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C/11570/2024

ACJC/599/2025 du 05.05.2025 sur JTPI/14716/2024 ( SML ) , MODIFIE

Normes : LP.80
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/11570/2024 ACJC/599/2025

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU LUNDI 5 MAI 2025

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______, recourant contre un jugement rendu par la 8ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 21 novembre 2024, représenté par Me Manuel MOURO, avocat, MBLD Associés, rue Joseph-Girard 20, case postale 1611, 1227 Carouge,

et

Madame B______, domiciliée ______, intimée, représentée par
Me Vanessa FROSSARD, avocate, Stralta Avocats, rue Emile-Yung 6, 1205 Genève.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/14716/2024 du 21 novembre 2024, le Tribunal de première instance (ci-après: le Tribunal), statuant par voie de procédure sommaire, a prononcé la mainlevée définitive de l'opposition formée par A______ pour les postes 1 à 6 du commandement de payer, poursuite n° 1______, à concurrence de 16'257 fr. 15, ainsi que pour le poste 7 correspondant aux intérêts légaux français (ch. 1 du dispositif), mis les frais judiciaires – arrêtés à 400 fr. – à la charge de A______, les compensant avec l'avance effectuée par B______, et condamné le premier à verser ce montant à la seconde (ch. 2) ainsi que la somme de 1'344 fr. à titre de dépens (ch. 3) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4).

B. a. Par acte expédié le 9 décembre 2024 à la Cour de justice (ci-après: la Cour), A______ a formé recours contre ce jugement. Il a conclu à son annulation et à ce qu'il soit dit que la poursuite n'irait pas sa voie, avec suite de frais.

b. B______ a conclu à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet et à la confirmation du jugement attaqué, avec suite de frais.

c. A______ a répliqué, persistant dans ses conclusions.

d. En l'absence de duplique, la Cour a informé les parties le 2 avril 2025 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits suivants résultent du jugement attaqué.

a. Par jugement du 12 août 2013, le Tribunal de Grande Instance de C______ (France) a, notamment, attribué à B______ la garde de l'enfant D______, né le ______ 2009, accordé un droit de visite à A______ à exercer d'entente avec B______ et condamné A______ à verser à B______ une contribution à l'entretien de D______ de 500 EUR par mois, allocations familiales non comprises.

Cette décision prévoit une indexation de la pension sur l'indice des prix à la consommation des ménages urbains publiés par l'INSEE, avec révision à la date d'anniversaire du jugement en fonction de l'évolution subie au cours de l'année par cet indice et selon le calcul suivant:

pension alimentaire × indice publié à la date de revalorisation

indice publié à la même date de l'année précédente

b. Par jugement JTPI/12249/2023 du 24 octobre 2023, le Tribunal a reconnu et déclaré exécutoire en Suisse le jugement français du 12 août 2013.

c. Par ordonnance DTAE/4246/2024 du 13 juin 2024, le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après: le Tribunal de protection), statuant d'entente entre les parties, a modifié le jugement du Tribunal de Grande Instance de C______ du 12 août 2013 en ce qui concerne la garde de l'enfant à l'exclusion de la question financière et a instauré une garde alternée sur l'enfant D______ s'exerçant, à défaut d'accord contraire entre les parties, une semaine sur deux chez chacun des parents.

d. Le 15 mars 2024, un commandement de payer, poursuite n° 1______, a été notifié à A______ à la requête de B______, portant sur les sommes suivantes:

1.    2'381 fr. 50 plus intérêt de 13,010% dès le 1er mars 2024 au titre des pensions alimentaires dues pour la période du 01.03.2019 au 31.07.2019 (500 EUR/mois, taux du jour 1 EUR = 0,9526 fr.) selon jugement rendu le 12 août 2013 par le Tribunal de Grande Instance de C______;

2.    5'946 fr. 30 plus intérêt de 13,010% dès le 1er mars 2024 au titre des pensions dues du 01.08.19 au 31.07.20 (520,18 EUR/mois, taux du jour);

3.    5'934 fr. 30 plus intérêt de 13,010% dès le 1er mars 2024 au titre des pensions dues du 01.08.20 au 31.07.21 (519,13 EUR/mois, taux du jour);

4.    6'020 fr. 85 plus intérêt de 13,010% dès le 1er mars 2024 au titre des pensions dues du 01.08.21 au 31.07.22 (526,70 EUR/mois, taux du jour);

5.    6'370 fr. 05 plus intérêt de 13,010% dès le 1er mars 2024 au titre des pensions dues du 01.08.22 au 31.07.23 (557,25 EUR/mois, taux du jour);

6.    4'418 fr. 85 plus intérêt de 13,010% dès le 1er mars 2024 au titre des pensions dues du 01.08.23 au 31.03.24 (579,84 EUR/mois, taux du jour);

7.    8'573 fr. 60 au titre des intérêts légaux français totaux au 29.02.2024 (9'000,15 EUR, taux du jour).

