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Décisions | Sommaires

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C/22313/2023

ACJC/1586/2023 du 30.11.2023 sur SQ/1186/2023 ( SQP ) , RENVOYE

Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/22313/2023 ACJC/1586/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU JEUDI 30 NOVEMBRE 2023

 

A______ SA, sise ______, Libéria, recourante contre une ordonnance SQ/1186/2023 rendue par le Tribunal de première instance de ce canton le 1er novembre 2023, représentée par Me Romanos SKANDAMIS, avocat, SKANDAMIS AVOCATS SA, Rue Charles-Bonnet 2, 1206 Genève.

 

 


Vu la requête de séquestre et d'exequatur, comportant 76 pages et assortie de deux classeurs fédéraux de pièces, déposée au Tribunal de première instance le 30 octobre 2023 par A______ SA à l'encontre de B______, pour une créance de 4'003'11 fr.;

Attendu, EN FAIT, que par ordonnance SQ/1186/2023 rendue le 1er novembre 2023, le Tribunal a rejeté la requête (ch. 1 du dispositif) et statué sur les frais (ch. 2 à 4);

Que cette ordonnance ne contient aucun état de faits; que dans la partie en droit le Tribunal a considéré que "les pièces produites ne rend[ai]ent pas suffisamment vraisemblable que les sociétés [dont les créances étaient visées par la mesure] appartiendraient à B______, ni suffisamment vraisemblables les créances qu'elles détiendraient à l'encontre de la société C______ SA"; qu'il n'était pas non plus rendu vraisemblable que "D______ [même patronyme que B______]" était l'ayant droit économique de E______ LTD [titulaire d'un compte visé par le séquestre], "la requérante formul[ant] surtout des déductions fondées sur sa propre plainte pénale du 26 septembre 2019 ainsi que sur un rapport d'investigation du 23 septembre 2022"; qu'enfin le Tribunal n'était pas compétent pour prononcer le séquestre d'avoirs en mains de [la banque] F______ à G______ [ZH]; qu'ainsi la requête devait être rejetée sans qu'il y ait lieu de se prononcer sur l'exequatur de la décision étrangère;

Considérant EN DROIT que contre une décision refusant un séquestre, qui est une décision finale en tant qu'elle met fin à l'instance d'un point de vue procédural, seul le recours est ouvert (art. 309 let. b ch. 6 et 319 let. a CPC; arrêt du Tribunal fédéral 5A_508/2012 du 28 août 2012 consid. 3.2; Hohl, Procédure civile, tome II, 2010, n. 1646). Que la procédure sommaire est applicable (art. 251 let. a CPC);

Que formé dans le délai et la forme prescrit, le recours est recevable;

Que le recours peut être formé pour violation du droit et constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC). Que selon la jurisprudence, des constatations de fait doivent être tenues pour manifestement inexactes lorsqu'elles sont arbitraires au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 140 III 264 consid. 2.3; arrêt du Tribunal fédéral 4D_40/2015 du 13 novembre 2015 consid. 2);

Que les tribunaux doivent motiver leurs décisions (art. 238 lit. f CPC); que ceci est évidemment avant tout dans l’intérêt des parties, dont un aspect du droit d’être entendues (art. 53 CPC) implique qu’elles puissent comprendre la décision rendue à leur avantage ou à leur détriment. Que si elles souhaitent introduire une voie de droit, elles doivent critiquer la décision et en particulier, ses considérants (art. 311 et 321 CPC; OGer/ZH LB110049 du 5.3.2012 c. 1.1 s. et réf. ainsi qu’ATF 138 III 374). Que, toutefois, afin que l’autorité de recours puisse examiner ces griefs, elle aussi doit comprendre la décision attaquée; qu'à défaut, elle ne peut pas accomplir sa tâche. Que le droit fédéral contient à cet égard une disposition expresse: les décisions cantonales doivent entre autres contenir « les motifs déterminants de fait et de droit » et si une décision ne satisfait pas à cette exigence, le Tribunal fédéral peut soit la renvoyer à l’autorité cantonale en invitant celle-ci à la parfaire, soit l’annuler (art. 112 al. 1 lit. b et al. 3 LTF). Que cette disposition doit, par nature, être aussi applicable en procédure cantonale de recours – dès lors qu’à défaut, l'instance cantonale de recours ne peut pas accomplir sa tâche. Que, cependant, un renvoi ou une annulation au sens de l’art. 112 LTF doit en tout cas demeurer l’exception et ne peut être ordonné que dans les cas où cela s’impose (OGer/ZH du 14 septembre 2020 (LB190052-O/U) consid. 3.2);

Qu'en l'espèce, l'ordonnance entreprise, qui ne comprend pas d'état de faits, ne développe qu'un argumentaire lapidaire, n'est pas suffisamment compréhensible pour que la partie et l'autorité de recours discernent les éléments pris en compte par le Tribunal pour rejeter la requête. Celui-ci s'est contenté d'affirmer que "les pièces" ne permettaient pas de rendre vraisemblable l'existence de biens appartenant au débiteur, sans référence à aucune des allégations ou pièces de la recourante, qui a pourtant développé son argumentation sur des dizaines de pages et produit de nombreux titres; qu'ainsi la Cour n'est pas en mesure d'accomplir sa tâche, à savoir contrôler si le Tribunal a constaté les faits de manière manifestement inexacte ou violé le droit;

Que l'ordonnance entreprise sera dès lors annulée et la cause retournée au Tribunal pour qu'il rende une nouvelle décision conforme aux principes rappelés ci-dessus la cause n'étant pas en état d'être jugée sur recours (art. 327 al. 1 let. a et let. b a contrario CPC);

Que compte tenu de ce qui précède, il ne sera pas perçu de frais judiciaires pour la présente décision, et l'avance opérée sera restituée à la recourante.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :


A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 13 novembre 2023 par A______ SA contre l'ordonnance SQ/1186/2023 rendue le 1er novembre 2023 par le Tribunal de première instance dans la cause C/22313/2023–S1 SQP.

Au fond :

Annule cette ordonnance.

Renvoie la cause au Tribunal pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

Sur les frais :

Dit qu'il n'est pas perçu de frais judiciaires.

Invite en conséquence les Services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer à A______ SA son avance en 2'250 fr.

Siégeant :

Madame Pauline ERARD, présidente; Madame Sylvie DROIN et Madame
Nathalie LANDRY-BARTHE, juges; Madame Laura SESSA, greffière.

 

La présidente :

Pauline ERARD

 

La greffière :

Laura SESSA