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Décisions | Chambre civile

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C/23127/2020

ACJC/870/2021 du 30.06.2021 sur OTPI/369/2021 ( SDF )

Normes : CPC.315.al5
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/23127/2020 ACJC/870/2021

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MERCREDI 30 JUIN 2021

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______ (GE), appelante d'un jugement rendu par la 2ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 20 mai 2021, comparant par Me Anik PIZZI, avocate, AVOCATS ASSOCIES, boulevard des Tranchées 36, 1206 Genève, en l'Etude de laquelle elle fait élection de domicile,

et

Monsieur B______, domicilié ______ [VS], intimé, comparant par Me Mélanie MATHYS DONZE, avocate, COLLECTIF DE DEFENSE, boulevard de Saint-Georges 72, 1205 Genève, en l'Etude de laquelle il fait élection de domicile.

 


Vu l'ordonnance OTPI/369/2021 du 20 mai 2021 par laquelle le Tribunal de première instance, statuant sur mesures provisionnelles, a annulé le chiffre 5 du dispositif du jugement JTPI/6201/2019 du 2 mai 2019 en ce qu'il condamnait B______ à verser à A______, par mois et d'avance, à titre de contribution à son entretien, la somme de 1'985 fr. (chiffre 1 du dispositif), et cela fait, a condamné B______ à verser à A______, par mois et d'avance, à titre de contribution à son entretien, la somme de 1'000 fr., avec effet au 15 novembre 2020 (ch. 2) et a arrêté et réparti les frais judiciaires (ch. 3 à 6);

Vu l'appel formé par A______ le 3 juin 2021 contre l'ordonnance du 20 mai 2021, concluant à son annulation et cela fait à la confirmation du jugement JTPI/6201/2019 du 2 mai 2019;

Que préalablement, A______ a sollicité la restitution de l'effet suspensif;

Que sur ce point, elle a allégué que son budget était déficitaire et qu'elle ne pouvait bénéficier de l'aide de l'Hospice général, de sorte que la maigre fortune issue de la séparation des parties devrait être utilisée pour combler son déficit, ce qui était choquant au vu de la situation de sa partie adverse;

Que pour le surplus, elle a allégué que B______ n'avait commencé à recevoir un salaire réduit qu'en 2021 et non en 2020;

Qu'il ne supportait plus le loyer de son appartement de G______ (2'100 fr.) et de la place de parking (120 fr.), puisqu'il s'était établi en Valais et occupait un bien immobilier lui appartenant;

Qu'il n'avait par ailleurs plus de frais de transport, puisqu'il ne travaillait plus;

Qu'il avait en outre perçu un montant de près de 24'000 fr. de son assurance-vie;

Que par conséquent, la situation financière de B______ ne s'était pas détériorée;

Que B______ a conclu au rejet de la requête de restitution de l'effet suspensif;

Qu'il a allégué avoir perçu un salaire de l'ordre de 2'200 fr. par mois de février à avril 2021, son contrat avec D______ devant prendre fin au 31 août 2021, soit deux ans après le début de son incapacité de travail à 100%;

Que la Caisse de pension de D______ lui avait adressé une offre de rente invalidité indiquant qu'elle s'élèverait à 1'421 fr. par mois dès le 1er septembre 2021;

Que dès lors et à compter de cette date, il ne disposerait plus d'un salaire et d'une rente invalidité à 50%, mais uniquement d'une rente entière invalidité;

Qu'il a contesté avoir perçu la somme de l'ordre de 24'000 fr. mentionnée par A______, la bénéficiaire de l'assurance étant la fille aînée des parties;

Que son minimum vital ne lui permettait plus de verser à A______ la somme de 1'985 fr. par mois;

Qu'il ressort par ailleurs des pièces produites que le salaire net de B______ perçu en 2020 s'est élevé à 38'199 fr., correspondant à 3'183 fr. par mois, montant auquel se sont ajoutées des rentes de la Caisse de pension de D______ en 1'027 fr. par mois et une rente en 1'062 fr. par mois de l'Office cantonal des assurances sociales, pour un total de 5'272 fr.;

