Aller au contenu principal

Décisions | Sommaires

1 resultats
C/11576/2023

ACJC/1460/2024 du 19.11.2024 sur JTPI/4463/2024 ( SML ) , CONFIRME

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/11576/2023 ACJC/1460/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 19 NOVEMBRE 2024

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______ [GE], appelant et recourant contre un jugement rendu par la 10ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 8 avril 2024, représenté par Me Karin GROBET THORENS, avocate, GTHC Avocates, rue Verdaine 13, case postale, 1211 Genève 3,

et

B______ SA, sise ______ [GE], intimée, représenté par Me Yves JEANRENAUD, avocat, Schellenberg Wittmer SA, rue des Alpes 15bis, case postale 2088, 1211 Genève 1.

 

 

 


EN FAIT

A.           Par jugement JTPI/4463/2014 du 8 avril 2024, statuant par voie de procédure sommaire, le Tribunal de première instance a déclaré irrecevables et écarté de la procédure certains allégués et pièces produits par B______ SA avec sa réplique (ch. 1 et 2 du dispositif), prononcé la mainlevée provisoire des oppositions formées par A______ aux commandements de payer émis dans les poursuites n° 1______ et n° 2______ (ch. 3 et 4), mis les frais judiciaires – arrêtés à 4'000 fr. – à la charge exclusive de A______, compensé en partie ces frais avec l'avance de 1'500 fr. fournie par B______ SA, condamné A______ à payer les sommes de 1'500 fr. à B______ SA et de 2'500 fr. à l'Etat de Genève au titre du solde des frais judiciaires (ch. 5 à 9), condamné A______ à payer à B______ SA la somme de 5'000 fr. à titre de dépens (ch. 10) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 11).

Ce jugement mentionnait qu'il pouvait faire l'objet d'un recours, conformément aux art. 319 ss du Code de procédure civile, devant la Cour de justice, dans les dix jours suivant notification.

B.            a. Par acte expédié le 22 avril 2024 au greffe de la Cour civile, intitulé "appel" et dans lequel il se désigne comme "appelant", A______ sollicite l'annulation de ce jugement.

Principalement, il conclut au déboutement de B______ SA des fins de sa requête de mainlevée provisoire, avec suite de frais judiciaires et dépens de première instance et d'appel.

b. Dans sa réponse, B______ SA conclut principalement à l'irrecevabilité de l'appel et subsidiairement à son rejet, "si par impossible celui-ci était converti en recours au sens des art. 319 ss CPC".

c. Les parties ont respectivement répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions.

d. Elles ont été informées de ce que la cause était gardée à juger par plis du greffe du 10 juillet 2024.

C.           Les faits pertinents suivants résultent du dossier de première instance:

a. Le 1er avril 2021, un contrat de bail à loyer portant sur des locaux commerciaux a été établi entre d'une part B______ SA, en qualité de « bailleur », représentée par C______, et d'autre part, sous la dénomination « locataire » et sur la même ligne, D______ SA et A______ « agissant conjointement et solidairement entre eux ».

Ledit contrat de bail a été signé par chacun des deux locataires désignés comme tels, sur toutes les pages et sur les deux annexes.

b. Le bail avait pour objet des bureaux d'une surface de 1'432 m2 situés au 4ème étage de l'immeuble sis no. ______, route 3______ à E______ [GE], un dépôt de 82 m2 situé au sous-sol de cet immeuble, ainsi que 29 places de parking.

Les locaux étaient destinés à l'exploitation d'un espace de coworking, d'un espace de restauration et de tout concept complémentaire aux activités précitées.

c. La durée du bail était fixée à neuf ans et trois mois à compter du 1er avril 2021, l'échéance étant le 30 juin 2030.

L'article 10 du contrat, intitulé "caution solidaire" prévoyait ce qui suit: "Le retrait éventuel de la personne physique pourra être réexaminé par le bailleur sur présentation de plusieurs bilans équilibrés de la part de D______ SA en formation et de sociétés qui lui sont sœurs ou qui la détiennent et qui offriraient des garanties suffisantes pour remplacer la personne physique".

d. Charges comprises, le loyer s'élevait à 48'531 fr. 40 TTC par mois pour les bureaux, à 1'324 fr. 70 TTC pour le dépôt et à 7'808 fr. 25 TTC pour les parkings, soit un total de 57'664 fr. 35.

e. Une garantie de loyer de 289'232 fr. 50 devait en outre être fournie à la bailleresse, stipulée payable « au plus tard le jour de la signature du contrat ».

f. Avant la conclusion du bail, B______ SA avait donné un mandat de gérance de l'immeuble à C______, société dont A______ était alors administrateur président, et dont il est administrateur avec signature individuelle depuis le 5 février 2024.

g. La possession des locaux a été remise par la bailleresse à la date prévue, soit dès le début du bail au 1er avril 2021.

h. Seuls les loyers des six premiers mois de bail (soit ceux pour les mois d'avril 2021 à septembre 2021 inclus) ont été régulièrement payés à la bailleresse.

La garantie de loyer prévue par le contrat n'a pas été versée.

i. Le 18 juillet 2022, D______ SA a versé une somme supplémentaire de 57'644 fr. 35 à C______, en indiquant comme motif de paiement "Pmt loyer juillet 2022 (D______ SA)".

Ce paiement a été imputé par la bailleresse sur l'arriéré alors dû, à raison de 48'531 fr. 40 sur le loyer des locaux, de 1'304 fr. 70 sur celui du dépôt et de 7'808 fr. 25 sur celui des les parkings (cf. pièce 17 int.).

j. Le 29 juillet 2022, la bailleresse a résilié le mandat de gérance confié à C______.

k. Le 7 septembre 2022 la bailleresse a fait notifier à A______ un commandement de payer dans la poursuite n°2______, portant sur la somme de 289'232 fr. 50 au titre de la garantie de loyer prévue par le contrat de bail du 1er avril 2021.

Opposition a été formée à ce commandement de payer.

l. Par courrier de leur conseil du 21 septembre 2022, D______ SA et A______ ont déclaré résilier le bail de l'ensemble des locaux de manière anticipée pour le 31 mars 2023.