A______ a formé opposition à ce commandement de payer le jour même.

e. Le 3 mai 2024, B______ a adressé au Tribunal une requête de mainlevée définitive de cette opposition à concurrence du montant de 39'504 fr. 20, soit 31'071 fr. 85 pour les poste 1 à 6 et 8'432 fr. 35 pour le dernier poste relatif aux intérêts légaux français, au lieu de 8'573 fr. 60.

A l'appui de sa requête, elle a allégué que A______ ne s'était plus acquitté des contributions dues pour l'entretien de D______ dues depuis le 1er mars 2019, étant précisé que celles-ci n'avaient jamais été indexées auparavant.

Elle a produit, notamment, un courrier du 14 février 2024 d'une avocate française concernant les indices et les taux d'intérêts applicables aux pensions dues depuis mars 2019, un extrait du site Internet officiel de l'administration française sur le calcul de l'intérêt légal, le texte des articles L313-2 et L313-3 du code monétaire et financier français ainsi qu'un message WhatsApp qu'elle avait adressé à A______ le 3 septembre 2023.

f. Lors de l'audience du 18 octobre 2024, A______ a conclu au rejet de la requête, avec suite de frais et dépens, en produisant notamment les pièces suivantes:

-     Un courriel de B______ du 22 octobre 2022 mentionnant un accord amiable entre les parties concernant une garde alternée de D______ instaurée depuis le mois de septembre 2018 et un partage des frais d'éducation de l'enfant;

-     Une "attestation de témoin" au nom de A______ du 25 octobre 2021 à cet égard;

-     Des échanges WhatsApp entre B______ et lui-même du 30 janvier 2022;

-     Des échanges WhatsApp entre D______ et lui-même du 8 décembre 2023;

-     Un récapitulatif des paiements effectués par ses soins de 2019 à 2024 totalisant 38'935 fr. 98 (parascolaire: 2'514 fr., cantine scolaire: 1'344 fr. 60, assurance maladie: 13'188 fr. 70, judo: 2'330 fr., vêtements: 3'336 fr. 06, windsurf: 8'427 fr. 40, sports: 2'461 fr. 58, piano: 825 fr., versements divers à B______: 1'626 fr., divers + hôtels: 2'882 fr.64);

-     Les justificatifs des paiements opérés par ses soins de 2019 à 2024.

A______ a notamment allégué s'être régulièrement acquitté des contributions d'entretien pour la période de 2013 à septembre 2018, jusqu'à la mise en place, à cette dernière date, d'une garde partagée convenue à l'amiable entre les parties une semaine sur deux et d'un partage par moitié des frais de l'enfant.

Pendant six ans, jusqu'en octobre 2022, B______ n'avait jamais manifesté d'opposition à cette organisation, tant s'agissant de la garde de l'enfant que de la prise en charge effective des frais de de celui-ci, laquelle s'était chiffrée à environ 38'000 fr.

Le changement d'attitude de B______ était constitutif d'un abus de droit manifeste puisque les parties avaient convenu de ne pas appliquer le jugement français et que B______ avait manifesté son accord avec le fait que la contribution d'entretien pour l'enfant serait payée de manière différente de celle prévue dans ledit jugement.

Si le Tribunal ne devait pas suivre son raisonnement selon lequel la dette avait été éteinte par sa prise en charge de la moitié des frais effectifs de l'enfant, il exciperait alors de compensation, expliquant qu'il n'avait pas l'obligation de payer ces montants, lesquels devraient alors lui être restitués, sachant qu'aux frais payés par lui, il convenait d'ajouter la somme de 300 fr. par mois de minimum vital de l'enfant assumé par lui pendant la garde, soit 18'000 fr.

g. Lors de cette même audience, B______ a persisté dans sa requête, expliquant que les contributions avaient été payées par A______ pendant un certain temps, puis ses versements avaient été interrompus à partir de 2019.

