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C/23282/2023

ACJC/1518/2024 du 26.11.2024 sur JTPI/8918/2024 ( SML ) , JUGE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/23282/2023 ACJC/1518/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 26 NOVEMBRE 2024

 

Entre

A______ SA, sise ______, recourante contre un jugement rendu par la 13ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 12 juillet 2024, représentée par
Me François BELLANGER, avocat, Poncet Turrettini, rue de Hesse 8, case postale, 1211 Genève 4,

et

1) B______ SA, sise ______,

2) Monsieur C______, domicilié ______,

tous deux intimés, représentés par Me Pascal JUNOD, avocat, rue de la Rôtisserie 6, case postale 3763, 1211 Genève 3.


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/8918/2024, du 12 juillet 2024, le Tribunal de première instance, statuant par voie de procédure sommaire, a prononcé la mainlevée provisoire de l’opposition dans le cadre des poursuites n° 1______ et n° 2______, à concurrence de 16'195 fr. 40 chacune, avec intérêts à 5 % l’an dès le 1er septembre 2022 (ch. 1 et 2 du dispositif), a arrêté les frais judiciaires à 500 fr., compensés avec l’avance de frais fournie et mis à la charge des parties à raison de 250 fr. chacune, a condamné en conséquence B______ SA et C______, pris conjointement, à payer à A______ SA 250 fr. (ch. 3), a dit qu’il n’était pas alloué de dépens (ch. 4) et a débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 5).

En substance, le Tribunal a considéré que le contrat de bail valait reconnaissance de dette pour le solde résultant du décompte de chauffage des années 2018 à 2021, et a donc prononcé la mainlevée pour cette créance. En revanche, ni le contrat de bail résilié, ni la convention du 23 septembre 2022 ne pouvaient constituer un titre de mainlevée provisoire s'agissant des créances "d'arriérés de loyer" nées après l'expiration du bail.

B. a. Par acte expédié le 29 juillet 2024 à la Cour de justice, A______ SA a formé recours contre ce jugement, dont elle a sollicité l’annulation.

Elle a conclu, sous suite de frais judiciaires et dépens, principalement, à ce que la Cour prononce la mainlevée provisoire des oppositions formées par B______ SA et C______ dans le cadre des poursuites n° 1______ et n° 2______ et, subsidiairement, renvoie la cause au Tribunal pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

b. Par réponse du 19 août 2024, C______ et B______ SA ont conclu au rejet du recours, sous suite de frais et dépens.

c. Les parties ont répliqué, respectivement dupliqué et persisté dans leurs conclusions.

d. Par avis du 3 octobre 2024, le greffe de la Cour a avisé les parties de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure de première instance :

a. A______ SA, société anonyme inscrite au Registre du commerce de Genève le ______ 2007, a notamment pour but l’exploitation, l’acquisition, la détention, la construction, la rénovation, l’entretien, la gérance, la mise en location et le financement de l’acquisition d’immeubles à affectation exclusivement commerciale ainsi que toute activité y relative.

b. B______ SA, société anonyme inscrite au Registre du commerce de Genève le ______ 2016, est active dans la location de tous véhicules et la fourniture de tous services apparentés. C______ en est le seul administrateur.

c. Le 9 décembre 2015, A______ SA, en qualité de bailleresse, et "D______, E______" (non inscrite au Registre du commerce genevois), en qualité de locataire, ont signé un contrat de bail à loyer portant sur des locaux commerciaux de 514 m2 situés au rez-de-chaussée du F______ [centre d'affaires], no. ______ rue 3______, [code postal] G______ [GE].

Ce contrat a été conclu pour une durée de cinq ans, dès le 1er mars 2016, renouvelable pour une durée de cinq ans.

Le loyer initial a été fixé à 107’940 fr. HT par année, soit 8'995 fr par mois. Les acomptes de charges ont été fixés à 1'313 fr. par mois.

L’art. 4 du contrat prévoit que le loyer n’est pas dû les six premiers mois et qu’il est pour la suite payable mensuellement d’avance.

