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Décisions | Chambre civile

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C/1146/2016

ACJC/738/2020 du 18.05.2020 sur JTPI/9118/2019 ( OO ) , MODIFIE

Normes : CC.16; CC.467; CC.519.al1.ch1; CC.469
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/1146/2016 ACJC/738/2020

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du lundi 18 mai 2020

 

Entre

1) Monsieur A______, domicilié ______, Etats-Unis,

2) Madame B______, domiciliée ______, Etats-Unis,

appelants d'un jugement rendu par la 3ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 21 juin 2019, comparant tous deux par Me Aude Longet-Cornuz, avocate, rue Verdaine 13, case postale 3231, 1211 Genève 3, en l'étude de laquelle ils font élection de domicile,

et

Monsieur C______, domicilié ______, Etats-Unis, intimé, comparant par
Me Jacques Roulet, avocat, boulevard des Philosophes 9, 1205 Genève, en l'étude duquel il fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Par jugement du 21 juin 2019, le Tribunal de première instance, statuant partiellement, par voie de procédure ordinaire, a débouté A______ et B______ de leurs conclusions en constatation de la nullité ou en annulation du testament public du 5 mars 2013 de feu D______ et des donations qu'elle a opérées en faveur des parties entre 2011 et 2013 (ch. 1 du dispositif), arrêté les frais de son jugement partiel à 38'500 fr. et mis ceux-ci à la charge de A______ et B______, pris solidairement (ch. 2), condamné les précités, pris solidairement, à payer à C______ 55'800 fr. à titre de dépens (ch. 3), leur a imparti un délai au 31 juillet 2019 pour fournir un complément d'avance de frais de 38'500 fr. (ch. 4), réservé la suite de la procédure (ch. 5) et débouté les parties de toutes autres conclusions
(ch. 6).

B. a. Par acte déposé au greffe de la Cour le 26 août 2019, A______ et B______ ont formé appel contre ce jugement. Ils ont conclu, avec suite de frais, à l'annulation des ch. 1, 2, 3, 4 et 6 de son dispositif et, cela fait, au prononcé de la nullité, respectivement à l'annulation, du testament public de D______ du 5 mars 2013, subsidiairement, au renvoi de la cause au Tribunal pour nouvelle décision.

b. C______ a conclu, à la forme, à l'irrecevabilité de l'appel en ce qu'il vise l'annulation partielle du ch. 1 du jugement entrepris et le prononcé de la nullité ou l'annulation du testament public du 5 mars 2013 - au motif que A______ ne disposerait pas d'un intérêt digne de protection à contester la validité du testament du 5 mars 2013, lequel n'affecte pas ses droits successoraux - et à ce qu'il lui soit donné acte de ce qu'il s'en rapportait à justice, pour le surplus, s'agissant de la recevabilité de l'appel. Au fond, il a conclu au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement attaqué, avec suite de frais.

c. Les parties ont répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions.

d. Elles ont été informées par avis de la Cour du 5 décembre 2019 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure.

a. D______, ressortissante française née le ______ 1919, issue d'une famille fortunée, divorcée de son second époux en 1979 et ayant vécu seule depuis lors, est décédée le ______ 2015 à Genève où elle était domiciliée.

b. A______, né le ______ 1949 est le fils unique de D______, issu de son premier mariage; il est domicilié aux Etats-Unis d'Amérique depuis 1979.

c. C______ et B______, nés, respectivement, le ______ 1980 et le ______ 1982 aux Etats-Unis où ils ont toujours vécu, sont les enfants de A______ issus de son premier mariage et les petits-enfants de D______.

d. De son vivant, D______, rentière n'ayant jamais exercé d'activité lucrative, a procédé à divers dons en espèces en faveur de A______, puis de B______ et C______.

d.a Ainsi, A______ admet avoir reçu de D______, pour s'en tenir à la dernière décennie, 600'000 USD en février ou mars 2009, ainsi qu'un «présent d'usage» de 100'000 USD pour son soixantième anniversaire en septembre 2009.

d.b B______ admet notamment avoir reçu de D______ 160'000 fr. en 2000, 250'000 USD en 2007, 15'000 USD et 30'000 USD en 2010, 40'000 USD en mars 2012 pour sa trentième année, ainsi que des bijoux.

d.c C______, de très loin le principal et à une exception près le seul donataire de D______ dans les dernières années de vie de celle-ci, admet notamment avoir reçu d'elle, outre 160'000 fr. en 2000 et 239'000 USD en 2006 :

- 1'122'980 USD en 2011, en treize versements successifs;

- 180'280 USD en 2012, en trois versements successifs;

- 67'120 USD entre janvier et mars 2013, en cinq versements successifs;

- une toile de E______, deux dessins de F______ et un de G______.

Les quelque 1'300'000 USD versés en 2011 et 2012 par D______ à C______, qui ont épuisé l'essentiel de ses liquidités disponibles, étaient destinés et ont servi notamment à l'achat par celui-ci, en avril 2012, de sa maison aux Etats-Unis.

e.a A compter en tout cas de 2010, A______ et D______ semblent n'avoir plus guère entretenu de relations régulières.

e.b A compter de 2010, voire avant déjà, D______ et B______ ont eu peu de contacts, cette dernière venant toutefois voir sa grand-mère durant les fêtes de fin d'année en 2010 et 2011. Les relations de la première avec C______ sont, en revanche, progressivement devenues très étroites.

En particulier, D______ stigmatisait le mode de vie de B______, demeurée célibataire et sans enfants, et elle louait celui de C______, marié en 2010 et souhaitant fonder une famille. Selon B______ (qui s'en est ouverte à l'épouse de C______ le 28 décembre 2010), D______ la "détestait" et ne lui laissait que des "miettes", alors que sa grand-mère adorait sans réserve C______.

f. Le 11 novembre 2010, D______ a établi à Genève, devant H______, son notaire depuis 2003, un testament public révoquant ses dispositions antérieures, étant précisé que D______ était alors pleinement capable de discernement. A teneur de ce testament :

-     elle déclarait soumettre sa succession au droit français élu par ses soins;

-     elle réduisait A______ à sa réserve successorale légale du droit français, correspondant à la moitié de sa succession;

-     elle instituait pour héritier C______ et B______ pour un quart de sa succession chacun;

-     elle désignait H______ comme exécuteur testamentaire;

g. Lors d'une réunion le 27 décembre 2011, D______ a, en substance, déclaré à B______ et C______ que celui-ci allait recevoir "davantage d'argent" dans son héritage que celle-là, qui recevait "tous les bijoux".

