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Décisions | Chambre civile

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C/24904/2012

ACJC/449/2014 du 11.04.2014 sur JTPI/12648/2013 ( OO ) , CONFIRME

Descripteurs : DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ; COMPÉTENCE RATIONE LOCI; FOR D'ORIGINE; DROIT ÉTRANGER; RATTACHEMENT; DROIT ISLAMIQUE; ACTION EN DIVORCE; OBLIGATION D'ENTRETIEN; LIQUIDATION DU RÉGIME MATRIMONIAL; DÉCLARATION DE RECONNAISSANCE; RÉSERVE DE L'ORDRE PUBLIC
Normes : LDIP.27; LDIP.60; LDIP.65; CPC.128.3
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/24904/2012 ACJC/449/2014

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du vendredi 11 AVRIL 2014

 

Entre

A______, domicilié ______, appelant d'un jugement rendu par la 8ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 30 septembre 2013, comparant par Me Bénédict Fontanet, avocat, Grand-Rue 25, case postale 3200, 1211 Genève 3, en l'étude duquel il fait élection de domicile,

et

B______, domiciliée ______, intimée, comparant par Me Cédric Aguet, avocat, rue du Grand-Chêne 8, case postale 5463, 1002 Lausanne, en l'étude duquel elle fait élection de domicile,

 


EN FAIT

A. a. A______, né le ______ 1965 à ______ (Algérie), de nationalités algérienne et suisse, et B______, née ______ le ______ 1965 à ______ (______), de nationalités iranienne et suisse, se sont mariés le ______ 1992 à ______ (Vaud) sans conclure de contrat de mariage.

Les époux B______ et A______ ont obtenu la nationalité suisse, avec droit de cité à ______ (Genève) le ______ 1986, respectivement le ______ 1997.

Les enfants C______ et D______, nés à ______ (Genève) respectivement les ______ 1997 et ______ 1999, sont issus de cette union.

b. De 1990 à 1992, A______ a travaillé en Algérie en qualité de ______, puis comme ______. Il est revenu travailler à Genève de ______ 1995 à fin octobre 1998, pour ______.

Dès 1999, A______ est retourné en Algérie pour y vivre et y travailler.

c. Selon A______, B______ et les enfants étaient domiciliés en Algérie de 2000 à 2002. Il produit un "Certificat de nationalité et d'immatriculation" délivré par l'Ambassade de Suisse à Alger (Algérie) le ______ 2013, à teneur duquel B______ était immatriculée auprès de cette Ambassade de février 2000 à août 2009.

B______ a contesté avoir été domiciliée en Algérie et a remis en cause le caractère probant de ce document officiel. Elle a produit un courriel du 17 février 2009 à teneur duquel A______ sollicitait la délivrance d'un tel certificat pour ses affaires commerciales.

Elle a allégué avoir été domiciliée avec ses enfants 1______ (Genève), jusqu'en septembre 2002, puis s'être installée à 2______ (France) de 2003 à mars 2007, puis à 3______ (Emirats Arabes Unis), dans un appartement à "______". Elle a produit notamment un document à teneur duquel son fils aîné a été scolarisé de 2000/2001 à 2001/2002 à E______ à ______ (Genève) selon une attestation du 1er juillet 2002. Il a été en outre suivi sur le plan médical en Suisse (en avril et août 2000, en janvier 2001 et en juin 2002). Ensuite, les enfants ont été scolarisés à 2______ de janvier 2003 jusqu'en février 2007. Dès janvier 2007, l'aîné a été scolarisé à 3______, suivi par le cadet dès mars de la même année.

A______ a admis qu'à partir de 2002, son épouse et ses enfants avaient séjourné au Maroc, en France et aux Emirats Arabes Unis et qu'ils étaient domiciliés à 3______.

d. Le 29 juillet 2009 à Alger, les époux A______ et B______ ont signé une attestation à teneur de laquelle ils ont déclaré être séparés depuis 2005.

e. B______ a allégué, sans avoir été contredite, que son mari s'était remarié en ______ 2005, qu'une fille était née de cette union et qu'il avait divorcé de sa seconde épouse en ______ 2010.

