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C/16864/2023

ACJC/157/2024 du 05.02.2024 sur JTPI/11445/2023 ( SFC ) , CONFIRME

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/16864/2023 ACJC/157/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU LUNDI 5 FEVRIER 2024

 

Entre

A______ SA, sise ______ [GE], recourante contre un jugement rendu par la 5ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 5 octobre 2023, représentée par Me Ndaté DIENG, avocate, Dieng & Studer Law, avenue Henri-Dunant 2, 1205 Genève,

et

B______, sise ______ [GE], intimée.

 


EN FAIT

A.           Le 15 août 2023, la [caisse de chômage] B______ a adressé au Tribunal de première instance une requête en faillite dirigée contre A______ SA.

Celle-ci est une société anonyme inscrite au Registre du commerce genevois, dont l'administrateur unique est C______.

Le Tribunal a adressé aux parties une convocation pour l'audience fixée au 5 novembre 2023, soit s'agissant de A______ SA au siège de celle-ci.

A l'audience du Tribunal du 5 octobre 2023, aucune des parties n'était présente ni représentée.

Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

B.            Par jugement du 5 octobre 2023, expédié pour notification aux parties le 10 octobre 2023, le Tribunal de première instance, vu le commandement de payer, poursuite n° 1______, et la commination de faillite notifiée le 23 mars 2023, a déclaré A______ SA en état de faillite dès le 5 octobre 2023 à 14h15 (ch. 1), arrêté les frais judiciaires à 200 fr., compensés avec l'avance opérée (ch. 2), et les a mis à la charge de la précitée, condamnée à en rembourser la B______ (ch. 3).

Selon le suivi des envois de la poste, le pli destiné à A______ SA a été reçu le 11 octobre 2023.

C.           Par acte du 23 octobre 2023, A______ SA a formé recours contre le jugement précité. Elle a conclu à l'annulation de celui-ci, subsidiairement au renvoi de la cause au Tribunal, plus subsidiairement à la suspension de la faillite jusqu'au 31 janvier 2024 afin de lui permettre de signer un contrat d'investissement avec D______ LTD, à ce qu'il soit ordonné au Registre du commerce de "retirer sans délai la mention "en liquidation" de l'extrait" la concernant, avec suite de frais et dépens.

Elle a fait valoir qu'elle avait mandaté une avocate, laquelle avait fait parvenir le 3 avril 2022 un courrier de constitution à la B______, et que cette dernière avait dès lors adressé des correspondances en son domicile élu.

Elle a formulé l'allégué suivant: " Par courrier du 14 septembre 2023, le tribunal de première instance a notifié une citation à comparaître le 5 octobre 2023 au siège de A______, malgré l'élection de domicile, le représentant n'ayant pris connaissance de ce courrier que le 11 octobre 2023, les courriers adressés au siège n'étant plus censés depuis longtemps concerner des procédures judiciaires et le conseil de la société recevant de toute manière les notifications importantes au domicile élu".

Elle avait eu connaissance du jugement du 5 octobre 2023 par son avocate, laquelle en avait été informée par l'Office des faillites, le 11 octobre 2023. Sur ce, elle avait "découvert dans sa boîte aux lettres un courrier recommandé, sans que celui-ci ne lui ait été notifié personnellement contre signature". Selon elle, "la signature apparaissant sur l'accusé de réception ne correspond[ait] pas à celle de Monsieur C______ et celui-ci indique n'avoir signé aucun reçu le jour en question".

Elle a notamment produit l'accusé de réception postal précité, lequel reproduit une signature illisible en dessus de la mention "Date/heure de l'enregistrement 11.10.2023, 09:47:32 Destinataire: C______". Elle a aussi déposé une procuration en faveur de son avocate, datée du 1er mars 2022, rédigé en termes généraux soit "démarches administratives, autorités cantonales et fédérales, assurances, droit du travail".

Par décision du 26 octobre 2023, la Cour a accordé la suspension de l'effet exécutoire attaché au jugement entrepris ainsi que la suspension des effets juridiques de l'ouverture de la faillite.

La B______ a conclu au rejet du recours.