Elle ne contestait pas l'existence d'une évolution des relations personnelles entre le père et l'enfant, sachant que le jugement français prévoyait un droit de visite exercé librement avec un minimum. Ce n'était toutefois que le 13 juin 2024 que le Tribunal de protection avait constaté une modification du droit de visite, sans effet rétroactif, à l'exclusion de toute modification des aspects financiers.

Elle contestait en revanche la mise en place d'une garde alternée 50/50 puisqu'en réalité, elle-même avait assumé la garde principale de l'enfant de 2019 à 2024, ce dernier passant plus de temps chez elle que chez son père, sachant que, même lorsque l'enfant était chez son père, il rentrait très régulièrement, voire tous les jours, chez elle pour se changer ou pour d'autres activités.

Elle a expliqué avoir tardé à agir par peur d'engager une procédure et de créer un conflit, ajoutant que l'attestation de témoin du 25 octobre 2021 avait été signée dans un contexte particulier, soit dans celui d'une procédure engagée par son propre père qui souhaitait connaître sa propre situation, de sorte qu'elle était sans valeur dans la présente cause et n'était pas susceptible de modifier le jugement prononcé en 2013. A cela s'ajoutait que sa propre situation financière s'était péjorée en 2023 avec une période de chômage, sans compter son déménagement en Suisse.

Elle a contesté l'intégralité des sommes alléguées par A______, à l'exception des primes d'assurance maladie payées entre mars 2019 et mars 2024, ainsi que les versements effectués directement depuis le compte de A______ sur son compte. Elle a également contesté tous les montants antérieurs à mars 2019 et postérieurs à mars 2024 et persisté dans le calcul français des intérêts.

h. Le Tribunal a gardé la cause à juger à l'issue de l'audience du 18 octobre 2024.

i. Dans le jugement attaqué, le Tribunal a relevé que le jugement du Tribunal de Grande Instance de C______ du 12 août 2013 déployait encore ses effets s'agissant des aspects financiers relatifs à la contribution d'entretien de l'enfant D______. A______ admettait par ailleurs avoir cessé de verser la contribution d'entretien à partir du mois de septembre 2018. Il n'appartenait pas au Tribunal de trancher la question de savoir si B______ avait manifesté son accord avec le fait que la contribution d'entretien pour l'enfant soit payée de manière différente de celle prévue dans le jugement. Par ailleurs, A______ ne pouvait pas valablement opposer en compensation des contributions d'entretien impayées les paiements qu'il avait effectués en faveur de tiers, tels des organismes de sports et de loisirs, fréquentés par son fils. Le Tribunal a précisé qu'il ne mettait pas en doute la bonne foi de A______ lorsqu'il avait effectué des dépenses pour son fils, en ce sens qu'il l'avait fait dans l'intérêt de son enfant, mais sa bonne foi ne lui permettait pas de déduire ces montants des contributions d'entretien fixées judiciairement.

B______ avait cependant admis en compensation les versements concernant les primes d'assurance maladie payées entre mars 2019 et mars 2024 représentant une somme de 13'188 fr. 70, ainsi que les versements en sa faveur effectués directement depuis le compte A______, correspondant à 1'626 fr.

Enfin, le Tribunal a relevé qu'il ne lui appartenait pas de se prononcer sur la suppression ou la réduction de la majoration de cinq points du taux d'intérêts prévue par la législation française.

Ainsi, le Tribunal a prononcé la mainlevée définitive de l'opposition formée par A______ pour les postes 1 à 6 du commandement de payer, poursuite n° 1______, à concurrence de 16'257 fr. 15 (39'504 fr. 20 [montant total réclamé] - 8'432 fr. 35 [intérêt légaux] - 13'188 fr. 70 [primes d'assurance maladie payées] - 1'626 fr. [total des versements effectués sur le compte de B______]), ainsi que pour le poste 7 correspondant aux intérêts légaux français (à savoir, 8'432 fr. 35).

EN DROIT

1. Le jugement entrepris ayant été communiqué aux parties avant le 1er janvier 2025, la présente procédure de recours demeure régie par l'ancien droit de procédure (art. 404 al. 1 et 405 al. 1 CPC), sous réserve des dispositions d'application immédiate énumérées à l'art. 407f CPC.

1.1 S'agissant d'une procédure de mainlevée de l'opposition, seule la voie du recours est ouverte (art. 319 let. b et 309 let. b ch. 3 CPC). La procédure sommaire s'applique (art. 251 let. a CPC).

