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C/22034/2023

ACJC/972/2024 du 10.07.2024 sur JTPI/2833/2024 ( SML ) , JUGE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/22034/2023 ACJC/972/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MERCREDI 10 JUILLET 2024

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______ [GE], recourant contre un jugement rendu par la 8ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 27 février 2024, représenté par Me Jean REIMANN, avocat, Etude de Me C. Aberle, route de Malagnou 32, 1208 Genève,

et

Madame B______, domiciliée ______, Norvège, intimée, représentée par Me Anca APETRIA, avocate, AF Partners, boulevard des Tranchées 36, 1206 Genève.

 

 

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/2833/2024 du 27 février 2024, reçu le 4 mars 2024 par A______, le Tribunal de première instance, statuant par voie de procédure sommaire, a prononcé la mainlevée définitive de l'opposition formée par A______ au commandement de payer, poursuite n° 1______ (ch. 1 du dispositif), compensé les frais judiciaires – arrêtés à 500 fr. – avec l'avance effectuée par B______ (ch. 2), les a mis à la charge de A______ et l'a condamné à les verser à B______ (ch. 3) ainsi que 500 fr. à titre de dépens (ch. 4).

B. a. Par acte expédié le 14 mars 2024 au greffe de la Cour de justice, A______ a formé recours contre ce jugement, dont il a sollicité l'annulation.

Il a conclu, principalement, au renvoi de la cause au Tribunal et à ce que la Cour "enjoigne" ce dernier à rendre une décision sur sa demande de rectification du 12 février 2024, subsidiairement, au rejet de la mainlevée définitive, sous suite de frais et dépens.

b. Par réponse du 15 avril 2024, B______ a conclu au rejet du recours, sous suite de frais et dépens.

Elle a produit des pièces nouvelles.

c. Par réplique spontanée du 25 avril 2024, A______ a persisté dans ses conclusions.

d. Par pli du greffe de la Cour du 16 mai 2024, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure:

a. B______, née le ______ 1974, et A______, né le ______ 1973, tous deux de nationalité norvégienne, se sont mariés le ______ 2004 à C______ (Norvège).

b. Trois enfants sont issus de cette union, soit D______, née le ______ 2005, E______, né le ______ 2007 et F______, né le ______ 2010.

c. Les époux vivent séparés depuis août 2021, date à laquelle B______ a quitté le domicile conjugal, sis, route 2______ no. ______, pour s'installer en Norvège avec E______ et F______. D______ les y a rejoint en novembre 2021.

d. Par ordonnance du 14 juillet 2022, statuant sur une requête de mesures superprovisionnelles formées par B______, le Tribunal a condamné A______ à verser à son épouse, par mois, d'avance et par enfant, 600 fr. à titre de contribution à l'entretien de chaque enfant, ainsi que 1'200 fr. à titre de contribution à son entretien propre.

e. Par jugement JTPI/2666/2023 du 1er mars 2023, le Tribunal, statuant sur mesures protectrices de l'union conjugale, a autorisé les parties à vivre séparées et condamné l'époux à verser en mains de l'épouse les frais scolaires des enfants ainsi que, par mois et d'avance, 1'500 fr. par enfant, allocations familiales éventuelles non comprises, 1'000 fr. pour l'épouse, le tout à compter du 1er décembre 2021 et sous déduction des sommes déjà versées à cet effet.

Dans les considérants de la décision, le montant déjà versé n'a pas non plus été spécifié.

f. Par arrêt ACJC/861/2023 du 20 juin 2023, la Cour, statuant sur appel de B______, a confirmé ce jugement.

