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Décisions | Chambre civile

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C/20854/2020

ACJC/1241/2022 du 20.09.2022 sur JTPI/13272/2021 ( SDF ) , CONFIRME

Normes : CC.176; CC.163; CC.184; CC.204; CC.279; CO.75; CO.86; CO.87
En fait
En droit
Par ces motifs

 

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/20854/2020 ACJC/1241/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du mardi 20 septembre 2022

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______ [GE], appelant d'un jugement rendu par la 17ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 18 octobre 2021, comparant en personne,

et

Madame B______, domiciliée ______ [VD], intimée, comparant par
Me Bernadette SCHINDLER VELASCO, avocate, rue Nicole 3, 1260 Nyon 2, en l'Étude de laquelle elle fait élection de domicile.

 

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/13272/2021 du 18 octobre 2021, reçu par A______ le 21 octobre 2021, le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal), statuant sur mesures protectrices de l'union conjugale, a autorisé A______ et B______ à vivre séparés (chiffre 1 du dispositif), condamné B______ à verser en mains de A______, par mois et d'avance, une somme de 3'055 fr. au titre de contribution d'entretien, à compter du 1er juillet 2020 et jusqu'au 2 mai 2023 et ce tant que l'assurance maladie de A______ serait prise en charge par l'employeur de B______ (ch. 2), condamné B______ à verser en mains de A______, par mois et d'avance, une somme de 3'670 fr. au titre de contribution d'entretien, dès que l'employeur de B______ cesserait de payer l'assurance maladie de A______ et jusqu'au 2 mai 2023 (ch. 3), dit que B______ pourrait déduire des sommes dues selon les chiffres 2 et 3 ci-dessus le montant de 100'000 fr. qu'elle avait déjà versé à A______ (ch. 4), prononcé les mesures pour une durée indéterminée (ch. 5), arrêté les frais judiciaires à 200 fr., compensés avec l'avance de frais fournie par A______ et répartis à raison de la moitié à la charge de chacun des époux, condamné B______ à verser à A______ le montant de 100 fr. à titre de remboursement d'avance de frais (ch. 6), dit qu'il n'était pas alloué de dépens (ch. 7) et condamné les parties à respecter et à exécuter les dispositions du jugement (ch. 8).

B. a. Par acte expédié le 30 octobre 2021, A______ a formé appel contre le chiffre 4 du dispositif de ce jugement, concluant à l'annulation de celui-ci. Il a sollicité nouvellement la tenue d'une audience devant la Cour afin que B______ y "présente" des pièces.

Il a produit quatorze pièces nouvelles et deux pièces figurant déjà au dossier, soit un courrier qu'il a adressé à son épouse le 24 juillet 2020 (pièce 1) et un courrier adressé par celle-ci au Tribunal le 25 septembre 2020 (pièce 16).

b. B______ a conclu à l'irrecevabilité de ces pièces nouvelles et au rejet de l'appel, sous suite de frais.

c. Par avis du 23 décembre 2021, la Cour a informé les parties de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______, né le ______ 1958, et B______, née le ______ 1969, tous deux de nationalité suisse, ont contracté mariage en 1994 à C______ [GE].

Ils sont les parents de D______, né en 1994, et E______, née en 1999, tous deux majeurs.

Les époux vivent séparés depuis le 6 juin 2020.

b. A une date qui ne ressort pas des pièces produites, B______ a tenté de verser sur le compte bancaire de son époux un montant de 100'000 fr. avec la mention "partage fortune". Elle a adressé ce jour-là un message à son époux, pour l'informer de l'échec de cette démarche et du fait qu'elle devait donc faire appel à son conseiller auprès de sa banque pour effectuer le virement.

c.a Le 14 juillet 2020, A______ a déposé devant le Tribunal une requête de mesures protectrices de l'union conjugale tendant au versement par son épouse d'une contribution à son entretien de 3'690 fr. pour le mois de juillet 2020, la prime de son assurance-maladie étant prise en charge par l'employeur de celle-ci, et de 4'751 fr. par mois, à compter du 1er janvier 2021, lorsque tel ne serait plus le cas.

