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Décisions | Chambre civile

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C/5362/2022

ACJC/1526/2022 du 22.11.2022 sur DTPI/5815/2022 ( OO ) , CONFIRME

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/5362/2022 ACJC/1526/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 22 NOVEMBRE 2022

 

Pour

A______ SARL, sise ______, recourante contre une ordonnance rendue par le Tribunal de première instance de ce canton le 17 juin 2022, comparant par
Me François MEMBREZ, avocat, WAEBER AVOCATS, rue Verdaine 12,
case postale 3647, 1211 Genève 3, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile.

 

 

 


EN FAIT

A. Par demande en paiement et inscription définitive d'hypothèque légale des artisans et entrepreneurs du 15 juin 2022 déposée au Tribunal de première instance à l'encontre de B______, A______ SARL a notamment conclu, avec suite de frais judiciaires et dépens, à ce que cette dernière soit condamnée à lui payer 115'506 fr. 25 avec intérêts à 5% l'an dès le 19 janvier 2020, à ce qu'il soit ordonné au Conservateur du Registre foncier de Genève de procéder, à l'encontre de B______, à l'inscription définitive d'une hypothèque légale en sa faveur de 115'506 fr. 25 avec intérêts à 5% l'an dès le 19 janvier 2022 sur l'immeuble n° 1______, sis chemin 2______ no.______, [code postal] C______ [GE] (Commune de D______) et à ce que B______ soit condamnée à lui payer le coût de l'inscription définitive de l'hypothèque légale au Registre foncier et des droits d'enregistrement.

B. Par ordonnance du 17 juin 2022, notifiée à A______ SARL le 20 juin 2022, le Tribunal a imparti un délai au 17 août 2022 à A______ SARL pour fournir une avance de frais de 10'000 fr., informé A______ SARL qu'en cas de jugement d'irrecevabilité de la demande pour non-paiement de l'avance de frais ou en cas de retrait de la demande, un émolument de 100 fr. à 200 fr. pourrait être perçu et que l'assistance judiciaire pouvait être requise aux conditions prévues par la loi.

C. a. Par acte expédié à la Cour le 29 juin 2022, A______ SARL forme recours contre cette ordonnance, concluant principalement, avec suite de frais judiciaires et dépens, à son annulation et, cela fait, à ce que la Cour fixe l'avance de frais à 5'000 fr. Subsidiairement, elle conclut, avec suite de frais judiciaires et dépens, au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision. Préalablement, elle sollicite la suspension du caractère exécutoire de l'ordonnance entreprise.

b. Par courrier du même jour, A______ SARL a requis du Tribunal qu'il reconsidère son ordonnance du 17 juin 2022 et fixe l'avance de frais à 5'000 fr. ou, subsidiairement, en réduise substantiellement le montant.

c. Par décision du 30 juin 2022, la Cour a accordé la suspension de l'effet exécutoire de la décision entreprise.

d. Par ordonnance du 19 juillet 2022, le Tribunal a déclaré la demande de reconsidération irrecevable et, subsidiairement, infondée.

e. Invité à se déterminer sur le recours, le Tribunal a, par courrier du 9 août 2022, informé la Cour de ce qu'il s'en rapportait à la teneur de son ordonnance du 17 juin 2022.

f. Par courrier du 15 août 2022, le greffe de la Cour a informé A______ SARL que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. 1.1 Les décisions relatives aux avances de frais et aux sûretés peuvent faire l'objet d'un recours (art. 103 CPC). La décision entreprise est une ordonnance d'instruction, soumise au délai de dix jours de l'art. 321 al. 2 CPC.

Interjeté dans le délai requis et selon la forme prévue par la loi (art. 321 CPC), le recours est recevable.

1.2 La cognition de la Cour est limitée à la constatation manifestement inexacte des faits et à la violation du droit (art. 320 CPC).

2. La recourante reproche au Tribunal d'avoir violé les principes d'équivalence et de proportionnalité en fixant l'avance de frais à 10'000 fr.

2.1.1 Aux termes de l'art. 98 CPC, le tribunal peut exiger du demandeur une avance à concurrence de la totalité des frais judiciaires présumés.

Pour déterminer le montant des frais, il y a lieu de se référer au tarif des frais prévus par le droit cantonal (art. 96 CPC).

Selon l'art. 19 al. 3 LaCC, les émoluments forfaitaires sont calculés en fonction de la valeur litigieuse, s'il y a lieu, de l'ampleur et de la difficulté de la procédure et sont fixés dans un tarif établi par le Conseil d'Etat (art. 19 al. 6 LaCC), soit le règlement fixant le tarif des frais en matière civile du 22 décembre 2010 (RTFMC - E 1 05.10).

La fixation de l'avance de frais doit correspondre en principe à l'entier des frais judiciaires présumables (art. 2 RTFMC), compte tenu notamment des intérêts en jeu, de la complexité de la cause, de l'ampleur de la procédure et de l'importance du travail qu'elle impliquera, par anticipation sur la décision fixant l'émolument forfaitaire arrêté en fin de procédure (art. 5 RTFMC).

L'art. 17 RTFMC prévoit un émolument forfaitaire de décision de 5'000 fr. à 30'000 fr. pour une action en justice dont la valeur litigieuse porte sur un montant compris entre 100'000 fr. et 1'000'000 fr.