Questionnée si "B______ recevra de l'argent dans l'héritage?", D______ a répondu qu'il fallait qu'elle y "réfléchisse" car elle n'était "même pas mariée", alors que C______ l'était et allait avoir des enfants ''normalement".

Questionnée par C______ au sujet de son testament, D______ a en substance répondu que ses dispositions y relatives n'étaient pas définitives et qu'elle irait encore s'adresser à son notaire à cette fin.

Cette réunion du 27 décembre 2011 entre D______, B______ et C______ a été mise en oeuvre par ce dernier qui a dirigé l'entretien et a pris soin de l'enregistrer, à toutes fins litigieuses ultérieures.

h. C______ a en outre produit dans la présente procédure quatre conversations téléphoniques qu'il a tenues avec D______ depuis novembre 2011, enregistrées et transcrites par écrit, dont il ressort notamment, ce qui suit :

-     une forte personnalité de D______, dotée d'un caractère autoritaire fait de certitude dans ses convictions et d'obstination dans ses décisions;

-     un vif ressentiment de D______ à l'encontre de A______ et une ferme volonté de ne plus le faire profiter de sa fortune;

-     de nombreuses critiques de D______ à l'encontre de B______;

-     une réelle et profonde affection de D______ pour C______, une générosité financière à son égard et une volonté de privilégier de sa fortune et son héritage C______ plutôt que B______;

-     un intérêt thématique et pratique constant et marqué de C______ pour les libéralités, la fortune et l'héritage de D______.

i. Le 10 avril 2012, D______ a établi devant H______ un codicille à son testament du 11 novembre 2010, uniquement pour désigner, en cas de décès de ce dernier, un autre notaire en qualité d'exécuteur testamentaire.

j. Dès 2010 ou 2011, D______ a indiqué à I______, son médecin de famille depuis une quinzaine d'années qu'elle voyait trois à quatre fois par an, qu'elle voulait vendre son appartement, dans lequel elle vivait depuis 1962, devenu trop grand pour elle.

k. Le 22 mai 2012, D______ a confirmé à C______ qu'elle allait vendre son appartement pour en louer un plus petit, et qu'elle allait lui donner "la moitié de l'appartement", soit "un million, un million et demi".

l. En été ou automne 2012, D______ a pris contact avec une agence immobilière qu'elle a mandatée pour lui trouver un acquéreur pour son appartement (sans songer à la mandater pour lui trouver une future solution de relogement).

m. En décembre 2012, D______ a consulté H______ au sujet de la vente de son appartement. Ce dernier l'a trouvée confuse dans ses explications et motivations et il a tenté de la dissuader de ce projet de vente.

n. Entre janvier et début mars 2013, D______, avec l'assistance directe et indirecte de C______, qui suivait toutes ses démarches, au contraire de A______ et B______ qui n'en étaient pas informés, a en particulier :

-     révoqué son notaire H______ pour lui en substituer un nouveau en la personne de J______;

-     obtenu de son médecin I______ deux certificats médicaux, datés des
3 janvier et 18 février 2013, ce dernier attestant de sa pleine capacité de discernement, notamment pour décider de vendre son appartement; ces certificats ont été établis sans que soient pratiqués de test particulier à ce propos.

-     conclu le 21 février 2013 devant J______ un contrat de vente à terme de son appartement à un tiers indiqué par son courtier immobilier;

-     établi le 5 mars 2013 devant son nouveau notaire un nouveau testament public révoquant ses dispositions pour cause de mort antérieures.

o. Le 14 février 2013, H______ a écrit à J______ pour lui signaler qu'il avait constaté que D______ ne maîtrisait plus du tout les problèmes qui se posaient à elle, qu'il était convaincu qu'elle était sous influence et qu'elle avait besoin selon lui d'un curateur pour l'aider à gérer ses biens.

p. Le contrat de vente à terme du 21 février 2013 de l'appartement de D______ (140 m2 plus 2 loggias, 8ème étage, à K______ [GE]) et de ses dépendances (studio, caves, box) en fixait le prix de vente à 2'100'000 fr. et stipulait notamment que la vente était subordonnée à la condition suspensive de l'obtention par la venderesse d'une autorisation de vente au sens de la LDTR avant le 21 juin 2013, faute de quoi la vente à terme était caduque, que la libération de l'appartement interviendrait au jour de la réquisition de transfert de propriété, à fixer d'entente entre les parties au plus tard 15 jours après l'obtention de l'autorisation de vente et qu'en cas de défaut de libération de l'appartement au jour fixé, la venderesse paierait à l'acheteur une pénalité de 210'000 fr. en cas de renonciation de celui-ci à la vente, ou de 1'500 fr. par jour de retard en cas de maintien de la vente.

q. A teneur de son nouveau testament public établi le 5 mars 2013, dans le respect de toutes les règles de la forme authentique, devant J______ et deux témoins, D______ a déclaré, en substance :

-     être pleinement capable de discernement et avoir remis à son notaire un certificat médical en attestant, établi le 3 janvier 2013 par I______;

-     annuler et révoquer toutes ses dispositions testamentaires antérieures;

-     soumettre sa succession au droit français élu par ses soins;

-     réduire A______ à sa réserve successorale légale du droit français, correspondant à la moitié de sa succession;

-     instituer pour héritier C______ pour la moitié de sa succession;

-     en cas de prédécès de A______, instituer pour héritier C______ pour l'entier de la quotité disponible de la succession;

-     en cas de prédécès de C______ et de survie de A______, instituer pour héritière B______ pour la moitié de la succession.

r. Dans l'intervalle, H______, estimant D______ être sous influence d'un tiers et incapable de gérer ses biens, voire de discernement, en a alerté C______, A______ et J______.

s. A______ a notamment déclaré devant le Tribunal qu'il avait eu un entretien téléphonique avec sa mère le 1er mars 2013 au cours duquel elle lui avait dit qu'elle ne savait pas où était passé son argent, qu'elle n'avait pas su lui dire le nom du notaire devant lequel l'acte de vente de son appartement avait été passé et qu'elle lui avait dit qu'elle devait revoir la notaire pour signer un document, mais qu'elle ne savait plus lequel.

t. Le 4 mars 2013, H______, d'entente avec A______, a signalé le cas de D______ au Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant, en demandant d'urgence sa mise sous curatelle.

Sitôt saisi de cette requête, le Tribunal de protection a procédé à l'audition de H______, A______ et I______. Convoquée à cette fin, D______, défaillante, ne s'est pas présentée.