Selon l’art. 5 du contrat, les charges sont déjà dues durant les six premiers mois et « les acomptes payables mensuellement d’avance, en même temps que le loyer ».

d. Par avenant du 11 avril 2018, C______ et B______ SA (ci-après, ensemble : les locataires), agissant conjointement et solidairement entre eux, se sont substitués à "D______, E______" en qualité de locataires.

e. Par avis officiel du 21 août 2018, la bailleresse a augmenté le loyer à 109'940 fr. HT par année, dès le 1er octobre 2018.

f. Le 3 février 2020, A______ SA a résilié le bail pour le 28 février 2021, congé que les locataires ont contesté.

g. Par jugement JTBL/658/2022 du 15 septembre 2022, le Tribunal des baux et loyers a débouté C______ et B______ SA de leurs conclusions en annulation de résiliation du bail et constaté la validité du congé pour le 31 mai 2021.

h. Le 23 septembre 2022, A______ SA et les locataires ont conclu un accord aux termes duquel ceux-ci se sont engagés à libérer les locaux avant le 30 septembre 2022 et la bailleresse à leur verser 30'000 fr. Les parties sont également convenues de ce qui suit : « A______ SA versera la somme de CHF 30'000.- pour solde de tout compte et de toutes prétentions entre les parties, étant précisé que le versement du loyer et des acomptes de charges devra être à jour au 30 septembre 2022. L’éventuel solde dû selon les décomptes de charges 2021/2022 et 2022/2023 devra également être acquitté par B______ SA une fois ces derniers soumis ».

i. Par avenant du 26 septembre 2022, les parties ont convenu que A______ SA verserait aux locataires 10'000 fr. supplémentaires.

j. A______ SA s’est acquittée desdites sommes les 27 septembre et 5 octobre 2022.

k. Le 24 janvier 2023, A______ SA a mis en demeure les locataires de lui verser au 15 janvier 2023 un montant de 61'140 fr. 80, correspondant aux loyers des mois de juin à septembre 2022 (36'480 fr.), aux acomptes de charges pour la même période (5'252 fr.), au solde du décompte de chauffage (16'195 fr. 40) et à la TVA due sur les loyers et charges (3'213 fr. 40).

l. Le 25 janvier 2023, les locataires ont rappelé la convention du 23 septembre 2022, conclue pour solde de tout compte, laquelle ne comportait aucune réserve de sorte qu’aucune créance n’existait.

m. Le 13 mars 2023, sur requête des locataires, A______ SA a transmis à ceux-ci un décompte détaillé des montants à régler, soit 36'480 fr. au titre de montants pour l’occupation de l’appartement des mois de juin à septembre 2022, 5'252 fr. au titre d’acomptes de charges pour la même période, 16'195 fr. 40 au titre de frais de chauffage des années 2018 à 2021 et 3'213 fr. 40 au titre de TVA sur les deux premiers postes, pour un total du 61'140 fr. 80.

n. Le 4 mai 2023, à la requête de A______ SA, l’Office des poursuites a notifié séparément à C______ et à B______ SA deux commandements de payer, poursuites n° 1______ et n° 2______, chacun pour la somme de 61'140 fr. 80.

Figure, pour les deux commandements de payer, dans la rubrique titre et date de la créance, la mention : « Locaux no. ______ rue 3______ – Arriérés de loyer au 30 septembre 2022 ».

Les locataires y ont formé opposition.

o. Le 27 octobre 2023, A______ SA a saisi le Tribunal d’une requête de mainlevée provisoire des oppositions formées aux commandements de payer précités.

Elle a fait valoir que le contrat de bail résilié valait titre de mainlevée provisoire pour les frais accessoires exigibles et convenus spécialement, et liait les parties jusqu’au 30 septembre 2022. Elle a notamment produit à l’appui de sa requête la convention conclue le 23 septembre 2022.

p. Lors de l’audience du 10 juin 2024 devant le Tribunal, A______ SA a persisté dans ses conclusions. B______ SA et C______ ont conclu au déboutement de A______ SA des fins de sa requête, sous suite de dépens, en se prévalant de l’accord du 23 septembre 2022 et de sa mention « solde de tout compte ».

Le Tribunal a gardé la cause à juger à l’issue de l’audience.

EN DROIT

1.             1.1 S’agissant d’une procédure de mainlevée, seule la voie du recours est ouverte (art. 319 let. b et 309 let. b ch. 3 CPC).