Ils ont invoqué à cette fin différents motifs, tels que la modification substantielle de l'accord global en raison de la résiliation du mandat de gérance et des équilibres financiers convenus, l'impact de la crise sanitaire constituant une circonstance imprévisible justifiant de revoir le fondement même du contrat, le refus indû par la bailleresse d'accepter un locataire de remplacement pour une partie des surfaces louées, ou le contournement des règles impératives en matière de garantie pour le bail.

m. Cette résiliation n'a pas été acceptée par la bailleresse, qui l'a contestée devant la Commission de conciliation en matière de baux et loyers. La procédure, qui a été dans un premier temps suspendue, est à ce jour pendante.

n. Le 3 avril 2023, B______ SA a fait notifier à A______ un commandement de payer, dans la poursuite n° 1______, portant sur les sommes de :

(1)   825'033 fr. 80 plus intérêts à 5% dès le 1er juillet 2022, au titre du loyer dû pour les espaces de bureaux pour la période du 1er novembre 2021 au 31 mars 2023;

(2)   132'740 fr. 25 plus intérêts à 5% dès le dès le 1er juillet 2022, au titre du loyer dû pour les parkings pour la période du 1er novembre 2021 au 31 mars 2023;

(3)   22'539 fr. 90 plus intérêts à 5% dès le 1er juillet 2022, au titre du loyer dû pour les parkings pour la période du 1er novembre 2021 au 31 mars 2023.

Ce commandement de payer a été frappé d'opposition le jour même.

o. Par acte du 26 mai 2023, B______ SA a requis la mainlevée provisoire des oppositions formées par A______ aux commandements de payer dans les poursuites n° 2______ et n. 1______.

p. Par ordonnance du 13 septembre 2023, le Tribunal a imparti un délai à A______ pour se déterminer par écrit sur la requête et produire toutes pièces utiles.

q. A______ a répondu dans le délai imparti, concluant au déboutement de B______ SA des fins de sa requête et produisant diverses pièces.

r. Les parties ont spontanément répliqué et dupliqué devant le Tribunal, persistant dans leurs conclusions. B______ SA a produit de nouvelles pièces à l'appui de sa réplique.

s. Par décision du 12 décembre 2023, le Tribunal a gardé la cause à juger.

D.           Dans le jugement entrepris, le Tribunal a considéré que le contrat de bail du 1er avril 2021, signé par A______ en qualité de locataire aux côtés de D______ SA, valait titre de mainlevée provisoire au sens de la loi.

Les allégations du précité selon lesquelles il ne serait intervenu qu'en qualité de cautionnement solidaire ne pouvaient être suivies, considérant que le juge de la mainlevée ne pouvait se livrer à une interprétation subjective des contrats signés par les parties, mais devait se tenir à l'examen littéral du titre produit. L'argument paraissait de surcroît contraire à la bonne foi, dès lors que le bail avait été établi par une société de gérance contrôlée par le prénommé lui-même, de sorte que celui-ci ne pouvait ignorer la teneur ou la portée de son engagement.

Le juge de la mainlevée ne pouvait pas davantage déroger aux termes du contrat de bail en raison de circonstances extraordinaires (clausula rebus sic stantibus), étant observé que le bail avait été signé en 2021 et que les effets de la pandémie de Covid-19 étaient alors largement connus. Pour les mêmes motifs, il n'y avait pas lieu de retenir que la bailleresse n'avait pas exécuté sa prestation de manière conforme à ce que pouvaient attendre les locataires, au sens de l'art. 82 CO, et ce malgré la fermeture des établissements publics ordonnée par les autorités; ce moyen libératoire se confondait d'ailleurs avec le précédent.

Le locataire échouait de même à rendre vraisemblable que le bail avait été résilié de manière anticipée pour le 31 mars 2023, dès lors que la bailleresse avait contesté la validité de cette résiliation – qui supposait notamment qu'un locataire de remplacement ait été proposé – devant l'autorité judiciaire compétente. Il était par ailleurs établi que la bailleresse avait imputé le montant de 57'644 fr. 35 versé au mois de juillet 2022, désigné comme le loyer dudit mois, sur l'arriéré en cours, soit sur le mois d'octobre 2021. Dès lors que la poursuite portait sur les loyers de mois de novembre 2021 à mars 2023, la bailleresse ne sollicitait pas le paiement d'un loyer déjà payé. Il était au surplus douteux que l'avis manifestant la volonté du locataire d'affecter le paiement susvisé au mois de juillet 2022 soit parvenu à la bailleresse, puisque cet avis avait été adressé à la société de gérance, dont le mandat avait été résilié à la même époque.

Enfin, le bail valait également titre de mainlevée pour la garantie de loyer prévue par le contrat. Le seul fait que la bailleresse n'ait pas formellement réclamé le paiement de cette garantie au cours du bail ne permettait pas de retenir, au stade de la mainlevée, qu'elle y avait renoncé, ce d'autant que l'entité chargée de veiller à la bonne exécution du contrat pour la bailleresse était la société de gérance détenue et administrée par le locataire. Les titres produits témoignaient pour le reste de la volonté de la bailleresse de poursuivre l'exécution du contrat pour sa durée initialement convenue.

Au vu des motifs qui précèdent, il convenait de prononcer la mainlevée provisoire de l'opposition formée aux commandements de payer litigieux.

EN DROIT

1.             S'agissant d'une procédure de mainlevée, seule la voie du recours est ouverte (art. 319 let. a et 309 let. b ch. 3 CPC).

Le recours, écrit et motivé, doit être introduit auprès de l'instance de recours dans les dix jours à compter de la notification entreprise, compte tenu de la procédure sommaire applicable (art. 251 let. a, art. 321 al. 1 et 2 CPC).

1.1 Si un appel est interjeté en lieu et place d'un recours, ou vice-versa, et si les conditions de l'acte qui aurait dû être formé sont remplies, une conversion de l'acte déposé en acte recevable est en principe possible. Cette conversion résulte de l'application du principe de l'interdiction du formalisme excessif (arrêt du Tribunal fédéral 5A_221/2018 du 4 juin 2018 consid. 3.3.1; Jeandin, in CR CPC, 2019, n. 7a ad art. 308-334 CPC; Reetz/Theiler, in Kommentar zur Schweizerischen Zivilprozessordnung [ZPO], 2016, n. 26 et 51 ad art. 308-318 CPC).