Le numéro de cause C/1______/2020-14 a été attribué à la procédure issue de cette requête.

c.b Le 17 juillet 2020, A______ a reçu sur son compte bancaire la somme de 100'000 fr. versée par son épouse. Aucune pièce bancaire y relative ne figure au dossier, de sorte que l'existence d'une éventuelle référence accompagnant ce versement et, le cas échéant, la teneur de celle-ci ne sont pas établies.

c.c Par courrier simple du 24 juillet 2020 adressé à son épouse, A______ a accusé réception de la somme de 100'000 fr. en date du 17 juillet 2020 "comme mesure prévisionnelle dans la division de nos liquidités en vue de notre prochain divorce".

c.d Dans la cause C/1______/2020-14, lors de l'audience tenue devant le Tribunal le 15 septembre 2020, B______ a déclaré avoir versé 100'000 fr. à son époux le 15 juillet 2020 au moyen de la moitié de ses économies bancaires afin de permettre à celui-ci de pourvoir à son entretien jusqu'à ce que les parties trouvent une "solution".

A______ n'a pas contesté avoir reçu ce montant, tout en relevant qu'il s'agissait, selon lui, d'une liquidation anticipée du régime matrimonial. Il a ajouté "estimer avoir le droit de conserver ce montant sur [son] compte bancaire". A la fin de l'audience, il a encore déclaré ce qui suit : "j'entendais garder les 100'000  fr. que Madame m'a donnés jusqu'au divorce".

c.e A teneur de la copie d'un courrier simple des parties daté du 2 septembre 2020 et non signé, produite par A______, celui-ci a informé le Tribunal du fait que son épouse s'engageait à subvenir à son entretien à hauteur de 2'000 fr. par mois à compter de juillet 2020 et jusqu'à sa retraite. Il acceptait cette offre, de sorte qu'il retirait sa requête.

c.f Par courrier du 25 septembre 2020, reçu par le Tribunal le 30 septembre 2020, B______ a informé le premier juge qu'il semblait qu'un accord avait dans un premier temps été trouvé par les parties, mais que suite à des discussions postérieures, celui-ci ne subsistait pas. Elle concluait ainsi à ce que le Tribunal "annule l'arrangement qui avait été envoyé" par son époux et dise que la procédure suivait son cours en vue du partage des biens et du prononcé du divorce.

c.g A______ a retiré sa requête en septembre 2020, ce que le Tribunal a constaté par jugement du 6 octobre 2020.

d. Par requête du 19 octobre 2020, complétée en audience le 3 juin 2021, A______ a saisi le Tribunal d'une nouvelle requête de mesures protectrices de l'union conjugale tendant au versement en sa faveur d'une contribution à son entretien de 4'064 fr. par mois dès juillet 2020 et jusqu'à sa retraite.

Cette requête est à l'origine de la présente cause.

Lors de l'audience tenue devant le Tribunal le 3 juin 2021, B______ a conclu au déboutement de son époux, au motif du versement précité de 100'000 fr. qu'elle avait déjà effectué en faveur de celui-ci au titre de son entretien. Ce montant avait été prélevé sur ses économies et devait permettre à son époux de subvenir à son entretien durant deux ans.

A______ a déclaré que, selon lui, ce montant correspondait à la part des économies que son épouse avait pu réaliser pendant le mariage, compte tenu du fait que, lorsqu'il travaillait encore, c'était lui qui payait les charges du ménage.

Par plis du 8 juillet 2021, les parties ont été informées du fait que la cause était gardée à juger.

e. La situation personnelle et financière des parties retenue par le Tribunal et non remise en cause par celles-ci se présente comme suit :

e.a A______ est informaticien et dépourvu de tout revenu actuellement.

Il a travaillé en qualité d'indépendant pour une entreprise jusqu'en avril 2017, date à laquelle B______, qui travaillait au service de cette entreprise, lui a demandé de résilier son contrat en raison de plaintes qu'elle recevait de la part de son employeur au sujet des prestations de son époux.