1.2 Le recours, écrit et motivé, doit être introduit auprès de l'instance de recours dans les dix jours à compter de la notification de la décision motivée (art. 251 let. a et 321 al. 1 et 2 CPC).

Déposé selon la forme et le délai prescrits, le recours est recevable.

1.3 Le recours étant instruit en procédure sommaire, la preuve des faits allégués doit être apportée par titres (art. 254 CPC). Les maximes des débats et de disposition s'appliquent (art. 55 al. 1, 255 a contrario et art. 58 al. 1 CPC).

2. Le recourant soutient que l'état de fait du jugement attaqué doit être complété sur divers points.

2.1 Dans le cadre d'un recours, le pouvoir d'examen de la Cour est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC). L'autorité de recours a un plein pouvoir d'examen en droit, mais un pouvoir limité à l'arbitraire en fait, n'examinant par ailleurs que les griefs formulés et motivés par le recourant (Hohl, Procédure civile, Tome II, 2ème éd., 2010, n. 2307).

En matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, il n'y a arbitraire que lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des constatations insoutenables (ATF 143 IV 500 consid. 1.1 et les références citées). L'arbitraire ne résulte pas du seul fait qu'une autre solution serait envisageable, voire préférable (ATF 136 III 552 consid. 4.2; arrêt du Tribunal fédéral 4A_48/2023 du 22 mars 2023 consid. 2.2).

Le recourant ne peut se borner à contredire les constatations litigieuses par ses propres allégations ou par l'exposé de sa propre appréciation des preuves; il doit indiquer de façon précise en quoi ces constatations sont arbitraires (ATF 133 II 249 consid. 1.4.3). Une critique des faits qui ne satisfait pas à cette exigence est irrecevable (ATF 145 IV 154 consid. 1.1; 141 IV 249 consid. 1.3.1).

2.2 En l'espèce, le recourant se limite à mentionner divers éléments qui devraient selon lui être ajoutés à l'état de fait du Tribunal, qu'il indique faire sien pour le surplus. La simple indication selon laquelle l'état de fait du Tribunal devrait être complété ne peut pas s'interpréter comme un grief d'arbitraire dans l'établissement des faits. Les faits évoqués s'appuient certes sur des pièces déjà produites devant le Tribunal, qui ne sont donc pas nouvelles, mais il n'en reste pas moins qu'ils ne résultent pas tels quels du jugement attaqué. Le recourant ne peut par ailleurs compléter son recours à cet égard dans sa réplique, une fois le délai de recours échu. En tout état de cause, les faits que le recourant mentionne résultent dans une certaine mesure du jugement, qui fait état notamment d'un courriel de l'intimée évoquant une garde alternée de l'enfant dès le mois de septembre 2018 et un partage des frais d'éducation de l'enfant ainsi que des déclarations du recourant devant le Tribunal.

L'état de fait du jugement attaqué ne sera donc pas complété, faute de grief d'arbitraire valablement soulevé.

3. Le recourant soutient que l'intimée commet un abus de droit en réclamant le paiement des sommes faisant l'objet de la poursuite litigieuse car les parties avaient convenu de ne plus appliquer le jugement français et qu'il s'était acquitté de ses obligations par le biais de divers paiements représentant une somme totale supérieure à celle qu'il devait verser à titre de contribution d'entretien. Le Tribunal aurait par ailleurs dû retenir que l'intimée avait donné son accord quant au partage des frais. Il convenait en outre de tenir compte du fait qu'il avait assumé la moitié du minimum vital de l'enfant, ce qui représentait une somme de 17'100 fr. du 1er mars 2019 au 29 février 2024. Enfin, en allouant l'entier des intérêts réclamés selon le poste 7 du commandement de payer, il devait payer des intérêts sur une partie du capital à laquelle l'intimée avait renoncée. Le Tribunal aurait dû, soit calculer les intérêts sur le montant effectivement dû, soit écarter ce poste. Il aurait en outre dû tenir compte des intérêts dus par l'intimée sur sa créance de 17'100 fr.

3.1
3.1.1 Aux termes de l'art. 80 al. 1 LP, le créancier qui est au bénéfice d'un jugement exécutoire peut requérir du juge la mainlevée définitive de l'opposition.

Seul un jugement condamnatoire constitue un titre de mainlevée (ATF 134 III 656 consid. 5.4). Saisi d'une requête de mainlevée définitive, le juge doit notamment vérifier si la créance en poursuite résulte du jugement produit et si elle est exigible.