La conversion est en principe possible même si la partie concernée est représentée par un mandataire professionnel, pour autant que celui-ci n'ait pas consciemment choisi une voie de droit erronée alors qu'il ne devait pas ignorer qu'elle n'était pas ouverte (cf. arrêt du Tribunal fédéral 5A_221/2018 cité consid. 3.3).

La conversion ne doit pas porter atteinte aux droits de la partie adverse (cf. arrêt du Tribunal fédéral 5A_221/2018 cité consid. 3.3; ACJC/440/2019 du 19 mars 2019 consid. 1.2.2; ACJC/756/2017 du 23 juin 2017 consid. 1.2).

1.2 En l'espèce, nonobstant l'indication correcte de la voie du recours au pied du jugement entrepris, et bien qu'il soit représenté par un mandataire professionnellement qualifié, le recourant a intitulé son acte de recours "appel" et se désigne lui-même comme "appelant" dans le corps dudit acte.

Formé par écrit et dans le délai de dix jours applicable, l'acte du recourant respecte cependant les conditions de recevabilité du recours. Les explications de son conseil selon lesquelles l'emploi des termes susvisés procéderait d'une simple inadvertance, commise dans le choix du modèle informatique employé, paraissent plausibles. Une conversion de l'acte en recours n'apparaît par ailleurs pas susceptible de porter atteinte aux droits de l'intimée, dès lors que celle-ci a pu se déterminer sur l'acte en question (cf. art. 322 CPC), y compris sur le fond du recours, comme s'il était intitulé correctement. Le pouvoir d'examen de la Cour de céans étant plus restreint dans le cadre d'un recours que d'un appel (cf. art. 310 et 320 CPC), les griefs du recourant qui excéderaient ce pouvoir ne sauraient au surplus être examinés, ni causer par là un quelconque préjudice à l'intimée.

Dans ces conditions, afin d'éviter tout formalisme excessif, l'acte du recourant sera traité comme un recours et déclaré recevable en tant que tel.

2.             Dans le cadre d'un recours, le pouvoir d'examen de la Cour est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC).

Le recours étant instruit en procédure sommaire (art. 251 let. a CPC), la preuve des faits allégués doit être apportée par titres (art. 254 CPC). Les maximes des débats et de disposition s'appliquent (art. 55 al. 1, art. 255 a contrario et art. 58 al. 1 CPC).

Les conclusions, les allégations de faits et les preuves nouvelles sont irrecevables dans une procédure de recours (art. 326 al. 1 CPC).

3.             Le recourant dénonce notamment une violation de son droit d'être entendu. Ce moyen étant susceptible de sceller le sort du recours, il convient de l'examiner en premier lieu.

2.1 Le droit d'être entendu consacré à l'art. 29 al. 2 Cst. implique pour l'autorité l'obligation de motiver sa décision, afin que le destinataire puisse en saisir la portée, l'attaquer utilement s'il y a lieu et que l'autorité de recours puisse exercer son contrôle. Pour répondre à ces exigences, il suffit que le juge mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision; il n'est pas tenu de discuter tous les arguments soulevés par les parties, mais peut se limiter à ceux qui lui apparaissent pertinents (ATF 143 III 65 consid. 5.2; 142 II 154 consid. 4.2; 142 III 433 consid. 4.3.2 et les arrêts cités). Dès lors que l'on peut discerner les motifs qui ont guidé la décision de l'autorité, le droit à une décision motivée est respecté même si la motivation présentée est erronée. La motivation peut d'ailleurs être implicite et résulter des différents considérants de la décision (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_335/2019 du 4 septembre 2019 consid. 3.3 et les références citées).

La violation du droit d'être entendu entraîne en principe l'annulation de la décision attaquée (ATF 142 II 218 consid. 2.3 et 2.8.1). Une violation du droit d'être entendu qui n'est pas particulièrement grave peut être exceptionnellement réparée devant l'autorité de recours lorsque l'intéressé jouit de la possibilité de s'exprimer librement devant une telle autorité disposant du même pouvoir d'examen que l'autorité précédente sur les questions qui demeurent litigieuses (ATF 133 I 201 consid. 2.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_897/2015 du 1er février 2016 consid. 3.2) et qu'il n'en résulte aucun préjudice pour le justiciable (ATF 136 III 174 consid. 5.1.2).

2.2 En l'espèce, le recourant fait tout d'abord grief au premier juge de ne pas avoir examiné son argumentation selon laquelle, compte tenu du numerus clausus des formes de garanties locatives admissibles, son engagement en qualité de caution solidaire aux côtés de la locataire D______ SA était nul pour vice de forme, de sorte qu'il ne pourrait dès lors être poursuivi comme débiteur des sommes réclamées.

Ce faisant, le recourant feint d'ignorer que le Tribunal a considéré, au vu des pièces qui lui étaient soumises et compte tenu de l'examen restreint auquel il était tenu de se livrer, que le recourant n'était pas garant des obligations de la locataire susvisée, mais colocataire des locaux concernés, de sorte qu'il pouvait être considéré comme débiteur solidaire des loyers réclamés, et non comme simple caution. Par cette argumentation, le premier juge était donc fondé à se dispenser d'examiner si un éventuel engagement du recourant en qualité de garant était de surcroît valable, et ce sans violer le droit d'être entendu de celui-ci, puisque cette question était dans ce raisonnement dénuée d'objet. Le grief tombe dès lors à faux, étant précisé que le bien-fondé dudit raisonnement est une question distincte, qui sera examinée en tant que de besoin ci-dessous.