La décision - rendue par voie de procédure sommaire (art. 251 let. a CPC) - doit être attaquée dans un délai de dix jours dès sa notification (art. 321 al. 2 CPC), par un recours écrit et motivé (art. 130 et 131 CPC), adressé à la Cour de justice.

En l’espèce, le recours a été interjeté en temps utile et selon la forme prescrite.

Partant, le recours est recevable.

1.2 Saisie d'un recours, l'autorité doit examiner s'il y a eu violation du droit ou constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC). En tant que voie de droit extraordinaire, le recours a uniquement pour fonction de vérifier la conformité au droit de la décision, et non de continuer la procédure de première instance (arrêt du Tribunal fédéral 5D_190/2014 du 12 mai 2015 consid. 3 et les références citées). L'autorité de recours contrôle la conformité au droit de la décision attaquée, dans les mêmes conditions que celles dans lesquelles se trouvait l'autorité de première instance (Hohl, Procédure civile, Tome II, 2ème éd., 2010, n. 2516).

2.             La recourante reproche au Tribunal de ne pas avoir considéré que le contrat de bail du 9 décembre 2015, subsidiairement l’accord du 23 septembre 2022, valaient titres de mainlevée provisoire pour les arriérés de loyers.

2.1 Conformément à l'art. 82 al. 1 LP, le créancier dont la poursuite se fonde sur une reconnaissance de dette constatée par acte authentique ou sous seing privé peut requérir la mainlevée provisoire.

2.1.1 La procédure de mainlevée provisoire est une procédure sur pièces (Urkundenprozess), dont le but n'est pas de constater la réalité de la créance en poursuite, mais l'existence d'un titre exécutoire. Le juge de la mainlevée provisoire examine seulement la force probante du titre produit par le créancier, sa nature formelle – et non la validité de la créance – et lui attribue force exécutoire si le débiteur ne rend pas immédiatement vraisemblables ses moyens libératoires (ATF 145 III 160 consid. 5.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_240/2021 du 13 mars 2022 consid. 3.2).

De jurisprudence constante, la procédure de mainlevée, qu'elle soit provisoire ou définitive, est un incident de la poursuite. La décision qui accorde ou refuse la mainlevée est une pure décision d'exécution forcée dont le seul objet est de dire si la poursuite peut continuer ou si le créancier est renvoyé à agir par la voie d'un procès ordinaire. En d'autres termes, le prononcé de mainlevée ne sortit que des effets de droit des poursuites et ne fonde pas l'exception de chose jugée quant à l'existence de la créance (ATF 143 III 564 consid. 4.1; 136 III 583 consid. 2.3 et les références; arrêt du Tribunal fédéral 5A_1015/2020 du 30 août 2021 consid. 3.1). La décision du juge de la mainlevée provisoire ne prive pas les parties du droit de soumettre à nouveau la question litigieuse au juge ordinaire (art. 79 et 83 al. 2 LP; ATF 136 III 528 consid. 3.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_1015/2020 précité loc. cit.).

2.1.2 Constitue une reconnaissance de dette au sens de l’art. 82 LP, en particulier, l'acte sous-seing privé, signé par le poursuivi ou son représentant, d'où ressort sa volonté de payer au poursuivant, sans réserve ni condition, une somme d'argent déterminée, ou aisément déterminable et exigible (ATF 149 III 310 consid. 5.2.1.1; 148 III 145 consid. 4.1.1; 145 III 20 consid. 4.1.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_688/2022 du 23 novembre 2022 consid. 4.1.1). Il peut s'agir soit d'une reconnaissance de dette formelle (art. 17 CO), soit d'un ensemble de pièces dans la mesure où il en ressort les éléments nécessaires (ATF 139 III 297 consid. 2.3.1.). Le document signé doit clairement et directement faire référence aux documents qui mentionnent le montant de la dette ou qui permettent de le chiffrer. Cela signifie que le montant de la dette doit être fixé ou aisément déterminable dans les pièces auxquelles renvoie le document signé, et ce au moment de la signature de ce dernier (Staehelin, in Basler Kommentar, Bundesgesetz über Schuldbetreibung und Konkurs, vol. I, 3e éd. 2021, n. 26 ad art. 82 LP; Abbet/Veuillet, La mainlevée de l’opposition, 2e éd., n. 27 ad art. 82 LP).