La Cour n'a pas non plus déterminé le montant versé entre décembre 2021 et mai 2022. Elle a notamment retenu que A______ avait versé pour l'entretien de son épouse et des enfants un montant total de 20'434 fr. 96 entre le 24 juin 2022 et 25 janvier 2023. Les époux avaient convenu que A______ pouvait déduire des contributions dues à compter du mois d'août 2022 un montant mensuel de 600 fr., correspondant aux frais d'une voiture qu'il louait pour son épouse. En février 2023, A______ avait déduit 300 fr. de la contribution d'entretien, sans l'accord de son épouse. Celle-ci lui avait fait savoir qu'à compter du mois de mars 2023, il n'était plus autorisé à déduire un quelconque montant de la contribution d'entretien en sa faveur et devait la payer dans son intégralité, la voiture louée devant être restituée. Au mois de mars 2023, A______ avait encore déduit 1'065 fr. du montant de contributions dû, dès lors qu'il avait directement payé certains frais de logement au nom de son épouse; il avait également déduit 600 fr. pour la voiture de location qui n'était pas restituée. En avril 2023, A______ n'avait versé que 2'590 fr. à B______; il avait déduit des contributions des frais liés à la maison et ceux de la voiture de location. Bien qu'il ait effectivement couvert une partie des frais de B______, il n'était pas autorisé à compenser sa créance contre cette dernière en remboursement de ces frais avec sa dette envers elle et les enfants en paiement des contributions d'entretien. Il s'était ainsi retrouvé en défaut de paiement dès le mois de mars 2023. Il avait versé l'intégralité des contributions d'entretien au mois de mai 2023, soit 5'500 fr., et il apparaissait vraisemblable qu'il versait depuis lors l'intégralité des contributions dues.

g. Par requête déposée le 29 août 2023 au Tribunal, B______ a requis le séquestre, à concurrence de 62'091 fr. 70, de comptes bancaires détenus par A______ auprès de G______, faisant valoir une créance d'arriérés de contributions d'entretien de 62'091 fr. 70 due pour la période allant du mois de décembre 2021 au mois d'août 2023 sur la base du jugement du 1er mars 2023 et de l'arrêt du 20 juin 2023 précités.

B______ a produit à l'appui de sa requête un tableau, établi par ses soins, des montants dus par A______ entre décembre 2021 et août 2023, des montants reçus de ce dernier pour cette même période et de ce qu'il devait encore lui verser, soit 62'091 fr. 70 (cf. consid. j infra pour le détail dudit tableau).

Elle a précisé avoir accepté que, pour la période allant de juillet 2022 à février 2023, A______ lui verse mensuellement 4'900 fr. au lieu de 5'500 fr., soit qu'il réduise les contributions d'entretien de 600 fr. par mois, pour tenir compte de la location en sa faveur d'une voiture en Norvège.

h. Par courrier du 14 septembre 2023, B______ a requis la poursuite en validation du séquestre ordonné le 29 août 2023 pour le montant de 62'091 fr. 70.

Elle a fait valoir que le montant précité portait sur les arriérés des contributions d'entretien dues pour la période de décembre 2021 à août 2023 selon le jugement du 1er mars 2023 et l'arrêt du 20 juin 2023. Elle s'est référée au tableau produit en annexe de la requête de séquestre s'agissant du détail des montants de chaque mois.

Le formulaire de réquisition de poursuite était annexé à ce courrier. Le jugement JTPI/2666/2023 du 1er mars 2023 et l'arrêt ACJC/861/2023 du 20 juin 2023 y étaient mentionnés comme "titre de la créance".

i. Le 2 octobre 2023, A______ s'est vu notifier un commandement de payer, poursuite n°1______, portant sur la somme de 62'091 fr. 70, sans intérêts moratoires. Le jugement JTPI/2666/2023 du 1er mars 2023 et l'arrêt ACJC/861/2023 du 20 juin 2023 étaient mentionnés comme "titre de la créance".

A______ y a formé opposition.

j. Le 16 octobre 2023, B______ a saisi le Tribunal d'une requête de mainlevée définitive de l'opposition précitée. La requête de séquestre et ses annexes étaient notamment joints à ladite requête.

Elle a allégué que le séquestre du 29 août 2023 se fondait sur le jugement du 1er mars 2023 et l'arrêt du 20 juin 2023, qui étaient exécutoires. A______ refusait toutefois de lui verser les contributions d'entretien dues à titre rétroactif. Elle en avait requis le paiement à plusieurs reprises en vain. Un montant de 62'091 fr. 70 restait impayé pour la période allant du mois de décembre 2021 au mois d'août 2023, selon le tableau joint en annexe de la requête.

Ce tableau détaille les montants dus par A______ de décembre 2021 à août 2023, soit un total de 110'700 fr. ([5'500 fr. x 13 mois] + [4'900 fr. x 8 mois]), les montants qu'il a versés pour cette même période, soit 48'608 fr. 30, et les montants restant à verser, soit 62'091 fr. 70. Il ressort du tableau que l'époux a intégralement versé les contributions des mois de mai et juin 2023; il a versé 5'488 fr. 50 en juillet 2023 et 5'299 fr. 20 en août 2023.

k. Le ______ novembre 2023, l'enfant D______ est devenue majeure.

l. Lors de l'audience de mainlevée du Tribunal du 2 février 2024, A______ n'a pas pris de conclusions. Il a soutenu avoir "trop payé".

