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Décisions | Chambre civile

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C/13524/2011

ACJC/274/2014 du 28.02.2014 sur JTPI/10364/2013 ( OO ) , CONFIRME

Descripteurs : RECONNAISSANCE DE LA DÉCISION; DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ
Normes : DIP.29.2
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/13524/2011 ACJC/274/2014

 

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du VENDREDI 28 fevrier 2014

Entre

Monsieur A______ B______, domicilié ______ Genève, appelant d'un jugement rendu par la 19ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 16 août 2013, comparant par Me Reza Vafadar, avocat, avenue Jules-Crosnier 8, 1206 Genève, en l'étude duquel il fait élection de domicile,

et

1) Monsieur C______, domicilié ______ (Tunisie), intimé, comparant par Me Pietro Rigamonti, place de la Taconnerie 3-5, 1204 Genève, en l'étude duquel il fait élection de domicile,

2) Madame D______ B______, domiciliée ______ (Valais), intimée, comparant par Me Alexandre Davidoff, avocat, place du Port 2, 1204 Genève, en l'étude duquel elle fait élection de domicile,

3) Madame E______ B______, domiciliée ______ (Valais), intimée, comparant par Me Philippe Juvet, avocat, rue de la Fontaine 2, 1204 Genève, en l'étude duquel elle fait élection de domicile,

4) Monsieur F______ B______, domicilié ______ (Genève), intimé, comparant par Me Malika Salem Thevenoz, avocate, rue Sénebier 20, case postale 166, 1211 Genève, en l'étude de laquelle il fait élection de domicile.

Le présent arrêt est communiqué aux parties par plis recommandés du 04.03.2014.


EN FAIT

A. a. Par jugement JTPI/10364/2013 du 16 août 2013, notifié à A______ B______ le 23 du même mois, le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal) a dit et constaté que le jugement JTPI/17747/2010 rendu le 5 octobre 2010 dans la cause C/13568/2010 par le même Tribunal - qui reconnaissait et déclarait exécutoire en Suisse le jugement rendu par le Tribunal de première instance de Tunis (Tunisie) le 2 décembre 2003 nommant C______ en qualité de liquidateur de la succession de feu G______ B______ - était nul et de nul effet (ch. 1 du dispositif), a arrêté les frais judiciaires à 6'240 fr., les a compensés avec les avances fournies par D______ B______ et F______ B______, les a mis à charge de A______ B______ et de C______ pour moitié chacun et a par conséquent condamné ces derniers à payer chacun à D______ B______ et F______ B______ la somme de 3'120 fr. à ce titre (ch. 2) et la somme de 3'000 fr. à titre de dépens (ch. 3), les parties étant déboutées de toutes autres conclusions (ch. 4).

b. Par acte déposé au greffe de la Cour de justice le 18 septembre 2013, A______ B______ a fait appel de ce jugement, concluant à son annulation, au rejet de la demande de D______ B______ et F______ B______ du 13 janvier 2012 en constatation négative de droit contre le jugement du 5 octobre 2010 précité et à la condamnation de tout opposant en tous les frais judiciaires, y compris une indemnité complète à titre de participation à ses frais d'avocat pour les procédures de première instance et d'appel.

Il a produit trois pièces nouvelles à l'appui de son appel, soit une copie du jugement entrepris (pièce n° 0), un avis de droit relatif au droit successoral tunisien du 4 février 2013 (pièce n° 44) et un document de répartition successorale (Fridha) tunisien du 1er mai 2013 avec sa traduction en français (pièce n° 45).

c. Par réponse du 29 octobre 2013, C______, nommé liquidateur de la succession de feu G______ B______ par le jugement tunisien précité, a conclu à l'annulation du jugement entrepris, à l'irrecevabilité de l'action en constatation négative de droit formée par D______ B______ et F______ B______, à ce que ces derniers ainsi que tout opposant soient condamnés en tous les frais et dépens de première instance et d'appel, y compris une indemnité équitable valant participation à ses honoraires d'avocat, et au déboutement de D______ B______ et F______ B______, ainsi que de tout opposant, de toutes autres conclusions. Il a pris les mêmes conclusions à titre subsidiaire, sauf celle relative à l'irrecevabilité de l'action en constatation précitée.

d. Par mémoire de réponse du 29 octobre 2013, F______ B______ s'en est rapporté à justice concernant la recevabilité de l'appel formé par A______ B______ et a conclu à l'irrecevabilité des pièces nouvelles produites par ce dernier.

