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C/25458/2023

ACJC/986/2024 du 29.07.2024 sur JTPI/4160/2024 ( SML ) , CONFIRME

Normes : LP.82
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/25458/2023 ACJC/986/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU LUNDI 29 JUILLET 2024

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______ [GE], recourant contre un jugement rendu par la 24ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 26 mars 2024,

et

B______ SA, sise ______ [GE], intimée, représenté par Me Patrick SPINEDI, avocat, Spinedi Avocats Sàrl, Rue Saint-Léger 2, case postale 107, 1211 Genève 4.

 


EN FAIT

A. a. Le 26 octobre 2023, sur requête de B______ SA, l'Office des poursuites a notifié à A______ un commandement de payer, poursuite n° 1______, portant sur la somme de 220'416 fr. 05 avec intérêts à 5% dès le 1er juillet 2023, réclamée à titre de "plan de paiement du 28 janvier 2022".

A______ y a formé opposition.

b. Par requête déposée devant le Tribunal de première instance le 16 novembre 2023, B______ SA a requis le prononcé de la mainlevée provisoire de cette opposition, avec suite de frais.

Elle a allégué qu'elle avait fourni, contre rémunération, du personnel de travail temporaire à C______ SA, dont A______ était l'administrateur unique. Au 1er janvier 2022, C______ SA était débitrice de 355'416 fr. 05 envers elle. Un accord avait été conclu le 28 janvier 2022 selon lequel A______ s'était engagé à titre personnel à lui rembourser la somme précitée. Divers paiements avaient été effectués entre le 28 janvier 2022 et le 9 juin 2023. Plus aucun versement n'avait toutefois été effectué depuis cette date et le solde de la dette était de 220'416 fr. 05. Le 12 octobre 2023, elle avait mis en demeure A______ de s'acquitter de ce montant, mais l'intéressé n'y avait donné aucune suite.

Elle a notamment produit à l'appui de sa requête un "plan de paiement du 28 janvier du 2022" par lequel "A______, administrateur de la société C______ SA" reconnaît devoir à B______ SA la somme de 355'416 fr. 05 sur la base de factures de locations de main d'œuvre fournie par B______ SA. Il est précisé que A______ s'engage à rembourser un montant de 10'000 fr. toute les deux semaines à compter de la semaine 5 de l'année 2022 et que ce plan de paiement vaut reconnaissance de dette au sens de l'art.82 LP. Ce document est signé par A______, sans mention de la société C______ SA à côté de son nom.

c. Lors de l'audience devant le Tribunal du 18 mars 2024, A______ s'est opposé à la requête. Il a soutenu que la reconnaissance de dette avait été signée en sa qualité d'administrateur de la société. Tous les paiements avaient été effectués par cette dernière. Il s'agissait d'un plan de paiement pour la société. Il n'avait pas reconnu la dette à titre personnel.

B______ SA a soutenu que la reconnaissance de dette avait été établie par A______ à titre personnel. Il s'agissait d'une reprise de dette, signée en son nom.

B. Par jugement JTPI/4160/2024 du 26 mars 2024, le Tribunal de première instance a prononcé la mainlevée provisoire de l'opposition formée au commandement de payer, poursuite n° 1______ (ch. 1 du dispositif), arrêté les frais judiciaires à 750 fr., compensés avec l'avance effectuée par B______ SA (ch. 2), mis ceux-ci à la charge de A______ et condamné celui-ci à les verser à B______ SA qui en avait fait l'avance (ch. 3) ainsi que 3'600 fr. TTC à titre de dépens (ch. 4).

Le Tribunal a considéré que les pièces produites valaient reconnaissance de dette. A______ alléguait avoir signé le plan de paiement en sa qualité d'administrateur de la société, au nom de ladite société, et non en son nom propre. La teneur du plan de paiement était cependant claire. A______ reconnaissant devoir la somme de 355'416 fr. 05 à B______ SA. Bien que sa qualité d'administrateur de la société C______ SA soit spécifiée, il n'en demeurait pas moins qu'au second paragraphe du document, seul A______ s'engageait à rembourser le montant de 10'000  fr. toutes les deux semaines à B______ SA.

C. a. Par acte déposé à la Cour de justice le 22 avril 2024, A______ a formé recours contre ce jugement. Il a conclu à son annulation et au rejet de la requête de mainlevée, avec suite de frais.

Il a produit des pièces nouvelles.

b. Dans sa réponse du 7 mai 2024, B______ SA a conclu, principalement, au rejet du recours et à la confirmation du jugement attaqué, avec suite de frais.

c. Le 3 juin 2024, les parties ont été informées par la Cour de ce que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. 1.1 En matière de mainlevée d'opposition, seule la voie du recours est ouverte
(art. 309 let. b ch. 3 CPC).