On ne voit pas ensuite en quoi le premier juge aurait enfreint le droit d'être entendu du recourant en considérant qu'il ne pouvait pas être reproché à l'intimée une inexécution de ses propres obligations (cf. art. 82 CO), notamment dans la mise à disposition des locaux nonobstant la fermeture des établissements publics, ni en relevant que ce moyen se confondait avec celui tiré de la survenance de circonstances imprévisibles (clausula rebus sic stantibus), de sorte qu'il devait être écarté pour les même motifs. A elle seule, cette dernière observation constituait notamment une motivation suffisante de la décision entreprise, permettant au recourant de comprendre le point de vue exprimé et de le critiquer au besoin. Pris conjointement, les motifs susvisés respectent donc le droit d'être entendu du recourant, au sens des principes rappelés ci-dessus, et ce indépendamment de leur bien-fondé, qui sera également examiné dans la mesure utile ci-dessous.

Au surplus, le fait que dans d'autres procédures concernant d'autres baux, le Tribunal ait pu admettre l'existence d'une intervention du recourant en qualité de caution solidaire, non valable à la forme et ne justifiant pas le prononcé de la mainlevée à son encontre (cf. notamment JTPI/9052/2023 et JTPI/9053/2023 du 15 août 2023), ne permet pas davantage de retenir l'existence d'une violation du droit d'être entendu du recourant dans le cas d'espèce, et ce quand bien même le Tribunal a pu retenir une solution différente in casu. On ignore en effet tout des autres procédures susvisées et des différences que celles-ci pouvaient présenter avec le présent litige, notamment au niveau du contenu des baux concernés, des conditions de leur conclusion, de leur objet et des cocontractants impliqués.

Par conséquent, le grief tiré d'une violation du droit d'être entendu du recourant doit être écarté.

4.             Le recourant reproche au Tribunal d'avoir considéré qu'il était co-titulaire du bail conclu avec l'intimée et que ledit bail valait dès lors reconnaissance de dette de sa part pour les loyers déduits en poursuite. Il soutient n'être intervenu qu'en qualité de caution solidaire, ajoutant que son engagement ne lui serait pas opposable, faute de correspondre à l'un des types de garantie locative admis par la loi.

4.1 Conformément à l'art. 82 al. 1 LP, le créancier dont la poursuite se fonde sur une reconnaissance de dette constatée par acte authentique ou sous seing privé peut requérir la mainlevée provisoire.

La procédure de mainlevée provisoire est une procédure sur pièces (Urkundenprozess), dont le but n'est pas de constater la réalité de la créance en poursuite, mais l'existence d'un titre exécutoire. Le juge de la mainlevée provisoire examine seulement la force probante du titre produit par le créancier, sa nature formelle – et non la validité de la créance – et lui attribue force exécutoire si le débiteur ne rend pas immédiatement vraisemblables ses moyens libératoires (ATF 145 III 160 consid. 5.1 et la référence; arrêt du Tribunal fédéral 5A_272/2022 du 4 août 2022 consid. 6.1.2 et les références).

4.1.1 Constitue une reconnaissance de dette au sens de l'art. 82 al. 1 LP, en particulier, l'acte sous seing privé, signé par le poursuivi ou son représentant, d'où ressort sa volonté de payer au poursuivant, sans réserve ni condition, une somme d'argent déterminée, ou aisément déterminable, et exigible (ATF 145 III 20 consid. 4.1.1; 139 III 297 consid. 2.3.1 et les références; arrêt du Tribunal fédéral 5A_595/2021 du 14 janvier 2022 consid. 6.2.1). Elle peut résulter du rapprochement de plusieurs pièces, dans la mesure où les éléments nécessaires en résultent (ATF 139 III 297 consid. 2.3.1; 136 III 627 consid. 2 et la référence; arrêt du Tribunal fédéral 5A_595/2021 du 14 janvier 2022 consid. 6.2.1).

Un contrat écrit justifie en principe la mainlevée provisoire de l'opposition pour la somme d'argent incombant au poursuivi lorsque les conditions d'exigibilité de la dette sont établies et, en particulier dans les contrats bilatéraux, lorsque le poursuivant prouve avoir exécuté les prestations dont dépend l'exigibilité. Un contrat bilatéral ne vaut ainsi reconnaissance de dette que si le poursuivant a rempli ou garanti les obligations légales ou contractuelles exigibles avant le paiement dont il requiert le recouvrement, ou au moment de ce paiement, c'est-à-dire s'il a exécuté ou offert d'exécuter sa propre prestation en rapport d'échange (ATF 145 III 20 précité consid. 4.1.1 et les références; arrêt du Tribunal fédéral 5A_39/2023 du 24 février 2023 consid. 5.2.3).

Le contrat de bail signé constitue, en principe, une reconnaissance de dette et justifie la mainlevée provisoire de l'opposition pour le montant du loyer échu. En signant le contrat de bail, le locataire reconnaît son obligation de payer le loyer non seulement pour la durée d'occupation de l'objet loué, mais pour toute la durée contractuelle (ATF 134 III 267 consid. 3; arrêts du Tribunal fédéral 4A_645/2023 du 25 janvier 2024 consid. 3.1; 5D_964/2021 du 9 mars 2022 consid. 3.1.1; 5D_249/2020 du 1er juillet 2021 consid. 2.1; 5A_833/2017 du 8 mars 2018 consid. 2.2; Abbet/Veuillet, La mainlevée de l'opposition, 2e éd., 2022, n. 163 ad art. 82 LP; Staehelin, in: Basler Kommentar, Bundesgesetz über Schuldbetreibung und Konkurs, 3e éd., 2021, n. 116 ad art. 82 LP).

4.1.2 Pour que la mainlevée provisoire soit prononcée (art. 82 LP), il faut que le poursuivant soit au bénéfice d'une reconnaissance de dette qui, outre les caractéristiques relatives à l'obligation de payer du débiteur, réunisse les trois identités, soit l'identité entre le poursuivant et le créancier désigné dans ce titre, l'identité entre le poursuivi et le débiteur désigné, et l'identité entre la prétention déduite en poursuite et le titre qui lui est présenté (ATF 139 III 444 consid. 4.1.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_58/2015 du 28 avril 2015 consid. 3, non publié aux ATF 141 III 185).