Au fond, il a conclu, avec suite de frais et dépens à charge de l'appelant, au déboutement de ce dernier et à la confirmation du jugement entrepris, toutes les autres parties devant être déboutées de toutes autres conclusions.

e. Par mémoire de réponse du 29 octobre 2013, E______ B______ a conclu au déboutement de A______ B______ et à la condamnation de celui-ci en tous les frais judiciaires et dépens.

Elle a produit une pièce nouvelle, soit une copie de l'arrêt rendu par la Cour de justice le 25 mai 2012 dans la cause C/13456/2011 (ACJC/757/2012).

f. Par mémoire de réponse du 30 octobre 2013, D______ B______ s'en est rapportée à justice quant à la recevabilité de l'appel. Elle a conclu au rejet de celui-ci, à la confirmation du jugement entrepris, au déboutement de A______ B______ de toutes ses conclusions et à la condamnation de celui-ci en tous les frais et dépens de l'instance.

B. Les faits suivants résultent du dossier soumis à la Cour :

a. G______ B______, né le ______ 1923 à ______ (Russie), est décédé à Genève le ______ 2001, sans laisser de disposition testamentaire.

Ses héritiers légaux sont sa veuve, D______ B______, et ses trois enfants, F______ B______, E______ B______ et A______ B______, ce dernier étant issu d'une relation hors mariage avec H______.

b. Les héritiers sont en désaccord à propos du domicile de feu G______ B______ au moment de son décès : D______ B______, F______ B______ et E______ B______ allèguent qu'il s'agissait de Genève, tandis que A______ B______ prétend que ce domicile était en Tunisie.

c. Le 5 juin 2002, H______, agissant pour le compte de son fils A______ B______, alors encore mineur, a saisi les tribunaux tunisiens d'une action tendant à faire constater que la succession était ouverte en Tunisie.

d. Le 11 juin 2002, D______ B______, F______ B______ et E______ B______ ont requis la Justice de paix de Genève d'ouvrir la succession de feu G______ B______ à Genève.

Le 4 mars 2003, la Justice de paix genevoise a suspendu la cause dans l'attente de la décision des autorités tunisiennes sur leur compétence pour connaître de la liquidation de la succession.

e. Par jugement du 2 décembre 2003, le Tribunal de première instance de Tunis (Tunisie) a nommé C______ liquidateur de la succession de feu G______ B______ après s'être déclaré compétent pour connaître de la succession.

Par arrêt définitif du 19 octobre 2009, la Cour de cassation tunisienne a confirmé ce jugement, en reconnaissant la compétence des autorités tunisiennes pour l'ensemble de la succession, y compris les biens successoraux sis à l'étranger.

f. Par ordonnance du 18 février 2010, la Justice de paix genevoise s'est déclarée incompétente pour connaître de la succession de feu G______ B______, en se fondant sur l'art. 9 al. 3 LDIP.

Le 8 juin 2010, sur recours de D______ B______, E______ B______ et F______ B______, la Cour de justice a annulé cette décision et retourné la cause à la Justice de paix pour instruction complémentaire sur la question du domicile du défunt lors de son décès et nouvelle décision (DAS/1______ dans la cause C/2______).

Cette procédure est toujours pendante à ce jour.

g. En parallèle aux procédures susmentionnées, D______ B______ a déposé, le 7 juin 2007, une action auprès du Tribunal tendant à la liquidation du régime matrimonial et au partage successoral (C/3______).

Cette procédure a été suspendue jusqu'à droit jugé dans le cadre de la procédure pendante devant la Justice de paix (JTPI/4______ du ______ 2010).

h. Le 9 juin 2010, C______ a saisi le Tribunal de première instance de Genève d'une requête en exequatur du jugement tunisien du 2 décembre 2003 le nommant liquidateur de la succession (C/13568/2010).