B. A la requête de A______, le Tribunal de 4______, section des affaires familiales, ______ (Algérie) a prononcé le divorce des parties par jugement rendu "par défaut et en dernier ressort" le 24 février 2011 (rôle no 5______, répertoire no 6______). Ce jugement mentionne que B______ n'a pas répliqué à la requête introductive d'instance et qu'elle ne s'est pas présentée à l'audience de conciliation du 3 février 2011.

Me F______, huissier de justice assermenté et agréé dans le ressort de la Cour 4______, a attesté avoir remis le 10 octobre 2010 à B______ l'assignation à comparaître à l'audience du 13 janvier 2011 dans la cause susindiquée (rôle no 5______).

B______ a contesté la régularité de cette assignation, contraire à son sens au "Riyadh Arab Agreement for Judicial Cooperation" du 6 avril 1983 (Convention arabe de Riyad, Arabie Saoudite, relative à l'entraide judiciaire, disponible sur le site internet <http://www.refworld.org/docid/3ae6b38d8.html>), auquel l'Algérie et les Emirats Arabes Unis sont parties en tant que membres de la Ligue des Etats arabes et dont les dispositions sont obligatoires pour les Etats parties (art. 68 let. a). Elle a évoqué en particulier l'art. 2 § 4 de cet Accord, qui prévoit des communications directes entre Ministères de la Justice des pays concernés, l'art. 6 § 1, selon lequel la remise de documents judiciaires doit s'effectuer par l'intermédiaire de l'autorité ou l'officier judicaire de la Cour du district dans lequel le destinataire réside et l'art. 12, qui prévoit une preuve de la remise par la signature du destinataire de l'acte sur une copie du document, avec la date de réception, son mode de transmission, l'auteur de la remise (§ 2) et communication de la preuve de cette remise à l'Etat requérant (§ 3). Elle a en outre remis en cause la réception de cette assignation en ses mains, Communications on all these matters shall be direct between Ministries of Justice, provided copies thereof be conveyed to the Ministry of Foreign Affairs in the countries concerned.puisqu'elle voyageait en ______ du 29 septembre au 12 octobre 2010, selon l'extrait de son billet d'avion.

En relation avec la production de cette signification du 10 octobre 2010, B______ a requis la condamnation de son mari à une amende pour téméraire plaideur.

A______ a admis que ce jugement du 24 février 2011 n'avait pas été notifié officiellement à B______, parce qu'à cette époque elle n'avait pas encore obtenu sa carte de séjour à 3______ (cf. réponse du 15 août 2013, p. 6, ch. 32 et p. 9).

C. a. Par acte reçu le 27 novembre 2012, B______ a assigné A______ devant le Tribunal de première instance de Genève (ci-après : le Tribunal), sollicitant l'octroi de mesures provisionnelles (remise de documents par A______ relatifs à ses revenus et ses biens, contribution d'entretien, autorité parentale et droit de garde sur les deux enfants, provisio ad litem) et le prononcé du divorce et de ses effets accessoires (autorité parentale et garde sur les enfants, contributions d'entretien indexées, indemnité pour tort moral, participation extraordinaire à l'entretien de la famille, partage des prestations de sortie accumulées durant le mariage et liquidation du régime matrimonial).

A l'appui de sa demande, elle s'est prévalue du for d'origine des citoyens suisses (art. 60 LDIP), aux motifs que les droits algérien et émirati comportaient des dispositions défavorables à l'épouse s'agissant de l'attribution des droits parentaux sur les enfants, les contributions d'entretien et la liquidation du régime matrimonial.

Il ressort d'un avis de droit demandé par B______ à G______, Dr en droit, professeur ______, que B______ pouvait intenter une action en divorce devant les tribunaux des Emirats Arabes Unis et ceux d'Algérie, la loi applicable étant celle du pays où l'action serait formée. Ces droits comportaient des dispositions défavorables à l'épouse concernant la prestation d'entretien de la femme (limitée à trois mois, car elle serait demanderesse au divorce), la liquidation du régime matrimonial (le régime légal dans ces deux pays étant celui de la séparation de biens) ou l'attribution des enfants et leur entretien. Ayant dépassé l'âge normal de la garde (10 ans révolus), les deux enfants seraient attribués par les tribunaux des deux pays au père s'il les réclamait. Si la mère devait les garder, il serait hautement improbable que les tribunaux de ces pays lui accorderaient des moyens permettant de les élever en Suisse au cas où elle décidait d'y revenir et elle risquerait de se retrouver à la charge de l'assurance (recte : l'assistance) sociale en Suisse. Il a souligné, en outre, que l'épouse ne parlait pas l'arabe et que les parties comprenaient le français.