Sur quoi, le Tribunal lui a imparti un délai au 12 février 2024 pour fournir la preuve du paiement prévu dans le jugement du 1er mars et l'arrêt de la Cour du 20 juin 2023.

m. Par déterminations du 12 février 2024, A______ a conclu au rejet de la requête de mainlevée.

Il a fait valoir que le jugement du 1er mars 2023 ne constituait pas un titre de mainlevée dès lors que son dispositif ne permettait pas d'appréhender le montant exact de contributions à verser. Par ailleurs, B______ n'avait pas mentionné dans la réquisition de poursuite la période pour laquelle les contributions étaient réclamées, de sorte que le commandement de payer était aussi muet sur ce point. La requête de mainlevée ne comportait pas d'indications suffisantes quant au montant d'arriérés réclamés et renvoyait à des pièces auxquelles le juge devait se référer, ce qu'il ne lui appartenait pas de faire. B______ n'avait pas distingué les contributions réclamées. Cette dernière avait aussi agi au nom de sa fille, désormais majeure, sans légitimation. Enfin, A______ avait payé un montant total de 99'309 fr. pour la période de décembre 2021 à août 2023; il s'était directement acquitté de certaines charges comprises dans les contributions d'entretien réclamées et avait excipé de compensation pour ces montants.

n. Le même jour, A______ a sollicité du Tribunal qu'il rectifie le procès-verbal de l'audience précitée, en le complétant de sa déclaration selon laquelle sa fille était majeure.

A teneur du dossier, ce courrier n'a pas été communiqué à B______.

D. Dans le jugement querellé, le Tribunal a retenu que B______ avait fait notifier à A______ un commandement de payer portant sur la somme de 62'091 fr. 70, aux termes duquel les causes de l'obligation étaient le jugement du 1er mars 2023 et l'arrêt du 20 juin 2023. Il était établi que par jugement du 1er mars 2023, confirmé par arrêt du 20 juin 2023, le Tribunal avait condamné l'époux à verser en main de l'épouse des contributions périodiques d'entretien en faveur de cette dernière et des enfants, dès le 1er décembre 2021. La requête de mainlevée du 16 octobre 2023 précisait les périodes pour lesquelles les contributions étaient demandées, soit de décembre 2021 à août 2023. A______ n'avait produit aucun titre exécutoire valant créance valablement compensante, de sorte qu'il ne faisait ainsi valoir aucun moyen libératoire susceptible de faire échec au prononcé de la mainlevée. Il serait en conséquence fait droit aux conclusions de B______. Le jugement ne fait pas mention de la requête de rectification du 12 février 2024.

EN DROIT

1. 1.1 S'agissant d'une procédure de mainlevée, seule la voie du recours est ouverte (art. 309 let. b ch. 3 et 319 let. a CPC).

La décision - rendue par voie de procédure sommaire (art. 251 let. a CPC) - doit être attaquée dans un délai de dix jours dès sa notification (art. 321 al. 2 CPC), par un recours écrit et motivé (art. 130 et 131 CPC), adressé à la Cour de justice.

Le recours ayant été interjeté dans le délai et les formes prévus par la loi, il est par conséquent recevable.

1.2 Le pouvoir d'examen de la Cour est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC).

1.3 Dans le cadre d'un recours, les conclusions, les allégations de faits et les preuves nouvelles sont irrecevables (art. 326 al. 1 CPC).

En l'espèce, les pièces nouvelles produites par l'intimée à l'appui de sa réponse sont irrecevables.

2. Le recourant fait grief au premier juge de ne pas avoir examiné la légitimation active de l'intimée, vu l'accession à la majorité de leur fille aînée, D______, en cours de procédure. Il se prévaut à cet égard de ce qu'il aurait mentionné à l'audience du Tribunal la majorité de sa fille, ce qui n'a pas été porté au procès-verbal d'audience. Il se plaint de ce que le premier juge n'a pas donné suite à sa requête de rectification sur ce point, y voyant un déni de justice.

2.1 L'enfant est le créancier des contributions d'entretien et dispose de la qualité pour agir en paiement de celles-ci (art. 279 al. 1 CC; ATF 129 III 55 consid. 3.1.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_445/2015 du 13 octobre 2015 consid. 2.3.1). S'il est mineur, il a la capacité d'être partie (Parteifähigkeit), mais est dépourvu de celle d'ester en justice et doit donc être représenté en procédure par son représentant légal (art. 304 CC).

