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Décisions | Chambre civile

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C/13154/2022

ACJC/1106/2023 du 29.08.2023 sur JTPI/3754/2023 ( SDF ) , MODIFIE

Recours TF déposé le 04.10.2023, rendu le 17.04.2024, CONFIRME, 5A_760/2023
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/13154/2022 ACJC/1106/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 29 AOÛT 2023

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______, appelante d'un jugement rendu par la 24ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 23 mars 2023, comparant par Me Leonardo CASTRO, avocat, Etude Castro, rue des Eaux-Vives 49, case postale 6213, 1211 Genève 6, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile,

et

Monsieur B______, domicilié ______, intimé, comparant par Me Sandy ZAECH, avocate, TerrAvocats Genève, rue Saint-Joseph 29, case postale 1748, 1227 Carouge GE, en l'Étude de laquelle il fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/3754/2023 du 23 mars 2023, reçu le 24 du même mois par A______, le Tribunal de première instance, statuant sur mesures protectrices de l'union conjugale, a autorisé les époux A______ et B______ à vivre séparés (ch. 1 du dispositif), attribué à B______ la jouissance exclusive du domicile conjugal, sis rue 1______ no. ______, [code postal] C______ [GE] ainsi que du mobilier le garnissant (ch. 2), ordonné à A______ de quitter le domicile conjugal dans un délai de deux mois pour la fin d'un mois dès le prononcé du jugement, autorisé, au besoin, B______ à recourir à la force publique pour obtenir l'exécution de cette mesure (ch. 3), condamné A______ à verser à B______, par mois et d'avance, au titre de contribution à son entretien, la somme de 1'370 fr. du 8 juillet 2022 au 31 mai 2023 (ch. 4), prononcé la séparation de biens des parties (ch. 5), prononcé les mesures pour une durée indéterminée (ch. 6), arrêté les frais judiciaires à 1'500 fr. et les a mis à la charge des parties par moitié chacune, dit que la part de A______ était provisoirement supportée par l'Etat de Genève, condamné B______ à payer 750 fr. à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire (ch. 7), dit qu'il n'était pas alloué de dépens (ch. 8), condamné en tant que de besoin les parties à respecter et à exécuter les dispositions du jugement (ch. 9) et les a débouté de toutes autres conclusions (ch. 10).

B. a. Par acte expédié au greffe de la Cour de justice le 3 avril 2023, A______ a formé un appel, sollicitant l'annulation des chiffres 2 et 3 du dispositif du jugement entrepris. Elle a conclu à ce que la jouissance du domicile conjugal lui soit attribuée, ainsi que le mobilier le garnissant et à ce que les dépens soient compensés.

Sans prendre de conclusions formelles tendant à l'octroi de l'effet suspensif, elle a fait valoir, dans un chapitre intitulé "effet suspensif", qu'elle ne disposait pas de solution de relogement.

b. Invité à se déterminer, B______ a conclu au rejet de la demande d'effet suspensif, par courrier du 24 avril 2023.

Il a produit une pièce nouvelle, soit un contrat de bail signé le 7 février 2023.

c. Par arrêt ACJC/585/2023 du 5 mai 2023, la Cour a admis la requête d'effet suspensif et dit qu'il serait statué sur les frais dans l'arrêt au fond.

d. Par réponse du 1er mai 2023, B______ a conclu au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement entrepris, avec suite de frais judiciaires et dépens.

e. Par avis du greffe du 23 mai 2023, les parties ont été informées de ce que la cause avait été gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure:

a. Les époux A______, née le ______ 1977, ressortissante camerounaise, et B______, né le ______ 1966, ressortissant suisse, ont contracté mariage le ______ 2020 à Genève.

b. A______ a rejoint B______ en Suisse en février 2020.

c. Aucun enfant n'est issu de cette union.

B______ est le père de D______, née le ______ 1995 d'un précédent mariage. Selon un jugement de divorce du 11 mai 2006, le Tribunal lui avait attribué un droit de visite devant s'exercer un week-end sur deux et la moitié des vacances scolaires.

A______ est la mère de E______ né le ______ 2003 d'une précédente union, qui est arrivé en Suisse en mars 2021.

d. Le 1er avril 2021, les époux ont emménagé dans l'appartement conjugal, sis rue 1______, lequel comporte quatre pièces. Le loyer de cet appartement est de 1'242 fr. par mois (1'057 fr. de loyer et 185 fr. de frais accessoires) jusqu'au 31 mars 2024.

