frais judiciaires laissés à la charge de l'Etat et compensation des dépens vu la qualité des parties, elle a conclu à ce que la Cour de justice lui attribue la propriété exclusive du compte d'épargne "garantie loyer" liée au domicile conjugal, attribue à B______ la charge exclusive de la dette fiscale résiduelle des parties, à l'exception de la somme de 125 fr. 70 dont elle serait en charge, et dise que, sous réserve de la bonne exécution des deux conclusions ci-dessus ainsi que de la restitution du lustre et du tapis à B______, le régime matrimonial serait considéré comme liquidé.

b. Dans sa réponse du 20 avril 2023, B______ a acquiescé aux conclusions du "recours", sous réserve de celle relative à la garantie de loyer, dont il a sollicité le rejet. Sur ce point, il a formé un "recours joint" qu'il a retiré par la suite (cf. infra, let. d).

c. Dans sa réplique du 24 mai 2023, A______ a persisté dans ses conclusions.

d. Dans sa duplique du 26 juillet 2023, B______ a retiré son "recours joint" et persisté dans ses conclusions pour le surplus.

e. Les parties ont été informées par plis du 31 août 2023 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier :

a. A______, née en 1972 au Maroc, et B______, né en 1959 en Iran, se sont mariés le ______ 2013 au Canada. Ils n'ont pas conclu de contrat de mariage.

b. En 2016, les parties ont ouvert à leurs deux noms un compte d'épargne "garantie loyer" n. 2______ auprès de [la banque] F______ en lien avec le logement de la famille sis rue 1______ no. ______, [code postal] Genève. En janvier 2021, ce compte présentait un solde arrondi de 4'237 fr.

Devant le Tribunal, B______ a déclaré avoir constitué cette garantie au moyen d'un prêt d'un ami qu'il aurait remboursé, sans que A______ n'y participe. Celle-ci a contesté ces allégations. Elle a exposé avoir financé la garantie au moyen du solde de ses économies accumulées avant le mariage, lesquelles se seraient montées initialement à 50'000 dollars canadiens, et d'une somme de 2'000 euros transférée par sa mère. B______ a confirmé que la précitée disposait d'économies accumulées avant le mariage, mais les a chiffrées à 30'000 dollars canadiens. Il a admis l'allégation de son épouse selon laquelle lesdites économies avaient financé une partie de l'acquisition par ses soins d'un camion.

c. La vie commune des parties a pris fin en mars 2018.

d. Une ordonnance pénale a été rendue le 18 juin 2018 à l'encontre de B______ pour violences conjugales. Dans ce cadre, en audience devant le Ministère public le 7 juin 2018, B______ a déclaré ce qui suit : "s'agissant de la garantie du loyer de l'appartement à la rue 1______, je laisse à A______ cette garantie. Je lui laisse également tout ce qui est dans l'appartement et ce que j'ai fait de mes mains". Cette déclaration a fait l'objet d'un procès-verbal signé par les parties.

e. A teneur de deux courriers de l'Administration fiscale genevoise du 30 juin 2021, le montant des impôts 2018 et 2019 dus par les parties était de 7'836 fr. 15 au total à ce stade. Plus précisément, leurs impôts cantonaux et communaux 2018 se montaient à 1'780 fr. 20, dont une part de 1'572 fr. 05 concernait B______ et le solde de 208 fr. 15 concernait A______. Leurs impôts cantonaux et communaux 2019 s'élevaient à 5'861 fr. 95, dont 3'491 fr. liés au premier et 2'370 fr. 95 liés à la seconde. Leur impôt fédéral direct 2019 se montait à 194 fr. dont une part de 139 fr. 25 pour le précité et l'autre part de 54 fr. 75 pour la précitée.