Selon l'art. 318 al. 1 CC, les père et mère administrent les biens de l'enfant aussi longtemps qu'ils ont l'autorité parentale. La jurisprudence en a déduit que le détenteur de l'autorité parentale, qui a l'administration et la jouissance des biens de l'enfant mineur en vertu d'un droit propre, peut protéger en son nom les droits patrimoniaux de l'enfant (ATF 136 III 365 consid. 2.2).

Cela vaut en particulier pour le pouvoir des parents de poursuivre en justice, en leur propre nom, le droit de leur enfant à la place de celui-ci ("Prozessstandschaft" ou "Prozessführungsbefugnis"). Cette faculté n'existe toutefois que durant la période durant laquelle les parents disposent de l'autorité parentale et elle cesse avec la majorité de l'enfant. Un parent n'a dès lors plus le droit, après la majorité de ce dernier, d'agir en justice ou de réclamer par voie de poursuite des contributions d'entretien, et cela même pour les prétentions qui auraient dû être exécutées durant la minorité de l'enfant (ATF 142 III 78 consid. 3.3).

Le Tribunal fédéral a cependant laissé ouverte la question de savoir si le représentant légal ou le détenteur de la garde peut poursuivre une procédure d'exécution forcée ou un procès en mainlevée d'opposition lorsqu'il a entamé la poursuite ou requis la mainlevée en son nom pour l'entretien dû à l'enfant avant la majorité de celui-ci et que ce dernier devient majeur en cours de procédure, par analogie avec ce qui prévaut en matière de divorce (ATF 142 III 78 consid. 3.3).

En pareil cas, il est en effet admis que la faculté d'agir du parent qui détient l'autorité parentale perdure au-delà de la majorité de l'enfant, lorsque celle-ci survient en cours de procédure. L'enfant devenu majeur durant la procédure doit cependant être consulté dans la mesure où le procès porte sur les contributions d'entretien réclamées pour la période postérieure à la majorité (ATF 129 III 55 consid. 3.1.5).

Certains auteurs relèvent qu'à teneur de la loi, les contributions d'entretien doivent être versées en mains de la personne qui a effectivement fourni les prestations d'entretien. Il s'agit généralement du détenteur de l'autorité parentale, et ce même après la majorité de l'enfant, lorsqu'il a effectué des paiements en lieu et place du débirentier (Breitschmid/Kamp, Basler Kommentar, Zivilgesetzbuch I, 2010, n. 8 ad art. 289 CC et réf. citées).

2.2 En l'espèce, l'intimée a introduit la poursuite en septembre 2023 et la procédure de mainlevée en octobre 2023, soit avant la majorité de D______, intervenue en novembre 2023, pour des contributions d'entretien échues durant la minorité de l'enfant.

Contrairement à ce que soutient le recourant, il n'est aujourd'hui pas exclu par la jurisprudence du Tribunal fédéral que l'intimée puisse poursuivre le recouvrement de telles contributions, ainsi que le présent procès en mainlevée, en son nom. La Cour retiendra que l'intimée conserve la légitimation active s'agissant des prétentions relatives à l'entretien de D______.

Peu importe pour le surplus que le recourant ait ou non mentionné à l'audience du Tribunal la majorité de sa fille (dont la date est connue), déclaration au demeurant contestée par l'intimée dans sa réponse au recours. Si le Tribunal aurait dû statuer sur la requête du recourant, après avoir recueilli la détermination de l'intimée, il n'en demeure pas moins que la déclaration alléguée par le recourant n'est pas établie et est en tout état sans pertinence sur le sort du grief au fond. Il n'y a donc pas à s'arrêter davantage sur ce point.

3. Le recourant reproche au Tribunal d'avoir admis la requête de l'intimée alors que la réquisition de poursuite ne mentionnait pas les périodes pour lesquelles les arriérés de contributions d'entretien étaient réclamés et que le montant réclamé en poursuite n'était pas explicité dans la requête de mainlevée.

3.1 Selon l'art. 80 al. 1 LP, le créancier au bénéfice d'un jugement exécutoire peut requérir du juge la mainlevée définitive de l'opposition.

