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ACJC/821/2024 du 24.06.2024 sur JTPI/7082/2024 ( SFC ) , REJETE
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE C/634/2024 ACJC/821/2024 ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE Chambre civile DU LUNDI 24 JUIN 2024 |
Entre
A______ SA, EN LIQUIDATION, Sans domicile connu,
B______ LIMITED, domiciliée ______, Bahamas, appelantes d’un jugement rendu par la 5ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 10 juin 2024, et requérantes sur mesures superprovisionnelles et provisionnelles, toutes deux représentées par Me Julien TRON et Me Michel OPPLIGER, avocats, MLL Froriep SA, rue du Rhône 65, case postale 3199, 1211 Genève 3.
Vu, EN FAIT, le jugement JTPI/2528/2024 non motivé rendu le 15 février 2024, aux termes duquel le Tribunal de première instance, à la requête du Registre du commerce, qui avait fait valoir que la société, qui présentait une carence dans son organisation, n'avait pas rétabli celle-ci dans le délai fixé, a ordonné la dissolution de la société A______ SA et sa liquidation selon les dispositions applicables à la faillite (ch. 1 du dispositif), a statué sur les frais (ch. 2) et a débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 3);
Que ce jugement a été notifié au Registre du commerce et à la société dans la FOSC du ______ 2024;
Qu'aucune demande de motivation n'a été faite dans le délai de 10 jours
(selon l'art.. 239 al. 2 CPC);
Que le 16 mai 2024, A______ SA et B______ LIMITED, actionnaire unique de A______ SA, ont saisi le Tribunal d'une requête en modification du jugement précité, sollicitant son annulation et la révocation de la dissolution et la liquidation de la société en cause;
Qu'elles ont fait valoir que le 29 janvier 2024, une assemblée générale de A______ SA s'était tenue, lors de laquelle de nouveaux administrateurs avaient été nommés;
Que A______ SA avait requis, le 4 mars 2024 du Registre du commerce, l'inscription au registre des modifications intervenues dans son organisation; que ledit Registre n'avait pas donné suite à sa requête, motif pris de la dissolution prononcée par jugement du Tribunal;
Que par jugement JTPI/7082/2024 du 10 juin 2024, le Tribunal a rejeté, dans la mesure de sa recevabilité, ladite requête et a statué sur les frais, les parties étant déboutées de toutes autres conclusions;
Que le Tribunal a notamment retenu que le jugement non motivé du 15 février 2024 était entré en force; que A______ SA n'avait pas rétabli sa situation légale;
Que par acte déposé le 21 juin 2024 à la Cour de justice, A______ SA et B______ LIMITED ont formé appel de ce jugement, sollicitant son annulation;
Qu'elles ont également requis le prononcé de mesures superprovisionnelles et provisionnelles, tendant à la suspension du caractère exécutoire des jugements JTPI/2528/2024 du 15 février 2024 et JTPI/7082/2024 du 10 juin 2024, à la suspension de la liquidation par voie de faillite et à ce qu'aucun acte ni publication ne soit procédé par l'Office des faillites;
Qu'elles ont notamment fait valoir avoir eu connaissance - sans titre à l'appui -, que "l'Office des faillites serait parvenu à la conclusion (probablement faute d'avoir pu parler à quelque responsable (…) de A______ que ce soit) – que la société présenterait une insuffisance d'actifs et qu'il aurait été sollicité le Tribunal afin que celui-ci suspende la procédure de faillite faute d'actifs";
Que "l'Office des faillites chargé par hypothèse de la liquidation de A______ n'est notoirement pas armé pour procéder à la récupération de l'importante créance (soumise au droit kazakh) de A______ envers la société kazakhe C______";
Que le risque d'atteinte aux droits de B______ LIMITED et de A______ SA était ainsi manifeste;
Que "le préjudice difficilement réparable dont elles [étaient] menacées consistait dans l'anéantissement inutile – de valeurs patrimoniales importantes par un processus de liquidation forcée ne se justifiant pas";
Considérant, EN DROIT, que selon l'art. 308 al. 1 let. b CPC, l'appel est recevable contre les décisions finales et incidentes de première instance, dans les causes dont la valeur litigieuse, au dernier état des conclusions de première instance, est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 1 let. a et al. 2 CPC);