Elle a notamment admis qu'elle avait connaissance de l'élection de domicile de la recourante en l'étude de son avocate, communiquée dans le cadre des échanges intervenus avant la présente procédure.

Par avis du 25 janvier 2024, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

 

EN DROIT

1. L'appel étant irrecevable dans les affaires relevant de la compétence du tribunal de la faillite selon la LP (art. 309 let. b ch. 7 CPC), seule la voie du recours est ouverte (art. 319 let. a CPC; art. 174 LP).

Interjeté auprès de l'autorité compétente (art. 120 al. 1 let. a LOJ), dans le délai utile de 10 jours et selon la forme requise (art. 321 al. 1 et 2 CPC; art. 174 al. 1 LP), le recours est recevable.

Les décisions rendues en matière de faillite sont soumises à la procédure sommaire (art. 251 let. a CPC). Les faits sont établis d'office (maxime inquisitoire, art. 255 let. a CPC).

2. 2.1 Dans le cadre d'un recours, les conclusions, les allégations de faits et les preuves nouvelles sont irrecevables (art. 326 al. 1 CPC). Les dispositions spéciales de la loi sont réservées (al. 2).

En vertu de l'art. 174 al. 1 2ème phrase LP, les parties peuvent faire valoir devant l'instance de recours des faits nouveaux lorsque ceux-ci se sont produits avant le jugement de première instance. Cette disposition spéciale de la loi vise les faits nouveaux improprement dits (faux nova ou pseudo-nova), à savoir ceux qui existaient déjà au moment de l'ouverture de la faillite et dont le premier juge n'a pas eu connaissance pour quelque raison que ce soit; ces faits peuvent être invoqués sans restriction et prouvés par pièces, pour autant qu'ils le soient dans le délai de recours (ATF 139 III 491 consid. 4.4; arrêt du Tribunal fédéral 5A_243/2019 du 17 mai 2019 consid. 3.1).

2.2 En l'espèce, bien que la cause soit relative à une requête de faillite, le recours dirigé contre le jugement attaqué se limite à des griefs formels en lien avec le défaut de la recourante à l'audience du Tribunal et avec la notification de la décision.

Les pièces produites par la recourante, en tant qu'elles ont trait à ces griefs, sont recevables.

3. La recourante fait grief au Tribunal d'avoir violé l'art. 137 CPC. A titre subsidiaire, elle requiert une restitution de délai.

3.1 L'art. 137 CPC prévoit que lorsque la partie est représentée, les actes sont notifiés à son représentant.

L'application de cette disposition suppose qu'au moment de l'envoi de l'acte, la représentation ait existé et qu'elle ait été portée à la connaissance du Tribunal (ATF 143 III 28 consid. 2.2.1).

3.2 Les décisions sont notifiées par envoi recommandé ou d'une autre manière contre accusé de réception (art. 138 al. 1 CPC).

Selon la jurisprudence, pour les envois postaux recommandés, il existe une présomption selon laquelle l'employé de la Poste a dûment déposé l'avis de retrait dans la boîte aux lettres ou la boîte postale du destinataire, et que la date de distribution a été correctement enregistrée. Cette présomption peut être renversée si le destinataire établit au degré de la vraisemblance prépondérante une erreur dans la notification; il faut des indices concrets d'une erreur (ATF 142 IV 201 consid. 2.3 en matière pénale, et les arrêts cités; arrêt du Tribunal fédéral 4A_250/2008 du 18 juin 2008 consid. 3.2.2).

Elle ne peut s'appliquer que s'il existe un rapport procédural entre les parties, qui ne prend naissance qu'avec la litispendance (ATF 138 III 225 consid. 3.2). Lorsque le destinataire est partie à une procédure, il doit s'attendre en principe à une notification d'un acte judiciaire pendant toute la durée de celle-ci (arrêt du Tribunal fédéral 4A_660/2011 du 9 février 2012 consid. 2.4.1).

3.3 Aux termes de l'art. 148 CPC, le tribunal peut accorder un délai supplémentaire ou citer les parties à une nouvelle audience lorsque la partie défaillante en fait la requête et rend vraisemblable que le défaut ne lui est pas imputable ou n'est imputable qu'à une faute légère (al. 1). La requête est présentée dans les dix jours qui suivent celui où la cause du défaut a disparu (al. 2).