Le bilan 2020 de l'activité de A______ fait état d'une perte de 12'477 fr. Celui-ci a effectué de nombreuses recherches d'emploi, mais sans succès compte tenu, selon lui, de son âge, du fait qu'il n'était plus à jour en informatique et de son état de santé, souffrant de dépression depuis 2014.

Le minimum vital mensuel de A______ s'élève à 3'670 fr. ou à 3'055 fr. hors assurance-maladie (3'670 fr. - 615 fr.), comprenant son montant de base OP (1'200 fr.), son loyer (1'492 fr.), son assurance-maladie (615 fr.), ses frais médicaux (36 fr.), ses cotisations AVS (193 fr.), ses frais de transport (70 fr.) et ses frais immobiliers (64 fr.).

e.b B______ perçoit en tant que salariée un revenu mensuel net de 10'190 fr., comprenant la participation de son employeur aux assurances maladie de A______, de E______ et d'elle-même, soit 7'860 fr. sans cette participation. Elle exerce également une activité de traductrice, laquelle lui rapporte un revenu mensuel net arrêté à 183 fr. Son revenu mensuel net total se monte ainsi à 8'043 fr. (7'860 fr. + 183 fr.).

Elle a déclaré vivre avec E______ et D______ et subvenir à leur entretien.

Le minimum vital de B______ s'élève à 4'279 fr. par mois, hors charge fiscale, comprenant son montant de base OP (1'200 fr.), son loyer (2'450 fr.), ses frais de parking (250 fr.), ses frais de repas (200 fr.), ses frais médicaux (53 fr.), ses frais de transport (196 fr.) et ses frais immobiliers (30 fr.).

Elle dispose ainsi mensuellement de 3'764 fr. (8'043 fr. - 4'279 fr.).

e.c E______ est étudiante. Son revenu mensuel de 1'200 fr. couvre ses charges mensuelles alléguées de 686 fr., lesquelles comprennent son minimum vital (600 fr.), ses frais médicaux (41 fr.) et ses frais de transport (45 fr.).

D______ percevait des indemnités de l'assurance chômage qui sont arrivées à leur terme.

e.d B______ a déclaré en première instance que durant plusieurs années avant la séparation, elle avait subvenu aux besoins du ménage. A______ payait les factures familiales au moyen de prélèvements effectués sur le compte de son épouse de l'ordre de 10'000 fr. par mois. Cette dernière assumait les charges de nourriture et de vêtements.

A______ a admis qu'il retirait de l'argent du compte de son épouse pour payer les factures. Cela étant, le montant était parfois inférieur à 10'000 fr.

L'entretien de A______ a été assuré par B______ jusqu'à la séparation, soit jusqu'en juin 2020. Depuis juillet 2020, celui-ci subvient à son entretien grâce à ses économies, y compris le montant de 100'000 fr. versé par B______ lors de la séparation.

f. Dans le jugement entrepris, le Tribunal a retenu que compte tenu de l'âge de A______, proche de la retraite, de son incapacité de travail depuis plusieurs années et du fait que l'arrêt de son activité professionnelle en 2017 était consécutif à la demande de son épouse, puis à des problèmes de santé documentés, il convenait de renoncer à fixer un revenu hypothétique à celui-ci et de condamner B______ à lui verser une contribution à son entretien correspondant à son minimum vital du droit des poursuites.

L'opinion exprimée par A______ quant au versement en sa faveur de 100'000 fr. par son épouse ne résistait pas à l'examen. Rien dans le dossier n'indiquait qu'il s'agissait d'un partage d'économies. Au contraire, le montant n'était pas très éloigné des frais allégués par le précité sur une période de deux ans (4'150 fr. x 24 mois = 99'600 fr.). En outre, B______ assumait depuis 2017 les charges du ménage, soit directement, soit indirectement, puisque A______ payait certes les factures, mais au moyen des fonds de celle-ci. Le versement litigieux de 100'000 fr. correspondait en conclusion à de l'entretien à déduire des contributions d'entretien fixées.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les jugements de mesures protectrices, qui doivent être considérés comme des décisions provisionnelles au sens de l'art. 308 al. 1 let. b CPC, dans les causes dont la valeur litigieuse au dernier état des conclusions devant l'autorité inférieure est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC). Les mesures protectrices étant régies par la procédure sommaire selon l'art. 271 CPC, le délai d'introduction de l'appel est de dix jours (art. 314 al. 1 CPC).