Un contrat écrit justifie en principe la mainlevée provisoire de l'opposition pour la somme d'argent incombant au poursuivi lorsque les conditions d'exigibilité de la dette sont établies et, en particulier dans les contrats bilatéraux, lorsque le poursuivant prouve avoir exécuté les prestations dont dépend l'exigibilité. Un contrat bilatéral ne vaut ainsi reconnaissance de dette que si le poursuivant a rempli ou garanti les obligations légales ou contractuelles exigibles avant le paiement dont il requiert le recouvrement, ou au moment de ce paiement, c'est-à-dire s'il a exécuté ou offert d'exécuter sa propre prestation en rapport d'échange (ATF 149 III 310 consid. 5.2.1.1; 148 III 145 consid. 4.3.3; 145 III 20 consid. 4.1.1).

Le contrat de bail signé constitue, en principe, une reconnaissance de dette et justifie la mainlevée provisoire de l'opposition pour le montant du loyer échu. En signant le contrat de bail, le locataire reconnaît son obligation de payer le loyer non seulement pour la durée d'occupation de l'objet loué, mais pour toute la durée contractuelle (ATF 134 III 267 consid. 3; arrêts du Tribunal fédéral 4A_645/2023 du 25 janvier 2024 consid. 3.1; 5D_964/2021 du 9 mars 2022 consid. 3.1.1; 5D_249/2020 du 1er juillet 2021 consid. 2.1; Abbet/Veuillet, op. cit., n. 163 ad art. 82 LP; Staehelin, op. cit., n. 116 ad art. 82 LP).

Le contrat de bail résilié ne vaut pas titre de mainlevée pour les créances nées postérieurement à l’expiration du contrat. Le locataire reste débiteur d’une indemnité pour occupation illicite des locaux, qui ne repose pas sur une reconnaissance de dette (Abbet/Veuillet, op. cit., n. 163 ad art. 82 LP).

2.1.3 Pour que la mainlevée provisoire soit prononcée, il faut que le poursuivant soit au bénéfice d'une reconnaissance de dette qui, outre les caractéristiques relatives à l'obligation de payer du débiteur, réunisse les trois identités, soit l'identité entre le poursuivant et le créancier désigné dans ce titre, l'identité entre le poursuivi et le débiteur désigné, et l'identité entre la prétention déduite en poursuite et le titre qui lui est présenté (ATF 143 III 221 consid. 4; 142 III 720 consid. 4.1; 139 III 444 consid. 4.1.1). D’abord, le créancier doit être aisément déterminable au moment de l’élaboration de la reconnaissance de dette, son identité devant ainsi figurer sur le titre; ensuite, l’auteur de la reconnaissance de dette doit être identique au poursuivi désigné sur le commandement de payer, il suffit pour cela qu’il ait signé la reconnaissance de dette; enfin, la prétention figurant sur le commandement de payer doit être identique à la prétention figurant sur le titre (Abbet/Veuillet, op. cit., n. 74, 81 et 92 ad art. 82 LP).

Selon l'art. 67 al. 1 ch. 4 LP, la réquisition de poursuite énonce le titre et sa date; à défaut de titre, la cause de l’obligation. L'une des fonctions des indications contenues dans le commandement de payer est de répondre à un besoin de clarté et d'individualiser la prétention réclamée par voie d'exécution afin que le poursuivi puisse prendre position (ATF 141 III 173 consid. 2.2.2 et les références; arrêts du Tribunal fédéral 5A_8/2016 du 21 juin 2016 consid. 4.2; 5A_1001/2015 du 22 juin 2016 consid. 5.3.2, publié in BlSchK 2018 p. 4).

Lorsque la poursuite tend au recouvrement de prestations périodiques (tels que les loyers), la réquisition de poursuite doit indiquer avec précision les périodes pour lesquelles ces prestations sont réclamées. Même si elles dérivent d'une même cause juridique, elles ne sont pas moins des créances distinctes, soumises à leur propre sort. Cette exigence répond à un besoin de clarté et d'information du poursuivi quant à la prétention alléguée afin de lui permettre de prendre position. Le poursuivi ne doit pas être contraint de former opposition pour obtenir, dans une procédure de mainlevée subséquente ou un procès en reconnaissance de dette, les renseignements sur la créance qui lui est réclamée (ATF 141 III 173 consid. 2.2.2; 121 III 18 consid. 2a; arrêt du Tribunal fédéral 5A_970/2019 du 3 décembre 2020 consid. 4.2).