Que la valeur litigieuse de la présente cause, qui correspond à la valeur du capital social (arrêt du Tribunal fédéral 4A_387/2020 du 17 septembre 2020 consid. 1.2), est supérieure au montant précité, de sorte que la voie de l'appel est ouverte;
Que, selon l'art. 261 al. 1 CPC, le tribunal ordonne les mesures provisionnelles nécessaires lorsque le requérant rend vraisemblable qu'une prétention dont il est titulaire remplit est l'objet d'une atteinte ou risque de l'être (let. a) et que cette atteinte risque de lui causer un préjudice difficilement réparable (let. b);
Que l'art. 265 CPC prévoit en outre qu'en cas d'urgence particulière, notamment s'il y a risque d'entrave à leur exécution, le tribunal peut ordonner des mesures provisionnelles immédiatement, sans entendre la partie adverse (al. 1); que le tribunal cite en même temps les parties à une audience qui doit avoir lieu sans délai ou impartit à la partie adverse un délai pour se prononcer par écrit. Après avoir entendu la partie adverse, le tribunal statue sur la requête sans délai (al. 2);
Que le prononcé de telles mesures suppose un danger particulièrement imminent ou que le fait de donner connaissance de la requête à la partie requise risquerait de prétériter l'exécution des mesures (Bohnet, Commentaire romand, Code de procédure civile, 2ème éd., 2019, n. 2 ad art. 265 CPC);
Que les conditions de la mesure provisionnelle n'ont pas à être prouvées de manière absolue; que le requérant doit les rendre vraisemblables ou plausibles; qu'il n'est pas nécessaire que le juge soit persuadé de l'existence des faits; qu'il suffit que, sur la base d'éléments objectifs, il acquière l'impression d'une certaine vraisemblance de l'existence des faits pertinents, sans pour autant qu'il doive exclure la possibilité que les faits aient pu se dérouler autrement (ATF 130 III 321 = JdT 2005 I 618);
Que l'octroi de mesures provisionnelles suppose la vraisemblance du droit invoqué et des chances de succès du procès au fond (ATF 131 III 473 consid. 2.3; arrêt du Tribunal fédéral 5D_219/2017 du 24 août 2018 consid. 4.2.2), ainsi que la vraisemblance, sur la base d'éléments objectifs, qu'un danger imminent menace le droit du requérant, enfin la vraisemblance d'un préjudice difficilement réparable, ce qui implique une urgence (Message du Conseil fédéral du 28 juin 2006 relatif au code de procédure civile suisse, in FF 2006 p. 6841 ss, spéc. 6961; Bohnet, op. cit., 2019, n. 3 ss ad art. 261 CPC; Hohl, op. cit., n. 1774, p. 325);
Que le requérant doit rendre vraisemblable qu'il s'expose, en raison de la durée nécessaire pour rendre une décision définitive, à un préjudice qui ne pourrait pas être entièrement supprimé même si le jugement à intervenir devait lui donner gain de cause; qu'en d'autres termes, il s'agit d'éviter d'être mis devant un fait accompli dont le jugement ne pourrait pas complètement supprimer les effets; qu'est difficilement réparable le préjudice qui sera plus tard impossible ou difficile à mesurer ou à compenser entièrement (arrêt du Tribunal fédéral 4A_611/2011 du 3 janvier 2011 consid. 4); qu'en d'autres termes, la condition de l'urgence doit être considérée comme remplie lorsque sans mesures provisionnelles, le requérant risquerait de subir un dommage difficile à réparer au point que l'efficacité du jugement rendu à l'issue de la procédure ordinaire au fond en serait compromise (arrêt du Tribunal fédéral 5A_629/2009 du 25 février 2010 consid. 4.2); qu'il s'agit d'éviter d'être mis devant un fait accompli dont le jugement ne pourrait pas complètement supprimer les effets (arrêt du Tribunal fédéral 4A_611/2011 du 3 janvier 2012 consid. 4.1);
Que la mesure ordonnée doit respecter le principe de proportionnalité, ce qui signifie qu'elle doit être à la fois apte à atteindre le but visé, nécessaire, en ce sens que toute autre mesure se révèlerait inapte à sauvegarder les intérêts de la partie requérante, et proportionnée, en ce sens qu'il ne doit pas exister d'alternatives moins incisives
(Hohl, op. cit., p. 323 s.);
Qu'une décision de mesures superprovisionnelles prise en raison d'une urgence particulière (décision d'urgence) doit obligatoirement être suivie - après audition des parties à la procédure - d'une décision de mesures provisionnelles (décision ordinaire de mesures provisionnelles), qui confirme, modifie ou supprime, et ainsi, remplace, les mesures superprovisionnelles précédemment ordonnées (ATF 139 III 86;
ATF 140 III 529, JdT 2015 II 135);