L'assignation ne visait pas les héritiers de feu G______ B______.

i. Par jugement JTPI/17747/2010 rendu le 5 octobre 2010 dans la cause C/13568/2010, le Tribunal a reconnu et déclaré exécutoire en Suisse le jugement rendu par le Tribunal de première instance de Tunis (Tunisie) le 2 décembre 2003, nommant C______ liquidateur de la succession de feu G______ B______.

Selon certificat dressé par le tribunal genevois le 21 juin 2011, ce jugement est entré en force de chose jugée le 12 novembre 2010.

j. Par courriers des 11 et 12 mai 2011, A______ B______ a transmis tant à la Justice de paix (C/2______) qu'au Tribunal (C/3______) le jugement susmentionné, en adressant une copie de ses courriers à E______ B______, D______ B______ et F______ B______.

Ces derniers indiquent n'avoir eu connaissance de l'existence de ce jugement qu'à réception de ces courriers.

k. Le 21 juin 2011, E______ B______ a saisi le Tribunal civil en qualité de tribunal de l'exécution à Genève d'une requête à l'encontre de D______ B______, F______ B______ et A______ B______, concluant, avec suite de frais judiciaires et dépens, à la constatation de la nullité du jugement JTPI/17747/2010 rendu par le Tribunal le 5 octobre 2010 dans la cause C/13568/2010 (conclusion n° 1), à la constatation, à défaut, que le jugement précité n'avait pas ordonné de mesures d'exécution et que le jugement tunisien du 2 décembre 2003 prétendument reconnu ne pouvait être concrètement exécuté en Suisse (conclusion n° 2), et à la suspension, sur mesures urgentes, de l'exécution du jugement JTPI/17747/2010 précité jusqu'à droit jugé par le tribunal de l'exécution, puis par la Justice de paix dans la procédure C/2______, puis par le Tribunal dans la procédure C/3______ (conclusion n° 3).

Par jugement du 20 octobre 2011 (JTPI/15530/2011), confirmé par arrêt de la Cour de justice du 25 mai 2012 (ACJC/757/2012), le Tribunal a déclaré irrecevables les conclusions nos 1 et 2 précitées et rejeté la requête pour le surplus.

l. Par acte déposé au greffe du Tribunal le 7 juillet 2011 en conciliation, puis le 13 janvier 2012 après échec de la tentative de conciliation (C/13524/2011), D______ B______ et F______ B______ ont formé une action en constatation négative de droit à l'encontre de C______, E______ B______ et A______ B______, en concluant, avec suite de frais et dépens, à ce qu'il soit dit et constaté : qu'ils n'avaient pas été régulièrement cités dans la cause C/13568/2010 ayant conduit au jugement rendu le 2 décembre 2003 [recte : 5 octobre 2010] par le Tribunal et qu'ils n'avaient donc pas pu faire valoir leurs moyens et leur droit d'être entendu, qu'en conséquence le jugement JTPI/17747/2010 rendu le 5 octobre 2010 par le Tribunal dans la cause C/13568/2010 était nul et de nul effet, que, faute d'avoir été notifié aux autres héritiers concernés, et notamment à eux-mêmes, ledit jugement était considéré comme inexistant et qu'en conséquence, la reconnaissance et l'exécution du jugement rendu le 2 décembre 2003 par le Tribunal de première instance de Tunis (Tunisie) dans l'affaire n° ______ nommant C______ en qualité de liquidateur de la succession de feu G______ B______ ne pouvaient se fonder sur le jugement JTPI/17747/2010 précité, les défendeurs et tout opposant devant être déboutés de toutes autres conclusions.

m. A______ B______ a notamment conclu au rejet de l'action précitée ainsi qu'à la condamnation de D______ B______ et F______ B______ en tous les frais judiciaires et dépens.

n. C______ a conclu à l'irrecevabilité de l'action en constatation négative de droit intentée par D______ B______ et F______ B______ et, subsidiairement, au déboutement de ceux-ci de toutes leurs conclusions, avec suite de frais et dépens.

o. E______ B______ a fait siennes les conclusions prises par les demandeurs.

p. Plusieurs audiences de débats d'instruction et de plaidoiries se sont tenues devant le Tribunal, qui a notamment ordonné l'apport de la procédure en exequatur (C/13568/2010 - JTPI/17747/2010).

q. La cause a été gardée à juger à l'issue de l'audience de plaidoiries finales du 27 mai 2013, lors de laquelle les parties ont persisté dans leurs conclusions.