b. A______ a conclu à l'irrecevabilité de la demande, d'une part parce que les parties sont déjà divorcées, sollicitant préalablement la reconnaissance du jugement algérien du 24 février 2011, et, d'autre part, à cause de l'incompétence ratione loci du Tribunal, puisque l'action pouvait être intentée tant aux Emirats Arabes Unis qu'en Algérie. Il a relativisé les affirmations de son épouse, en ce sens qu'à la suite du prononcé de leur divorce par le Tribunal algérien elle avait conservé la garde sur les enfants et il avait contribué à l'entretien de sa famille. Il a soutenu que le déroulement du procès en Suisse compliquerait l'administration des preuves et qu'un jugement suisse ne serait pas reconnu par les autorités algériennes.

D. Par jugement du 30 septembre 2013, reçu le lendemain par A______, le Tribunal a déclaré recevable la demande en divorce avec requête de mesures provisionnelles déposée le 27 novembre 2012 par B______ (ch. 1 du dispositif), s'est déclaré compétent ratione loci pour connaître de cette demande (ch. 2) et a réservé le sort des frais (ch. 3).

Le premier juge a admis sa compétence sur la base du for d'origine (art. 60 LDIP), au motif que les législations émirati et algérienne ne permettaient pas de tenir compte de manière équitable des intérêts des parties. Les difficultés pratiques d'administration des preuves n'étaient pas déterminantes et l'époux pouvait avoir accumulé en Suisse des avoirs de prévoyance professionnelle durant le mariage. Enfin, le jugement algérien du 24 février 2011 n'était pas susceptible d'être reconnu en Suisse, parce que l'épouse n'avait pas été régulièrement citée à comparaître pour plusieurs raisons : la date de l'audience à comparaître indiquée sur l'assignation (13 janvier 2011) ne correspondait pas à celle mentionnée dans le jugement (3 février 2011); la remise de l'assignation à l'épouse ne précisait pas par quelle voie elle avait été signifiée et ne comportait pas sa signature; le mari avait lui-même admis que les notifications officielles ne pouvaient pas se faire en mains de son épouse à 3______ parce qu'elle était dépourvue de carte de séjour et cette notification ne respectait pas les dispositions de l'Accord de coopération judiciaire de Riyad. Enfin, le jugement algérien n'était ni définitif ni exécutoire, puisqu'il n'avait pas été officiellement notifié à l'épouse, ce que le mari avait admis.

Pour le surplus, le Tribunal n'a pas d'infligé d'amende pour téméraire plaideur à A______, au motif que les conditions posées par la loi n'étaient pas réalisées.

E. a. Par appel expédié le 18 octobre 2013 au greffe de la Cour de justice, A______ (ci-après aussi : l'appelant) appelle de ce jugement, dont il sollicite l'annulation. Il persiste dans ses conclusions de première instance. Subsidiairement, il sollicite l'annulation du jugement entrepris et qu'il soit dit d'une part que les autorités judiciaires suisses sont incompétentes pour statuer sur la demande datée du 23 novembre 2012, et, d'autre part, que le jugement algérien est susceptible d'être reconnu en Suisse. En conséquence, il demande que la demande datée du 23 novembre 2012 soit déclarée irrecevable et que la cause soit renvoyée en première instance pour nouveau jugement.

Il produit des pièces nouvelles (Code de la famille, Code de procédure civile et administrative et extraits du Code civil de la République algérienne démocratique et populaire), complétées le 31 octobre 2013 par d'autres documents (avis juridiques et signification d'un jugement algérien du 24 mai 2011 à son épouse).