Par ordonnance sur mesures provisionnelles du 11 avril 2013, le Tribunal de protection, considérant vraisemblable que D______ était incapable de gérer ses affaires, a instauré en sa faveur une curatelle de représentation et gestion, en instruisant le curateur de représenter sa pupille dans le cadre de la vente de son appartement et aux fins de rechercher un autre appartement approprié, de percevoir et consigner le produit de vente de l'appartement de sa pupille et de gérer et d'administrer tous les biens de sa pupille et de lui interdire l'accès à ses comptes bancaires.

u. Sur interventions du curateur de D______, appuyées par J______, l'acquéreur à terme de son appartement a consenti en juin 2013 à renoncer à l'acquérir et à annuler l'acte de vente à terme du 21 février 2013.

v. Tel que suivi et constaté à compter de la saisine du Tribunal de protection, l'état de santé physique et psychique de D______ n'a cessé de se dégrader jusqu'en septembre 2013, lorsqu'elle [a] été hospitalisée en état de confusion aiguë et de malnutrition.

w. Par ordonnance sur le fond du 28 avril 2014, le Tribunal de protection, sur la base notamment d'une expertise psychiatrique judiciaire de D______ ordonnée le 10 septembre 2013, a instauré sur celle-ci une curatelle de portée générale.

L'expertise psychiatrique de D______, établie le 28 janvier 2014, notamment basée sur un examen du 11 octobre 2013 et deux entretiens avec l'expertisée les
29 novembre et 2 décembre 2013, conclut notamment que D______ souffrait d'une démence d'origine vasculaire et était totalement et durablement incapable, en raison de ses troubles cognitifs, d'assurer la sauvegarde de sa personne, de ses intérêts et la gestion de ses affaires. Il était rétrospectivement "probable" que D______, en relation et aux fins de la vente de son appartement en février 2013, "n'avait que partiellement sa capacité de discernement, souffrant déjà de troubles cognitifs".

x. D______, qui n'a jamais recouvré sa capacité de discernement postérieurement à son hospitalisation, n'a pu quitter l'hôpital, en mai 2014, que pour être placée en institution spécialisée, où elle est finalement décédée le ______ 2015.

y. Selon l'inventaire provisoire de la succession de D______ établi par son curateur le 18 février 2016, les actifs successoraux mobiliers nets (essentiellement des titres) s'élèvent à quelque 1'375'000 fr. et les actifs totaux à 5'000'000 fr. au total.

z. Interrogés, devant le Tribunal de protection et/ou dans le cadre de la présente procédure, sur l'état de D______ dans le premier trimestre 2013, son ex - et son nouveau notaire, son médecin et son courtier immobilier ont notamment déclaré, en substance, ce qui suit:

z.a Selon H______, D______ est venue le consulter la dernière fois en décembre 2012 en vue de la vente de son appartement, mais elle n'avait pas évoqué de projet de nouveau testament. Elle avait motivé sa volonté de vendre par un besoin d'argent et avait été incapable de répondre à plusieurs questions portant sur l'état de sa fortune et de ses biens, ses banques dépositaires et ses projets de relogement en cas de vente de son appartement. Elle était incohérente et confuse, incapable de comprendre les enjeux de la vente de son appartement, moins encore les clauses d'un acte de vente immobilière, et semblait être manipulée et sous l'influence de tiers.

z.b SelonJ______, D______ l'avait consultée à cinq reprises et elle avait eu plusieurs entretiens téléphoniques avec elle entre le 5 février et avril 2013, pour la vente de son appartement et l'établissement de son nouveau testament. Elle lui avait relaté son ressentiment contre A______, répétant qu'il en voulait à son argent, et ne voulait plus avoir à faire à H______, convaincue qu'il oeuvrait pour le compte de A______. Elle lui avait fait part de son affection pour C______, de sa volonté de le favoriser et lui "donner le maximum", ainsi que d'aller vivre chez lui à "L______" [États-Unis] (étant toutefois précisé à cet égard qu'il demeurait depuis avril 2012 dans sa maison acquise à M______ [États-Unis]). Elle était claire et déterminée dans ses décisions, capable de discernement sur la base de leurs discussions et des deux certificats médicaux de I______, et avait pleinement compris l'acte de vente immobilière et son nouveau testament. Ayant été alertée par H______ de ses doutes quant à l'état de discernement de leur (ex-) cliente, elle s'était d'autant plus spécialement assurée que celle-ci comprenait et voulait les démarches qu'elle entreprenait. Lors de la dernière consultation du 19 mars 2013, sa cliente était toutefois "complétement perturbée" à la suite d'une prétendue altercation avec A______ et, lors d'un ultime entretien téléphonique en avril 2013, elle n'était "pas bien du tout" et ne paraissait alors plus capable de discernement.

z.c Selon I______, D______ le consultait trois ou quatre fois par an, les dernières fois en novembre 2012, le 28 janvier 2013 ensuite d'un malaise vagal sans gravité et le 14 février 2013 pour un problème dermatologique bénin. Elle ne présentait alors, hormis quelques problèmes de mémoire, aucun signe de trouble mental ou cognitif et, plus généralement, elle était dotée d'un très fort caractère et n'était pas une personne influençable. Hospitalisée le 28 janvier 2013 ensuite de son malaise vagal, elle en était sortie le jour même, sans que les deux médecins des HUG qui l'avaient auscultée n'aient décelé, pas plus que lui-même, un trouble mental ou physique quelconque. Elle lui avait notamment fait part de mauvaises relations avec A______ et de sa volonté d'aider et de favoriser C______ qui était son petit-enfant préféré. Dès 2010, elle avait indiqué vouloir vendre son appartement devenu trop grand pour elle et était parfaitement capable, encore le 14 février 2013, de décider du principe de cette vente et d'en saisir les conséquences, "mais c'était la limite". En effet, elle n'aurait sans doute pas été capable d'accomplir seule, sans l'aide et les conseils de tiers, l'ensemble des démarches nécessaires en vue de la vente de son appartement et de la recherche d'un autre appartement. En septembre 2013, alerté par l'IMAD qu'elle jetait des meubles et des ordures par sa fenêtre, il s'était rendu chez sa patiente et l'avait vue une ultime fois; elle était alors déshydratée et présentait des troubles du comportement et un état confusionnel. A partir de février ou mars 2013 et jusqu'à son hospitalisation en septembre 2013, son état de santé physique et psychique s'était assez rapidement et très sensiblement dégradé. Il ne pouvait pas dire si D______ était pleinement consciente de ses agissements le 5 mars 2013 et il était possible que sa santé se soit dégradée. Elle avait un très fort caractère et n'était pas influençable.