Le défaut doit découler d'une absence de faute ou d'une faute légère. La faute légère vise tout comportement ou manquement qui, sans être acceptable ou excusable, n'est pas particulièrement répréhensible, tandis que la faute grave suppose la violation de règles de prudence vraiment élémentaires qui s'imposent impérieusement à toute personne raisonnable (arrêts du Tribunal fédéral 4A_617/2020 du 21 janvier 2021 consid. 3.1; 4A_52/2019 du 20 mars 2019 consid. 3.1).

3.4 En l'espèce, la citation à comparaître à l'audience du 5 octobre 2023 a été correctement adressée au siège de la recourante, en l'absence de tout domicile élu dont le Tribunal aurait pu avoir connaissance. La recourante ne conteste d'ailleurs pas que cette notification est valablement intervenue, se limitant à soutenir qu'elle n'aurait pas pris connaissance du contenu de l'envoi, formulant pour le surplus des reproches à l'adresse de l'intimée qui aurait dû faire mention dans sa requête de l'élection de domicile.

L'intimée ne conteste pas qu'elle connaissait le mandat du conseil de la recourante, de par les échanges intervenus avec celle-ci avant le dépôt de la requête de faillite. Elle aurait donc été en mesure de prendre cet élément en considération; contrairement à ce que soutient la recourante, rien ne la contraignait à le faire, l'art. 137 CPC ne s'appliquant qu'au Tribunal. Les reproches de la recourante sont ainsi sans portée sur la validité de la notification de la convocation à l'audience opérée par le Tribunal.

Pour le surplus, la restitution de délai réclamée à titre subsidiaire aurait dû être soumise au Tribunal, cas échéant, de sorte qu'elle n'apparaît pas recevable dans le cadre du recours.

En ce qui concerne la décision attaquée, la notification régulière de celle-ci résulte du suivi des envois de la poste, lequel porte la mention du nom "C______", soit celle de l'administrateur, ainsi qu'une signature. La recourante conteste que le précité ait reçu ce pli et signé l'avis postal, sans fournir davantage d'explications. Elle ne présente ainsi aucun indice concret d'une erreur commise par un employé postal, de nature à renverser la présomption de véracité rappelée ci-dessus; au demeurant, on ne discerne pas comment le nom de l'administrateur aurait pu être mentionné dans l'avis postal, sans présentation d'une pièce d'identité à l'agent chargé de notifier un pli adressé à une société anonyme. Par ailleurs, comme il n'a pas été retenu que la convocation à l'audience du Tribunal n'était pas valable, la recourante n'est pas fondée à se prévaloir de l'absence d'un rapport procédural; au contraire, après avoir reçu la convocation, qu'elle y ait ou non déféré, elle devait s'attendre à recevoir des communications judiciaires pendant la durée de la procédure.

Le jugement attaqué a ainsi été valablement notifié.

Par conséquent, les griefs de la recourante étant dépourvus de fondement, le recours sera rejeté.

4. La recourante, qui succombe, supportera les frais de son recours (art. 106 al. 1 CPC), arrêtés à 220 fr. (art. 52, 61 OELP), compensés avec l'avance fournie, qui reste acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

Il ne sera pas alloué de dépens à l'intimée, qui a procédé en personne et n'a pas fait valoir de démarches particulières (cf art. 95 al. 3 let. c CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé le 23 octobre 2023 par A______ SA contre le jugement JTPI/11445/2023 rendu le 5 octobre 2023 par le Tribunal de première instance dans la cause C/16864/2023–5 SFC.

Au fond :

Rejette ce recours, la faillite de A______ SA prenant effet le 5 février 2024 à 12 heures.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais du recours à 220 fr. compensés avec l'avance opérée, acquise à l'ETAT DE GENEVE.

Les met à la charge de A______ SA.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens de recours.

Siégeant :

Madame Pauline ERARD, présidente; Madame Sylvie DROIN, Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, juges; Madame Marie-Pierre GROSJEAN, greffière.

La présidente :

Pauline ERARD

 

La greffière :

Marie-Pierre GROSJEAN

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF indifférente.