L'appelant se prévaut d'une violation de l'art. 60 LDIP, parce que l'intimée peut agir en Algérie et que les effets accessoires du divorce selon la législation algérienne (Code de la famille algérien, ci-après : CCa) ne se révèlent pas gravement inéquitables pour l'intimée (droit de l'épouse à des réparations pour le préjudice qu'elle a subi si l'époux a abusivement usé de la faculté de divorcer selon l'art. 52 CCa; obligation du père d'assurer à la bénéficiaire du droit de garde un logement décent ou son loyer selon l'art. 72 CCa; entretien dû à ses fils selon l'art. 78 CCa jusqu'à leur majorité, art. 74 CCa, et ce depuis une année avant l'introduction de l'instance, art. 80 CCa). La démarche de l'intimée est contraire à l'économie de procédure, parce qu'elle pourrait recourir contre le jugement de divorce algérien du 24 février 2011 après sa notification officielle. En outre, celui-ci ne statue pas sur les effets accessoires du divorce, ce qui lui permet d'agir en complément par devant les juridictions algériennes. Il ajoute que l'intimée s'expose en Algérie au refus d'exequatur d'un jugement suisse de divorce, parce que les règles de conflit algériennes désignent le droit algérien comme droit applicable en tant que loi nationale de l'époux.

Il produit l'avis de droit de Me H______, avocat, agréé à ______, à teneur duquel le Tribunal d'Alger était territorialement compétent pour statuer en matière de divorce car le dernier domicile conjugal des parties était à Alger. Il considère que le jugement algérien de divorce du 24 février 2011 a été notifié à l'intimée en juillet 2013, sans qu'elle n'ait formé opposition à celui-ci (cf. ci-dessous).

Selon Me I______, Dr en droit, ______ (Algérie), un jugement suisse de divorce ne sera pas reconnu en Algérie, parce que la loi suisse est contraire à l'ordre public algérien et que seul le jugement algérien préexistant du 24 février 2011 sera reconnu.

L'appelant produit nouvellement un document (pièce no 12), dont il ressort que "Copie du jugement rendu par le tribunal de 4______, section des affaires de la famille en date du 24/05/2011 (sic), rôle no 5______, répertoire no 6______" a été "notifié et remis" à l'intimée.

b. L'intimée conclut, avec suite de frais et dépens, au déboutement de l'appelant et persiste à solliciter la condamnation de l'appelant à une amende pour procédé téméraire et/ou mauvaise foi.

EN DROIT

1. 1.1. L'appel est recevable contre les décisions finales et incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

Une décision incidente (art. 237 al. 1 CPC) relative à la compétence (art. 59 al. 1 let. b CPC), qui s'examine d'office (art. 60 CPC), est sujette à recours immédiat (art. 237 al. 2 CPC), respectivement à l'appel, en fonction des critères de recevabilité des art. 308 et ss CPC (Tappy, in CPC, Code de procédure civile commenté, BOHNET/HALDY/JEANDIN/SCHWEIZER/TAPPY [éd.], 2011, n. 9 ad art. 237 CPC).

En l'espèce, le jugement entrepris est une décision incidente, en tant qu'il a admis la compétence internationale des juridictions genevoises pour statuer sur le divorce des parties et les effets accessoires, après avoir rejeté les exceptions d'incompétence ratione loci et d'autorité de la chose jugée soulevées par l'appelant (défendeur en première instance).

L'appel a été formé le délai et selon la forme prescrite par la loi (art. 130, 131, 142, 308 al. 1 let. a, 311 al. 1 CPC). Il est ainsi recevable.

1.2. La Cour revoit la cause avec un pouvoir de cognition complet (art. 310 CPC).

2. En principe, la Cour examine d'office la recevabilité des pièces produites en appel (Reetz/Hilber, Kommentar zur Schweizerischen Zivilprozessordnung, 2010, n. 26 ad art. 317 CPC).

Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuves nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de diligence (let. b).

Le sort des enfants mineurs étant susceptible d'être touché par la procédure de divorce, la Cour admet la recevabilité des pièces nouvelles (ACJC/1241/2013 du 18 octobre 2013 consid. 2.1).

3. L'appelant remet en cause la compétence ratione loci des juridictions genevoises admise par le Tribunal sur la base de l'art. 60 LDIP.

3.1. Il convient d'examiner préalablement la compétence du for d'origine pour connaître d'une action en divorce fondée sur l'art. 60 LDIP, puis l'éventuelle compétence résiduelle des juridictions genevoises (action en complément ou en modification du jugement de divorce au sens de l'art. 64 LDIP), voire leur dessaisissement en fonction de la reconnaissance ou non du prononcé du divorce par le jugement algérien du 24 février 2011 (cf. arrêt du Tribunal fédéral 5C.24/2000 du 4 juillet 2000 consid. 1c).