En l'espèce, l'appel a été introduit en temps utile (art. 142 al. 1 et 3 CPC), selon la forme prescrite par la loi (art. 311 al. 1 CPC) et porte sur des conclusions qui, capitalisées selon l'art. 92 al. 2 CPC, sont supérieures à 10'000 fr. Il est donc recevable.

1.2 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC) et établit les faits d'office (art. 272 CPC). Sa cognition est toutefois limitée à la simple vraisemblance des faits et à un examen sommaire du droit (ATF 127 III 474 consid. 2b/bb, JdT 2002 I 352; arrêt du Tribunal fédéral 5A_762/2013 du 27 mars 2014 consid. 2.2).

1.3 Les maximes de disposition et inquisitoire simple sont applicables s'agissant de la contribution d'entretien due à l'époux (art. 58 et 272 CPC; ATF 129 III 417; arrêt du Tribunal fédéral 5A_315/2016 du 7 février 2017 consid. 9.1).

2. L'appelant a produit des pièces nouvelles (pièces 2 à 15).

2.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuve nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas l'être devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de diligence (let. b).

2.2 En l'espèce, les pièces 2 à 5, qui datent de 2020, 6 à 9, qui datent de 2013, 10 et 12, qui datent de 1992/1994, 11, qui date de 2006, 13, qui date de 2018, et 14 ainsi que 15, qui datent de 2019, sont irrecevables. Elles portent, en effet, sur des faits antérieurs à juillet 2021, date à laquelle la cause a été gardée à juger en première instance, et l'appelant n'indique pas les raisons pour lesquelles il aurait été empêché de les produire devant le premier juge.

Les allégations nouvelles de l'appelant qui se rapportent aux pièces nouvelles irrecevables qu'il produit sont également irrecevables.

3. L'appelant a sollicité la tenue d'une audience devant la Cour afin que l'intimée produise le détail des mouvements de ses comptes bancaires relatifs à la période courant de 2012 à 2016, en vue de démontrer que celle-ci n'avait pas participé aux charges du ménage.

3.1.1 Selon l'art. 317 al. 2 CPC, la demande ne peut être modifiée que si les conditions fixées à l'art. 227 al. 1 CPC sont remplies (let. a) et si la modification repose sur des faits ou des moyens de preuve nouveaux (let. b). Ces conditions sont cumulatives (Jeandin, CR CPC, 2019, n. 10 ad art. 317 CPC). L'art. 227 al. 1 CPC autorise la modification de la demande si la prétention nouvelle ou modifiée relève de la même procédure et présente un lien de connexité avec la dernière prétention ou, à défaut d'un tel lien, si la partie adverse consent à la modification de la demande.

La prise de conclusions nouvelles en appel doit être admise restrictivement, car elle porte atteinte au principe du double degré de juridiction (Jeandin, op. cit., n. 10 ad art. 317 CPC).

3.1.2 Selon l'art. 316 al. 3 CPC, l'instance d'appel peut librement décider d'administrer des preuves : elle peut ainsi ordonner que des preuves administrées en première instance le soient à nouveau devant elle, faire administrer des preuves écartées par le Tribunal de première instance ou encore décider l'administration de toutes autres preuves. Néanmoins, cette disposition ne confère pas à l'appelant un droit à la réouverture de la procédure probatoire et à l'administration de preuves. Le droit à la preuve, comme le droit à la contre-preuve, découlent de l'art. 8 CC ou, dans certains cas, de l'art. 29 al. 2 Cst., dispositions qui n'excluent pas l'appréciation anticipée des preuves. L'instance d'appel peut rejeter la requête de réouverture de la procédure probatoire de l'appelant si celui-ci n'a pas suffisamment motivé sa critique de la constatation de fait retenue en première instance, ou si, par une appréciation anticipée des preuves, elle estime que le moyen de preuve requis ne pourrait pas fournir la preuve attendue ou ne serait pas de nature à modifier le résultat des preuves qu'elle tient pour acquis, ou encore, en vertu du principe de la bonne foi (art. 52 CPC), si la partie a renoncé à l'administration d'un moyen de preuve régulièrement offert en première instance, notamment en ne s'opposant pas à la clôture de la procédure probatoire (ATF 138 III 374 consid. 4.3).