Par plusieurs versements effectués en mains de B______ durant la période du 8 octobre 2019 au 26 mai 2021, A______ s'est acquittée à hauteur de 2'508 fr. 15 de cette dette fiscale totalisant 2'633 fr. 85 en ce qui la concernait. Elle restait ainsi devoir 125 fr. 70.

f.a Le 25 juin 2021, A______ a saisi le Tribunal d'une demande unilatérale en divorce. En dernier lieu, elle a requis notamment l'attribution en sa faveur des droits et obligations découlant du contrat de bail de l'appartement conjugal, de la garantie de loyer fournie en lien avec ce domicile et du mobilier le garnissant ainsi que le partage par moitié des avoirs de prévoyance professionnelle des parties. Elle a en outre conclu à ce qu'il soit dit et constaté que B______ était seul débiteur de la dette fiscale des parties.

f.b Lors de l'audience du 10 novembre 2021 devant le Tribunal, B______ a acquiescé au prononcé du divorce et au partage par moitié des avoirs de prévoyance professionnelle des parties. Par ailleurs, il a déclaré ce qui suit : "s'il est vrai que j'ai proposé de laisser le mobilier et la garantie à mon épouse c'était dans un contexte particulier. Je souhaite à tout le moins récupérer la moitié de cette garantie et un lustre ainsi qu'un tapis". A______ a consenti à lui remettre ces deux meubles, mais s'est opposée à lui céder la moitié de la garantie de loyer. B______ s'est finalement déclaré d'accord "par gain de paix de [se] contenter du tapis et du lustre".

f.c Dans sa réponse du 17 janvier 2022, B______ a sollicité le déboutement de A______ de ses conclusions relatives à la garantie de loyer et au mobilier du ménage. Il a conclu à la condamnation de celle-ci à lui verser 5'728 fr. 15 au titre de la moitié de dettes de primes d'assurance-maladie et de frais médicaux de la famille soldées par des actes de défaut de bien et 4'237 fr. au titre de l'entier de la garantie de loyer.

f.d Lors de l'audience du 9 novembre 2022 devant le Tribunal, les parties se sont accordées pour que le lustre et le tapis soient attribués à B______, le reste du mobilier du ménage étant conservé par A______. S'agissant du partage des avoirs de prévoyance professionnelle, elles se sont mises d'accord sur le transfert de 7'755 fr. 61 de la caisse de pension de B______ à celle de A______.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales de première instance, dans les causes dont la valeur litigieuse, au dernier état des conclusions devant l'autorité inférieure, est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 1 let. a et al. 2 CPC).

A lui seul, l'intitulé erroné d'un acte de recours - au sens large - ne nuit pas à son auteur, pour autant que les conditions d'une conversion en la voie de droit adéquate soient réunies, soit lorsque cet acte remplit les conditions de recevabilité du recours qui aurait dû être interjeté (ATF 134 III 379 consid. 1.2; 131 I 291 consid. 1.3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_716/2012 du 3 décembre 2012 consid. 1.4).

En l'espèce, au vu des conclusions des parties en première instance, la valeur litigieuse dépasse 10'000 fr., de sorte que la voie de l'appel est ouverte.

Interjeté dans le délai (art. 142 al. 1 et 3, 143 et 311 al. 1 CPC) et suivant la forme prescrite par la loi (art. 130, 131 et 311 al. 1 CPC), l'acte du 14 février 2023 est donc recevable en tant qu'appel, en dépit de sa dénomination.

1.2 Le principe de disposition et la maxime des débats sont applicables (art. 58 al. 1 et 277 al. 1 CPC).

1.3 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC), dans la limite des griefs formulés (ATF 142 III 413 consid. 2.2.2).

2. L'appelante reproche au Tribunal de ne pas avoir fait droit à sa conclusion tendant à se voir attribuer la propriété exclusive du compte de garantie de loyer ni à celle visant à ce qu'il soit constaté que l'intimé était seul débiteur de la dette fiscale des parties, à l'exception de la somme de 125 fr. 70. L'appelante fait en outre grief au Tribunal de ne pas avoir motivé sa décision sur ces deux points.

2.1.1 Les parties étaient soumises au régime de la participation aux acquêts (art. 181 CC). Ce régime comprend les acquêts et les biens propres de chaque époux (art. 196 CC). Sont acquêts les biens acquis par un époux à titre onéreux pendant le régime (art. 197 CC). Sont biens propres notamment les biens qui échoient à un époux par succession ou à quelque autre titre gratuit (art. 198 CC).