Le juge ne peut prendre en compte que les éléments intrinsèques au titre, à l'exclusion des éléments extrinsèques qui échappent à son pouvoir d'examen (ATF 145 III 20 consid. 4.3.3; arrêts du Tribunal fédéral 5A_595/2021 du 14 janvier 2022 consid. 6.2.1; 5A_1015/2020 du 30 août 2021 loc. cit. et les références). Lors de la détermination de la volonté des parties, il doit tenir compte non seulement de la lettre pure, mais aussi du but du contrat, tout en étant précisé qu'il ne lui appartient pas de déterminer la volonté des parties ou d'interpréter le titre de manière exhaustive (arrêt du Tribunal fédéral 5A_99/2017 du 17 août 2017 consid. 3).

Accepter de signer un bail pour permettre à son protégé de se voir attribuer un logement ou un local commercial, puis soutenir que cet engagement est un cautionnement déguisé nul heurte la conception de la bonne foi. On ne doit pas non plus admettre à la légère qu'une personne qui signe un bail aux côtés de l'occupant des lieux est en réalité sa caution et que pour des motifs de forme son engagement est nul (Lachat, Le bail commun (cobailleurs et colocataires) et Lachat/Stastny, Les garanties fournies par le locataire, in Le bail à loyer, 2019, pp. 95 et 430).

4.2 En l'espèce, le contrat de bail invoqué comme titre de mainlevée désigne précisément le recourant en qualité de locataire, "agissant conjointement et solidairement" avec une entité tierce également désignée comme locataire. Le recourant a signé chaque page dudit contrat, jusqu'à la dernière, qui rappelle expressément la qualité des précités.

On ne voit pas pour quelle raison il conviendrait de s'écarter de cette qualification et d'admettre que le recourant ne serait pas solidairement responsable du paiement des loyers convenus. En particulier, l'existence dans le contrat de bail d'une disposition intitulée "caution solidaire", prévoyant que le recourant pourrait se retirer du contrat à certaines conditions, et dont celui-ci se prévaut devant la Cour pour contester sa qualité de locataire au profit de celle de garant, n'est pas suffisante, étant rappelé qu'il n'appartient pas au juge de la mainlevée d'interpréter les clauses d'un contrat. En effet, le recourant ne démontre pas qu'il serait intervenu au bail litigieux autrement qu'en qualité de locataire. Ses allégations selon lesquelles la bailleresse ne pouvait pas ignorer qu'il n'entendait pas occuper personnellement les locaux loués, mais qu'il entendait les mettre à la seule disposition de l'autre locataire, ne sont étayées par aucun titre versé à la procédure. Comme l'a relevé le Tribunal, il convient d'observer que la bailleresse intimée était représentée aux fins du bail litigieux par une société de gérance administrée par le recourant lui-même, de sorte que celui-ci pouvait contrôler les informations transmises à la bailleresse en relation avec le bail. Lui-même ne pouvait ignorer qu'il intervenait audit bail en qualité de locataire et il aurait manifestement été en mesure de faire corriger les termes du contrat si telle n'avait pas été son intention. Comme le relève l'intimée, si le recourant a accepté de s'engager en qualité de cocontractant solidaire, avec l'intention de se soustraire le cas échéant à son engagement au motif que celui-ci constituait un cautionnement déguisé, un tel comportement serait contraire à la bonne foi et ne mériterait pas d'être protégé, conformément aux principes rappelés ci-dessus.

4.3 Il convient donc de retenir à ce stade que le recourant est partie au contrat litigieux en qualité de locataire et que ledit contrat constitue une reconnaissance de dette de sa part, au sens des principes susvisés. C'est donc à bon droit que le premier juge a considéré que ledit contrat pouvait valoir titre de mainlevée pour les sommes déduites en poursuite. Le grief soulevé sur ce point doit être rejeté.

5.             Dans un autre grief, le recourant reproche au Tribunal de ne pas avoir admis que le contrat de bail n'était plus contraignant pour les parties en raison de circonstances imprévisibles (clausula rebus sic stantibus) et qu'il ne pouvait dès lors plus être invoqué comme titre de mainlevée.

5.1 Constitue une exception au principe de la fidélité contractuelle l'application de la théorie de la clausula rebus sic stantibus. Celle-ci permet d'adapter un contrat synallagmatique de durée lorsque, en vertu d'une modification des circonstances qui n'était ni prévisible ni évitable, l'équilibre entre prestation et contre-prestation est à ce point rompu que le créancier abuse manifestement de son droit, en exigeant la prestation promise par son cocontractant (ATF 127 III 300 in SJ 2002 I 1; 122 III 97 consid. 3a in JdT 1997 I 294).

Savoir s'il y a un tel abus dépend de l'analyse des circonstances du cas concret, au regard des catégories typiques d'abus de droit développées par la jurisprudence et la doctrine (ATF 129 III 493 consid. 5.1; 125 III 257 consid. 2a; 121 III 60 consid. 3d), telles que l'absence d'intérêt à l'exercice d'un droit (ATF 123 III 200 consid. 2b), l'utilisation contraire à son but d'une institution juridique (ATF 128 II 145 consid. 2.2; 122 III 321 consid. 4a), la disproportion grossière des intérêts en présence (ATF 132 III 115 consid. 2.4) ou encore l'attitude contradictoire (venire contra factum proprium; ATF 125 III 257 consid. 2a; 121 III 350 consid. 5b; 115 II 331 consid. 5a).

L'abus de droit ne doit cependant être admis qu'avec une grande retenue et, dans le doute, le droit formel doit être protégé; plus le droit formel revêt un caractère absolu, plus l'abus de droit doit être admis restrictivement (arrêts du Tribunal fédéral 5A_11/2015 du 13 mai 2015 consid. 4.3.2.1; 5A_655/2010 du 5 mai 2011 consid. 2.2.1).

5.2 En l'espèce, le recourant soutient qu'en raison de la pandémie de Covid-19, qui constituait une circonstance extraordinaire et imprévisible, les locaux loués n'auraient pas pu être exploités conformément à leur destination, de sorte que l'intimée abuserait de son droit en réclamant aux locataires la totalité des loyers convenus. Ceux-ci pourraient au contraire prétendre à une importante réduction de loyer, qui justifierait que la mainlevée ne soit pas prononcée à ce stade.