B______ est seul titulaire du bail de cet appartement, qui appartient au parc immobilier de F______. Le précité allègue l'avoir obtenu grâce à l'intervention de G______, Directeur de F______, qui l'a soutenu en dépit de sa situation d’insolvabilité. Il a expliqué que le contrat de bail lui avait été octroyé par son employeur à condition, selon lui, qu'il en demeure seul titulaire. Il a déclaré avoir déménagé dans cet appartement de quatre pièces car sa fille venait une semaine sur deux chez lui et que le fils de son épouse allait arriver en Suisse. La fille de l'intéressé, âgée de 27 ans, termine en avril 2024 une formation à l'Ecole ______ de Genève.

De son côté, A______ fait valoir que le couple, qui résidait jusqu'alors dans un appartement de trois pièces, a obtenu ce logement de quatre pièces grâce au fait qu'ils allaient accueillir son fils. Ce dernier a emménagé avec le couple en mai 2021.

e. La relation des époux semble s'être détériorée à compter de l'arrivée du fils de A______ en Suisse.

f. Le 6 mai 2022, E______ a déposé plainte pénale contre son beau-père, pour "violences verbales et physiques" dans le cadre d'une dispute survenue au domicile conjugal les 1er et 2 mai 2022, qui a nécessité l'intervention des forces de police.

g. Le même jour, A______ a quitté le domicile conjugal. Elle a logé chez des connaissances puis dans un foyer avec son fils.

h. Le 18 mai 2022, une mesure d'éloignement a été prononcée par le commissaire de police à l'encontre de B______, pour une durée de 20 jours, lui interdisant de s'approcher ou de pénétrer à l'adresse sis no. ______, rue 1______, [code postal] C______ ou de contacter/s'approcher de A______ et de E______.

i. Le même jour, A______ et son fils ont réintégré le logement conjugal.

j. Le 27 mai 2022, A______ a porté plainte pénale contre B______.

k. La mesure d'éloignement a été prolongée par jugement (JTAPI/596/2022) du 3 juin 2022 du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) pour une durée de trente jours, soit jusqu'au 6 juillet 2022, et une seconde fois, par jugement (JTAPI/710/2022) du 5 juillet 2022 pour une nouvelle durée de trente jours, soit jusqu'au 5 août 2022.

l. Après avoir quitté le logement conjugal le 18 mai 2022, B______ a été temporairement hébergé par son frère avant d'intégrer, le 9 juin 2022, un "Urban studio" meublé et équipé d'un accès lounge partagé de 52 m2 pour une durée déterminée de 9 mois échéant le 28 février 2023, dont le loyer s'élève à 2'660 fr. par mois.

Sa demande de caution de loyer a été refusée par deux services de cautionnement les 28 et 29 juin 2022, l’une d’entre elles pour des raisons de solvabilité insuffisante (les critères de refus n’ayant pas été communiqués pour la seconde, pour des raisons de confidentialité).

Le bail de ce logement a été renouvelé le 2 février 2023 pour une durée de 3 mois non reconductible, soit du 1er mars 2023 jusqu'au 31 mai 2023.

m. Le 8 juillet 2022, A______ a formé une requête de mesures protectrices de l'union conjugale. Elle a conclu à ce que le Tribunal de première instance autorise les époux à vivre séparés, à ce que la jouissance du domicile conjugal lui soit attribuée, et à ce que l’époux soit condamné à lui verser une contribution d’entretien de 5’130 fr. 80 par mois ainsi qu’une provisio ad litem de 4’000 fr.

n. En date du 22 juillet 2022, B______ a déposé plainte pénale contre A______ et le fils de cette dernière.

o. Par ordonnance du 27 octobre 2022, le Tribunal a rejeté, faute d'urgence à statuer, la requête de mesures provisionnelles formée par A______ le 4 octobre 2022, tendant à la condamnation de B______ à lui verser immédiatement une contribution d'entretien de 3'358 fr. 30.

p. Dans sa réponse sur le fond du 31 octobre 2022, B______ a acquiescé à la séparation. Il a conclu, avec suite de frais et dépens, à l'attribution en sa faveur de l'ancien domicile conjugal (l'épouse devant le quitter dans un délai d'un mois à compter du prononcé du jugement de séparation, sous la menace des peines prévues par l'art. 292 CP, et l'époux étant autorisé à recourir à la force publique), à ce qu'il soit dit et constaté qu'aucune contribution d'entretien n'était due entre les époux, ainsi qu'au prononcé de la séparation de biens. Pour le surplus, il a conclu au déboutement de l'épouse de toutes autres conclusions.

q. Les parties ont été entendues, sur le fond, à l'audience du 22 novembre 2022, lors de laquelle elles ont plaidé, persistant dans leurs précédentes conclusions. A l'issue de l'audience, la cause a été gardée à juger.