C. Aux termes du jugement entrepris, le Tribunal a relevé qu'il n'était pas contesté que la procédure en reconnaissance et exécution fondée sur la LDIP devait être contradictoire, ni que la procédure litigieuse ne l'avait pas été. Or, si l'occasion leur en avait été donnée, les demandeurs D______ B______ et F______ B______ se seraient très certainement opposés à l'exequatur du jugement tunisien du 2 décembre 2003, notamment parce que les procédures ouvertes en Suisse sur cette question n'étaient toujours pas terminées. Il n'importait pas de savoir si les demandeurs avaient eu quelque chance de succès en s'opposant à la reconnaissance du jugement tunisien en Suisse. Le simple fait qu'ils n'aient pas eu la possibilité de présenter leurs arguments à ce sujet était suffisant pour retenir qu'ils avaient un intérêt important et digne de protection à faire constater leurs droits par une procédure en constatation.

Vu l'importance du conflit qui opposait les héritiers et dans la mesure où les juridictions suisses ne s'étaient pas encore déclarées incompétentes pour connaître de la liquidation de la succession, D______ B______ et F______ B______ ne commettaient pas un abus de droit en essayant de s'opposer à la reconnaissance en Suisse du jugement tunisien. La question se posait toutefois de savoir si les précités disposaient d'une autre voie de droit que l'action en constatation de droit pour soulever leurs griefs à l'encontre du jugement d'exequatur. Il y avait donc lieu de déterminer si ledit jugement devait être considéré comme nul, ou s'il n'était qu'annulable par une autre voie de droit à disposition des demandeurs. Comme ces derniers n'avaient pas participé à la procédure de reconnaissance et d'exécution du jugement tunisien, la procédure genevoise ayant abouti au jugement critiqué avait violé l'art. 29 al. 2 LDIP. Il s'agissait d'un manquement particulièrement grave aux droits essentiels des parties, et non d'un simple vice de procédure guérissable par l'annulation de la décision. Le jugement du 5 octobre 2010 devait donc être considéré comme nul et sans effet.

D. L'argumentation des parties devant la Cour sera examinée ci-après, dans la mesure utile.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC), dans les causes non patrimoniales et dans les causes patrimoniales dont la valeur litigieuse au dernier état des conclusions atteint 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC).

En l'espèce, le jugement querellé constitue une décision finale dans une cause non patrimoniale, de sorte que la voie de l'appel est ouverte.

1.2 Interjeté dans le délai utile de 30 jours et selon la forme prescrite par la loi (art. 130, 131, 311 CPC), l'appel est recevable à la forme.

2. La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC) et applique la maxime des débats ainsi que le principe de disposition (art. 55 al. 1 et 58 al. 1 CPC).

3. Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuves nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de diligence (let. b).

En l'espèce, la recevabilité des pièces nouvelles produites par l'appelant numérotées nos 44 et 45 peut rester indécise, lesdites pièces n'étant pas déterminantes pour l'issue du litige.

4. 4.1 A teneur de l'art. 29 al. 2 LDIP, la partie qui s'oppose à la reconnaissance et à l'exécution [d'une décision étrangère] est entendue dans la procédure; elle peut y faire valoir ses moyens.

Cette disposition consacre la nécessité du caractère contradictoire de la procédure de la requête en reconnaissance ou en exécution (Dutoit, Droit international privé suisse, 4ème éd., 2005, n° 5 ad art. 29 LDIP; Bucher, in Commentaire romand, Loi sur le droit international privé, Bucher [éd.], 2011, n° 6 ad art. 29 LDIP). En principe, le défendeur est informé de la décision étrangère avant de subir son exécution; à défaut, il l'est au plus tard au moment d'être avisé du dépôt de la demande d'exécution (Bucher, op. cit., n° 11 ad art. 29 LDIP).

4.2 En l'espèce, il n'est - à juste titre - pas contesté que les héritiers de feu G______ B______ n'ont pas été parties à la procédure de reconnaissance et d'exécution qui a abouti à la décision d'exequatur (JTPI/177747/2010 du 5 octobre 2010 dans la cause C/13568/2010) du jugement rendu par le Tribunal de première instance de Tunis (Tunisie) le 2 décembre 2003 concernant la succession de leur père, alors qu'ils avaient pourtant été parties à la procédure tunisienne.