Le débiteur peut savoir à quoi s'en tenir sans que le commandement de payer et la requête de mainlevée ne le renseignent de façon spécifique sur le détail de chaque créance, dans la mesure où il dispose d'éléments suffisamment clairs et cohérents quant à la teneur de la créance en poursuite (arrêt du Tribunal fédéral 5P_149/2005 du 21 décembre 2005 consid. 2.3).

Dans un arrêt du 8 janvier 2024 (ACJC/34/2024) relatif à des loyers arriérés, la Cour a retenu que si, certes, la période concernée des arriérés de loyer ne résultait pas avec précision du commandement de payer, elle avait été précisée par la créancière dans le cadre de la procédure de mainlevée et qu'en tout état, la débitrice ne pouvait l'ignorer. Il fallait, dans ces circonstances, admettre que la cause de la créance, ainsi que la période pour laquelle les loyers étaient réclamés, était reconnaissable pour la débitrice, de sorte que la mainlevée provisoire devait être prononcée.

2.2 Dans le jugement entrepris, le Tribunal a prononcé la mainlevée pour le solde résultant du décompte de chauffage afférent à la période du 1er avril 2018 au 31 mars 2021, mais non pour les « arriérés de loyer », en considérant que ni le contrat de bail résilié, ni l’accord du 23 septembre 2022, ne constituaient un titre de mainlevée pour les créances nées après l’échéance du contrat de bail.

La recourante soutient que les effets du congé auraient été suspendus durant la procédure de contestation du congé, de sorte que les arriérés de loyer pour la période postérieure au 31 mai 2021 seraient dus. En effet, le jugement du Tribunal des baux et loyers du 15 septembre 2022 ne serait devenu exécutoire qu’un mois après son prononcé ; les effets du bail avaient donc perduré jusqu’au 17 octobre 2022. Elle affirme pour le surplus que les documents produits, notamment la convention du 23 septembre 2022, constituent un titre de mainlevée.

En l’espèce, le Tribunal des baux et loyers a confirmé la résiliation du contrat de bail avec effet au 31 mai 2021 dans son jugement JTBL/658/2022 du 15 septembre 2022. Le Tribunal a considéré dès lors qu’à partir du 1er juin 2021, le contrat de bail ne pouvait plus constituer un titre de mainlevée pour les loyers réclamés au-delà de cette période. Ce raisonnement ne prête pas le flanc à la critique.

En revanche, il en va différemment de l’accord conclu par les parties le 23 septembre 2022. Par celui-ci, les intimés se sont engagés à être à jour dans le paiement des loyers et des charges au 30 septembre 2022, l’éventuel solde résultant des décomptes de charges 2021/2022 et 2022/2023 devant également être acquitté. Si le montant du loyer et des charges n’y est pas mentionné, il était toutefois connu des parties et donc déterminable.

La somme due (61'140 fr. 80) ressort du décompte envoyé par la recourante le 13 mars 2023 comprenant : 36'460 fr. au titre de montants pour l’occupation de l’appartement des mois de juin à septembre 2022, 5'252 fr. au titre d’acomptes de charges pour la même période, 16'195 fr. 40 au titre de frais de chauffage des années 2018 à 2021 et 3'212 fr. 40 de TVA relative aux loyers et charges précités.

La mention « solde de tout compte » dans la convention du 23 septembre 2022 n’est d’aucun secours aux intimés, celle-ci réservant expressément le règlement des frais d’occupation et de chauffage jusqu’au 30 septembre 2022, de même que les décomptes de charges 2021/2022 et 2022/2023.

Dans ces circonstances, la convention du 23 septembre 2022 vaut reconnaissance de dette.

Pour que la reconnaissance de dette en question constitue un titre de mainlevée provisoire, elle doit encore réunir les trois identités rappelées ci-avant.

Les commandements de payer notifiés aux intimées précisent que le montant réclamé, soit 61'140 fr. 80, correspond aux « arriérés de loyer au 30 septembre 2022 ».

Certes, la période concernée ne résulte pas avec précision du commandement de payer puisqu'elle n'indique pas le début des arriérés de loyers impayés. Dans sa requête, la recourante a précisé que la créance concernait les mois de juin à septembre 2022.