Comme le Tribunal, la Cour constate que le bail litigieux a été conclu au mois d'avril 2021, alors que la pandémie de Covid-19 avait conduit les autorités à prendre des mesures de restriction dès le mois de mars 2020. Cette circonstance était dès lors connue depuis plus d'une année lors de la conclusion du bail litigieux et le fait qu'elle puisse se prolonger pour une durée encore indéterminée ne constituait pas une circonstance imprévisible à ce moment-là. Les allégations du recourant selon lesquelles les campagnes de vaccination alors en cours devaient selon toute probabilité entraîner une levée des restrictions à court terme sont de nature spéculative et celui-ci ne pouvait pas raisonnablement compter sur le fait que cette hypothèse se vérifierait nécessairement après l'entrée en vigueur du bail, ce qui n'a d'ailleurs pas été – ou pas complètement – le cas.

Par conséquent, il n'y a pas lieu d'admettre que la pandémie de Covid-19 constituerait en l'espèce une circonstance extraordinaire et imprévisible, justifiant de considérer que le bail ne déploierait pas tous ses effets, ni que l'intimée abuserait de son droit en poursuivant le recouvrement des loyers convenus. Le recourant ne démontre par ailleurs pas, ni ne soutient, que les locataires se seraient en l'espèce adressés à l'intimée pour demander une adaptation des conditions du bail pour les motifs susvisés, ni même qu'ils auraient obtenu ou sollicité des autorités une quelconque aide pour poursuivre leurs activités. A teneur de la procédure, les locataires se sont seulement prévalus de tels motifs lorsqu'ils ont déclaré résilier le bail de manière anticipée pour le 31 mars 2023, qui constitue la fin de la période pour laquelle des loyers leur sont présentement réclamés.

Le grief sera donc rejeté.

6.             Le recourant reproche également au Tribunal de ne pas avoir considéré que le contrat de bail litigieux ne valait pas titre de mainlevée, au motif que l'intimée n'avait pas complètement exécuté les obligations qui lui incombaient selon ledit contrat.

6.1 Selon l'art. 82 CO, celui qui poursuit l'exécution d'un contrat bilatéral – ou synallagmatique – doit avoir exécuté ou offrir d'exécuter sa propre obligation, à moins qu'il ne soit au bénéfice d'un terme d'après les clauses ou la nature du contrat.

Conformément à cette disposition, un contrat écrit justifie en principe la mainlevée provisoire de l'opposition pour la somme d'argent incombant au poursuivi lorsque les conditions d'exigibilité de la dette sont établies (arrêt du Tribunal fédéral 5A_465/2014 du 20 août 2014 consid. 7.2.1.2) et, en particulier dans les contrats bilatéraux, lorsque le poursuivant prouve avoir exécuté les prestations dont dépend l'exigibilité (arrêt du Tribunal fédéral 5A_367/2007 du 15 octobre 2007 consid. 3.1 et les références). Un contrat bilatéral ne vaut ainsi reconnaissance de dette que si le poursuivant a rempli ou garanti les obligations légales ou contractuelles exigibles avant le paiement dont il requiert le recouvrement, ou au moment de ce paiement, c'est-à-dire s'il a exécuté ou offert d'exécuter sa propre prestation en rapport d'échange (cf. ATF 116 III 72; arrêt du Tribunal fédéral 5A_326/2011 du 6 septembre 2011 consid. 3.3).

Ainsi, la mainlevée provisoire peut être accordée sur la base d'un contrat bilatéral dans les quatre hypothèses suivantes : le poursuivi ne prétend pas que la contre-prestation n'a pas été exécutée ou n'a pas été exécutée correctement ; le poursuivi prétend que la contre-prestation n'a pas été exécutée ou n'a pas été exécutée correctement, mais cette allégation est manifestement sans consistance; le poursuivi prétend que la contre-prestation n'a pas été exécutée ou n'a pas été exécutée correctement, mais le créancier peut prouver qu'il a accompli ce qui lui incombait; le poursuivi doit s'exécuter le premier en vertu du contrat (Abbet/Veuillet, in La mainlevée de l'opposition, 2ème éd., 2022, n. 145 ad art. 82 CC).

6.2 En l'espèce, le recourant ne conteste pas que la bailleresse intimée ait effectivement mis à disposition des locataires les locaux faisant l'objet du contrat de bail du 1er avril 2021, et ce dès la conclusion dudit contrat. Dans une argumentation qui se confond largement avec celle relative à la survenance de circonstances imprévisibles, il soutient que la prestation de la bailleresse n'aurait pas été fournie aux locataires de la manière à laquelle il pouvait s'attendre de bonne foi, en raison de la pandémie de Covid-19 et des mesures de restriction qui s'en sont suivies. La question de savoir si des fermetures de commerces ordonnées par les autorités dans ce contexte constituent des défauts de la chose louée justifiant une réduction, voire une suppression du loyer pour les périodes concernées, n'a cependant pas été tranchée par le Tribunal fédéral à ce jour et les avis des auteurs de doctrine comme ceux des juridictions cantonales sont partagées à ce propos (cf. Abbet/Veuillet, op. cit., n. 164b ad art. 82 CC et les réf. citées).

En l'occurrence, il a été constaté ci-dessus que les mesures de restriction liées à la pandémie de Covid-19 étaient en vigueur depuis plusieurs mois, et nécessairement connues des locataires, lors de la conclusion du bail. Ceux-ci devaient dès lors s'attendre à rencontrer d'éventuelles difficultés dans l'exploitation des locaux loués en raison de ces mesures et il est pour le moins douteux que la prestation de la bailleresse leur ait été fournie dans des circonstances auxquelles ils ne pouvaient pas s'attendre de bonne foi. Le grief tiré d'une inexécution partielle de ladite prestation doit être rejeté pour ce motif déjà.