L'appelant ne conteste pas non plus que les autres héritiers de feu G______ B______ n'ont été informés de cette décision d'exequatur seulement après qu'il la leur a lui-même communiquée au mois de mai 2011.

Il s'ensuit que la procédure genevoise de reconnaissance et d'exécution du jugement tunisien n'a pas été contradictoire; les héritiers de feu G______ B______ n'ont pas été entendus dans cette procédure et n'ont pas pu y faire valoir leurs moyens, et ce en violation de l'art. 29 al. 2 LDIP.

La question se pose dès lors des conséquences juridiques de cette irrégularité.

5. 5.1 Une décision (ou jugement) est simplement annulable lorsqu'elle est affectée d'un défaut qui n'est pas si grave qu'il doive entraîner sa nullité. Les prescriptions de forme n'ont un caractère essentiel que si leur inobservation est de nature à exercer une influence sur le sort du procès. Par conséquent, si la règle de forme n'a qu'un caractère d'ordre, que son inobservation n'a pas eu d'influence sur le jugement et qu'elle n'a pas mis en péril les droits des parties, le jugement ne sera pas annulé. L'annulation de la décision doit être demandée dans les formes et les délais légaux, soit par une voie de recours ordinaire, soit par une voie de recours extraordinaire, en particulier par la révision (Hohl, Procédure civile, T. II, 2ème éd., 2010, n. 550 ss).

Une décision (ou jugement) rendue par une autorité disposant d'un pouvoir de juridiction est nulle lorsqu'elle est affectée de vices si graves qu'elle ne doit pas acquérir l'autorité de la chose jugée. Il s'agit notamment d'une décision rendue par une autorité incompétente, ainsi que d'une décision prise ensuite de graves erreurs de procédure (ATF 129 I 361 consid. 2.1, JdT 2004 II 47; 132 III 89 consid. 2, paru in SJ 2006 I 244; arrêt du Tribunal fédéral 5A_830/2009 du 2 septembre 2010 consid. 4-6). La nullité absolue ne frappe que les décisions affectées des vices les plus graves, manifestes ou du moins facilement décelables, et pour autant que la constatation de la nullité ne mette pas sérieusement en danger la sécurité du droit. Des vices de fond n'entraînent qu'à de rares exceptions la nullité d'une décision; en revanche, de graves vices de procédure sont des motifs de nullité (ATF 132 II 21 consid. 3.1, JdT 2006 I 707; 130 III 430 consid. 3.3; 129 I 361 consid. 2.1, Jdt 2004 II 47; 122 I 97 consid. 3a/aa; 117 Ia 202 consid. 8, JdT 1993 I 264;116 Ia 215 consid. 2c, JdT 1992 I 443). Tel est notamment le cas de la décision qui crée une situation inconnue du droit matériel ou du droit de procédure (Hohl, op. cit., n. 546 ss).

Des vices de procédure qui tiennent à des violations du droit d'être entendu sont en principe guérissables et ne conduisent en règle générale qu'à l'annulabilité de la décision entachée du vice. S'il s'agit cependant d'un manquement particulièrement grave aux droits essentiels des parties, les violations du droit d'être entendu entraînent aussi la nullité (ATF 129 I 361 précité et la doctrine citée). C'est en particulier le cas quand la personne concernée par une décision, à défaut d'avoir été citée, ignore tout de la procédure ouverte à son encontre et, partant, n'a pas eu l'occasion d'y prendre part (ATF 136 III 571 consid. 4-6; 129 I 361 précité; 122 I 97 précité; arrêts du Tribunal fédéral 2A.189/2001 du 30 octobre 2001 consid. 2 et 5A_456/2012 du 16 août 2012 consid. 3.2.2.2).

La nullité d'un jugement doit être relevée d'office, en tout temps et par toutes les autorités chargées d'appliquer le droit (ATF 122 I 97 consid. 3a; 115 Ia 1, JdT 1991 I 396 et les références). Elle peut également être invoquée dans un recours - et même encore dans la procédure d'exécution (ATF 129 I 361 consid. 2 précité et les références citées).