Saisi d'une requête de mainlevée définitive, le juge doit notamment vérifier si la créance en poursuite résulte du document produit (jugement ou titre assimilé). Pour constituer un titre de mainlevée définitive, ce document doit clairement obliger définitivement le débiteur au paiement d'une somme d'argent déterminée. Le juge de la mainlevée doit seulement décider si cette obligation en ressort. Certes, il peut prendre en considération à cette fin d'autres documents, dans la mesure où le titre y renvoie. En revanche, il n'a ni à revoir, ni à interpréter le titre qui lui est soumis (ATF 143 III 564 consid. 4.3-4.4 et les références; arrêt du Tribunal fédéral 5A_183/2018 du 31 août 2018 consid. 6.1.2).

Le poursuivant doit encore indiquer le "titre de la créance", par exemple un jugement ou une décision condamnatoire, un contrat ou un document intitulé "reconnaissance de dette", etc. (Gillliéron, Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, vol. I, 1999, n. 75 ad art. 67 LP); le titre doit être accompagné de l'indication de sa date, par quoi il faut entendre le jour de la naissance de la créance, et non de son échéance (qui peut être multiple ou périodique) ou de son exigibilité (ATF 78 III 12 consid. 1; 44 III 102). A défaut de titre, le poursuivant doit mentionner la "cause de l'obligation", à savoir la source de l'obligation. Le but de cette exigence n'est pas de permettre à l'office de procéder à un examen de l'existence de la prétention, mais de répondre à un besoin de clarté et d'information du poursuivi quant à la prétention alléguée afin de lui permettre de prendre position; toute formulation relative à la cause de la créance qui permet au poursuivi, conjointement aux autres indications figurant sur le commandement de payer, de discerner la créance déduite en poursuite suffit. En d'autres termes, le poursuivi ne doit pas être contraint de former opposition pour obtenir, dans une procédure de mainlevée subséquente ou un procès en reconnaissance de dette, les renseignements sur la créance qui lui est réclamée (ATF 141 III 173 consid. 2.2.2; 121 III 18 consid. 2; 95 III 33 consid. 1; 58 III 1 p. 2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_861/2013 du 15 avril 2014 consid. 2.2, in Pra 2014 n. 70 p. 516; Gillliéron, op. cit., n. 77 ad art. 67 LP). C'est par la voie de la plainte (art. 17 LP) que le débiteur doit faire valoir que la cause de la créance qui lui est réclamée n'est pas reconnaissable, autrement dit que le commandement de payer n'est pas clair. Il ne peut invoquer un tel moyen dans la procédure de mainlevée (Abbet/Veuillet, La mainlevée de l'opposition, 2022, n. 90 ad art. 80 LP et les références jurisprudentielles citées).

Lorsque la poursuite tend au recouvrement de prestations périodiques (contributions d'entretien, salaires, loyers, etc.), la jurisprudence exige que la réquisition de poursuite indique avec précision les périodes pour lesquelles ces prestations sont réclamées ; même si elles dérivent d'une même cause juridique ("Rechtsgrund"), elles ne sont pas moins des créances distinctes, soumises à leur propre sort (ATF 141 III 173 ibid; arrêt du Tribunal fédéral 5A_861/2013 précité consid. 2.3; arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 16 mars 2012, in BlSchK 2013 p. 32, Staehelin, in Basler Kommentar, Bundesgesetz über Schuldbetreibung und Konkurs, 3e éd. 2021, n. 40 ad art. 80 LP et la jurisprudence citée). Le défaut de précision quant aux périodes concernées conduira au rejet de la mainlevée, dès lors que le juge ne peut vérifier l'identité entre les créances déduites en poursuite et le titre (ATF 141 III 173 consid. 2.2.2; Abbet/Veuillet, La mainlevée de l'opposition, 2022, n. 91 ad art. 80 LP).

Il ne s'agit cependant pas là d'une règle absolue, dans la mesure où il suffit que le débiteur sache à quoi s'en tenir, sans que le commandement de payer et la requête de mainlevée le renseignent de façon spécifique sur le détail de chaque créance s'il dispose d'éléments clairs et cohérents quant à la teneur de la créance en poursuite (arrêt du Tribunal fédéral 5P.149/2005 du 21 décembre 2005 consid. 2.3).

Dans un arrêt du 8 janvier 2024 (ACJC/34/2024) relatif à des loyers arriérés, la Cour a retenu, que si certes, la période concernée des arriérés de loyer ne résultait pas avec précision du commandement de payer, elle avait été précisée par la créancière dans le cadre de la procédure de mainlevée et qu'en tout état, la débitrice ne pouvait l'ignorer. Il fallait, dans ces circonstances, admettre que la cause de la créance, ainsi que la période pour laquelle les loyers étaient réclamés, était reconnaissable pour la débitrice, de sorte que la mainlevée provisoire devait être prononcée.