3.2 En l'espèce, la conclusion de l'appelant, qui comparaît en personne, doit être comprise comme tendant exclusivement à la production de pièces par l'intimée et non pas également à la tenue d'une audience.

Cette conclusion nouvelle ne se fonde pas sur des faits nouveaux, de sorte qu'elle est irrecevable. Au contraire, le fait que l'intimée n'aurait pas participé aux charges du ménage durant la vie commune était déjà invoqué par le précité en première instance en lien avec la nature du versement de 100'000 fr. litigieux. Il incombait donc à l'appelant de conclure à la production desdites pièces devant le Tribunal déjà.

En tout état, la question de savoir qui des époux s'acquittait des charges du ménage durant la vie commune n'est pas pertinente pour l'issue du litige.

4. L'appelant fait grief au premier juge d'avoir retenu que le versement de 100'000 fr. n'était pas intervenu au titre de la liquidation anticipée du régime matrimonial, mais à celui de son entretien, comme le soutenait son épouse.

La question qui se pose consiste à déterminer la dette que l'intimée a éteinte par le versement de 100'000 fr. le 17 juillet 2020, étant précisé qu'aucune des parties n'allègue qu'il serait intervenu sans cause ou à titre de libéralité.

Les déclarations des parties à cet égard ne sont pas déterminantes puisque même à retenir que le versement serait intervenu pour un règlement anticipé, partiel ou complet, de la liquidation du régime matrimonial, comme pouvaient le laisser penser les premières manifestations de volonté des parties ayant immédiatement précédé ou suivi le versement litigieux, rien ne permet d'exclure que l'intimée, comme elle l'a allégué ultérieurement, ait également visé l'objectif de permettre à son mari de subvenir à son entretien par ce versement.

En tout état, l'interprétation des manifestations de volonté des parties afin de déterminer l'obligation éteinte par le versement litigieux peut rester indécise pour les motifs qui suivent.

4.1.1 Aux termes de l'art. 86 CO, le débiteur qui a plusieurs dettes à payer au même créancier a le droit de déclarer, lors du paiement, laquelle il entend acquitter (al. 1). Faute de déclaration de sa part, le paiement est imputé sur la dette que le créancier désigne dans la quittance, si le débiteur ne s'y oppose immédiatement (al. 2). S'agissant de l'imputation par le débiteur, les dettes doivent être exigibles (art. 75 CO) ou du moins exécutables (art 81 CO).

Lorsqu'il n'existe pas de déclaration valable, ou que la quittance ne porte aucune imputation, le paiement s'impute sur la dette exigible; si plusieurs dettes sont exigibles, sur celle qui a donné lieu aux premières poursuites contre le débiteur, s'il n'y a pas eu de poursuite, sur la dette échue la première. Si plusieurs dettes sont échues en même temps, l'imputation se fait proportionnellement. Si aucune dette n'est échue, l'imputation se fait sur celle qui présente le moins de garanties pour le créancier (art. 87 al. 1 à 3 CO).

4.1.2 Comme les dettes d'un époux envers des tiers, les dettes ordinaires d'un époux envers son conjoint sont en principe régies par les règles ordinaires du droit des obligations (art. 75 et ss CO). Ces dettes peuvent ainsi avoir leur fondement dans un contrat, un acte illicite, un enrichissement illégitime ou une gestion d'affaires. Certaines dettes entre époux peuvent en outre résulter des règles régissant le mariage lui-même, notamment les créances d'entretien au sens de l'art. 163 CC ou en liquidation du régime matrimonial (Deschenaux et al., op. cit., n. 1088 p. 655).