La décision nulle ne produit aucun effet juridique. Elle peut être remise en cause soit par une voie de recours ordinaire, même après l'expiration du délai de recours, soit par une action en constatation de sa nullité (Hohl, op. cit., n. 549).

5.2 En l'espèce, il n'est pas douteux que les héritiers de feu G______ B______ sont directement concernés par le jugement d'exequatur rendu par le Tribunal de première instance le 5 octobre 2010 (JTPI/17747/2010 dans la cause C/13568/2010) et que, conformément à l'art. 29 al. 2 LDIP, ils auraient dû participer à la procédure ayant abouti à ce jugement. Ils étaient en effet les destinataires du jugement tunisien du 2 décembre 2003, dont l'exécution en Suisse a été accordée par le jugement d'exequatur précité. Cependant, ils ignoraient tout de cette procédure d'exequatur ouverte sur requête de C______ et n'ont pas eu l'occasion d'y prendre part, n'ayant été ni assignés par ce dernier, ni cités par le Tribunal de première instance. Ce n'est que plus de sept mois après le prononcé du jugement d'exequatur querellé que D______ B______, E______ B______ et F______ B______ ont été informés de son existence.

Ce vice de procédure manifeste constitue un manquement particulièrement grave aux droits essentiels des parties, que ce soit au principe du contradictoire - qui est un élément important du droit fondamental à un jugement équitable garanti par l'art. 6 par. 1 CEDH (Hohl, Procédure civile, T. I, 2001, n. 903) - ou au droit d'être entendu, garanti par les art. 29 al. 2 Cst. et 6 par. 1 CEDH. En matière d'exequatur, ces droits essentiels des parties sont expressément rappelés et garantis par l'art. 29 al. 2 LDIP. Par conséquent, il convient d'admettre que le jugement du 5 octobre 2010 crée une situation inconnue du droit de procédure, à savoir une décision d'exequatur rendue à l'issue d'une procédure entièrement non contradictoire. Ce grave vice de procédure est aisément reconnaissable et la constatation de la nullité du jugement d'exequatur en question ne saurait mettre sérieusement en danger la sécurité du droit.

Partant, à l'instar du premier juge, il y a lieu de constater la nullité du jugement JTPI/17747/2010 rendu par le Tribunal de première instance le 5 octobre 2010 dans la cause C/13568/2010.

La nullité de ce jugement pouvait être relevée d'office, en tout temps et par toutes les autorités chargées d'appliquer le droit, comme l'a constaté à juste titre le premier juge, en considérant par conséquent que la question des voies alternatives à l'action en constatation de droit soulevée par l'appelant était sans pertinence. Il découle en effet de la doctrine précitée (cf. supra consid. 5.1) que le jugement du 5 octobre 2010 pouvait être remis en cause soit par une voie de recours ordinaire, même après l'expiration du délai de recours, soit par une action en constatation de sa nullité. Il s'ensuit que le grief de l'appelant tiré d'une prétendue violation de son droit d'être entendu pour défaut de motivation du jugement querellé sur le choix de l'art. 88 CPC en lieu et en place d'un appel ou d'une demande de révision est infondé. Cela vaut a fortiori dans la mesure où le premier juge a expressément retenu qu'en l'espèce, il ne s'agissait pas d'un simple vice de procédure guérissable par l'annulation de la décision, laquelle doit être demandée dans les formes et les délais légaux, par une voie de recours ordinaire ou par la révision. Il s'ensuit également que le grief de l'appelant tiré d'une prétendue violation de l'art. 88 CPC doit être rejeté, de même que son grief tiré d'une prétendue constatation inexacte des faits pertinents, le premier juge n'ayant pas constaté la date à laquelle D______ B______, E______ B______ et F______ B______ ont eu connaissance du jugement d'exequatur du 5 octobre 2010. Ce fait est sans pertinence in casu, puisqu'au vu de la doctrine précitée, ces derniers auraient pu faire valoir la nullité de ce jugement même après l'expiration du délai d'appel.