Le recourant ne spécifie par ailleurs ni la durée, ni les périodes des mesures étatiques qui auraient entravé l'exploitation des locaux, pas plus qu'il ne chiffre l'étendue des pertes ou du manque à gagner qu'auraient subis les locataires en raison desdites mesures. Or, il n'est pas possible d'affirmer, ni de retenir, que l'exploitation de locaux commerciaux aurait été perturbée, au point que cela puisse constituer une inexécution par la bailleresse de ses obligations, sans connaître de manière précise la mesure temporelle et financière dans laquelle les locataires ont été privés de cet usage. A défaut, il convient de constater que les allégations du recourant concernant l'inexécution par l'intimée de ses obligations sont dénuées de consistance et qu'elles ne peuvent donc dès lors faire obstacle au prononcé de la mainlevée sur la base du contrat synallagmatique produit, conformément aux principes rappelés ci-dessus.

Le grief tiré d'une prétendue inexécution du contrat par l'intimée sera dès lors également écarté.

7.             Le recourant reproche également au premier juge de ne pas avoir retenu que la mainlevée ne pouvait être accordée pour l'entier des loyers déduits en poursuite, dès lors que les locataires avaient résilié le bail et restitué les locaux de manière anticipée.

7.1 A teneur de l'art. 264 al. 1 CO, le locataire qui restitue la chose louée de manière anticipée au bailleur n'est libéré de ses obligations contractuelles que s'il présente un locataire de remplacement qui soit solvable et que le bailleur ne puisse raisonnablement refuser.

Le candidat proposé doit être disposé à reprendre le bail aux mêmes conditions, dès lors que le bailleur doit se retrouver dans une situation similaire à celle qui aurait été la sienne si le contrat s'était poursuivi avec le locataire d'origine (ATF 117 II 156, consid. 3b; arrêts du Tribunal fédéral 4A_332/2016 du 20 septembre 2016 consid. 3.2.2 et 3.2.3; 4A_504/2009 du 6 janvier 2010 consid. 2.4).

Le bail résilié ne vaut plus titre de mainlevée pour les créances postérieures à l'expiration du contrat. En cas de restitution anticipée de la chose louée par le locataire sans présentation d'un nouveau locataire qui satisfasse aux exigences posées par l'art. 264 al. 1 CO, le contrat de bail reste un titre de mainlevée provisoire (Abbet/Veuillet, op. cit., n. 163 ad art. 82 LP).

7.1 En l'espèce, les allégations du recourant selon lesquelles les locataires auraient fait part à la bailleresse, avant la résiliation du 21 septembre 2022, de leur intention de restituer les locaux de manière anticipée et lui auraient proposé une candidate solvable disposée à reprendre ceux-ci aux mêmes conditions dès le 1er juin 2022, ne sont pas démontrées par pièces et n'ont pas été retenues comme faits établis par le Tribunal, sans que le recourant n'invoque là encore une constatation manifestement inexacte des faits. Il est seulement établi que la bailleresse a contesté la validité de la résiliation susvisée devant l'autorité compétente et que la cause est à ce jour pendante.

Dans ces conditions, le recourant ne rend pas vraisemblable par titre l'existence d'une résiliation anticipée valable du bail litigieux, de sorte que celui-ci demeure un titre de mainlevée provisoire pour l'entier de la période déduite en poursuite, comme l'a retenu à bon droit le Tribunal.

Ce moyen ne saurait faire obstacle au prononcé de la mainlevée et sera donc écarté.

8.             Le recourant reproche également au Tribunal de ne pas avoir retenu que le loyer du mois de juillet 2022 avait été payé par les locataires et que le contrat de bail ne pouvait donc pas valoir titre de mainlevée pour le loyer en question.

8.1 Le débiteur qui a plusieurs dettes à payer au même créancier a le droit de déclarer, lors du paiement, laquelle il entend acquitter (art. 86 al. 1 CO). Faute de déclaration de la part du débiteur, le paiement est imputé sur la dette que le créancier désigne dans la quittance, si le débiteur ne s'y oppose pas immédiatement (art. 86 al. 2 CO).

Lorsqu'il n'existe pas de déclaration valable du débiteur quant à la dette qu'il entend acquitter, ou que la quittance ne porte aucune imputation, le paiement s'impute sur la dette exigible; si plusieurs dettes sont exigibles, sur celle qui a donné lieu aux premières poursuites contre le débiteur; s'il n'y a pas eu de poursuites, sur la dette échue la première (art. 87 al. 1 CO).

Le débiteur n'a pas à tenir compte des intérêts du créancier: à la différence de ce que prévoit l'art. 85 al. 2 CO, il peut choisir d'acquitter d'abord la dette qui offre le plus de garanties pour le créancier, la limite étant la bonne foi (art. 2 CC). Le paiement doit cependant être suffisant pour couvrir l'intégralité d'une dette car, à défaut, il s'agit d'un paiement partiel, que le créancier est en droit de refuser (cf. art. 69 CO; Loertscher/Tolou, in Commentaire romand, Code des obligations I, 2021, n. 5 ad art. 86 CO).

8.2 En l'espèce, le 18 juillet 2022, la colocataire du recourant a versé à la gérante de l'intimée un montant de 57'644 fr. 35, en indiquant "Pmt loyer juillet 2022 (D______ SA)".

Ce montant était toutefois inférieur de 20 fr. à celui du loyer dû pour le mois de juillet concerné, qui s'élevait à 57'664 fr. 35. Dans ces conditions, l'intimée était fondée à refuser d'affecter le montant reçu au loyer du mois de juillet 2022, dont il ne représentait pas la totalité, conformément aux dispositions et principes rappelés ci-dessus. Compte tenu de l'arriéré en cours, l'intimée pouvait en revanche accepter un paiement partiel d'une autre dette des locataires; dès lors qu'elle n'a pas donné de quittance particulière du montant en question, ni n'avait alors entamé de poursuite, le montant versé doit être imputé sur la dette échue en premier, soit en l'occurrence sur le loyer du mois d'octobre 2021, conformément à l'art 87 al. 1 CO. L'intimée ayant effectivement procédé à cette imputation, et n'ayant ensuite requis la poursuite du recourant que pour les loyers échus dès le mois de novembre 2021, il n'y a ainsi pas lieu de considérer qu'une partie de la dette déduite en poursuite aurait été payée, contrairement à ce que soutient le recourant.