Qu'il a par ailleurs perçu les montants nets suivants à partir de janvier 2021 de D______ : 2'535 fr. en janvier 2021, 2'310 fr. en février 2021, 2'287 fr. en mars 2021, 2'288 fr. en avril 2021;

Que selon un courriel du 17 mai 2021 adressé par D______ à B______, celui-ci allait continuer de percevoir son salaire (en réalité les indemnités journalières de E______) jusqu'au terme de son contrat de travail;

Attendu, EN FAIT, que B______ et A______, tous deux nés en 1966, ont contracté mariage le ______ 1997 à Genève;

Qu'ils ont donné naissance à deux filles, désormais majeures et vivent séparés depuis le mois de mars 2018;

Que par un jugement du 2 mai 2019, le Tribunal, statuant sur mesures protectrices de l'union conjugale, a notamment condamné B______ à verser à son épouse la somme de 1'985 fr. par mois pour son entretien;

Qu'à l'époque et selon ce qui ressort de ce jugement, B______ était employé par D______ à 50%, pour un salaire mensuel net, 13ème salaire et diverses indemnités compris, de l'ordre de 3'341 fr.;

Qu'il percevait en outre une rente invalidité de 1'053 fr. et une rente de son deuxième pilier de 819 fr., ainsi que 800 fr. par mois provenant de la location de son chalet sis à F______ (Valais) et environ 100 fr. par mois pour la location d'un bien immobilier sis au Portugal dont il était copropriétaire avec son épouse;

Que le total mensuel des revenus de B______ s'élevait ainsi à 6'113 fr.;

Que ses charges avaient été retenues à hauteur des montants suivants : loyer : 1'470 fr; place de parking : 120 fr.; primes d'assurance maladie : 618 fr., frais de transport : 100 fr. et 1'350 fr. de minimum vital OP, pour un total de 3'658 fr., ce qui lui laissait un solde disponible de 2'455 fr.;

Que A______ était au bénéfice d'une rente invalidité depuis 2008, s'élevant à 1'015 fr. par mois, à laquelle s'ajoutait le produit de la location de biens immobiliers sis au Portugal dont elle était, pour l'un seule propriétaire et pour l'autre copropriétaire avec son époux, pour 250 fr. par mois, pour un total de 1'265 fr.;

Que ses charges s'élevaient à environ 3'000 fr. par mois, constituées de son loyer (917 fr.), d'un parking (120 fr.), de la cotisation AVS/AI/APG (42 fr.), de ses primes d'assurance maladie (509 fr.), de frais médicaux non remboursés (115 fr.), de son assurance ménage (28 fr.), de ses frais de transport (70 fr.) et de son minimum vital en 1'200 fr.;

Qu'elle subissait par conséquent un déficit de l'ordre de 1'735 fr. par mois;

Que le 13 novembre 2020, B______ a formé une demande de divorce, assortie d'une requête de mesures provisionnelles, par laquelle il a conclu à être dispensé de contribuer à l'entretien de A______, dès le dépôt de ladite requête;

Que suite à l'aggravation de son état de santé, il ne travaillait plus du tout depuis le mois de septembre 2019;

Qu'entre septembre 2019 et septembre 2020, il avait continué de percevoir un salaire sur une base mensuelle "normale" de 3'107 fr. bruts par mois, auxquels s'ajoutait un montant variable au titre de l'indemnité de maintien du paiement du salaire;

Qu'en revanche, depuis le mois d'octobre 2020, il percevait un salaire réduit, soit et compte tenu du 13ème salaire, un montant moyen de l'ordre de 2'373 fr. par mois;

Que B______ a par ailleurs allégué n'avoir que peu loué son chalet à F______, de sorte que les revenus locatifs avaient diminué;

Que par décision du 27 avril 2021, le droit à une rente invalidité entière avec effet au 1er janvier 2020 a été reconnu à B______, dont le montant n'était pas encore connu;

Que dans l'ordonnance attaquée, le Tribunal a retenu que depuis le prononcé des mesures protectrices, le salaire de B______ était passé de 3'341 fr. par mois à 2'373 fr. en moyenne, correspondant à une diminution de l'ordre de 1'000 fr. par mois, ce qui justifiait une diminution, dans la même proportion, de la contribution d'entretien versée à A______, dont la situation était similaire à celle retenue au moment du prononcé du jugement sur mesures protectrices de l'union conjugale;