z.d Son courtier immobilier a exposé qu'il avait vu une dizaine de fois D______ pour la vente de son appartement, laquelle lui avait d'emblée et toujours indiqué que le produit de cette vente devait revenir à C______. Elle paraissait claire dans sa volonté de vendre son appartement, mais ne voulait pas s'adresser à son ex-notaire à cette fin, de telle sorte qu'il l'avait mise en relation avec son nouveau notaire. C______ suivait directement ou indirectement le processus de vente de l'appartement de D______ dont il était régulièrement informé tant par celle-ci que par lui. Il était prévu qu'il trouve à terme un petit appartement à louer pour D______, ce qui n'était toutefois pas urgent puisque l'exécution de la vente du sien nécessitait encore l'obtention d'une autorisation LDTR ad hoc.

D. a. Par demande du 20 janvier 2016, complétée d'une réplique du 16 septembre 2016, A______ et B______, agissant conjointement contre C______, ont conclu au constat de la nullité du testament public de D______ du 5 mars 2013 et, ceci fait, à ce que la part de C______ soit imputée des montants reçus de D______ postérieurement au 1er janvier 2010 et au partage de sa succession.

Par réponse du 24 juin 2016, complétée d'une duplique du 11 novembre 2016, C______ a conclu au rejet de la demande en constat de la nullité du testament public du 5 mars 2013 de D______, et au partage de sa succession sur la base de ce testament.

b. Par ordonnance d'instruction du 30 janvier 2017, le Tribunal a limité la procédure aux questions, interlocutoires, de la validité du testament public du
5 mars 2013 de D______ (et des donations faites par celle-ci entre 2011 et 2013) et réservé la question du partage de sa succession.

c. Dans ses plaidoiries finales partielles écrites respectives du 28 février 2019, à réception desquelles la cause a été gardée à juger sur les seules questions interlocutoires, A______ et B______ ont persisté dans leurs conclusions en constat de la nullité du testament du 5 mars 2013.

C______ a persisté à conclure au rejet des conclusions y relatives de ses parties adverses.

d. Dans son jugement du 21 juin 2019, le Tribunal a considéré qu'il convenait d'examiner si feu D______ était capable de discernement au moment, seul décisif, où elle a établi son testament public du 5 mars 2013. Le testament litigieux, qui remplaçait le testament public antérieur du 11 novembre 2010 ne le modifiait en substance qu'en ce qu'il attribuait nouvellement à C______ l'entier de la quotité disponible de la succession alors que, dans le précédent testament, cette quotité disponible était répartie par moitié entre lui et sa soeur et ne présentait donc pas de complexité particulière. La notaire ayant établi l'acte avait tout particulièrement pris soin de s'assurer de sa pleine capacité de discernement de manière générale et, plus spécialement, qu'elle avait compris et voulu tester comme elle l'avait fait. Cette compréhension et cette volonté étaient d'autant moins douteuses qu'il était abondamment établi que la de cujus, depuis en tout cas 2010, avait privilégié autant que possible de sa fortune et de son héritage C______ à qui elle vouait une affection profonde et une générosité assumée et sans limites, plutôt que A______ et B______ avec qui elle ne s'entendait pas et n'entretenait pratiquement plus de contacts.

S'agissant de manière générale de l'état de discernement de feu D______, son médecin de famille l'avait considérée pleinement capable de discernement, ce qui permettait de présumer que feu D______ était capable de discernement, en relation à, et au moment de, l'établissement de son testament public du 5 mars 2013. Or, la preuve du contraire, soit de son incapacité à comprendre et vouloir les dispositions testamentaires qu'elle avait prises au moment où elle les a faites, n'avait pas été apportée. De plus, les dispositions prises ne procédaient pas d'une erreur sur les motifs de la testatrice, au sens de l'art. 469 al. 1 CC. Elles correspondaient à sa volonté, exprimée et mise en oeuvre dès 2010 en tout cas, de faire bénéficier de sa fortune, C______ plutôt que A______ et B______, le premier lui vouant une profonde affection et entretenant des contacts réguliers et fréquents avec elle de telle sorte qu'elle voulait financièrement l'aider dans son mariage et ses projets familiaux alors qu'à l'inverse, elle ne s'entendait pas et n'entretenait pratiquement plus de relations avec les seconds. Son testament public du 5 mars 2013 était donc à tous égards valable et cette conclusion valait, a fortiori, pour toutes les donations qu'elle avait faites entre 2011 et 2013.

Quant aux frais, l'émolument forfaitaire de décision, était fixé à 38'500 fr. en considération de la valeur litigieuse minimale de 5'000'000 fr., sur la base de l'inventaire successoral provisoire du 18 février 2016, et de la pluralité des parties, et réduit de moitié eu égard au caractère partiel du jugement. Il serait en outre ordonné aux défendeurs de s'acquitter d'une avance complémentaire de 38'500 fr. en vue de la couverture des frais prévisibles de l'action subsistante en partage successoral. Quant aux dépens, majorés de 10% compte tenu de la difficulté et de l'ampleur du litige partiel, du travail qu'il avait impliqué et des intérêts en jeu, et réduits de moitié eu égard au caractère partiel du jugement rendu, ils étaient arrêtés et arrondis, eu égard à la valeur litigieuse avoisinant 5'000'000 fr., à 55'800 fr.

EN DROIT

1. 1.1 Selon l'art. 308 al. 1 CPC, l'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance.

Le Code de procédure civile ne réglemente pas spécialement l'appel contre une décision partielle, le législateur ayant estimé cela superflu puisqu'une telle décision est en réalité une décision finale qui met un terme à l'instance relativement aux demandes ou aux consorts concernés (arrêt du Tribunal fédéral 4A_545/2014, consid. 2.1).

En l'espèce, le jugement attaqué statue en particulier sur la question de la nullité ou l'annulation du testament public du 5 mars 2013 de feu D______; le Tribunal n'a en revanche pas procédé au partage de la succession qui avait été requis. Ce jugement constitue une décision partielle, laquelle peut être contestée immédiatement.

1.2 Interjeté dans une affaire patrimoniale dont la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC), dans le délai utile de trente jours et selon la forme prescrite par la loi (art. 130 al. 1, 142 al. 1, et 311 CPC), l'appel est recevable.