D. Dans le jugement entrepris, le Tribunal a considéré que le critère de l'utilité ne donnait pas de résultat clair dès lors que les enfants respectifs des époux étaient majeurs et que les prérogatives parentales des époux sur eux avaient pris fin, que l'appartement n'avait pas été aménagé spécialement pour les besoins de l'un ou de l'autre des époux et qu'aucune des parties ne se servait de l'appartement pour y développer son activité professionnelle. S'agissant du second critère, aucun des époux n'avait rendu vraisemblable avoir un lien affectif particulier avec l'ancien domicile conjugal, qu'ils avaient intégré en avril 2021. A______ n'avait pas rendues vraisemblables les difficultés qu'elle prétendait éprouver à trouver un nouveau logement du fait de sa situation administrative et professionnelle. Bien qu'émargeant à l'aide sociale, elle pouvait compter sur l'aide de l'Hospice général pour trouver un nouveau logement ainsi que sur l'aide de son frère, lequel pourrait, le cas échéant, se porter garant du bail, vu qu'il était employé à 100 % par un établissement bancaire genevois. En tout état, elle n'avait produit aucune recherche immobilière ni démontré avoir entrepris une quelconque démarche pour trouver un nouveau logement. Aucun élément ne permettait de retenir que sa nationalité étrangère ou sa récente résidence en Suisse constituerait un frein à ses recherches de logement dans une ville internationale comme Genève. Elle n'avait pas rendu vraisemblable que son état de santé psychique l'empêcherait de s'atteler à la recherche d'un nouveau logement, le certificat médical produit à la procédure ne contenant rien en ce sens. La situation se présentait de manière différente du côté de B______, dont les nombreuses poursuites entachaient ses dossiers de candidature et atténuaient ses chances d'être admis en qualité de locataire ou même de sous-locataire. Il était peu probable, vu son état d'insolvabilité, que son employeur accepte de lui attribuer un second logement ou qu'il soit accepté dans les régies privées, étant rappelé qu'il avait déjà été refusé à plusieurs reprises des services de cautionnement. Il résultait de ce qui précède qu'il pouvait plus raisonnablement être demandé à A______ de déménager qu'à B______.

E. Les faits pertinents suivants résultent encore de la procédure:

a. B______ est employé par F______ à un taux de 60% pour un revenu net de 4'738 fr. 70. Depuis le 1er décembre 2022, il perçoit, en outre, des indemnités compensatoires de l'assurance-chômage estimées à 1'140 fr. nets par mois. Ses ressources totales ont ainsi été estimées à 5'878 fr. 70 nets par mois par le premier juge, ce qui n'a pas été contesté en appel.

b. B______ a fait l’objet de nombreuses poursuites et s’est vu délivrer plusieurs actes de défaut de biens. Au 11 mars 2021, les poursuites s’élevaient à un montant de 38’912 fr. 70 et les actes de défaut de biens à un montant de 161’322 fr. 25, frais d’encaissement compris. Au 20 juin 2022, aucune poursuite n’était en cours et les actes de défauts de biens totalisaient 168’650 fr. 55, frais d’encaissement compris. L’Administration fiscale cantonale est la principale créancière des actes de défaut de biens précités. Elle dispose d’une créance totale de 71’367 fr. 70.

c. A______ est au bénéfice d'un BAC +2 en sociologie de l'Université H______ au Cameroun. D'août 2020 à janvier 2023, elle a suivi une formation d'Executive MBA à Genève.

Elle n'exerce aucune activité lucrative et émarge à l'Hospice général depuis le mois de septembre 2022.