Enfin, la Cour de céans ne discerne pas en quoi l'action en constatation négative de droit formée par D______ B______ et F______ B______ serait constitutive d'un abus de droit. Contrairement à ce que semble soutenir l'appelant, la question du dernier domicile de feu G______ B______ n'est pas réglée puisque la procédure y relative est encore pendante devant la Justice de paix (cause C/2______). Les parties sont en litige depuis près de douze ans sur la question de la compétence des autorités tunisiennes et suisses pour liquider la succession du précité et les procédures à ce sujet se sont multipliées au fil des années, de sorte qu'il paraît probable que D______ B______ et F______ B______ se seraient opposés à l'exequatur du jugement tunisien du 2 décembre 2003 s'ils en avaient eu l'occasion. Faute d'avoir été entendus et d'avoir pu faire valoir leurs moyens dans cette procédure d'exequatur, ils ont un intérêt légitime à faire constater la nullité du jugement du 5 octobre 2010, étant précisé qu'ils contestent tous deux l'affirmation de l'appelant selon laquelle ils auraient admis que le dernier domicile de feu G______ B______ était en Tunisie. Dans ces conditions, il y a lieu de retenir, à l'instar du Tribunal, que D______ B______ et F______ B______ ne commettent aucun abus de droit en essayant de s'opposer à la reconnaissance et à l'exécution en Suisse du jugement tunisien précité, lequel pourrait entrer en conflit avec une éventuelle décision des juridictions suisses admettant leur compétence.

Au vu de l'ensemble de ce qui précède, le jugement entrepris sera confirmé.

6. 6.1 Les frais, qui comprennent les frais judiciaires et les dépens, sont mis à la charge de la partie qui succombe (art. 95 et 106 al. 1 CPC).

Dans les causes non pécuniaires, l'émolument forfaitaire de décision est fixé entre 200 fr. et 50'000 fr. (art. 18 et 35 du Règlement fixant le tarif des greffes en matière civile [RTFMC] - E 1 05 10). En ce qui concerne les dépens, si la contestation porte sur des affaires non pécuniaires, le défraiement est de 600 fr. à 18'000 fr. en fonction de l'importance et de la difficulté de la cause ainsi que selon le travail effectué (art. 86 RTFMC).

Les frais judiciaires sont compensés avec les avances fournies par les parties. La personne à qui incombe la charge des frais verse le montant restant (art. 111 al. 1 CPC).

Si l'instance d'appel statue à nouveau, elle se prononce sur les frais de la première instance (art. 318 al. 3 CPC).

6.2 En l'espèce, les frais judiciaires d'appel sont arrêtés à 6'000 fr. (art. 18 RTFMC) et mis à la charge de l'appelant qui succombe intégralement dans les conclusions de son appel (art. 106 al. 1 CPC). Lesdits frais sont entièrement couverts par l'avance de frais effectuée par l'appelant, laquelle reste acquise à l'Etat (art. 111 al. 1 CPC).

L'appelant sera également condamné à verser à D______ B______, E______ B______ et F______ B______ la somme de 2'000 fr. chacun à titre de dépens d'appel.

En revanche, il ne sera pas alloué de dépens à C______, qui a succombé dans ses conclusions, dans la mesure où il demandait notamment l'annulation du jugement entrepris et la condamnation de D______ B______ et F______ B______, ainsi que de tout opposant, en tous les frais et dépens.

Vu l'issue du litige, il n'y a pas lieu de modifier les frais et dépens arrêtés en première instance.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté par A______ B______ contre le jugement JTPI/10364/2013 rendu le 16 août 2013 par le Tribunal de première instance dans la cause C/13524/2011-19.

Au fond :

Confirme le jugement entrepris.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 6'000 fr.

Les met à la charge de A______ B______ et dit qu'ils sont entièrement couverts par l'avance de frais effectuée par ce dernier, qui demeure acquise à l'Etat.

Condamne A______ B______ à payer à D______ B______, E______ B______ et F______ B______ la somme de 2'000 fr. chacun à titre de dépens d'appel.

Siégeant :

Monsieur Jean-Marc STRUBIN, président; Madame Daniela CHIABUDINI et Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, juges; Madame Barbara SPECKER, greffière.

 

Le président :

Jean-Marc STRUBIN

 

La greffière :

Barbara SPECKER

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF : RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF indéterminée.