1.3 La Cour revoit le fond du litige avec un plein pouvoir d'examen en fait et en droit (art. 310 CPC) et applique le droit d'office (art. 57 CPC). En particulier, elle contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (art. 157 CPC; ATF 138 III 374 consid. 4.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_153/2014 du
28 août 2014 consid. 2.2.3), sur les points que l'appelante estime entachés d'erreurs et qui ont fait l'objet d'une motivation suffisante (arrêt du Tribunal fédéral 4A_290/2014 du 1er septembre 2014, consid. 5).

1.4 Selon l'art. 94 LDIP, une personne peut disposer pour cause de mort si, au moment de disposer, elle en a la capacité en vertu du droit de l'Etat de son domicile ou de sa résidence habituelle, ou en vertu du droit de l'un de ses Etats nationaux.

D______ étant domiciliée en Suisse au moment de son décès, le litige sera examiné au regard du droit suisse.

2. Les appelants soutiennent que les facultés intellectuelles de D______ se sont dégradées dès 2010 et qu'elle n'avait pas sa capacité de discernement le 5 mars 2013, date à laquelle elle a signé son dernier testament.

2.1
2.1.1
Toute personne capable de discernement et âgée de 18 ans révolus a la faculté de disposer de ses biens par testament, dans les limites et selon les formes établies par la loi (art. 467 CC).

Les dispositions pour cause de mort peuvent être annulées lorsqu'elles sont faites par une personne incapable de disposer au moment de l'acte (art. 519 al. 1 ch. 1 CC).

2.1.2 Est capable de discernement au sens de l'art. 16 CC, toute personne qui n'est pas privée de la faculté d'agir raisonnablement en raison de son jeune âge, de déficience mentale, de troubles psychiques, d'ivresse ou d'autres causes semblables. Cette disposition comporte deux éléments, l'un intellectuel, la capacité d'apprécier le sens, l'opportunité et les effets d'un acte déterminé, l'autre volontaire ou caractériel, la faculté d'agir librement en fonction de cette compréhension raisonnable, selon sa libre volonté (ATF 134 II 235 consid. 4.3.2; 124 III 5 consid. 1a; 117 II 231 consid. 2a et les références citées). Sous réserve des exceptions prévues par la loi, les actes de celui qui est incapable de discernement n'ont pas d'effets juridiques (art. 18 CC). Les conditions de l'incapacité de discernement constituent des faits dirimants qui entraînent l'inefficacité de l'acte.

Une personne n'est privée de discernement au sens de la loi que si sa faculté d'agir raisonnablement est altérée, en partie du moins, par l'une des causes énumérées à l'art. 16 CC, dont la maladie mentale, la faiblesse d'esprit ou une autre altération de la pensée semblable, à savoir des états anormaux suffisamment graves pour avoir effectivement altéré la faculté d'agir raisonnablement dans le cas particulier et le secteur d'activité considérés (arrêt du Tribunal fédéral 4A_194/2009  du
16 juillet 2009, consid. 5.1.1).

2.1.3 Afin de protéger la confiance et la sécurité des transactions, le législateur part néanmoins du principe qu'une personne adulte est capable d'agir raisonnablement, sans qu'il soit nécessaire d'apporter d'autre preuve. Celui qui invoque l'inefficacité d'un acte pour cause d'incapacité de discernement doit ainsi prouver l'un des états de faiblesse décrits à l'art. 16 CC et l'altération de la capacité d'agir raisonnablement qui en est la conséquence (preuve principale; ATF
144 III 264 consid. 6.1.2 et les références). Cette preuve n'est soumise à aucune prescription particulière (ATF 124 III 5 consid. 1b; 117 II 231 consid. 2b et les références), mais son degré est abaissé à la vraisemblance prépondérante lorsqu'il s'agit d'apprécier la capacité d'une personne décédée, une preuve absolue de l'état mental de cette personne étant, par la nature même des choses, impossible à rapporter (ATF 144 III précité consid. 5.4; 130 III 321 consid. 3.3; 124 III précité consid. 1b; arrêt du Tribunal fédéral 5A_325/2017 du 18 octobre 2017
consid. 6.1.1 et les autres références).

2.1.4 Lorsqu'il est avéré qu'au moment d'accomplir l'acte litigieux, une personne se trouve durablement dans un état de faiblesse d'esprit au sens de l'art. 16 CC, qui, selon l'expérience générale de la vie, la prive d'agir raisonnablement, elle est alors présumée dépourvue de la capacité d'agir raisonnablement en rapport avec l'acte litigieux. Cette présomption de fait concerne les personnes, qui, au moment de l'acte, se trouvent dans un état durable d'altération mentale liée à l'âge ou à la maladie (ATF 144 III 264 consid. 6.1.3; arrêts du Tribunal fédéral 5A_465/2019 du 4 octobre 2019 consid. 4.2.1; 5A_325/2017 du 18 octobre 2017 consid. 6.1.2).

La présomption d'incapacité liée à un état général d'altération mentale peut néanmoins être renversée en établissant que la personne intéressée a accompli l'acte litigieux dans un moment de lucidité (ATF 124 III 5 consid. 1b et les références); elle peut également l'être en démontrant que, dans le cas concret, à savoir en fonction de la nature et de l'importance de l'acte déterminé, la personne était en mesure d'agir raisonnablement (caractère relatif de la capacité de discernement; ATF 144 III précité consid. 6.1.3; 134 II 235 consid. 4.3.2; arrêt 5A_325/2017 précité consid. 6.1.3.2 et les autres références). La contre-preuve que la personne décédée a agi dans un intervalle lucide étant difficile à rapporter, la jurisprudence facilite la preuve: il suffit de prouver que la personne concernée, malgré une incapacité générale de discernement au vu de son état de santé, était au moment déterminant capable de discernement avec une vraisemblance prépondérante (ATF 124 III précité consid. 1b; arrêt 5A_191/2012 du 12 octobre 2012 consid. 4.1.2, publié in RNRF 2015 (96) p. 125).