La dette d'entretien du conjoint au sens de l'art. 163 CC naît avec le mariage et prend fin avec sa dissolution, que les époux vivent ensemble ou séparément. Les conjoints fixent d'un commun accord la contribution de chacun à l'entretien de la famille. Les prestations individuelles, notamment en argent, sont dues régulièrement, selon les nécessités de l'entretien et conformément à la convention des époux. En cas de désaccord, la prestation en argent est fixée par le juge (art. 173 et 176 al. 1 ch. 1 CC; Deschenaux et al., op. cit., n. 451, 517 ss, et 620).

L'exigibilité des dettes entre les époux qui ont leur fondement dans le régime matrimonial lui-même est déterminée par les règles du régime en question; ainsi, la créance de participation (art. 215 CC) et les créances variables (art. 206 CC) sont (sous réserve de l'art. 206 al. 2 CC) exigibles dès la clôture de la liquidation du régime (Steinauer, CR CC I, 2010, n. 5 et 6 ad art. 203 CC et n. 1 ad art. 218 CC; Deschenaux et al., op. cit., n. 1378 p. 777). Avant la dissolution du régime, le droit à la participation au bénéfice ne constitue qu'une expectative (Steinauer, op. cit., n. 8 ad art. 215 CC).

4.1.3.1.1 Les époux sont placés sous le régime de la participation aux acquêts, à moins qu'ils n’aient adopté un autre régime par contrat de mariage ou qu'ils ne soient soumis au régime matrimonial extraordinaire (art. 181 CC).

Les parties peuvent adopter un régime, le révoquer ou le modifier dans les limites de la loi (art. 182 al. 2 CC). La loi prévoit en outre l'instauration d'un régime extraordinaire dans les cas suivants : la séparation de biens prononcée par le juge à la demande d'un époux fondée sur de justes motifs (art. 185 al. 1 CC); la révocation de la séparation de biens prononcée par le juge et le retour au régime antérieur, voire l'adoption d'un autre régime par décision du juge ou par les conjoints en la forme authentique (art. 187 CC); l'instauration de plein droit de la séparation de biens en cas de faillite d'un des époux soumis au régime de la communauté de biens (art. 188 CC); le prononcé de la séparation de biens par le juge en cas de saisie de la part de liquidation de la communauté d'un époux sont soumis au régime de la communauté de biens (art. 188 et 189 CC). Le juge peut également instaurer la séparation de biens sur requête en cas de séparation des conjoints (art. 176 al. 1 ch. 3 CC).

Le contrat de mariage par lequel les conjoints adoptent, révoquent ou modifient leur régime matrimonial est reçu en la forme authentique, signé par eux et, le cas échéant, par le représentant légal (art. 184 CC). L'exigence de la forme authentique constitue une condition de validité de l'acte (art. 184 CC et 11 al. 2 CO; Deschenaux et al., Les effets généraux du mariage, 3ème éd. 2017, n. 784 p. 499).

4.1.3.1.2 Le régime de la participation aux acquêts est dissous au jour du décès d'un époux ou au jour du contrat adoptant un autre régime (art. 204 al. 1 CC) ou au jour du prononcé judiciaire de la séparation de biens. S'il y a divorce, séparation de corps, nullité de mariage ou séparation de biens judiciaire, la dissolution du régime rétroagit au jour de la demande (art. 204 al. 2 CC).

Le régime de la communauté de biens est dissous au jour du décès d'un époux, au jour du contrat adoptant un autre régime ou au jour de la déclaration de faillite d'un époux (art. 236 al. 1 CC). S'il y a divorce, séparation de corps, nullité de mariage ou séparation de biens judiciaire, la dissolution du régime rétroagit au jour de la demande (art. 236 al. 2 CC).