A teneur de l'art. 204 al. 2 CC, s'il y a divorce, la dissolution du régime rétroagit au jour de la demande. Les époux règlent leurs dettes réciproques (art. 205 al. 3 CC). Les acquêts et les biens propres de chaque époux sont disjoints dans leur composition au jour de la dissolution du régime (art. 207 al. 1 CC). Chaque époux a droit à la moitié du bénéfice de l'autre (art. 215 al. 1 CC), calculé en déduisant de leurs acquêts respectifs les dettes qui les grèvent (art. 210 al. 1 CC). Il n'est pas tenu compte d'un déficit (art. 210 al. 2 CC).

Selon l'art. 200 CC, quiconque allègue qu'un bien appartient à l'un ou à l'autre des époux est tenu d'en établir la preuve (al. 1); à défaut de cette preuve, le bien est présumé appartenir en copropriété aux deux époux (al. 2).

2.1.2 L'art. 239 al. 1 CO définit la donation comme la disposition entre vifs par laquelle une personne cède tout ou partie de ses biens à une autre sans contreprestation correspondante. Il s'agit d'un contrat, qui suppose un accord des parties (art. 1 al. 1 CO) et donc une acceptation de la part du donataire, laquelle peut intervenir par actes concluants (art. 1 al. 2 CO) et être tacite (art. 6 CO; ATF 144 III 93 consid. 5.1.2).

Tout bien peut faire l’objet d’une donation, y compris un droit ou une créance (Baddeley, CR CO I, 2021, n. 17 ad art. 239 CO). Un créancier peut céder son droit à un tiers sans le consentement du débiteur, à moins que la cession n'en soit interdite par la loi, la convention ou la nature de l'affaire (art. 164 al. 1 CO).

La donation est parfaite lorsque l'engagement du donateur est exécuté par la remise de la chose. Lorsque l'engagement et l'acte d'exécution sont concomitants, il s'agit d'une donation manuelle au sens des art. 242 et 243 al. 3 CO. Lorsque les parties prévoient que l'exécution aura lieu à un moment ultérieur, il s'agit d'une promesse de donner au sens de l'art. 243 CO (Baddeley, op. cit., n. 13 à 15 ad art. 239 CO).

L'acte générateur d'obligation et l'acte de disposition qui composent la donation manuelle ne sont soumis à aucune exigence de forme, la forme écrite n'étant nécessaire que pour l'acte de disposition en cas de cession de créances (art. 165 al. 1 CO) (Baddeley, op cit, n. 6 ad art. 242 CO).

2.1.3 A teneur de l'art. 31 al. 1 CO, le contrat entaché d'erreur ou de dol, ou conclu sous l'empire d'une crainte fondée, est tenu pour ratifié lorsque la partie qu'il n'oblige point a laissé s'écouler une année sans déclarer à l'autre sa résolution de ne pas le maintenir, ou sans répéter ce qu'elle a payé.

2.1.4 L'interdiction de l'abus de droit (art. 2 al. 2 CC) est un principe fondamental de l'ordre juridique suisse (art. 5 al. 3 Cst.). Constitue un abus de droit l'attitude contradictoire d'une partie. Lorsqu'une partie adopte une certaine position, elle ne peut pas ensuite soutenir la position contraire, car cela revient à tromper l'attente fondée qu'elle a créée chez sa partie adverse; si elle le fait, c'est un venire contra factum proprium, qui constitue un abus de droit. La prétention de cette partie ne mérite alors pas la protection du droit (arrêt du Tribunal fédéral 4A_590/2016 du 26 janvier 2017 consid. 2.1).

2.1.5 Dans les procès soumis à la maxime de disposition, les parties sont tenues de prendre des conclusions claires, nettes et suffisamment déterminées (ATF 116 II 215 consid. 4a, JdT 1991 I 34). Les conclusions doivent être formulées de telle sorte qu'en cas d'admission de la demande, elles puissent être reprises dans le dispositif de la décision. Lorsqu'elles portent sur la liquidation du régime matrimonial, les conclusions doivent indiquer à quel résultat le demandeur prétend. Les conclusions portant sur des prestations en argent doivent être chiffrées, sous peine d'irrecevabilité (ATF 137 III 617 consid. 4.2 et 4.3; arrêts du Tribunal fédéral 5A_779-787/2021 du 16 décembre 2022 consid. 3.1; 5A_871/2020 du 15 février 2021 consid. 3.3.1; 4A_274/2020 du 1er décembre 2020 consid. 4).