Toute décision étrangère portant condamnation à payer une somme d'argent et exécutable en Suisse selon une convention internationale ou, à défaut, selon la LDIP, constitue un titre de mainlevée définitive (ATF 146 III 157 consid. 3; 139 III 135 consid. 4.5.1).

3.1.2 Selon l'art. 83 al. 1 LDIP, l'obligation alimentaire entre parents et enfant est régie par la convention de La Haye du 2 octobre 1973 sur la loi applicable aux obligations alimentaires. Selon l'art. 4 de la convention, la loi interne de la résidence habituelle du créancier d’aliments régit les obligations alimentaires du droit de la famille, soit notamment si, dans quelle mesure et à qui le créancier peut réclamer des aliments (art. 10 ch. 1 de la convention).

La mainlevée définitive doit être accordée pour la créance accessoire d'intérêts moratoires et légaux., née postérieurement à la décision et mise en poursuite avec la créance en capital, même si celle-ci n'est pas allouée dans le titre de mainlevée (Abbet, La mainlevée de l'opposition, 2ème éd., 2022, n. 43 ad art. 80 LP). L'art. 105 al. 1 CO dispose que le débiteur en demeure pour le paiement d’intérêts, d’arrérages, soit notamment les contributions d'entretien du droit de la famille, ou d’une somme dont il a fait donation, ne doit l’intérêt moratoire qu’à partir du jour de la poursuite, soit le jour de la réquisition de poursuite, ou de la demande en justice (ATF 145 III 145, consid. 4.4). Selon l'art. 104 al. 1 CO, le débiteur qui est en demeure pour le paiement d’une somme d’argent doit l’intérêt moratoire à 5% l’an, même si un taux inférieur avait été fixé pour l’intérêt conventionnel.

Aux termes de l'article L. 313-3 du code monétaire et financier français, qui s'applique aux dettes d'aliments à défaut d'exclusion expresse, le juge de l'exécution peut, à la demande du débiteur ou du créancier, et en considération de la situation du débiteur, exonérer celui-ci de la majoration du taux de l'intérêt légal ou en réduire le montant (Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 22 mars 2012, 11-13.915).

3.1.3 Le juge ordonne la mainlevée définitive de l'opposition, à moins que l'opposant ne prouve par titre que la dette a été éteinte ou qu'il a obtenu un sursis, postérieurement au jugement, ou qu'il ne se prévale de la prescription (art. 81 al. 1 LP).

Par extinction de la dette, la loi ne vise pas seulement le paiement, mais aussi toute autre cause de droit civil, en particulier la compensation (ATF 136 III 624 consid. 4.2.1; 124 III 501 consid. 3b et les références). Un tel moyen ne peut toutefois être retenu que si la créance compensante résulte elle-même d'un titre exécutoire ou qu'elle est admise sans réserve par le poursuivant (ATF 136 III 624 précité consid. 4.2.1; arrêt 5A_65/2019 du 26 novembre 2019 consid. 4.2). Par titre exécutoire prouvant l'extinction par compensation, on entend celui qui justifierait lui-même la mainlevée définitive ou à tout le moins la mainlevée provisoire (ATF 115 III 97 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral 5A_49/2020 du 6 mai 2020 consid. 4.1). Contrairement à ce qui vaut pour la mainlevée provisoire (art. 82 al. 2 LP), le poursuivi ne peut se contenter de rendre vraisemblable sa libération, mais doit en apporter la preuve stricte (ATF 136 III 624 précité consid. 4.2.1 et les références; Abbet, op. cit., n. 6 ad art. 81 LP). Un titre de mainlevée définitive ne peut être remis en cause qu'au moyen de pièces totalement univoques (ATF 140 III 372 consid. 3.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_21/2022 du 5 avril 2022 consid. 4.2.2.2; Abbet, op. cit., n. 6 ad art. 81 LP) Il appartient au poursuivi d'établir non seulement par titre la cause de l'extinction, mais aussi le montant exact à concurrence duquel la dette est éteinte. Il n'incombe ni au juge de la mainlevée ni au créancier d'établir cette somme (ATF 136 III 624 précité consid. 4.2.3; 124 III 501 précité consid. 3b; arrêt du Tribunal fédéral 5A_49/2020 précité consid. 4.1).