Compte tenu de son parcours académique, notamment l'Executive MBA accompli en Suisse très récemment, le Tribunal a considéré qu'elle pourrait trouver un emploi dans son domaine d'activité (la vente) en procédant à des recherches actives. Un revenu hypothétique de 4'900 fr. nets par mois lui a été imputé en première instance dès le 1er juin 2023, ce qui n'a pas été contesté en appel.

d. Selon une attestation du 19 septembre 2022 établi par le Département de médecine de premier recours des HUG, A______ était suivie à l'Unité interdisciplinaire de médecine et de prévention de la violence (UIMPV) depuis le 24 juin 2021. Elle avait été vue les 13, 19 et 31 ______ 2022 ainsi que le 10 ______ 2022, en lien avec une situation de violences conjugales de la part de son mari avec des insultes, du dénigrement, des menaces et du chantage depuis leur mariage en 2019. Il maltraitait aussi son fils ainé de 18 ans qui vivait avec eux. Les violences avaient empiré en avril 2022 après qu'elle ait obtenu son MBA. Une symptomatologie post-traumatique et anxio-dépressive en rapport avec la situation avait été constatée.

Du 17 au 29 juin 2022, elle s'était trouvée en incapacité de travail et placée sous anxiolytiques.

e. E______ est en apprentissage d'employé de commerce CFC auprès de F______. Cette formation débutée en 2022 se terminera en août 2025. Elle perçoit une rémunération mensuelle de 740 fr. bruts la première année, 960 fr. bruts la seconde et 1'550 fr. bruts la dernière.

Avant de débuter cet apprentissage, il a travaillé quelques mois en qualité de runner pour I______ SARL à un taux de 100%. Son salaire du mois de mai 2022 s'est élevé à 3'689 fr. 99.

Selon courrier du Service des allocations familiales du 25 mai 2022, l’enfant a bénéficié d’allocations de formation professionnelle jusqu’en mai 2022, date à laquelle celles-ci ont cessé en raison de la fin présumée de ses études, vu l’absence de nouvelle attestation de formation communiquée. Il y était toutefois précisé que, dans le cas où une formation était encore en cours, il convenait d’adresser audit Service l’attestation y afférente.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les jugements de mesures protectrices – qui doivent être considérés comme des décisions provisionnelles au sens de l'art. 308 al. 1 let. b CPC – dans les causes non patrimoniales ou dont la valeur litigieuse au dernier état des conclusions devant l'autorité inférieure est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC). L'attribution du domicile conjugal est de nature pécuniaire (arrêts du Tribunal fédéral 5A_808/2016 du 21 mars 2017 consid. 1; 5A_575/2011 du 12 octobre 2011 consid. 1).

Les jugements de mesures protectrices étant régis par la procédure sommaire selon l'art. 271 CPC, le délai d'introduction de l'appel est de dix jours (art. 314 al. 1 CPC).

En l'espèce, en application de l'art. 92 al. 1 et 2 CPC, la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr., compte tenu du loyer annuel du logement, charges non comprises, de 12'684 fr., de sorte que la voie de l'appel est ouverte.

1.2 Introduit en temps utile, selon la forme prescrite par la loi (art. 130, 131, 311 al. 1 et 314 al. 1 CPC), l'appel est recevable.

1.3 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC), sa cognition étant toutefois limitée à la simple vraisemblance des faits et à un examen sommaire du droit, l'exigence de célérité étant privilégiée par rapport à celle de sécurité (ATF 127 III 474 consid. 2b/bb, JdT 2002 I 352; arrêt du Tribunal fédéral 5A_762/2013 du 27 mars 2014 consid. 2.2).

En l'absence d'enfants mineurs, la procédure est soumise à la maxime de disposition (art. 58 CPC; ATF 128 III 411 consid. 3.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_831/2016 du 21 mars 2017 consid. 4.4) et à la maxime inquisitoire sociale (art. 272 CPC; arrêt du Tribunal fédéral 5A_645/2016 du 18 mai 2017 consid. 3.2.3).

2. L'intimé a produit une pièce nouvelle.

2.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuves nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas l'être devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de diligence (let. b).

S'agissant des vrais nova, soit les faits qui se sont produits après le jugement de première instance – ou plus précisément après les débats principaux de première instance (art. 229 al. 1 CPC) –, la condition de nouveauté posée à l'art. 317 al. 1 let. b CPC est sans autre réalisée et seule celle d'allégation immédiate (art. 317 al. 1 let. a CPC) doit être examinée.