3.2 En l'espèce, la réquisition de poursuite et le commandement de payer notifié au recourant mentionnent le titre sur lequel l'intimée fonde sa poursuite, soit l'arrêt de la Cour du 20 juin 2023 et le jugement du 1er mars 2023, lequel (outre l’autorisation de vivre séparés) n'a pour objet que la condamnation du précité à contribuer à l'entretien de sa famille. Le recourant ne saurait sérieusement prétendre qu'il ignorait la nature de la créance en poursuite. Le commandement de payer était donc clair quant à la cause de la créance, étant encore relevé que le recourant n'est pas admis à soutenir, dans le cadre de la procédure de mainlevée, que la créance réclamée par l'intimée n'était pas reconnaissable ; il aurait dû, cas échant, le faire par la voie de la plainte (art. 17 LP).

Certes la période concernée ne résulte pas du commandement de payer. Celle-ci (décembre 2021 à août 2023) a toutefois été précisée par l'intimée dans le courrier accompagnant le formulaire de réquisition de poursuite ainsi que dans le cadre des procédures de séquestre et de mainlevée. En particulier, l'intimée a relevé dans sa requête de mainlevée que le montant réclamé en poursuite était un arriéré de contributions dues pour la période de décembre 2021 à août 2023 calculé selon un tableau qu'elle a joint en annexe. Ledit tableau détaille, pour chacun des 21 mois de la période précitée, le montant dû par le recourant, selon le jugement du 1er mars 2023 et comprend la déduction de 600 fr. admise par l'intimée pour les mois concernés; y figure aussi le montant que l'intimée reconnait avoir reçu du recourant. Il en résulte que le recourant devait à l'intimée 110'700 fr. pour les 21 mois ([5'500 fr. x 13 mois] + [4'900 fr. x 8 mois]) et qu'il lui a versé 48'608 fr. 30, soit un solde dû de 62'091 fr. 70, qui correspond à la somme réclamée en poursuite par l'intimée.

A cela s'ajoute que la procédure de mainlevée a été précédée par une procédure de séquestre portant sur le même montant d'arriérés de contributions que précité, ainsi déjà connu du recourant. Lors de l'audience de mainlevée, le recourant n'a d'ailleurs pas fait valoir son ignorance des périodes pour lesquelles l'arriéré lui était réclamé, se limitant à soutenir avoir "trop payé".

Dans ces circonstances, la cause de la créance, ainsi que la période pour laquelle les contributions étaient réclamées, étaient reconnaissables par le recourant. L'intimée a fourni des indications suffisantes pour permettre au juge de vérifier l'identité entre les créances déduites en poursuite et le titre produit. C'est donc à bon droit que le Tribunal a retenu que l'intimée disposait d'un titre de mainlevée définitive valable.

En conséquence, le grief est infondé.

4. Le recourant reproche enfin au Tribunal d'avoir considéré que le jugement du 1er mars 2023 comportait une condamnation claire de payer un montant déterminé et valait, partant, titre de mainlevée définitive.

4.1 La mainlevée définitive de l'opposition n'est accordée que si le jugement condamne le poursuivi à payer une somme d'argent déterminée, c'est-à-dire chiffrée. Le juge de la mainlevée doit vérifier que la prétention déduite en poursuite ressort du jugement qui lui est présenté. Il ne lui appartient toutefois pas de se prononcer sur l'existence matérielle de la prétention ou sur le bien-fondé du jugement. Si ce jugement est peu clair ou incomplet, il appartient au juge du fond de l'interpréter (ATF 135 III 315 consid. 2.3). Néanmoins, ce pouvoir d'examen limité du juge de la mainlevée ne signifie pas que ce magistrat ne pourrait tenir compte que du dispositif du jugement invoqué. Il peut aussi prendre en considération les motifs du jugement pour décider si ce dernier constitue un titre de mainlevée au sens de l'art. 80 al. 1 LP; ce n'est que si le sens du dispositif est douteux et que ce doute ne peut être levé à l'examen des motifs que la mainlevée doit être refusée. Le juge peut aussi prendre en considération à cette fin d'autres documents, dans la mesure où le jugement y renvoie (ATF 138 III 583 consid. 6.1.1 et les références citées).