Selon l'art. 60 LDIP, lorsque les époux ne sont pas domiciliés en Suisse et que l'un d'eux est suisse, les tribunaux du lieu d'origine sont compétents pour connaître d'une action en divorce, si l'action ne peut être intentée au domicile de l'un des époux ou si l'on ne peut raisonnablement exiger qu'elle le soit.

Le tribunal suisse saisi d'une action en divorce est compétent pour ordonner des mesures provisoires, sauf si son incompétence pour statuer au fond est manifeste ou a été constatée par une décision ayant force de chose jugée (art. 62 al. 1 LDIP).

Il est également compétent pour se prononcer sur les effets accessoires du divorce (art. 63 al. 1 LDIP) et pour connaître des actions ou ordonner les mesures relatives aux régimes matrimoniaux (art. 51 let. b LDIP).

Il applique le droit suisse pour statuer sur le divorce (art. 61 al. 4 LDIP), les mesures provisoires (62 al. 2), les effets accessoires (63 al. 3 LDIP), le régime matrimonial (art. 54 al. 1 let. b et al. 2 LDIP), l'obligation alimentaire entre époux (art. 49 LDIP), ainsi qu'entre parents et enfants (art. 83 LDIP), étant précisé que ces deux dernières dispositions renvoient à la Convention de La Haye du 2 octobre 1973 sur la loi applicable aux obligations alimentaires (RS 0.211.231.01), dont l'art. 8 réserve explicitement la loi appliquée au divorce, à savoir le droit suisse.

Le fait que le couple entretienne des liens d'une certaine importance avec la Suisse constitue un facteur favorable à l'accès au for d'origine. Lors de l'appréciation de l'opportunité de retenir cette compétence, il n'y a pas lieu d'être trop exigeant envers les compatriotes à l'étranger (Bucher, Commentaire romand, 2011, n. 3 ad art. 60 LDIP; plus nuancé : Dutoit, Commentaire de la loi fédérale du 18 décembre 1987, 4ème éd., 2005, p. 199, no  3).

Selon Bucher/Bonomi, le législateur entendait couvrir les cas dans lesquels la réglementation des effets du divorce risquait de ne pas tenir compte, de manière équitable, des intérêts en jeu (Droit international privé, 2013, p. 191, no 680; Bucher, op. cit., n. 11 ad art. 61 LDIP, Dutoit, op.cit., p. 199, no  3).

3.2. A teneur de l'art. 65 al. 1 LDIP, un jugement de divorce étranger est reconnu en Suisse lorsqu'il a été rendu dans l'Etat du domicile ou de la résidence habituelle, ou dans l'Etat national de l'un des époux, ou s'il est reconnu dans l'un de ces Etats. Cette disposition doit être lue en relation avec les normes générales posées aux art. 25 ss LDIP, qui prévoient en substance qu'une décision étrangère est reconnue en Suisse pour autant que les autorités judiciaires de l'Etat dont émane la décision étaient compétentes, que celle-ci n'est plus susceptible d'un recours ordinaire et qu'elle n'est pas manifestement incompatible avec l'ordre public suisse, lequel exige notamment respect des règles fondamentales de la procédure déduites de la Constitution (art. 27 al. 1 LDIP; ATF 126 III 327 consid. 2; arrêts du Tribunal fédéral 5A_697/2007 du 3 juillet 2008 et 5C.24/2000 du 4 juillet 2000 consid. 2b).

Selon l'art. 27 al. 2 LDIP, la reconnaissance d'une décision doit être refusée si une partie établit qu'elle n'a été citée régulièrement, ni selon le droit de son domicile, ni selon le droit de sa résidence habituelle, à moins qu'elle n'ait procédé au fond sans faire de réserve (let. a) ou que la décision a été rendue en violation des principes fondamentaux ressortissant à la conception suisse du droit de procédure, notamment que ladite partie n'a pas eu la possibilité de faire valoir ses moyens (let. b). Au surplus, la décision étrangère ne peut faire l'objet d'une révision au fond (al. 3).