La Cour examine d'office la recevabilité des faits et les moyens de preuve nouveaux en appel (Reetz/Hilber, Kommentar zur Schweizerischen Zivilprozessordnung [ZPO], 2013, n. 26 ad art. 317 CPC.

2.2 En l'espèce, le contrat de bail produit par l'intimé est daté du 7 février 2023 et la cause a été gardée à juger par le premier juge le 22 novembre 2022, de sorte que cette pièce est recevable, ainsi que les allégués s'y rapportant.

3. L'appelante conteste l'attribution du domicile conjugal à l'intimé.

3.1 Selon l'art. 176 al. 1 ch. 2 CC concernant l'organisation de la vie séparée des époux, à la requête de l'un des conjoints et si la suspension de la vie commune est fondée, le juge prend les mesures en ce qui concerne le logement et le mobilier du ménage.

Le juge des mesures protectrices de l'union conjugale attribue provisoirement le logement conjugal à l'une des parties, en faisant usage de son pouvoir d'appréciation. Il doit procéder à une pesée des intérêts en présence, de façon à prononcer la mesure la plus adéquate au vu des circonstances concrètes (ATF 120 II 1 consid. 2c; arrêts du Tribunal fédéral 5A_823/2014 du 3 février 2015 consid. 4.1 et 5A_298/2014 du 24 juillet 2014 consid. 3.3.2).

En premier lieu, le juge doit examiner à quel époux le domicile conjugal est le plus utile. Ce critère conduit à attribuer le logement à celui des époux qui en tirera objectivement le plus grand bénéfice, au vu de ses besoins concrets. A cet égard, entrent notamment en considération l'intérêt de l'enfant, confié au parent qui réclame l'attribution du logement, à pouvoir demeurer dans l'environnement qui lui est familier, l'intérêt professionnel d'un époux, qui, par exemple, exerce sa profession dans l'immeuble, ou encore l'intérêt d'un époux à pouvoir rester dans l'immeuble qui a été aménagé spécialement en fonction de son état de santé. L'application de ce critère présuppose en principe que les deux époux occupent encore le logement dont l'usage doit être attribué (ATF 120 II 1 consid. 2c; arrêts du Tribunal fédéral 5A_344/2022, consid. 3.1 et 3.2; 5A_829/2016 consid. 3.1). Le fait qu'un des époux ait par exemple quitté le logement conjugal non pas pour s'installer ailleurs mais pour échapper provisoirement à un climat particulièrement tendu au sein du foyer ou encore sur ordre du juge statuant de manière superprovisionnelle ne saurait toutefois entraîner une attribution systématique de la jouissance du logement à celui des époux qui l'occupe encore (arrêt du Tribunal fédéral 5A_823/2014 du 3 février 2015 consid. 4.1).

Si ce premier critère de l'utilité ne donne pas de résultat clair, le juge doit, en second lieu, examiner à quel époux on peut le plus raisonnablement imposer de déménager, compte tenu de toutes les circonstances. A cet égard, entrent notamment en considération l'état de santé ou l'âge avancé de l'un des époux qui, bien que l'immeuble n'ait pas été aménagé en fonction de ses besoins, supportera plus difficilement un changement de domicile, ou encore le lien étroit qu'entretient l'un d'eux avec le domicile conjugal, par exemple un lien de nature affective. Des motifs d'ordre économique ne sont en principe pas pertinents, à moins que les ressources financières des époux ne leur permettent pas de conserver ce logement (ATF 120 II 1 consid. 2c; arrêts du Tribunal fédéral 5A_344/2022, consid. 3.1 et 3.2; 5A_829/2016 consid. 3.1).

Si ce second critère ne donne pas non plus de résultat clair, le juge doit alors tenir compte du statut juridique de l'immeuble et l'attribuer à celui des époux qui en est le propriétaire ou qui bénéficie d'autres droits d'usage sur celui-ci (ATF 120 II 1 consid. 2c; arrêts du Tribunal fédéral 5A_298/2014 du 24 juillet 2014 consid. 3.3.2 et 5A_291/2013 du 27 janvier 2014 consid. 5.3.3).

Selon le Tribunal fédéral, il n'est pas insoutenable de tenir compte, au rang des critères d'appréciation, de la situation de la fille des parties, qui a accédé à la majorité à peine deux mois avant la séparation de ses parents et vivait auprès d'eux jusqu'alors, étant précisé qu'il peut aussi être dans l'intérêt de l'intimée qu'elle puisse continuer d'habiter avec elle, le logement étant ainsi utile à deux personnes qui en partageront les frais (arrêt du Tribunal fédéral 5A_829/2016 du 15 février 2017 consid. 3.3).