Selon la jurisprudence, lorsque le dispositif du jugement condamne le débiteur au paiement de contributions d'entretien d'un montant déterminé, tout en réservant néanmoins les prestations d'entretien déjà versées, et que le montant qui reste dû à titre d'arriéré ne peut pas être déduit des motifs, ce jugement ne vaut pas titre de mainlevée, faute d'une obligation de payer claire (ATF 138 III 583 consid. 6.1.1; ATF 135 III 315 consid. 2). Le créancier doit, dans un tel cas, agir en reconnaissance de dette (ATF 135 III 315 consid. 2.6). Il en découle que, si le débirentier prétend avoir déjà versé des prestations d'entretien au crédirentier depuis la séparation des époux, il est nécessaire que le juge du fond statue sur les montants qui doivent être déduits de l'arriéré, sur la base des allégués et des preuves offertes en procédure. Il ne peut pas se contenter de réserver dans sa décision l'imputation des prestations déjà versées sans en chiffrer le montant; sinon le jugement rendu ne sera pas susceptible d'exécution forcée
(ATF 138 III 583 consid. 6.1.1).

4.1.2 Dans les deux premières hypothèses visées à l’art. 318 al. 1 CPC, l’instance d’appel statue avec effet réformatoire, soit en confirmant la décision attaquée (let. a) soit en statuant à nouveau (let. b). L’arrêt rendu par l'instance d'appel tranche le fond du litige et se substitue à la décision de première instance, même en cas de rejet complet de l’appel ; c’est l’arrêt rendu par l’instance d’appel qui – dans les deux hypothèses visées à l’art. 318 al. 1 let. a et b – devient le titre à exécuter (Jeandin, in Code de procédure civile, Commentaire romand, 2ème éd., 2019, n. 3 art. 318 CPC).

4.2.1 En l'espèce, l'arrêt de la Cour du 20 juin 2023 a confirmé le jugement du 1er mars 2023 condamnant le recourant à verser mensuellement 1'500 fr. par enfant et 1'000 fr. à l'intimée (soit 5'500 fr. au total) au titre de contribution à leur entretien, dès le 1er décembre 2021, soit pour une période rétroactive, sous réserve des sommes déjà versées à cet effet.

Ni les considérants ni le dispositif du jugement du 1er mars 2023 n'indiquent le montant déjà versé à l’intimée par le recourant entre le 1er décembre 2021 et le 1er mars 2023, de sorte que la créance de cette dernière n'est pas déterminable à la lecture de ce jugement.

L'arrêt de la Cour du 20 juin 2023 est muet s'agissant des montants qui auraient déjà été versés par le recourant du 1er décembre 2021 à mai 2022. En revanche, il précise, dans ses motifs, que, pour la période allant du 24 juin 2022 au 25 janvier 2023, le recourant a versé 20'434 fr. 96 à l'intimée au titre de contribution d'entretien.

Le recourant devait verser à l'intimée 5'500 fr. pour le mois de juin 2022, puis 4'900 fr. par mois jusqu'à janvier 2023, les parties ayant toutes deux admis, dans le cadre de la présente procédure, que le recourant pouvait déduire 600 fr. par mois dès juillet 2022 pour la location de la voiture en Norvège. Le recourant devait donc verser à l'intimée un montant d'entretien total de 39'800 fr. [5'500 fr. + (4'900 fr. x 7 mois)] pour la période de juin 2022 à janvier 2023, de sorte qu'à teneur de l'arrêt précité, cette dernière est créancière d'un arriéré de contributions d'entretien à concurrence de 19'365 fr. 04 pour cette période (39'800 fr. – 20'434 fr. 96).

L'arrêt de la Cour du 20 juin 2023 retient, en outre, que le recourant doit encore à l'intimée les sommes suivantes: 300 fr. déduits sans autorisation en février 2023, 1'665 fr. déduits sans autorisation en mars 2023, 2'910 fr. en avril 2023, dès lors que le recourant n'avait versé que 2'590 fr., et qu'il a intégralement versé à l'intimée les contributions de mai et juin 2023, ce qui est confirmé par le tableau produit par l'intimée.

Dès lors, le recourant doit verser à l'intimée un montant d'entretien total de 24'240 fr. 04 (19'365 fr. 04 + 300 fr. + 1'665 fr. + 2'910 fr.) pour la période allant de juin 2022 à juin 2023. L'arrêt de la Cour du 20 juin 2023 vaut donc titre de mainlevée définitive dans cette mesure, ainsi que s'agissant de la période postérieure à son prononcé, soit pour les mois de juillet et août 2023 (selon le tableau produit par l'intimée, l'arriéré s'élève à 212 fr. pour cette période).