Pas plus que les précédents, ce motif ne saurait donc faire obstacle au prononcé de la mainlevée litigieuse. Le recourant ne soulevant pas d'autre grief concernant les loyers réclamés, le recours sera rejeté en tant qu'il concerne la poursuite correspondante (poursuite n° 1______).

9.             Le recourant reproche enfin au Tribunal d'avoir prononcé la mainlevée dans la poursuite relative au paiement de la garantie de loyer requise par l'intimée (poursuite n. 2______). Il soutient que par son inaction, l'intimée aurait renoncé à exiger des locataires la fourniture d'une telle garantie.

9.1.1 L'art. 257e CO prévoit que certaines garanties peuvent être remises par le locataire au bailleur pour garantir le paiement des créances découlant du contrat de bail. Le locataire n'est tenu de fournir des sûretés que si la convention le prévoit et en fixe le montant (Lachat/Bohnet, in Commentaire romand, Code des obligations I, n. 4 ad art. 257e CO).

9.1.2 Selon l'art. 115 CO, il n'est besoin d'aucune forme spéciale pour annuler ou réduire conventionnellement une créance, lors même que, d'après la loi ou la volonté des parties, l'obligation n'a pu prendre naissance que sous certaines conditions de forme.

La remise conventionnelle de dette prévue par l'art. 115 CO constitue un contrat bilatéral, qui n'exige le respect d'aucune forme, par lequel le créancier et le débiteur conviennent d'éteindre une créance ou un rapport juridique (ATF 131 III 586 consid. 4.2.3.4; arrêt du Tribunal fédéral 4C.437/2006 du 13 mars 2007 consid. 2.3.2, non publié in ATF 133 III 356). Elle peut résulter d'une offre et de son acceptation par des actes concluants ou par le silence, considérés selon le principe de la confiance (art. 1 al. 2 et art. 6 CO; ATF 110 II 344 consid. 2b). Le juge ne doit toutefois admettre qu'avec la plus grande circonspection l'existence d'une volonté de remettre par actes concluants de la part du créancier (ATF 109 II 327 consid. 2b; arrêt du Tribunal fédéral 4A_125/2009 du 2 juin 2009 consid. 3.3).

9.2 En l'espèce, le contrat de bail du 1er avril 2021 prévoyait expressément l'obligation pour les locataires de fournir à la bailleresse une garantie de loyer d'un montant de 289'232 fr. 50. Le contrat précisait que cette garantie devait être fournie à la signature du contrat.

Le seul fait que la bailleresse n'ait pas mis les locataires en demeure de s'en acquitter durant le bail, alors que ceux-ci ont manqué à leur obligation d'en régler spontanément le montant à l'échéance prévue, ne permet cependant pas de retenir que l'intimée aurait tacitement accepté de renoncer à la garantie susvisée. Comme l'a relevé le Tribunal, il convient notamment d'observer que la société de gérance chargée de veiller au respect du bail pour l'intimée était une société administrée par le recourant. Or, dès le mois d'août 2022, soit dès la résiliation du mandat de ladite société, l'intimée a requis la poursuite du recourant en relation avec la garantie de loyer, soit avant même de requérir sa poursuite pour les loyers impayés. Ceci tend à démontrer que l'intimée n'entendait pas renoncer aux sûretés convenues et le recourant ne peut se prévaloir d'aucun élément concret indiquant une volonté contraire de celle-ci. Une telle volonté paraît d'autant moins plausible que les locataires ont cessé de s'acquitter du loyer après six mois de bail seulement, sur une durée prévue supérieure à neuf ans. Conformément aux principes rappelés sous consid. 4.1.2 ci-dessus, il n'appartient d'ailleurs pas au juge de la mainlevée d'interpréter plus avant la volonté des parties au moyen d'éléments extrinsèques et celui-ci peut se limiter à l'examen des titres produits. S'agissant de la garantie litigieuse, lesdits titres se résument en l'espèce au contrat de bail prévoyant précisément le paiement de ladite garantie, de sorte que le premier juge a retenu à bon droit que la mainlevée provisoire devait être prononcée sur la base de ce contrat.

On ne voit par ailleurs pas en quoi la bailleresse intimée abuserait de son droit en poursuivant le recouvrement de la garantie de loyer convenue, tout en poursuivant simultanément celui des loyers échus pour la période du 1er novembre 2021 au 31 mars 2023. La résiliation anticipée du bail pour cette dernière date est en effet contestée et il n'est pas exclu que des loyers puissent être dus pour une période de bail subséquente. L'intimée dispose dans ce cas de figure d'un intérêt légitime à obtenir des sûretés en garantie de tels loyers.

Par conséquent, les griefs du recourant relatifs à la mainlevée prononcée dans la poursuite n° 2______ tombent également à faux; le recours sera intégralement rejeté.

10.         10.1 Les frais judiciaires du recours seront arrêtés à 2'250 fr. (art. 48 et 61 OELP) et mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 106 al. 1 CPC). Ils seront compensés avec l'avance de frais de même montant, qui demeure acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

Au regard de la complexité de la cause, des griefs invoqués par le recourant, ainsi que de l'ampleur de l'activité nécessaire de l'intimée, le recourant sera condamné à verser à l'intimée la somme de 3'000 fr. à titre de dépens de recours (art. 23 LaCC; art. 84, 85, 88 et 90 RTFMC) débours et TVA compris (art. 25 et 26 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 22 avril 2024 par A______ contre le jugement JTPI/4463/2024 rendu le 8 avril 2024 par le Tribunal de première instance dans la cause C/11576/2023–10 SML.

Au fond :

Rejette le recours.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires du recours à 2'250 fr., les met à la charge de A______ et les compense avec l'avance de frais de même montant fournie par celui-ci, qui demeure acquise à l'Etat de Genève.

Condamne A______ à payer à B______ SA la somme de 3'000 fr. à titre de dépens de recours.

Siégeant :

Madame Pauline ERARD, présidente; Madame Sylvie DROIN, Madame Nathalie RAPP, juges; Madame Laura SESSA, greffière.

 

La présidente :

Pauline ERARD

 

La greffière :

Laura SESSA

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.