3.2.1 En l'espèce, aucun des époux ne se sert du domicile pour y développer une activité professionnelle et celui-ci n'a pas été aménagé de manière spécifique pour des raisons de santé de l'un ou l'autre des époux. Si l'intimé a quitté le logement conjugal en raison de la mesure prononcée à son encontre, il n'a fait que trouver une solution d'hébergement temporaire et ne s'est pas relogé de manière durable, de sorte qu'il conserve un intérêt à se voir attribuer le logement conjugal.

Cela étant, le domicile conjugal apparaît avoir une utilité prépondérante pour l'appelante dès lors qu'elle vit avec son fils majeur de 20 ans encore en apprentissage et que l'appartement de quatre pièces peut servir à deux personnes, qui en partageront les frais (cf. arrêt du Tribunal fédéral 5A_829/2016 du 15 février 2017 consid. 3.3). A cet égard il y a lieu de relever que le salaire d'apprenti de E______, complété cas échéant des allocations de formation professionnelle, ne lui permettent pas de louer son propre logement, étant relevé que l'activité de runner exercée à 100% avant son apprentissage semble incompatible avec ladite formation. Il pourra, en revanche, participer au paiement du loyer dans la mesure de ses moyens.

La situation de l'intimé avec sa fille majeure, âgée de 27 ans, n'est pas comparable dès lors que cette dernière ne vit pas avec son père, contrairement au fils de l'appelante, mais passe tout au plus un week-end sur deux avec lui, étant encore précisé que sa formation se termine en avril 2024.

Par conséquent, l'analyse du premier critère de l'utilité penche en faveur d'une attribution du logement conjugal à l'appelante.

3.2.2 L'examen du second critère, soit la détermination de l'époux à qui on peut le plus raisonnablement imposer de déménager aboutit à un résultat similaire.

En effet, aucune des parties n'a rendu vraisemblable avoir un lien affectif étroit avec le domicile conjugal, qu'elles n'ont intégré qu'en avril 2021. À cet égard, le fait que l'intimé ait quitté le logement conjugal ou ait cessé de s'acquitter du loyer ne peut être interprété comme un manque d'attachement de sa part dès lors qu'il a été contraint de déménager sur ordre du juge et que ses moyens financiers ne lui permettaient pas de s'acquitter de deux loyers.

En outre, l'attestation des HUG et le certificat médical produits par l'appelante font état de ses problèmes de santé, sans pour autant rendre vraisemblable que l'état anxio-dépressif de cette dernière, quand bien même celui-ci trouverait son origine dans les violences conjugales alléguées, aurait pour conséquence qu'elle supporterait difficilement un changement de domicile.

L'intimé allègue qu'il ne serait pas en mesure de se reloger en raison de ses dettes. Ce nonobstant, sa situation professionnelle et financière est cependant plus stable que celle de l'appelante, dès lors qu'il est employé par un employeur fiable et reconnu, F______, qu'il perçoit actuellement un revenu mensuel net de 5'878 fr. (salaire de 4'738 fr. + indemnité chômage de 1'140 fr.), tel que retenu par le premier juge, et qu'il pourrait trouver un petit appartement à loyer raisonnable.

La preuve en est que malgré ses dettes, il est parvenu à louer, qui plus est dans un délai de moins d'un mois, le studio meublé qu'il occupe actuellement et ce malgré les refus des services de cautionnement auxquels il a fait face.

L'intimé dispose actuellement d'un logement dont le bail n'est pas reconductible après le 31 mai 2023, mais dont il ne peut être exclu qu'une prolongation soit obtenue. Il n'a, d'ailleurs, pas allégué, ni prouvé qu'il aurait été expulsé de son studio à l'échéance du bail. De surcroît, en cas d'attribution du logement conjugal à l'appelante, il pourra temporairement loger chez son frère, qui l'a déjà hébergé en mai 2022, le temps de trouver un nouvel appartement.