Selon l'art. 29 al. 1 LDIP, la requête en reconnaissance doit être accompagnée d'une expédition complète et authentique de la décision (let. a), d'une attestation constatant que la décision n'est plus susceptible de recours ordinaire ou qu'elle est définitive (let. b) et, en cas de jugement par défaut, d'un document officiel établissant que le défaillant a été cité régulièrement et qu'il a eu la possibilité de faire valoir ses moyens (let. c).

Selon Bucher/Bonomi, l'ordre public suisse refuse la reconnaissance lorsque le juge du divorce a donné suite à la demande sans aucun constat de la rupture de l'union conjugale, tenant compte des relations entre les époux ou de la durée de leur séparation. La reconnaissance doit toutefois être admise si les circonstances du cas particulier démontrent que la rupture de l'union a été consommée en fait au moment du divorce. Dans de telles conditions, une répudiation prononcée à l'étranger paraît admissible au regard de l'ordre public suisse, si l'époux intimé renonce à faire valoir les motifs de refus de l'art. 27 al. 2 let. a et b LDIP (op. cit., p. 197, no 704).

Selon Bucher, toute dissolution du mariage fondée sur la volonté d'un seul époux heurte de front l'ordre public procédural, que ce soit en raison de l'absence de citation à comparaître ou du non-respect du droit d'être entendu du conjoint, voire du cumul de ces deux défauts (art. 27 al. 2 let. a et b LDIP). Le conjoint lésé doit être protégé dans ses droits fondamentaux de procédure (op. cit., n. 16 ad
art. 65 LDIP).

3.3. En l'espèce, les parties se sont mariées en Suisse, leurs enfants sont nés et ont été scolarisés en Suisse, elles ont décidé d'adopter la nationalité suisse et la famille a vécu ensemble dans ce pays, de sorte qu'il existe un fort rattachement de leur vie de couple et de famille à la Suisse.

En outre, il serait inéquitable d'exiger de l'intimée qu'elle intente une action en divorce ou en modification de jugement de divorce en Algérie, puisque seul l'appelant est ressortissant de ce pays, respectivement y est domicilié, comme il serait tout autant inéquitable de l'inciter à agir aux Emirats Arabes Unis, où l'appelant n'a noué aucun lien de rattachement avec cet Etat.

Enfin, il est établi par la teneur du droit algérien communiquée par l'appelant et l'avis de droit du Dr G______ produit par l'intimée, que les époux ne sont pas égaux devant la loi, selon les législations algérienne et émirati, mais que la position de la femme est prétéritée par rapport à celle de l'époux, indépendamment de l'examen des circonstances du cas d'espèce, s'agissant de l'attribution des enfants, des prestations d'entretien pour elle-même et les enfants et de la liquidation du régime matrimonial.

Ces considérations justifient l'admission de la compétence ratione loci des juridictions genevoises au for d'origine.

3.4. Il convient d'examiner dans quelle mesure le jugement algérien du 24 février 2011 prononçant le divorce des parties est susceptible d'être reconnu en Suisse.

En l'espèce, ce n'est pas le prononcé du divorce par le Tribunal de 4______ (Algérie) qui heurte l'ordre public matériel suisse, mais l'absence de citation régulière de l'intimée à participer à cette procédure, laquelle a été privée de faire valoir ses moyens, ce qui constitue une violation de l'ordre public procédural suisse au sens de l'art. 27 al. 2 let. a et b et 29 al. 1 let. c LDIP. Ainsi, l'appelant n'a pas établi qu'une assignation à comparaître avait été régulièrement notifiée à l'intimée, selon les art. 6 et 12 de la Convention arabe de Riyad relative à l'entraide judiciaire, ni que celle-ci lui avait été remise en main propre, selon les exigences de cette Convention (art. 12). Dans ces conditions, l'intimée est en droit de se prévaloir des motifs de refus de reconnaissance du jugement algérien, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres irrégularités soulevées par l'intimée (divergences de dates entre l'assignation à comparaître et le jugement, notification officielle impossible car elle n'était pas titulaire d'une carte de séjour à 3______, séjour en ______ de cette dernière à l'époque de la notification en cause, etc.).