Aux termes de l'art. 321 al. 1 et 2 CPC, le recours, écrit et motivé, doit être introduit auprès de l'instance de recours dans les dix jours à compter de la notification de la décision motivée, pour les décisions prises en procédure sommaire (art. 251 let. a CPC).

1.2 Interjeté dans le délai et selon la forme prévus par la loi, le recours est recevable.

1.3 Dans le cadre d'un recours, le pouvoir d'examen de la Cour est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits
(art. 320 CPC). L'autorité de recours a un plein pouvoir d'examen en droit, mais un pouvoir limité à l'arbitraire en fait, n'examinant par ailleurs que les griefs formulés et motivés par le recourant (Hohl, Procédure civile, Tome II, 2ème éd., 2010, n° 2307).

Le recours étant instruit en procédure sommaire (art. 251 let. a CPC), la preuve des faits allégués doit être apportée par titres (art. 254 CPC). Les maximes des débats et de disposition s'appliquent (art. 55 al. 1, 255 let. a a contrario et
art. 58 al. 1 CPC).

1.4 Les faits nouveaux allégués et les pièces nouvelles produites par les parties sont irrecevables en application de l'art. 326 al. 1 CPC, sous réserve des faits qui doivent être qualifiés de notoires, tels les extraits du registre du commerce, lesquels ne sont toutefois pas pertinents pour l'issue du litige.

2. Le recourant conteste être personnellement débiteur de la somme qui lui est réclamée.

2.1
2.1.1 Aux termes de l'art. 82 LP, le créancier dont la poursuite se fonde sur une reconnaissance de dette constatée par acte authentique ou sous seing privé peut requérir la mainlevée provisoire (al. 1). Le juge la prononce si le débiteur ne rend pas immédiatement vraisemblable sa libération (al. 2).

Constitue une reconnaissance de dette au sens de cette disposition, en particulier, l'acte sous seing-privé, signé par le poursuivi ou son représentant, d'où ressort sa volonté de payer au poursuivant, sans réserve ni condition, une somme d'argent déterminée, ou aisément déterminable et exigible (ATF 148 III 145 consid. 4.1.1; 145 III 20 consid. 4.1.1.1; 139 III 297 consid. 2.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_688/2022 du 23 novembre 2022 consid. 4.1.1). Il peut s'agir soit d'une reconnaissance de dette formelle (art. 17 CO), soit d'un ensemble de pièces dans la mesure où il en ressort les éléments nécessaires (ATF 139 III 297 précité).

En droit suisse, du point de vue matériel, la reconnaissance de dette renferme une promesse de payer et donne ainsi naissance à une dette de contenu identique à celui de la dette reconnue, de sorte que le créancier peut désormais se fonder sur cette seule reconnaissance pour réclamer le paiement. Toutefois, l'art. 17 CO n'a pas d'incidence sur l'existence matérielle de l'obligation du débiteur
(ATF 131 III 268 consid. 3.2). Partant, la cause sous-jacente doit exister et être valable, conformément à la conception causale de l'obligation en droit suisse (ATF 119 II 452 consid. 1d; 105 II 183 consid. 4a et les références; arrêts du Tribunal fédéral 4A_206/2022 du 26 juillet 2022 consid. 3.3; 5A_989/2021 du 3 août 2022 consid. 4.2.1; 5A_438/2019 du 11 juin 2020 consid. 3.1.2; 4A_482/2019 du 10 novembre 2020 consid. 3; 5A_70/2018 du 23 octobre 2018 consid. 3.3.1.3).

2.1.2 Le juge de la mainlevée provisoire ne peut procéder qu'à l'interprétation objective du titre fondée sur le principe de la confiance (arrêts du Tribunal fédéral 5A_595/2021 du 14 janvier 2022 consid. 6.2.1; 5A_1015/2020 du 30 août 2021 consid. 3.2.3 et les références), du point de vue du destinataire sur la seule base du titre. La question de savoir si le document présenté peut servir de titre de mainlevée s'examine d'office (art. 57 CPC; arrêt du Tribunal fédéral 5A_160/2021 du 11 mars 2022 consid. 3.1.2). En elle-même, cette question ne nécessite aucune administration de preuve (arrêt du Tribunal fédéral 5A_873/2021 du 4 mars 2022 consid. 5.3.3). Le juge ne peut prendre en compte que les éléments intrinsèques au titre, à l'exclusion des éléments extrinsèques qui échappent à son pouvoir d'examen (ATF 145 III 20 consid. 4.3.3; arrêts du Tribunal fédéral 5A_595/2021 du 14 janvier 2022 loc. cit.; 5A_1015/2020 du 30 août 2021 loc. cit. et les références). Lors de la détermination de la volonté des parties, il doit tenir compte non seulement de la lettre pure, mais aussi du but du contrat, tout en étant précisé qu'il ne lui appartient pas de déterminer la volonté des parties ou d'interpréter le titre de manière exhaustive (arrêt du Tribunal fédéral 5A_99/2017 du 17 août 2017 consid. 3). Si le sens ou l'interprétation du titre de mainlevée invoqué est source de doute ou si la reconnaissance de dette ne ressort que d'actes concluants, la mainlevée provisoire doit être refusée. La volonté de payer du poursuivi doit ressortir clairement des pièces produites, à défaut de quoi elle ne peut être déterminée que par le juge du fond (arrêt du Tribunal fédéral 5A_873/2021 du
4 mars 2022 consid. 5.3.3).