2.1.5 L'incapacité d'agir raisonnablement n'est pas présumée et doit être prouvée (preuve principale) lorsque la personne se voit administrer périodiquement des médicaments et souffre d'une désorientation spatio-temporelle momentanée (arrêt du Tribunal fédéral 5A_12/2009 du 25 mars 2009 consid. 2.3), lorsque, dans un âge avancé, elle est simplement fragile, atteinte dans sa santé physique et temporairement confuse (arrêt du Tribunal fédéral 5C_193/2004 du 17 janvier 2005 consid. 4 in: RNRF 87/2006 p. 108 ss), lorsqu'elle souffre d'absences consécutives à une attaque cérébrale (arrêt du Tribunal fédéral 5C_98/2005 du
25 juillet 2005 consid. 2.3.2 in : Pra 96/2007 No 17 p. 97 ss) ou qu'elle est simplement confrontée à des trous de mémoire liés à l'âge (arrêt du Tribunal fédéral 5A_204/2007 du 16 octobre 2007 consid. 5.3 in : RNRF 92/2011 p. 30 ss).

2.1.6 Contrairement aux petits achats et aux affaires quotidiennes, la rédaction d'un testament compte parmi les actes les plus exigeants, surtout s'il s'agit de dispositions compliquées (ATF 124 III 5 consid. 1a et les références citées; arrêts du Tribunal fédéral 5A_859/2014 du 17 mars 2015 consid. 4.1.1; 5A_501/2013 du 13 janvier 2014 consid. 6.1.1; 5A_723/2008 du 19 janvier 2009 consid. 2.1). Pour juger de la capacité de discernement, il ne faut cependant pas se demander si les dispositions prises sont sages, justifiées au vu des circonstances, ou simplement équitables; une disposition absurde peut tout au plus être tenue pour un indice d'un défaut de discernement (ATF 117 II 231 consid. 2a; 124 III 5 consid. 4c/cc). De simples règles de partage, des institutions d'héritiers, des legs, la nomination d'un exécuteur testamentaire ou la suppression d'une disposition testamentaire sont généralement qualifiés de dispositions simples (Gros, La capacité de discernement de l'adulte en droit privé, 2019, n. 708, p. 305).

2.2 En l'espèce, D______ ne se trouvait pas dans un état permettant de présumer qu'elle ne disposait pas de la capacité de discernement. Elle était certes âgée et a pu sembler à certains être confuse, mais ces circonstances ne justifient pas qu'elle soit présumée dépourvue de la capacité d'agir raisonnablement en rapport avec la modification de ses dispositions testamentaires litigieuses. Il appartient dès lors aux appelants de prouver que la précitée était privée de la faculté d'agir raisonnablement.

Une perte de capacité de discernement de D______ avant fin 2012, date à laquelle le notaire H______ l'a trouvée incohérente et confuse, n'est pas établie. Le médecin traitant de D______ a par ailleurs déclaré qu'à partir de février ou mars 2013 et jusqu'à son hospitalisation en septembre 2013, son état de santé physique et psychique s'est assez rapidement et très sensiblement dégradé. Le Tribunal de protection a quant à lui considéré vraisemblable, par ordonnance sur mesures provisionnelles du 11 avril 2013, que D______ était incapable de gérer ses affaires. J______ a également considéré que le 19 avril 2013, D______ ne paraissait plus capable de discernement. Se pose dès lors la question de savoir à partir de quel moment, entre décembre 2012 et avril 2013, elle a perdu la capacité de discernement et plus particulièrement, s'il est établi qu'elle avait perdu celle-ci lorsqu'elle a modifié ses dispositions testamentaires le 5 mars 2013. A cet égard, il y a lieu de considérer ce qui suit, étant relevé que si D______ a formalisé la modification de son testament précédemment établi par sa signature le 5 mars 2013, la décision de procéder à ladite modification remonte à une date antérieure, à laquelle elle était d'autant plus susceptible de disposer de sa capacité de discernement.

Le médecin traitant de la défunte, qui la connaissait depuis plusieurs années, a établi deux certificats médicaux, les 3 janvier et 18 février 2013 attestant de la capacité de discernement de D______, sans, certes, avoir vu sa patiente. Il a toutefois vu celle-ci les 28 janvier et 14 février 2013, soit, en dernier lieu, moins d'un mois avant la signature du testament litigieux, et il n'a alors pas constaté de trouble mental ou cognitif permettant de penser qu'elle ne serait plus capable de discernement. Il ne lui a certes pas fait passer de test spécifique, tel le test MMS mentionné par les appelants, mais il était vraisemblablement en mesure de constater une perte de capacité de discernement de sa patiente même en l'absence d'un tel test. Le Dr I______ n'a par ailleurs pas affirmé que D______ n'aurait pas été capable de discernement lorsqu'elle a modifié ses dispositions testamentaires. Selon lui, sa santé s'était certes rapidement dégradée à partir de février/mars 2013, mais il n'a pas pu dire qu'elle n'était pas consciente de ses agissements le 5 mars 2013.

J______, notaire devant laquelle D______ a signé le testament litigieux, n'a eu de contact avec la défunte que depuis février 2013. Elle a certes affirmé avoir discuté avec sa cliente, mais dans la mesure où elle ne la connaissait pas particulièrement, elle ne pouvait relever des prétendues inexactitudes dans son discours relatives à sa profession ou à l'endroit où habitait l'intimé, par exemple, lesquelles ne sont cependant pas suffisantes pour démontrer une perte de la capacité de discernement de D______ pour modifier ses dispositions testamentaires. A cet égard, elle n'a pas constaté d'incohérence ou de confusion quant à la volonté de sa cliente de modifier son testament en instituant l'intimé héritier pour la moitié de sa succession. Son attention avait été attirée sur une éventuelle incapacité de discernement de D______ et elle a déclaré s'être ainsi d'autant plus assurée que l'intéressée comprenait et voulait la modification de son testament. Si J______ ne dispose pas de compétence médicale, comme les appelants le relèvent, H______ ou A______, sur les déclarations desquels ils s'appuient, n'en disposent pas davantage. De telles connaissances n'étaient en outre pas nécessaires pour remarquer, le cas échéant, que D______ ne disposait pas de la capacité de vouloir et comprendre les modifications qu'elle apportait à son testament. J______ a d'ailleurs constaté, deux semaines plus tard, le 19 mars 2013, que sa cliente était complétement perturbée puis, en avril 2013, qu'elle ne paraissait plus capable de discernement, démontrant ainsi qu'elle a été en mesure de discerner une péjoration dans l'état de la défunte par rapport au jour où cette dernière avait signé la modification de son testament.