De son côté, l'appelante se trouve en situation précaire tant qu'elle n'aura pas trouvé un emploi, dès lors qu'elle émarge à l'aide sociale. La possibilité qu'un logement soit mis à sa disposition par le biais de l'aide sociale paraît douteuse compte tenu de l'absence d'enfant mineur à charge et de la subsidiarité de cette aide par rapport aux obligations découlant du droit de la famille (cf. arrêts du Tribunal fédéral 5A_158/2010 du 25 mars 2010 consid. 3.2 et 5A_170/2007 du 27 juin consid. 4.). L'on ne peut, par ailleurs, raisonnablement exiger d'elle qu'elle retourne dans son pays d'origine. De plus, en l'absence d'information sur la situation financière du frère de l'appelante, on ne peut conclure, comme l'a fait le premier juge, que ce dernier serait en mesure de se porter garant en faveur de l'appelante. Celle-ci occupe actuellement l'appartement conjugal avec son fils, de sorte que deux personnes se retrouveraient sans domicile si le logement était attribué à l'intimé. Il n'est, en outre, pas certain que le frère de l'appelante, qui réside à Genève, soit en mesure d'héberger temporairement l'appelante ainsi que son fils majeur dès lors qu'il ne l'a pas fait en mai 2022 lorsque ces derniers ont quitté le logement conjugal (cf. consid. C.g. supra).

L'intimé allègue, à juste titre, que l'appelante n'a produit aucune recherche de logement, ni aucune demande de logement social depuis la séparation des parties. Cela étant, le précité, qui a été sommé de quitter le logement conjugal en raison de la mesure d'éloignement prononcée à son encontre le 18 mai 2022, n'a pas non plus entrepris de démarches pour se voir attribuer un logement pérenne ni pendant toute la durée de la procédure, ni à l'échéance de son bail en février 2023, se contentant d'en obtenir le renouvellement pour une durée de trois mois.

Enfin, l'intimé n'a pas prouvé que le contrat de bail lui avait été octroyé par son employeur à la condition qu'il en demeure seul titulaire. Ainsi, rien ne permet de conclure qu'une attribution de la jouissance du logement conjugal à l'appelante ne puisse pas conduire, à terme, à un transfert de bail en faveur de cette dernière.

Au regard des éléments qui précèdent, la Cour considère que l'on peut aujourd'hui plus raisonnablement imposer à l'intimé qu'à l'appelante de déménager. Il convient en tout état de relever que l'attribution de la jouissance du domicile conjugal n'est à ce stade pas définitive; elle est susceptible d'être revue dans le cadre d'un procès en divorce.

Les chiffres 2 et 3 du jugement entrepris seront en conséquence réformés en ce sens que, sur mesures protectrices de l'union conjugale, la jouissance exclusive du domicile conjugal, mobilier compris, sera attribuée à l'appelante.

3.2.3 Dans la mesure où l'intimé a déjà quitté le domicile conjugal depuis plus d'une année et qu'il n'allègue pas devoir y récupérer des effets personnels, il n'y a pas lieu de lui accorder de délai pour ce faire.

4. Les frais judiciaires d'appel, comprenant les frais de la décision rendue sur effet suspensif, seront fixés à 1'000 fr. (art. 96 CPC; art. 23, 31 et 37 RTFMC) et mis à la charge de l'intimé, qui succombe (art. 106 al. 1 CPC). Aucune avance n'ayant été versée par l'appelante, qui plaide au bénéfice de l'assistance juridique, l'intimé sera condamné à verser le montant desdits frais à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire (art. 111 al. 1 CPC).

Le litige relevant du droit de la famille, chaque partie supportera ses propres dépens (art. 107 al. 1 let. c CPC).

* * * * *



PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 3 avril 2023 par A______ contre le jugement JTPI/3754/2023 rendu le 23 mars 2023 par le Tribunal de première instance dans la cause C/13154/2022.

Au fond :

Annule les chiffre 2 et 3 du dispositif du jugement entrepris et, statuant à nouveau sur ce point :

Attribue à A______ la jouissance exclusive du domicile conjugal situé dans l'immeuble sis au no. ______, rue 1______, [code postal] C______ [GE], ainsi que du mobilier garnissant ledit domicile.

Confirme pour le surplus le jugement entrepris.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 1'000 fr. et les met à la charge de B______.

Condamne B______ à payer la somme de 1'000 fr. à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire, à titre de frais judiciaires.

Dit que chaque partie supporte ses dépens d'appel.

Siégeant :

Madame Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, présidente; Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, juges; Madame Sophie MARTINEZ, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile dans les limites de l'art. 98 LTF.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.