2.1.2 Faisant partie des contributions causales, les émoluments de justice obéissent au principe de l'équivalence (ATF 133 V 402 consid. 3.1). Ainsi, leur montant doit être en rapport avec la valeur objective de la prestation fournie et rester dans des limites raisonnables. La valeur de la prestation se mesure soit à son utilité pour le justiciable, soit à son coût par rapport à l'ensemble des dépenses de l'activité judiciaire en cause (ATF 130 III 225 consid. 2.3). Pour que le principe de l'équivalence soit respecté, il faut que l'émolument soit raisonnablement proportionné à la prestation de l'administration, ce qui n'exclut cependant pas un certain schématisme. Il n'est pas nécessaire que, dans chaque cas, l'émolument corresponde exactement au coût de l'opération administrative (ATF 139 III 334 consid. 3.2.4). L'autorité peut également tenir compte de l'intérêt du débiteur à l'acte officiel et, dans une certaine mesure, de sa situation économique pour fixer les émoluments, en ce sens qu'il n'est pas interdit de compenser les pertes subies dans des affaires mineures par des émoluments élevés dans des affaires importantes (ATF 130 III 225 consid. 2.3). Les émoluments doivent toutefois être établis selon des critères objectifs et s'abstenir de créer des différences qui ne seraient pas justifiées par des motifs pertinents (ATF 139 III 334 consid. 3.2.4). Le taux de l'émolument ne doit pas, en particulier, empêcher ou rendre difficile à l'excès l'accès à la justice (arrêt du Tribunal fédéral 2C_513/2012 du 11 décembre 2012 consid. 3.1).

2.1.3 L'art. 98 CPC est une "Kann-Vorschrift", le Tribunal jouissant en la matière d'un important pouvoir d'appréciation, puisque s'il doit en principe réclamer une avance de frais correspondant à l'entier des frais judiciaires présumables, il peut également réclamer un montant inférieur, voire renoncer à toute avance de frais, étant cependant relevé que le prélèvement d'une avance de frais pleine et entière est la règle et que celle d'une avance moindre, ou la renonciation à percevoir une avance, sont l'exception (ATF 140 III 159 consid. 4.2).

Par conséquent, la Cour examine la cause avec une certaine réserve; ainsi, seul un abus du pouvoir d'appréciation du juge constitue une violation de la loi (ACJC/1547/2018 du 8 novembre 2018; ACJC/278/2014 du 25 février 2014; ACJC/208/2014 du 13 février 2014).

2.2. En l'espèce, la recourante ne conteste pas que le montant de l'avance requise a été fixé conformément au règlement applicable et se trouve dans la fourchette prévue pour une cause dont la valeur litigieuse est de 115'506 fr. 25.

Elle soutient, règle de trois à l'appui, que, si pour une valeur litigieuse de 1'000'000 fr., l'avance de frais s'élève à 30'000 fr., elle devrait s'élever à 3'465 fr. pour une valeur litigieuse de 115'506 fr. 25, ou respectivement que, si pour une valeur litigieuse de 100'000 fr., l'avance de frais s'élève à 5'000 fr., elle devrait s'élever à 5'755 fr. pour une valeur litigieuse de 115'506 fr. 25. L'avance de frais aurait donc dû, selon elle, être fixée entre ces deux montants.

Ce raisonnement ne peut être suivi.

En effet, si le règlement applicable prévoit que l'émolument de décision doit être fixé entre 5'000 fr. et 30'000 fr. lorsque la valeur litigieuse est comprise entre 100'000 fr. et 1'000'000 fr., c'est justement pour écarter tout schématisme et laisser au Tribunal une large marge d'appréciation.

D'ailleurs, le fait que la recourante arrive à des résultats différents selon qu'elle applique la règle de trois au seuil maximum ou minimum montre bien qu'il ne s'agit pas de la méthode opportune. Abonde dans le même sens le fait que l'application de la règle de trois au seuil maximum conduise à un résultat inférieur au solde minimum pour une valeur litigieuse telle que celle du cas d'espèce.

Au demeurant, le montant de l'avance de frais réclamé par le Tribunal, bien qu'élevé, n'apparaît pas disproportionné par rapport à la nature de l'affaire, sa complexité, sa valeur litigieuse et l'ampleur prévisible de la procédure. De même, aucun élément n'établit que la recourante serait empêchée, en raison du montant de l'avance de frais d'accéder à la justice, ou que cela lui serait rendu excessivement difficile.

Aussi, le Tribunal n'a pas abusé de son pouvoir d'appréciation en arrêtant l'avance de frais à 10'000 fr.

Par conséquent, le recours sera rejeté.

3. Les frais judicaires de recours, arrêtés à 200 fr., seront mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 106 al. 1 CC) et compensés avec l'avance fournie, qui reste acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC), dont le solde sera restitué à la recourante.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 29 juin 2022 par A______ SARL contre l'ordonnance DTPI/5815/2022 rendue le 17 juin 2022 par le Tribunal de première instance dans la cause C/5362/2022.

Au fond :

Le rejette.

Sur les frais :

Arrête les frais judicaires du recours à 200 fr., les met à la charge de A______ SARL et dit qu'ils sont compensés avec l'avance fournie, qui reste acquise à l'Etat de Genève.

Ordonne aux Services financiers du Pouvoir judiciaire de restituer 400 fr. à A______ SARL.

Siégeant :

Madame Ursula ZEHETBAUER GHAVAMI, présidente; Madame Sylvie DROIN, Monsieur Jean REYMOND, juges; Madame Jessica ATHMOUNI, greffière.

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours constitutionnel subsidiaire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 30'000 fr.