Le notaire H______, qui connaissait la défunte depuis plusieurs années, s'occupant de ses affaires depuis 2003, a certes affirmé l'avoir vue à la fin de l'année 2012 et qu'elle n'avait pas été en mesure de répondre à diverses questions concernant sa situation financière. Cette situation peut toutefois s'expliquer, ainsi que l'a relevé le Tribunal, par le fait qu'elle se méfiait de lui et qu'elle ne souhaitait pas lui révéler ses intentions. Le fils de D______ a également déclaré avoir fait des constatations similaires, notamment le 1er mars 2013. La volonté de sa mère de ne pas lui dévoiler ses projets peut cependant également expliquer qu'elle n'a pas souhaité répondre à ses questions ou d'une manière évasive qui pouvait permettre de penser qu'elle était incapable de répondre.

Pour le surplus, la modification apportée par D______ à ses dispositions testamentaires ne paraît pas incohérente avec les sentiments qu'elle nourrissait à l'égard de ses petits-enfants depuis plusieurs années, à savoir un attachement particulier pour l'intimé et peu d'affection pour l'appelante et elle s'inscrit dans la continuité de la manière dont elle a procédé jusque-là en favorisant financièrement son petit-fils par rapport à sa petite-fille. La modification apportée est par ailleurs assez simple puisqu'elle se limite à renoncer à l'attribution d'une part de la quotité disponible à l'appelante et ne présente ainsi aucune complexité qui nécessiterait une exigence accrue quant à la capacité de discernement de la testatrice.

Ainsi, en définitive, au vu de ce qui précède, le moment où D______ n'était plus suffisamment capable de discernement pour modifier son testament n'est pas défini de manière suffisamment précise et il ne peut, en tout cas, être considéré comme établi à satisfaction de droit qu'elle ne l'était plus, le 5 mars 2013, date à laquelle elle a procédé à ladite modification.

Le Tribunal n'a dès lors pas violé le droit en ne déclarant pas nul ou en n'annulant pas le testament du 5 mars 2013 au motif que la défunte n'aurait pas disposé de la capacité de discernement. Le grief invoqué n'est pas fondé, de sorte que le jugement attaqué sera confirmé à cet égard.

3. Les appelants invoquent que l'intimé a procédé depuis 2010 à diverses manigances qui ont conduit D______ à modifier son testament sur la base d'un erreur et d'un dol. Ils invoquent à cet égard une violation des art. 519 al. 1 ch. 2 CC en relation avec l'art. 469 CC.

3.1 Aux termes de l'art. 469 al. 1 CC, les dispositions pour cause de mort que leur auteur a faites sous l'empire d'une erreur sont nulles; elles peuvent être annulées en vertu de l'art. 519 al. 1 ch. 2 CC puisqu'elles ne sont pas l'expression d'une volonté libre (arrêt du Tribunal fédéral 5A_204/2007 du 16 octobre 2007 consid. 6.1).

L'erreur peut être une erreur de déclaration ou une erreur sur les motifs (arrêt du tribunal fédéral 5A_325/2017 du 18 octobre 2017 consid. 7.3.1). Toute erreur sur les motifs peut être retenue dans la mesure où elle a exercé une influence déterminante sur les dispositions de dernière volonté. Selon la jurisprudence, l'annulation d'un testament pour cause d'erreur sur les motifs est subordonnée à la condition que le demandeur rende vraisemblable que le testateur, s'il avait connu la situation réelle, aurait préféré supprimer la disposition plutôt que de la maintenir telle quelle (ATF 119 II 208 consid. 3b/bb p. 211 et les références citées).

Constitue un dol le fait d'éveiller chez le disposant une fausse idée ou d'exploiter l'erreur dans laquelle il se trouve, afin de l'amener à faire une disposition pour cause de mort (arrêt 5A_204/2007 du 16 octobre 2007 consid. 6.1 publié in RNRF 2011 30 ss et la référence).

3.2 En l'espèce, les appelants allèguent une suite de divers éléments de fait, sans toutefois expliquer dans quelle erreur ou sous l'influence de quel dol se serait trouvée la défunte lorsqu'elle a modifié ses dispositions testamentaires. Ils ne critiquent pas explicitement le jugement du Tribunal en tant qu'il a considéré que les dispositions prises par D______ correspondaient à sa volonté, exprimée et mise en oeuvre dès 2010 en tout cas, de faire bénéficier de sa fortune, l'intimé plutôt qu'eux-mêmes en raison du fait qu'elle lui vouait une profonde affection, qu'il entretenait des contacts réguliers et fréquents avec elle, et qu'elle voulait financièrement l'aider dans son mariage et ses projets familiaux, et, à l'inverse, qu'elle ne s'entendait pas et n'entretenait pratiquement plus de relations avec eux. En l'absence de critique motivée du jugement sur ce point, la recevabilité de l'appel à cet égard est dès lors douteuse.

En tout état de cause, le simple fait que l'intimé aurait mis "tout en oeuvre pour se rapprocher de sa grand-mère" n'est pas suffisant pour démontrer que D______ aurait modifié son testament sur la base d'une erreur ou d'un dol. L'intimé n'a en particulier par induit en erreur sa grand-mère quant au fait qu'il était marié, qu'il allait avoir des enfants et qu'il voulait acheter une maison. En relation avec une prétendue erreur ou un dol dans la modification des dispositions testamentaires de la défunte, on ne voit par ailleurs pas en quoi le fait que l'intimé aurait incité sa grand-mère à vendre son appartement serait pertinent. De même, les appelants n'expliquent pas en quoi le fait que l'intimé aurait caché à sa soeur les montants qu'il avait reçus serait pertinent pour retenir que la défunte aurait agi sous l'emprise d'une erreur ou d'un dol en modifiant ses dispositions testamentaires. Il est enfin établi que l'intimé avait des contacts beaucoup plus réguliers avec D______ que sa soeur et que la défunte avait une préférence pour le premier.

Le grief selon lequel le Tribunal aurait violé les art. 469 et 519 al. 1 ch. 2 CC n'est dès lors pas fondé, dans la mesure où il est recevable.

4. Les appelants contestent les montants qu'ils ont été condamnés à verser à titre de frais judiciaires et de dépens, ainsi que d'avance de frais complémentaire. Le Tribunal a considéré, de manière erronée selon eux, que la valeur litigieuse s'élevait à 5'000'000 fr., soit la valeur de la masse successorale, alors que seule la question de la nullité du testament, respectivement de son annulation, est litigieuse en l'espèce de sorte que la valeur litigieuse ne s'élève qu'à un quart de la succession, soit 1'250'000 fr.

4.1 Pour déterminer le montant des frais, il y a lieu de se référer au tarif des frais prévu par le droit cantonal (art. 96 CPC).