Même si la loi ne règle pas la dissolution du régime de la séparation des biens, celle-ci est provoquée par la dissolution du mariage, le passage conventionnel à un autre régime ou la révocation judiciaire du régime extraordinaire. Le régime de la séparation des biens n'entraîne en principe aucune liquidation; tout au plus les conjoints doivent-ils procéder à la reprise de leurs biens respectifs, à la liquidation des éventuels rapports juridiques les liant, notamment de copropriété, et au règlements des dettes contractées entre eux (Deschenaux et al., op. cit., n. 1624 ss p. 911).

4.1.3.2 Aux termes de l'art 279 al. 1 CPC, le tribunal ratifie la convention sur les effets du divorce après s'être assuré que les époux l'ont conclue après mûre réflexion et de leur plein gré, qu'elle est claire et complète, et qu'elle n'est pas manifestement inéquitable (arrêts du Tribunal fédéral 5A_121/2016 du 8 juillet 2016 consid. 4; 5A_187/2013 du 4 octobre 2013 consid. 5, publié in FamPra.ch 2014 p. 409; 5A_721/2012 du 17 janvier 2013 précité; 5A_40/2011 du 21 juin 2011 consid. 3.3). La convention sur les effets accessoires du divorce, notamment la liquidation du régime matrimonial, est une transaction de nature particulière, en ce sens que sa validité dépend d'une ratification par le juge du divorce, avec pour conséquence qu'elle perd sa nature contractuelle et devient partie intégrante du jugement de divorce (entre autres arrêts : ATF 138 III 534 consid. 1.3).

4.2 En l'espèce, l'appelant ne peut avoir, ainsi qu'il le prétend, reçu la somme de 100'000 fr. au titre de la dissolution et de la "liquidation anticipée" du régime matrimonial des parties. Il n'allègue aucun cas de dissolution du régime matrimonial entraînant sa liquidation (modification par acte authentique, décision du juge, divorce, décès d'un conjoint, faillite d'un conjoint en cas de communauté de biens). Par ailleurs, quelle qu'ait été la volonté des parties de conclure une convention à ce titre, celle-ci n'aurait pas pu valablement exister, faute de respecter la forme authentique ou d'avoir été ratifiée par le juge dans le cadre d'un divorce. L'appelant ne disposait que d'une expectative et non pas d'une créance exigible en matière de liquidation du régime matrimonial de sorte qu'aucune dette de cette nature ne pouvait être éteinte à ce moment-là. Les manifestations de volonté des parties en ce sens n'ont ainsi eu aucune portée car il n'existait pas plusieurs dettes à éteindre au sens de l'art. 86 CO le 17 juillet 2020. En l'absence de déclaration valable des parties, l'imputation du paiement litigieux de 100'000 fr., n'a pu avoir lieu que sur la dette d'entretien, en application de l'art. 87 CO.

En conclusion, le grief de l'appelant est infondé de sorte que le chiffre 4 du dispositif du jugement entrepris sera confirmé.

5. 5.1 Les frais judiciaires de la procédure d'appel seront arrêtés à 800 fr. (art. 2, 31 et 35 RTFMC), mis à la charge de l'appelant qui succombe intégralement (art. 106 al. 1 CPC) et compensés avec l'avance fournie par celui-ci, qui demeure acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

5.2 Au vu de la nature familiale du litige, chaque partie conservera à sa charge ses propres dépens d'appel (art. 107 al. 1 let. c CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :


A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 30 octobre 2021 par A______ contre le chiffre 4 du dispositif du jugement JTPI/13272/2021 rendu le 18 octobre 2021 par le Tribunal de première instance dans la cause C/20854/2020-17.

Au fond :

Confirme ce jugement.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 800 fr., les met à la charge de A______ et les compense avec l'avance de frais fournie, qui reste acquise à l'Etat de Genève.

Dit que chaque partie supporte ses propres dépens d'appel.

Siégeant :

Madame Ursula ZEHETBAUER GHAVAMI, présidente; Madame Sylvie DROIN, Monsieur Jean REYMOND, juges; Madame Sandra CARRIER, greffière.

 

La présidente :

Ursula ZEHETBAUER GHAVAMI

 

La greffière :

Sandra CARRIER

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.