Considérant, EN DROIT, que la Cour est saisie d'un appel au sens de l'art. 308 CPC;

Que le jugement querellé portant sur des mesures provisionnelles, l'appel n'a pas d'effet suspensif ex lege (art. 315 al. 4 let. b CPC);

Qu'à teneur de l'art. 315 al. 5 CPC, l'exécution de mesures provisionnelles peut exceptionnellement être suspendue si la partie concernée risque de subir un préjudice difficilement réparable;

Que saisie d'une demande d'effet suspensif, l'autorité cantonale d'appel doit procéder à une pesée des intérêts entre les deux préjudices difficilement réparables (ATF 138 III 378 consid. 6.3 et les références citées; 137 III 475 consid. 4.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_514/2012 du 4 septembre 2012 consid. 3.2.2);

Que l'autorité de recours doit faire preuve de retenue et ne modifier la décision de première instance que dans des cas exceptionnels; elle dispose cependant d'un large pouvoir d'appréciation permettant de tenir compte des circonstances concrètes du cas d'espèce (ATF 137 III 475 consid. 4.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_941/2018 du 23 janvier 2019 consid. 5.3.2);

Qu'en l'espèce, il appert que l'appelante ne couvre pas ses charges incompressibles au moyen de ses propres revenus;

Qu'en ce qui concerne la situation de l'intimé, il appert que jusqu'à la fin de l'année 2020 il a continué de percevoir de D______ (ou de E______) un montant supérieur à 3'000 fr. par mois, de sorte qu'il n'est pas manifeste que son minimum vital aurait été atteint par le versement de la contribution d'entretien mise à sa charge;

Qu'à partir de janvier 2021, il ressort de la procédure que les indemnités perçues de E______ en remplacement de son salaire se sont élevées en moyenne à 2'355 fr. nets par mois;

Que ledit montant est certes inférieur à celui (3'341 fr.) retenu par le jugement rendu sur mesures protectrices de l'union conjugale;

Que toutefois, les charges de l'intimé n'ayant pas été établies précisément à ce stade et semblant avoir diminué en raison de son installation (non contestée) dans le Valais, il n'est pas rendu suffisamment vraisemblable que le versement de la contribution d'entretien mise à sa charge lui causerait un préjudice difficilement réparable;

Que sa situation financière apparaît dès lors meilleure, quoiqu'il en soit, que celle de l'appelante;

Qu'enfin, l'intimé pourra récupérer un éventuel trop versé de contributions d'entretien dans la mesure où l'appelante et seule propriétaire d'un bien immobilier sis au Portugal et copropriétaire, avec lui, d'un autre bien dans ce même pays;

Qu'au vu de ce qui précède, il sera fait droit à la requête de restitution de l'effet suspensif;

Qu'il sera statué sur les frais et dépens liés à la présente décision avec l'arrêt au fond (art. 104 al. 3 CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Présidente de la Chambre civile :

Statuant sur requête de suspension du caractère exécutoire du jugement attaqué :

Admet la requête formée par A______, tendant à suspendre l'effet exécutoire attaché au dispositif de l'ordonnance OTPI/369/2021 du 20 mai 2021 rendue par le Tribunal de première instance dans la cause C/23127/2020.

Dit qu'il sera statué sur les frais liés à la présente décision dans l'arrêt rendu sur le fond.

Siégeant :

Madame Paola CAMPOMAGNANI, présidente; Madame Gladys REICHENBACH, greffière.

 

La présidente :

Paola CAMPOMAGNANI

 

La greffière :

Gladys REICHENBACH

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

La présente décision, incidente et de nature provisionnelle (ATF 137 III 475 consid. 1
et 2), est susceptible d'un recours en matière civile (art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005; LTF -
RS 173.110), les griefs pouvant être invoqués étant toutefois limités (art. 93/98 LTF), respectivement d'un recours constitutionnel subsidiaire (art. 113 ss LTF). Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la décision attaquée.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.