Selon l'art. 19 al. 3 LaCC, les émoluments forfaitaires sont calculés en fonction de la valeur litigieuse, s'il y a lieu, de l'ampleur et de la difficulté de la procédure et sont fixés dans un tarif établi par le Conseil d'Etat (art. 19 al. 6 LaCC), soit le règlement fixant le tarif des frais en matière civile du 22 décembre 2010  (RTFMC - E 1 05.10).

L'art. 17 RTFMC prévoit un émolument forfaitaire de décision de 20'000 fr. à 100'000 fr. pour une demande en paiement dont la valeur litigieuse porte sur un montant entre 1'000'001 fr. et 10'000'000 fr.

Selon l'art. 85 RTFMC, pour les affaires pécuniaires, le défraiement prend pour base un défraiement de 31'400 fr., plus 1% de la valeur litigieuse pour une valeur litigieuse au-delà de 1'000'000 fr. et jusqu'à 4'000'000 fr.; sans préjudice de l'article 23 de la loi d'application du code civil, il peut s'en écarter de plus ou moins 10% pour tenir compte des éléments rappelés à l'article 84 RTFMC.

La valeur litigieuse est constituée de l'entier de la masse à partager,
lorsque la prétention en partage elle-même est litigieuse (ATF 86 II 451 c. 2, JdT 1961 I 467). Si en revanche seule est litigieuse la part de l'un des ayants droits au partage, la valeur litigieuse est égale à la seule part contestée (ATF 65 II 89; ATF 78 II 181; ATF 78 II 286).

4.2 En l'espèce, la procédure porte sur la question de la nullité ou de l'annulation du testament de D______ du 5 mars 2013, qui modifie son précédent testament du 11 novembre 2010 en ce sens que B______ ne reçoit plus le quart de la succession qui lui était attribué. Les deux parties ont en outre conclu à ce que soit ordonné le partage de la succession, dont le principe n'est ainsi pas litigieux.

C'est dès lors à bon droit que les appelants soutiennent que seule est litigieuse l'attribution d'un quart de la succession et que la valeur litigieuse à prendre en compte est de 1'250'000 fr.

Le Tribunal a fixé les frais relatifs à la décision partielle litigieuse - qu'il s'agisse des frais judicaires ou des dépens - à un montant correspondant à la moitié des frais qui pourront être fixés pour l'ensemble de la procédure. Une telle manière de procéder n'est pas critiquable. Si le Tribunal avait rendu un seul jugement, il aurait pris en compte la valeur de la part successorale litigieuse, de sorte qu'en rendant deux décisions, il paraît adéquat de partager par moitié les frais qui peuvent être fixés pour une telle valeur, étant relevé que les appelants ne soutiennent pas que l'importance de la question de la nullité ou de l'annulation du testament du 5 mars 2013 serait marginale par rapport à l'ensemble du litige et n'aurait ainsi engendré que des frais réduits.

Pour le surplus, les appelants ne contestent pas que les frais judiciaires sont majorés de 20% en application de l'art. 13 RTFMC et les dépens de 10% au vu de la difficulté et de l'ampleur de la cause et du travail qu'elle a impliqué.

Les frais seront mis à la charge des appelants, qui succombent sur les points litigieux devant le Tribunal (art. 106 al. 1 CPC).

En application de l'art. 17 RTFMC, les frais judiciaires seront fixés, non pas à 10'000 fr., comme réclamé par les appelants, ce montant étant insuffisant eu égard à l'ampleur du travail nécessité par la présente cause, mais à 40'000 fr, soit 48'000 fr. après majoration selon l'art. 13 RTFMC et 24'000 fr. après réduction de moitié compte tenu de la nature de la décision attaquée. Les appelants seront dès lors condamnés à verser un montant de 19'800 fr. à ce titre puisqu'ils ont déjà fourni des avance de frais d'un montant total de 4'200 fr.

Les dépens seront quant à eux fixés à 20'000 fr., débours inclus, mais sans la TVA puisque l'intimé est domicilié à l'étranger (arrêt du Tribunal fédéral 4A_623/2015 du 3 mars 2016).

Enfin, au vu de ce qui précède, le montant de l'avance complémentaire réclamée aux appelants sera ramené à 24'000 fr., étant cependant rappelé que l'avance n'est fixée, à ce stade, que d'après les frais présumés (art. 98 CPC).

5. Les appelants, qui succombent sur l'aspect principal du litige devant la Cour, seront condamnés, solidairement, aux frais judiciaires d'appel (art. 106 al. 1 CPC). Ceux-ci seront arrêtés à 20'000 fr., après réduction de moitié vu le caractère partiel du jugement attaqué (art. 13, 17 et 35 RTFMC) et compensés à due concurrence avec l'avance fournie, qui reste acquise à l'Etat de Genève. Le solde de ladite avance sera restitué aux appelants.

Les appelants seront par ailleurs condamnés à verser à l'intimé un montant de 15'000 fr. à titre de dépens d'appel, débours inclus, mais sans la TVA puisque l'intimé est domicilié à l'étranger, après réduction de moitié vu le caractère partiel du jugement attaqué (art. 20, 25 et 26 LaCC; art. 84, 85 et 90 RTFMC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté par A______ et B______ contre le jugement JTPI/9118/2019 rendu le 21 juin 2019 par le Tribunal de première instance dans la cause C/1146/2016-3.

Au fond :

Annule les ch. 2, 3 et 4 de ce jugement.

Cela fait, statuant à nouveau :

Arrête les frais judicaires de première instance à 24'000 fr., les met à la charge de A______ et B______, pris solidairement, et les condamne à verser 19'800 fr. à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire.

Condamne A______ et B______, pris solidairement, à verser à C______ la somme de 20'000 fr. à titre de dépens de première instance.

Impartit à A______ et B______, pris solidairement, un délai de 30 jours dès notification du présent arrêt pour fournir une avance de frais complémentaire de 24'000 fr.

Confirme le jugement attaqué pour le surplus.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judicaires d'appel à 20'000 fr., les met à la charge de A______ et B______, solidairement, et les compense à due concurrence avec l'avance fournie, qui reste acquise à l'Etat de Genève.

Invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer à A______ et B______, solidairement, la somme de 28'000 fr.

Condamne A______ et B______, solidairement, à verser à C______ la somme de 15'000 fr. à titre de dépens d'appel.

 

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Monsieur Patrick CHENAUX,
Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Madame Sophie MARTINEZ, greffière.

 

Le président :

Laurent RIEBEN

 

La greffière :

Sophie MARTINEZ

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.