La créance compensante peut également résulter d'une reconnaissance de dette inconditionnelle, pour autant qu'elle ne soit pas contestée par le créancier (ATF 136 III 624 consid. 4.2). A moins qu'elle ne soit fantaisiste, une contestation non judiciaire présentée par oral ou par écrit suffit pour faire échec à la compensation (Abbet, op. cit., n. 13 ad art. 81 LP). Le débiteur doit établir les conditions de la compensation (réciprocité des créances, identité des prestations dues, exigibilité et déductibilité en justice de la créance compensante), conditions qui peuvent résulter d'autres titres que le titre exécutoire établissant l'existence de la créance compensante (Abbet, op. cit., n. 14 ad art. 81 LP).

Le débiteur ne peut invoquer la compensation dans l'hypothèse où un tiers est autorisé à faire valoir en son propre nom la créance d'autrui (Prozessstandschaft), notamment en matière d'entretien de l'enfant mineur. Le créancier d'entretien demeure l'enfant lui-même de sorte qu'un parent ne peut invoquer la compensation des contributions d'entretien qu'il doit à son enfant avec les créances dont il dispose à l'encontre de l'autre parent, quand bien même les contributions devraient être versées en mains de celui-ci, en tant que représentant légal de l'enfant (arrêt du Tribunal fédéral 5A_445/2015 du 13 octobre 2015 consid. 2.3; Abbet, op. cit., n. 15 ad art. 81 LP).

Une prétendue renonciation tacite, par acte concluant résultant de l'absence de protestation du créancier en cas de non-paiement ou de paiements de montants inférieurs sur une certaine durée, ne peut être invoquée comme cause d'extinction de la dette (Abbet, op. cit., n. 21 ad art. 81 LP).

3.1.4 L'abus de droit peut être invoqué dans la procédure de mainlevée, définitive ou provisoire. Ce moyen demeure toutefois exceptionnel dès lors que, pour déterminer si les principes découlant de l'art. 2 CC ont été violés, le juge de la mainlevée devrait en tout état de cause apprécier toutes les circonstances (ATF 118 III 27 consid. 3e; 137 III 433 consid. 4.4) et que l'instruction de telles questions factuelles correspondantes est généralement incompatible avec la nature documentaire de la procédure de mainlevée. Il appartiendra donc en principe au juge du fond de trancher des questions aussi délicates de droit matériel (arrêts du Tribunal fédéral 5A_21/2022 du 5 avril 2022 consid. 4.2.2.3; 5A_490/2019 du 19 août 2019 consid. 3.1.2; 5A_647/2016 du 19 décembre 2016 consid. 2.4; 5A_507/2015 du 16 février 2016 consid. 3.3; 5P.378/1993 du 22 mars 1994 consid. 3b).

Il est notamment abusif d'adopter des comportements parfaitement incompatibles, ou d'invoquer un droit de façon contradictoire avec un comportement antérieur et de trahir ainsi les attentes légitimes qu'un tel comportement a suscitées (ATF 143 III 666 consid. 4.2). Selon la jurisprudence, le simple fait de tarder à faire valoir son droit en justice ne constitue toutefois pas un abus de droit (ATF 138 I 232 consid. 6.4; 132 III 172 consid. 3.3; 125 I 14 consid. 3g). Il faut qu'à l'écoulement du temps s'ajoutent des circonstances qui font apparaître l'exercice du droit comme étant en contradiction irrémédiable avec l'inaction antérieure du créancier et donc comme contraire aux règles de la bonne foi (ATF 125 I 14 consid. 3g et les références). De telles circonstances doivent être admises lorsque le silence de l'intéressé permettait de conclure avec certitude à une renonciation à faire valoir son droit ou lorsque l'inaction a engendré des inconvénients pour l'autre partie (ATF 131 III 439 consid. 5.1; 127 III 357 consid. 4c/bb; 106 II 320 consid. 3b). Une renonciation tacite à tout ou partie de la contribution sur une certaine période ne rend en principe pas abusive la poursuite ultérieure pour les montants impayés. Le créancier d'entretien qui prétend que la contribution n'est plus due en raison d'un changement de circonstances doit agir en modification du jugement fixant la contribution (Abbet, op. cit., n. 24 ad art. 81 LP).

La question d'un abus de droit doit se résoudre au regard des circonstances concrètes de chaque cas. L'art. 2 CC est un remède destiné à éviter que l'application de la loi conduise dans un cas particulier à une injustice flagrante. L'emploi dans le texte légal du qualificatif "manifeste" démontre que l'abus de droit doit être admis restrictivement (ATF 143 III 666 consid. 4.2; 143 III 279 consid. 3.1).