Au vu de ce qui précède, l'arrêt de la Cour du 20 juin 2023 ne vaut titre de mainlevée qu'à concurrence de 24'452 fr. 04 (24'240 fr. 04 + 212 fr.) pour la période de juin 2022 à août 2023.

Le grief du recourant est ainsi partiellement fondé.

5. En définitive, le chiffre 1 du dispositif du jugement querellé sera annulé et il sera statué à nouveau (art. 327 al. 3 let. b CPC) dans le sens que la mainlevée définitive sera prononcée à concurrence de 24'452 fr. 04.

6. 6.1 Si l’instance de recours statue à nouveau, elle se prononce sur les frais de première instance (art. 318 al. 3 CPC, applicable par analogie: Jeandin in Code de procédure civile, Commentaire romand, 2ème éd., 2019, n. 9 ad art. 327 CPC).

En l'espèce, le montant des frais judiciaires arrêté par le Tribunal, soit 500 fr., est conforme aux normes applicables (art. 48 al. 1 OELP) et n'est pas critiqué dans le cadre du recours. Au vu de l'annulation partielle du jugement entrepris, ces frais seront mis à la charge du recourant à hauteur de 150 fr. et à la charge de l'intimée à hauteur de 350 fr. (art. 106 al. 2 CPC). Ils seront compensés avec l'avance de frais fournie par l'intimée, qui demeure acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC) et le recourant sera condamné à lui verser la somme de 150 fr. à titre de remboursement des frais judiciaires (art. 111 al. 2 CPC).

Pour les mêmes motifs, le recourant sera condamné à payer à l'intimée un montant réduit de 350 fr., débours et TVA compris, à titre de dépens de première instance (art. 106 al. 2 CPC).

Les chiffres 2 à 4 du dispositif du jugement entrepris seront réformés en ce sens.

6.2 Les frais judiciaires de recours seront arrêtés à 750 fr. (art. 48 et 61 OELP) et entièrement compensés avec l'avance versée par le recourant, qui demeure acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

Au vu de l'issue du litige et compte tenu du fait que le recourant obtient partiellement gain de cause, puisque la mainlevée n'est accordée qu'à concurrence de 24'452 fr. 04 sur le total de 62'091 fr. 70 pour lequel elle était requise initialement, les frais seront laissés à sa charge à hauteur de 250 fr. et mis à la charge de l'intimée à hauteur de 500 fr. (art. 106 al. 2 CPC), montant qu'elle sera condamnée à verser au recourant à titre de restitution partielle de son avance (art. 111 al. 2 CPC).

Compte tenu de l'issue du litige, le recourant sera, en outre, condamné à verser à l'intimée un montant réduit de 500 fr. à titre de dépens de recours, débours et TVA compris (art. 96, 105 al. 2 et 106 al. 2 CPC; art. 84, 85, 89, 88 et 90 RTFMC; art. 25 et 26 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 14 mars 2024 par A______ contre le jugement JTPI/2833/2024 rendu le 27 février 2024 par le Tribunal de première instance dans la cause C/22034/2023–S1 SML.

Au fond :

Annule ce jugement.

Statuant à nouveau:

Prononce la mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer, poursuite n. 1______, à concurrence de 24'452 fr. 04.

Arrête les frais judiciaires de première instance à 500 fr. et les compense avec l'avance effectuée par B______.

Les met à la charge de A______ à hauteur de 150 fr. et de B______ à hauteur de 350 fr.

Condamne A______ à verser à B______ 150 fr. à titre de frais judiciaires de première instance.

Condamne A______ à verser à B______ 350 fr. à titre de dépens de première instance.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires de recours à 750 fr., les met à la charge de A______ à hauteur de 250 fr. et de B______ à hauteur de 500 fr.

Les compense avec l'avance versée par A______.

Condamne B______ à verser 500 fr. à A______ à titre de frais judiciaires de recours.

Condamne A______ à verser à B______ 500 fr. à titre de dépens de recours.

Siégeant :

Madame Pauline ERARD, présidente; Madame Sylvie DROIN, Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, juges; Madame Laura SESSA, greffière.

La présidente :

Pauline ERARD

 

La greffière :

Laura SESSA

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.