Enfin, la requête de reconnaissance de l'appelant ne répond pas aux conditions fixées par l'art. 29 al. 1 LDIP, puisqu'il n'a produit ni une expédition complète et authentique du jugement algérien (let. a), ni une attestation constatant que la décision n'était plus susceptible de recours ordinaire ou qu'elle était définitive (let. b). L'appelant a de surcroit reconnu que le jugement algérien n'avait jamais été officiellement notifié à l'intimée. En seconde instance, il a produit une pièce nouvelle (no 12) faisant mention d'une notification intervenue le 17 juillet 2013. Toutefois, cette notification ne répond pas davantage aux conditions prévues par les art. 6 et 12 de la Convention arabe de Riyad relative à l'entraide judiciaire et elle mentionne la notification d'un jugement algérien du 24 mai 2011 au lieu du jugement du 24 février 2011, sans qu'il ait été établi s'il s'agissait d'un jugement ultérieur ou d'une inadvertance de date.

L'appel n'est donc pas fondé, de sorte que le jugement entrepris sera confirmé.

4. L'intimée sollicite la condamnation de l'appelant à une amende disciplinaire, pour avoir à son sens faussement affirmé qu'elle se serait constitué un domicile en Algérie, qu'il a persisté à ignorer les règles en matière de notification de décisions étrangères qu'il avait reçues en copie et parce que sa pièce no 4, relative à l'assignation à comparaître, est un "faux intellectuel" à son sens.

4.1. Selon l'art. 128 al. 3 CPC, la partie ou son représentant qui usent de mauvaise foi ou de procédés téméraires sont punis d'une amende disciplinaire de 2'000 fr. au plus; l'amende est de 5'000 fr. au plus en cas de récidive.

Quiconque participe à la procédure doit se conformer aux règles de la bonne foi (art. 52 CPC).

Par comportement de bonne foi, on entend un comportement qui, objectivement, correspond à ce qui peut être légitimement attendu des parties à un procès, à savoir une attitude éthiquement correcte à l'égard de l'autre partie et du juge; il faut cependant se garder de retenir trop facilement l'existence d'un comportement abusif, au risque de vider la loi de sa substance (Bohnet, op. cit., n. 7, 24 à 26 ad art. 52 CPC).

4.2. En l'espèce, l'argumentation adoptée par l'appelant et les pièces qu'il a produites ne dénotent pas qu'il aurait usé de procédés dilatoires ou téméraires. Il ne peut se voir reprocher en l'état du dossier d'avoir adopté une attitude procédurale dilatoire ou contraire à la bonne foi.

L'intimée sera dès lors déboutée de ce chef de conclusions.

5. Les frais judiciaires d'appel seront arrêtés à 1'200 fr. (art. 36 du Règlement genevois du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière civile, RTFMC, E 1 05.10).

Compte tenu de l'issue du litige, l'appelant sera condamné aux frais d'appel, lesquels seront entièrement compensés avec l'avance de frais versée par l'appelant (art. 111 al. 1 CPC), qui restera acquise à l'Etat.

Les dépens d'appel seront arrêtés à 2'500 fr., débours et TVA compris (art. 20 al. 3 de la Loi genevoise d'application du code civil suisse et d'autres lois fédérales en matière civile, LaCC, E 1 05 et art. 86 RTFMC). Ils seront mis à la charge de l'appelant.

6. Le présent arrêt peut être déféré au Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière civile (art. 92 al. 1 LTF). La présente cause n'est pas de nature pécuniaire (arrêt du Tribunal fédéral 5A_422/2009 du 28 août 2009 consid. 1.1).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté par A______ contre le jugement JTPI/12648/2013 rendu le 30 septembre 2013 par le Tribunal de première instance dans la cause C/24904/2012-8.

Au fond :

Confirme ce jugement.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 1'200 fr.

Les met à la charge de A______.

Dit qu'ils sont entièrement compensés avec l'avance de frais de A______, laquelle reste acquise à l'Etat de Genève.

Condamne A______ à verser la somme de 2'500 fr. à B______ à titre de dépens d'appel.

Siégeant :

Monsieur Jean-Marc STRUBIN, président; Madame Daniela CHIABUDINI et Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, juges; Madame Audrey MARASCO, greffière.

 

Le président :

Jean-Marc STRUBIN

 

La greffière :

Audrey MARASCO

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF ; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF indéterminée.