2.1.3 La procédure de mainlevée provisoire est une procédure sur pièces (Urkundenprozess), dont le but n'est pas de constater la réalité de la créance en poursuite, mais l'existence d'un titre exécutoire. Le juge de la mainlevée provisoire examine seulement la force probante du titre produit par le créancier, sa nature formelle – et non la validité de la créance – et lui attribue force exécutoire si le débiteur ne rend pas immédiatement vraisemblables ses moyens libératoires (ATF 145 III 160 consid. 5.1 et la référence; arrêt du Tribunal fédéral 5A_595/2021 du 14 janvier 2022 consid. 6.1).

La décision qui accorde ou refuse la mainlevée est une pure décision d'exécution forcée dont le seul objet est de dire si la poursuite peut continuer ou si le créancier est renvoyé à agir par la voie d'un procès ordinaire. En d'autres termes, le prononcé de mainlevée ne produit que des effets de droit des poursuites et ne fonde pas l'exception de chose jugée (res iudicata) quant à l'existence de la créance (ATF 143 III 564 consid. 4.1; 136 III 583 consid. 2.3 et les références; arrêts du Tribunal fédéral 5A_595/2021 du 14 janvier 2022 loc. cit.; 5A_1015/2020 du 30 août 2021 consid. 3.1).

2.2 En l'espèce, il ressort du texte du plan de paiement du 28 janvier 2022 que le recourant s'engage à rembourser un montant de 10'000 fr. toutes les deux semaines ("Monsieur A______ s'engage à rembourser …"), sans que la société C______ SA soit mentionnée. Ledit plan de paiement est par ailleurs signé par le recourant, sans que soit mentionné le fait qu'il signerait en qualité de représentant de la société, aucune mention de cette dernière ne figurant à côté de son nom.

Le plan de paiement indique certes que le recourant est administrateur de la société, mais il ne ressort pas du texte que le recourant reconnaîtrait devoir la somme de 355'416 fr. en cette qualité ou que l'engagement de paiement serait pris au nom de la société. Le fait que le personnel temporaire ait été placé auprès de C______ SA ou le fait que les paiements aient été effectués par cette dernière constituent par ailleurs des éléments extrinsèques dont il ne peut être tenu compte dans le cadre de la présente procédure de mainlevée, mais qui devraient être examinés, le cas échéant, dans une procédure au fond. Ces circonstances n'excluent en tout état de cause pas nécessairement que le recourant, qui est l'administrateur unique de la société, se soit engagé personnellement à rembourser la dette de cette dernière.

Au vu de ce qui précède, le recours n'est pas fondé, de sorte qu'il sera rejeté.

3. Le recourant, qui succombe, sera condamnée aux frais du recours
(art. 106 al. 1 CPC).

Les frais judiciaires seront arrêtés à 1'325 fr. (art. 48 et 61 al. 1 OELP) et compensés avec l'avance versée par le recourant, laquelle reste acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

Les dépens dus à l'intimée seront fixés à 1'000 fr., TVA et débours compris
(art. 25 et 26 al. 1 LaCC; art. 85, 89 et 90 RTFMC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 22 avril 2024 par A______ contre le jugement JTPI/4160/2024 rendu le 26 mars 2024 par le Tribunal de première instance dans la cause C/25458/2023-24 SML.

Au fond :

Rejette ce recours.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Met à la charge de A______ les frais judiciaires de recours, arrêtés à 1'325 fr. et compensés avec l'avance versée, acquise à l'Etat de Genève.

Condamne A______ à verser à B______ SA 1'000 fr. de titre de dépens de recours.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, Monsieur Ivo BUETTI, juges; Madame Mélanie DE RESENDE PEREIRA, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.