Que de manière générale, en procédure civile, le principe est que les décisions prises en procédure sommaire sont placées sur le même pied que les décisions prises en procédure ordinaire, sur le plan de la force de chose jugée, à savoir qu'elles entrent en force à l'expiration du délai de recours et qu'elles sont donc irrévocables, sous réserve d'un cas de révision (art. 328 et suivants CPC; ATF 141 III 43
consid. 2.5.2 et les références);
Que s'agissant des décisions sommaires de la juridiction gracieuse (art. 256 al. 2 CPC) et les décisions sur mesures provisionnelles (art. 268 al. 1 CPC), le CPC prévoit la possibilité d'une modification ou d'une révocation postérieures (ATF 141 III 43 consid. 2.5.2); qu'ainsi, les mesures provisionnelles bénéficient d'une force de chose jugée limitée; qu'elles peuvent ainsi être modifiées pour le futur, une modification ou une révocation rétroactive nécessitant selon la jurisprudence ancienne, à certaines conditions, la levée de la force de chose jugée (matérielle) par une procédure de révision; qu'une nouvelle requête sur le même objet se heurte à l'exception de la res judicata, lorsqu'elle se fonde sur un état de fait identique à celui d'une demande antérieure (ATF 141 III 376 consid. 3.3.4; 138 III 382 consid. 3.2.2 avec les références);
Que selon l'art. 939 CO, lorsque l’office du registre du commerce constate qu’une société commerciale, une société coopérative, une association, une fondation qui n’est pas soumise à surveillance ou une succursale dont l’établissement principal est à l’étranger, inscrite au registre du commerce, présente des carences dans l’organisation impérativement prescrite par la loi, il somme l’entité juridique concernée d’y remédier et lui impartit un délai (al. 1); que si elle ne remédie pas aux carences dans le délai imparti, l’office du registre du commerce transmet l’affaire au tribunal; que celui-ci prend les mesures nécessaires (al. 2);
Qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que le jugement rendu le 15 février 2024 par le Tribunal, ordonnant la dissolution de A______ SA, est en force;
Que les appelantes, requérantes sur mesures superprovisionnelles et provisionnelles, n'ont pas requis la motivation du jugement précité; qu'elles n'ont pas non plus sollicité la restitution devant le Tribunal;
Qu'elles n'ont en outre pas sollicité, dans le cadre de la requête en modification du
16 mai 2024, le prononcé de mesures provisionnelles, voire de mesures superprovisionnelles devant le Tribunal;
Que les requérantes allèguent, sans aucun élément probant, que l'Office des faillites serait sur le point d'entreprendre des démarches, considérants que A______ SA n'aurait pas d'actifs;
Qu'elles ne rendent dès lors pas vraisemblable un risque d'atteinte à leurs droits;
Que les allégations des requérantes quant à une prétendue incapacité de l'Office des faillites, de gérer la liquidation de A______ SA ne sont corroborées par aucun élément tangible et sont inutilement dédaigneuses;
Que les requérantes n'ont pas non plus rendu vraisemblable une prétention matérielle de droit civil;
Que la question de savoir si la procédure gracieuse s'applique à la présente cause n'est pas tranché;
Que les requérantes ne rendent également pas vraisemblable que l'art. 256 al. 2 CPC puisse trouver application;
Que les conditions du prononcé tant de mesures superprovisionnelles que provisionnelles font dès lors défaut;
Que les requêtes seront dès lors rejetées;
Qu'il sera statué sur les frais de la présente décision dans l'arrêt du fond.
* * * * *
La Chambre civile :
Statuant sur mesures superprovisionnelles et provisionnelles :
Rejette la requête de mesures superprovisionnelles et provisionnelles formée le 21 juin 2024 par A______ SA et B______ LIMITED.
Dit qu'il sera statué sur les frais de la présente décision dans l'arrêt au fond.
Déboute A______ SA et B______ LIMITED de toutes autres conclusions.
Siégeant :
Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Barbara NEVEUX, greffière.
La présidente : Nathalie LANDRY-BARTHE |
| La greffière : Barbara NEVEUX |
Indication des voies de recours :
La présente décision, incidente et de nature provisionnelle (ATF 137 III 475 consid. 1) est susceptible d'un recours en matière civile (art. 72 ss LTF), respectivement d'un recours constitutionnel subsidiaire (art. 113 ss LTF). Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'arrêt attaqué.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.