Pour le surplus, les identités de la créancière et des débiteurs, qui ressortent de l’accord, correspondent à celles énoncées dans le cadre des poursuites n° 1______ et n° 2______.

En définitive, c’est à tort que le Tribunal a considéré que l’accord du 23 septembre 2022 ne valait pas titre de mainlevée provisoire.

Partant, le recours est fondé. Les chiffres 1 et 2 du jugement querellé seront annulés et il sera statué à nouveau (art. 327 al. 3 let. b CPC) en ce sens que la mainlevée provisoire des oppositions aux commandements de payer, poursuites n° 1______ et n° 2______, sera prononcée.

3. 3.1.1 Si l’instance de recours statue à nouveau, elle se prononce sur les frais de première instance (art. 318 al. 3 CPC, applicable par analogie: Jeandin in Code de procédure civile, Commentaire romand, 2ème éd., 2019, n. 9 ad art. 327 CPC).

3.1.2 En l'espèce, le montant des frais judiciaires arrêté par le Tribunal, soit 500 fr., est conforme aux normes applicables (art. 48 al. 1 OELP) et n'est pas critiqué en tant que tel. Ces frais seront compensés avec l'avance de même montant fournie par la recourante, qui reste acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC), et mis à la charge des intimés, solidairement entre eux, qui succombent (art. 106 al. 1 CPC). Les intimés seront en conséquence condamnés solidairement à rembourser à la recourante la somme de 500 fr. à titre de frais judiciaires de première instance (art. 111 al. 2 CPC).

Pour les mêmes motifs, les intimés seront condamnés, solidairement entre eux, à payer à la recourante un montant de 500 fr., débours et TVA compris, à titre de dépens de première instance (art. 106 al. 1 CPC; art. 84, 85, 89, 88 RTFMC; art. 25 et 26 LaCC).

Les chiffres 3 et 4 du jugement entrepris seront réformés en ce sens.

3.2 Les frais judiciaires de recours seront arrêtés à 600 fr. (art. 48 et 61 OELP) et compensés avec l'avance versée par la recourante, qui demeure acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC). Ils seront mis à la charge des intimés, qui succombent (art. 106 al. 1 CPC). Les intimés seront solidairement condamnés à rembourser à la recourante la somme de 600 fr. à titre de frais judiciaires de recours (art. 111 al. 2 CPC).

Pour les mêmes motifs, les intimés seront condamnés, solidairement entre eux, en outre, à verser à la recourante un montant de 600 fr. à titre de dépens de recours, débours et TVA compris (art. 106 al. 1 CPC; art. 84, 85, 89, 88 et 90 RTFMC; art. 25 et 26 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 29 juillet 2024 par A______ SA contre le jugement JTPI/8918/2024 rendu le 12 juillet 2024 par le Tribunal de première instance dans la cause C/23282/2023–13 SML.

Au fond :

Annule le jugement entrepris et cela fait, statuant à nouveau :

Prononce la mainlevée provisoire de l'opposition formée au commandement de payer, poursuite n° 2______.

Prononce la mainlevée provisoire de l'opposition formée au commandement de payer, poursuite n° 1______.

Arrête les frais judiciaires de première instance à 500 fr. et les compense avec l'avance effectuée par A______ SA, qui reste acquise à l'Etat de Genève.

Met ces frais à la charge de B______ SA et C______ solidairement entre eux.

Condamne B______ SA et C______, solidairement entre eux, à verser à A______ SA 500 fr. à titre de frais judiciaires de première instance et 500 fr. à titre de dépens de première instance.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais de recours :

Arrête les frais judiciaires de recours à 600 fr. et les compense avec l'avance effectuée par A______ SA, qui reste acquise à l'Etat de Genève.

Met ces frais à la charge de B______ SA et C______ solidairement entre eux.

Condamne B______ SA et C______, solidairement entre eux, à verser à A______ SA 600 fr. à titre de frais judiciaires de recours et 600 fr. à titre de dépens de recours.

Siégeant :

Madame Pauline ERARD, présidente; Madame Sylvie DROIN,
Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, juges; Madame Barbara NEVEUX, greffière.

La présidente :

Pauline ERARD

 

La greffière :

Barbara NEVEUX

 

Indication des voies de recours :

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.