3.2
3.2.1 En l'espèce, le recourant se prévaut du fait que les parties avaient convenu d'exercer une garde alternée sur leur fils et de partager ses frais, en dérogation à ce que prévoyait le jugement du Tribunal de Grande Instance de C______ du 12 août 2013.

Le jugement condamnant le recourant à verser à l'intimée un montant mensuel de 500 EUR à titre de contribution à l'entretien de leur enfant D______ n'a pas fait l'objet d'une demande de modification sur ce point, tandis qu'il l'a été concernant la prise en charge de l'enfant, une garde alternée ayant été instaurée par le Tribunal de protection le 13 juin 2024. Le jugement français du 12 août 2013 a par ailleurs été reconnu et déclaré exécutoire en Suisse par jugement JTPI/12249/2023 du 24 octobre 2023. Le jugement précité constitue donc un titre de mainlevée définitive.

3.2.2 Le recourant soutient qu'il a payé divers frais pour son fils (primes d'assurance maladie, frais d'écolage, frais de cantine, frais de médecin non remboursés, frais de loisirs), à concurrence de montants mensuels très largement supérieurs au montant de 500 EUR qu'il avait été condamné à verser. L'intimée chercherait ainsi à tirer profit des spécificités de la procédure de mainlevée définitive pour l'obliger à payer une contribution d'entretien dont il se serait déjà acquitté.

Aucun titre exécutoire ni aucune pièce suffisamment claire ne permet de constater que les parents auraient décidé de partager les frais d'éducation de l'enfant durant la période concernée par le commandement de payer, à savoir du 1er mars 2019 au 31 mars 2024. Le courriel du 22 octobre 2022 et l'attestation de témoin du 25 octobre 2021 relatifs à un accord concernant la garde alternée et le partage des frais sont insuffisants à cet égard puisqu'ils ne démontrent pas les montants exacts pris en charge par le recourant et qui seraient reconnus par l'intimée. A cela s'ajoute que, bien que l'exercice d'une garde alternée – au demeurant non prouvée avant le jugement du Tribunal de protection du 13 juin 2024 – pourrait avoir un impact sur la contribution d'entretien, il n'appartient pas au juge de la mainlevée de décider des conséquences sur le plan financier d'une modification dans l'exercice des relations personnelles entre le recourant et son fils.

Le recourant invoque également la compensation avec les divers frais qu'il a payés pour l'enfant et pour lesquels il a produit des justificatifs. Les conditions d'une compensation ne sont toutefois pas remplies. En effet, les montants dont il s'est acquittés ont été versés à des tiers, et non à son fils, ni même à la mère de celui-ci, pour le compte du mineur. La réciprocité des créances fait dès lors défaut et les contributions d'entretien prévues dans le jugement du 12 août 2013 sont dues, sous déduction des montants reconnus par l'intimée, à savoir les primes d'assurance maladie payées entre mars 2019 et mars 2024 (i.e. 13'188 fr. 70), ainsi que les versements effectués directement depuis le compte du recourant sur son compte (i.e. 1'626 fr.).

3.2.3 Quant à la question de l'abus de droit, il y a lieu de relever ce qui suit. Le fait que l'intimée n'a entrepris des démarches de recouvrement des contributions d'entretien non versées depuis 2019 qu'en début d'année 2024 ne constitue pas, en lui-même, un abus de droit. Il faudrait encore que d'autres circonstances fassent apparaître la poursuite initiée par l'intimée comme étant en contradiction avec son inaction antérieure, ce qui n'est pas le cas. En effet, même à supposer qu'une véritable garde alternée ait été exercée avant le 13 juin 2024 – ce qui n'est pas démontré – cela ne signifierait pas encore que l'intimée aurait renoncé, pour le compte de l'enfant, à la contribution d'entretien fixée en faveur de celui-ci dans le jugement français du 12 août 2013. De même, le courriel de l'intimée du 22 octobre 2022 à teneur duquel elle demandait au recourant de mentionner que, depuis septembre 2018, ils exerçaient une garde alternée et partageaient les frais d'éducation de l'enfant, ne démontre pas une renonciation de l'intimée à faire valoir les prétentions de celui-ci fondées sur le jugement du 12 août 2013. Il appartenait au recourant d'agir en modification du jugement précité s'il estimait ne plus devoir payer, dans ces circonstances, la contribution d'entretien fixée dans celui-ci.