Si nécessaire, les conclusions doivent être interprétées selon les règles de la bonne foi, à la lumière de la motivation qui leur est donnée (ATF 137 III 617 consid. 6.2; 105 II 149 consid. 2a; arrêts du Tribunal fédéral 5A_779-787/2021 du 16 décembre 2022 consid. 3.1; 4A_274/2020 du 1er septembre 2020 consid. 4). Exceptionnellement, des conclusions non chiffrées suffisent lorsque la somme à allouer est d'emblée reconnaissable au regard de la motivation du recours ou de la décision attaquée (ATF 137 III 617 consid. 6.2; 134 III 235 consid. 2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_164/2019 du 20 mai 2020 consid. 4.3).

2.1.6 La reprise de dette interne est le contrat passé entre le débiteur et le reprenant, par lequel ce dernier promet au débiteur de le libérer de sa dette envers le créancier (art. 175 al. 1 CO). Elle n'opère pas le transfert de dette, mais constitue uniquement un engagement à cet effet (ATF 121 III 256 consid. 3b; arrêt du Tribunal fédéral 5C.51/2004 du 28 mai 2004 consid. 6.2). La libération du débiteur peut s'effectuer soit par l'exécution de la prestation due en faveur du créancier, soit par une reprise de dette externe (art. 175 al. 1 1ère et 2ème hyp. CO), soit par d'autres moyens constituant une clause d'extinction de la dette reprise (arrêt du Tribunal fédéral 5A_60/2012 du 13 juillet 2012 consid. 4.2).

La reprise de dette externe est le contrat passé entre le reprenant et le créancier (art. 176 al. 1 CO) qui a pour effet de libérer l'ancien débiteur et de rendre le reprenant nouveau débiteur de la dette (reprise privative) (ATF 121 III 256 consid. 3b; arrêt du Tribunal fédéral 4A_270/2008 du 1er octobre 2008 consid. 2.1). La reprise (privative) de dette externe n'est en effet possible qu'avec le consentement du créancier (Probst, CR CO I, 2021, n. 3 ad art. 176 CO).

2.2.1 En l'espèce, en première instance, chacune des parties a réclamé l'attribution en sa faveur de la propriété exclusive des avoirs du compte de garantie de loyer.

Il est vrai que le Tribunal a débouté l'appelante de sa conclusion sur ce point sans motivation.

Le premier juge a en revanche motivé sa décision de débouter l'intimé de la sienne. Il a retenu que celui-ci avait accepté que l'appelante soit seule propriétaire de ces avoirs et qu'il était ensuite revenu sur cet accord sans en exposer le motif, en sollicitant le remboursement de la garantie à raison de la moitié puis de la totalité, ce qui démontrait son inconstance sur cette question. Il alléguait avoir constitué cette garantie avec ses seuls deniers, mais ne le prouvait pas. Au contraire, il avait admis que l'appelante disposait d'économies de 30'000 dollars canadiens lors du mariage des parties, lesquelles avaient été mises à sa disposition pour acheter un camion. Or, l'on ignorait ce qu'il était advenu de ce véhicule, ni si l'intimé avait remboursé l'appelante. En outre, celle-ci avait travaillé pendant la vie conjugale. Ainsi, le financement litigieux pouvait provenir tant des économies ou du revenu du travail de celle-ci que des revenus de l'intimé.

Aucune des parties n'a démontré avoir financé par ses biens propres le compte d'épargne "garantie loyer", de sorte que la créance envers la banque concernée en découlant est présumée leur avoir appartenu en copropriété.

L'appelante a établi que, lors de l'audience tenue le 7 juin 2018 devant le Ministère public, la part de copropriété de l'intimé sur cette créance avait fait l'objet d'une donation de celui-ci en sa faveur, effectuée oralement et consignée dans un document signé par les parties. Elle a ainsi prouvé être devenue seule propriétaire de l'entier de cette créance.

L'intimé fait valoir à tort que sa déclaration lors de l'audience précitée constituerait une promesse de donner au sens de l'art. 243 CO. Les parties n'ont en effet pas prévu que l'exécution de cet engagement de donner aurait lieu à un moment ultérieur. Il s'agissait d'une donation manuelle au sens des art. 242 et 243 al. 3 CO. L'engagement et l'acte d'exécution ont été concomitants, l'exigence de la forme écrite pour l'acte de disposition en cas de cession de créance ayant été respectée.

Point n'est ainsi besoin d'entrer en matière sur l'argument de l'intimé en lien avec les conditions de révocation ou d'annulation d'une promesse de donner, consistant dans une évolution défavorable alléguée de sa situation financière depuis l'audience du 7 juin 2018.

Par ailleurs, l'intimé soutient en vain avoir renoncé à sa créance découlant du compte d'épargne "garantie loyer", alors qu'il était prévenu dans le cadre d'une procédure pénale, sous le coup du "stress et de l'émotion", sans réfléchir, sans conseil préalable et sans être accompagné d'un avocat. Il ne démontre pas l'existence d'un vice de son consentement, ni en tout état avoir invoqué un tel vice dans le délai d'une année pour obtenir une invalidation de sa donation.

En outre, la prétention de l'intimé tendant au maintien de son droit de copropriété sur la créance litigieuse ne saurait être protégée. L'attitude de celui-ci, qui a consisté à revenir à plusieurs reprises sur ses déclarations à cet égard, relève de l'abus de droit.

En conclusion, le grief de l'appelante est fondé.

Le chiffre 5 du dispositif du jugement attaqué sera annulé en tant qu'il déboute l'appelante de sa conclusion relative au compte d'épargne "garantie loyer". A la suite de la donation de l'intimé, celle-ci est devenue seule propriétaire des avoirs déposés sur ce compte, ce qui sera constaté. Il sera en conséquence ordonné à l'intimé de requérir de la banque la mise dudit compte au seul nom de l'appelante.

Le chiffre 6 du dispositif du jugement attaqué sera également annulé. Il sera dit qu’après restitution du lustre et du tapis en application du chiffre 4 du dispositif de ce jugement et transfert du compte d'épargne "garantie loyer", le régime matrimonial des parties sera considéré comme liquidé.

2.2.2 S'agissant de la conclusion de l'appelante relative à la dette fiscale des parties, dans les considérants de son ordonnance de preuve du 27 juin 2022, le premier juge a exposé qu'elle était a priori irrecevable, faute d'intérêt juridique et d'avoir été chiffrée avant l'ouverture des débats principaux. Dans son jugement, comme le lui reproche l'appelante, le Tribunal en a débouté celle-ci, sans motivation.

Il est vrai que cette conclusion n'a pas été chiffrée. Cela étant, elle n'a pas été déclarée irrecevable par le Tribunal et elle peut être interprétée à la lumière de la motivation qui lui a été donnée. Dans le cadre de sa demande en première instance, l'appelante a articulé et démontré le détail des montants composant la dette fiscale des parties à laquelle elle faisait référence et à quels titres ces montants étaient dus, ce que l'intimé n'a pas contesté. En temps utile, elle a ensuite établi la part de cette dette qui concernait sa propre situation. Elle a également allégué, preuve à l'appui, le montant dont elle s'était acquittée à ce titre en mains de l'intimé, ce que celui-ci a admis. Elle en a déduit la somme qu'elle restait devoir, soit 125 fr. 70, chiffre dont fait expressément état sa conclusion, à laquelle l'intimé a au demeurant formellement acquiescé.

Au vu de ce qui précède, le grief de l'appelante est fondé.

Le chiffre 5 du dispositif du jugement attaqué sera annulé également en tant qu'il déboute l'appelante de sa conclusion relative à la dette fiscale des parties portant sur les années 2018 et 2019. Il sera dit et constaté que sous réserve de 125 fr. 70 que celle-ci reste devoir à l'Administration fiscale genevoise, l'intimé est seul débiteur de cette dette. Celle-ci totalisait 7'836 fr. 15 le 30 juin 2021 et comprenait 1'780 fr. 20 à titre des impôts cantonaux et communaux 2018, 5'861 fr. 95 à titre des impôts cantonaux et communaux 2019 et 194 fr. à titre de l'impôt fédéral direct 2019.