3.2.4 S'agissant enfin des intérêts, le jugement français sur lequel repose la requête de mainlevée ne prévoit pas le versement d'intérêts en cas de retard dans le paiement de la contribution d'entretien, mais uniquement l'indexation de cette dernière. Les intérêts réclamés ne découlent donc pas directement de ce jugement. Il ressort en outre de la jurisprudence française que selon l'article L. 313-3 du code monétaire et financier, qui s'applique aux dettes d'aliments à défaut d'exclusion expresse, le juge de l'exécution peut, à la demande du débiteur ou du créancier, et en considération de la situation du débiteur, exonérer celui-ci de la majoration du taux de l'intérêt légal ou en réduire le montant, de sorte que des intérêts de 13% sur les contributions d'entretien impayées ne sont pas nécessairement dus. Il doit en revanche être considéré que selon le droit suisse, qui régit la présente procédure d'exécution forcée, seuls des intérêts de 5% doivent être octroyés.

L'intimée ne peut en outre obtenir le paiement d'intérêts sur la somme qu'elle a admis avoir reçue. Le jugement attaqué qui prononce la mainlevée définitive de l'opposition pour les poste 1 à 6 sera donc modifié en ce sens.

Des intérêts sont dus dès la date de la réquisition de poursuite. La recourante n'a pas allégué à quelle date elle avait requis la poursuite, mais il ressort du commandement de payer que celui-ci a été établi le 7 mars 2024 et que l'intimée a réclamé des intérêts dès le 1er mars 2024. Il est vraisemblable qu'elle a requis la poursuite contre le recourant à cette date, à partir de laquelle des intérêts seront donc dus. Le jugement attaqué sera donc annulé en tant qu'il prononce la mainlevée de l'opposition pour le poste 7 du commandement de payer.

Au vu de ce qui précède, le recours est partiellement fondé et le jugement attaqué sera modifié en tant qu'il prononce la mainlevée de l'opposition partiellement pour les poste 1 à 6 du commandement de payer et pour le poste 7. Il sera à nouveau statué en ce sens que ladite mainlevée sera prononcée à concurrence de 16'257 fr. 15 avec intérêts à 5% dès le 1er mars 2024 et elle sera rejetée pour le surplus.

4. 4.1 Le montant des frais judiciaires arrêté par le Tribunal, soit 400 fr., est conforme aux normes applicables (art. 48 al. 1 OELP) et n'est pas critiqué en tant que tel.

Les frais judiciaires du recours seront arrêtés à 600 fr. (art. 48 et 61 OELP)

Ces frais seront compensés avec l’avance fournie par l'intimée en 400 fr. et celle fournie par le recourant en 600 fr., qui restent acquises à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 aCPC; art. 405 et 407 f CPC).

4.2 Chaque partie obtient partiellement gain de cause, l'intimée n'obtenant la mainlevée de l'opposition que pour une somme de 16'257 fr. alors que sa requête portait sur 39'504 fr.

Les frais judiciaires de 1'000 fr. pour les deux instances seront donc mis à la charge de chacune des parties par moitié (art. 106 al. 1 CPC). L'intimée sera ainsi condamnée à verser 100 fr. au recourant à titre de frais judicaires.

Pour les mêmes motifs, chaque partie supportera ses propres dépens.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :


A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 9 décembre 2024 par A______ contre le jugement JTPI/14716/2024 rendu le 21 novembre 2024 par le Tribunal de première instance dans la cause C/11570/2024–S1 SML.

Au fond :

Annule ce jugement et statuant à nouveau:

Prononce la mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer, poursuite n° 1______, à concurrence de 16'257 fr. 15 avec intérêts à 5% dès le 1er mars 2024.

Rejette pour le surplus la requête de mainlevée définitive de l'opposition formée par B______.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais de la procédure:

Arrête les frais judiciaires de première instance et de recours à 1'000 fr., les met à la charge des parties pour moitié chacune et les compense avec les avances de frais fournies par les parties, qui restent acquise à l'Etat de Genève.

Condamne B______ à verser 100 fr. à A______ à titre de frais judiciaires.

Dit que chaque partie supporte ses propres dépens de première instance et de recours.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, Monsieur Ivo BUETTI, juges; Madame Laura SESSA, greffière.

Le président :

Laurent RIEBEN

 

La greffière :

Laura SESSA

 


 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours constitutionnel subsidiaire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 30'000 fr.