Ce prononcé n'aura d'effet que dans les relations internes des parties et ne pourra être opposé à l'Administration fiscale genevoise dans le cadre d'un recouvrement de la dette (cf. supra, consid. 2.1.6). Sur ce dernier point, il est relevé qu'après la séparation, chacun des époux ne répond que jusqu'à concurrence du montant correspondant à sa part de l'impôt global pour les créances fiscales nées avant la séparation ou, plus précisément, pour les créances issues d'une période de taxation commune (art. 13 LIFD et 12 LIPP; Jaques, CR LIFD, 2017, n. 17-18 ad art. 13 LIFD).

3. 3.1 Lorsque la Cour statue à nouveau, elle se prononce sur les frais fixés par l'autorité inférieure (art. 318 al. 3 CPC).

En l'occurrence, la quotité et la répartition par moitié entre les parties des frais judiciaires de première instance, ainsi que le défaut d'allocation de dépens de première instance ne font l'objet d'aucun grief en appel et sont au demeurant conformes au règlement fixant le tarif des frais en matière civile (RTFMC; E 1 05 10). La modification du jugement entrepris ne commande pas de revoir cette décision sur les frais, prise compte tenu de la nature familiale du litige, de sorte que celle-ci sera confirmée (art. 107 al. 1 let. c CPC).

3.2 Les frais judiciaires d'appel seront fixés à 900 fr. (art. 2, 30 et 35 RTFMC) et mis à la charge des parties par moitié chacune compte tenu de la nature familiale du litige (art. 95 al. 1 let. a et al. 2, 104 al. 1, 105, 106 et 107 al. 1 let. c CPC).

Les parties plaidant toutes deux au bénéfice de l'assistance judiciaire, les frais judiciaires d'appel seront provisoirement laissés à la charge de l'Etat de Genève, lequel pourra en réclamer le remboursement ultérieurement aux conditions de l'art. 123 CPC.

Pour les mêmes motifs d'équité liés à la nature du litige, les parties conserveront à leur charge leurs propres dépens d'appel (art. 95 al. 1 let. b et al. 3, 104 al. 1, 105 al. 2 et 107 al. 1 let. c CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 14 février 2023 par A______ contre les chiffres 5 et 6 du dispositif du jugement JTPI/924/2023 rendu le 17 janvier 2023 par le Tribunal de première instance dans la cause C/12771/2021.

Au fond :

Annule les chiffres 5 et 6 du dispositif de ce jugement et, statuant à nouveau :

Dit et constate que A______ bénéficie d'un droit de propriété exclusif sur les avoirs déposés sur le compte d'épargne "garantie loyer" n. 2______ dont celle-ci et B______ sont conjointement titulaires auprès de [la banque] F______ en lien avec l'ancien domicile conjugal situé rue 1______ no. ______, [code postal] Genève.

Ordonne en conséquence à B______ de requérir de F______ que ledit compte soit mis au seul nom de A______.

Dit et constate que, sous réserve de la somme de 125 fr. 70 que A______ reste devoir à l'Administration fiscale genevoise à ce titre, B______ est seul débiteur de la dette fiscale de ceux-ci portant sur les années 2018 et 2019, laquelle totalisait 7'836 fr. 15 le 30 juin 2021 et comprenait 1'780 fr. 20 à titre des impôts cantonaux et communaux 2018, 5'861 fr. 95 à titre des impôts cantonaux et communaux 2019 et 194 fr. à titre de l'impôt fédéral direct 2019.

Dit qu’après restitution du lustre et du tapis en application du chiffre 4 du dispositif du jugement entrepris et transfert au seul nom de A______ du compte d'épargne "garantie loyer" n. 2______ ouvert auprès de F______, le régime matrimonial des parties sera considéré comme liquidé.

Confirme le jugement entrepris pour le surplus.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 900 fr., les répartit par moitié entre les parties et dit qu'ils sont laissés provisoirement à la charge de l'Etat de Genève, sous réserve d'une décision de l'assistance judiciaire.

Dit que chaque partie supporte ses propres dépens d'appel.

Siégeant :

Monsieur Ivo BUETTI, président; Madame Sylvie DROIN, Madame Nathalie RAPP, juges; Madame Camille LESTEVEN, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours constitutionnel subsidiaire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 30'000 fr.