Aller au contenu principal

Décisions | Sommaires

1 resultats
C/20132/2023

ACJC/1578/2023 du 29.11.2023 sur JTPI/13410/2023 ( SFC ) , RENVOYE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/20132/2023 ACJC/1578/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MERCREDI 29 NOVEMBRE 2023

 

Entre

A______ SÀRL, sise ______ [GE], recourante contre un jugement rendu par la 5ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 16 novembre 2023,

et

B______ SA, sise ______ [ZH], intimée.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/13410/2023 rendu le 16 novembre 2023, communiqué pour notification aux parties par plis recommandés du 23 novembre 2023, le Tribunal de première instance, statuant par voie de procédure sommaire, a déclaré A______ SÀRL en état de faillite dès le 16 novembre 2023 à 14:15 heures (ch. 1 du dispositif), a arrêté les frais judiciaires à 120 fr., compensés avec l'avance effectuée par [la compagnie d'assurances] B______ SA, (ch. 2), mis à la charge de A______ SÀRL et condamné celle-ci à les verser à celle-là qui en avait fait l'avance (ch. 3).

B. Par acte expédié au greffe de la Cour de justice le 27 novembre 2023, A______ SÀRL forme recours contre ce jugement, qu'elle dit ne pas encore avoir reçu par la poste.

Par courrier du même jour déposé à la Cour de justice, elle fait valoir qu'une erreur s'est produite dans cette procédure et que B______ SA lui aurait confirmé que A______ SÀRL n'avait aucune dette envers cette dernière.

C. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier.

a. Le 29 septembre 2023, B______ SA a requis du Tribunal la faillite de A______ SÀRL, dans le cadre de la poursuite n° 1______.

b. Une citation à comparaître pour une audience devant se tenir le 16 novembre 2023 a été envoyée à A______ SÀRL le 24 octobre 2023.

Le pli, revenu "non réclamé", a été réexpédié à son destinataire par courrier simple le 9 novembre 2023.

c. Lors de l'audience devant le Tribunal du 16 novembre 2023, aucune des parties n'était présente ni représentée.

Le même jour le Tribunal a rendu le jugement querellé.

EN DROIT

1. 1.1.1 S'agissant d'une procédure de faillite, seule la voie du recours est ouverte (art. 309 let. b ch. 7 et 319 let. a CPC; art. 174 al. 1, art. 194 al. 1 LP).

Le recours doit être interjeté dans le délai de dix jours à compter de la notification de la décision motivée (art. 321 al. 1 et 2 CPC).

1.1.2 Les citations, les ordonnances et les décisions sont notifiées par envoi recommandé ou d'une autre manière contre accusé de réception (art. 138 al. 1 CPC).

L'acte est réputé notifié, en cas d'envoi recommandé, lorsque celui-ci n'a pas été retiré : à l'expiration d'un délai de sept jours à compter de l'échec de la remise, si le destinataire devait s'attendre à recevoir la notification (art. 138 al. 3 let. a CPC).

La fiction de notification valant en cas d'envoi recommandé ne s'applique pas à l'avis de l'audience de faillite (art. 168 LP; ATF 138 III 225 consid. 3). En effet, comme le prévoit expressément l'art. 138 al. 3 let. a CPC, un acte judiciaire ne peut être réputé notifié que si son destinataire devait s'attendre à le recevoir. Un rapport procédural, qui impose aux parties de se comporter conformément aux règles de la bonne foi, soit, notamment, de se préoccuper de ce que les actes judiciaires concernant la procédure puissent leur être notifiés, ne prend toutefois naissance qu'à partir de la litispendance (ATF 138 III 225 consid. 3.1; 130 III 396 consid. 1.2.3 et les références; arrêt du Tribunal fédéral 5D_130/2011 du 22 septembre 2011 consid. 2.1, publié in Pra 2012 (42) 300). Or, la procédure tendant au prononcé de la faillite est une nouvelle procédure par rapport aux étapes précédentes y menant. Elle ne fait automatiquement suite ni à la procédure préalable, ni à la commination de faillite (art. 159 ss LP). Ainsi, la procédure de faillite n'est pendante qu'à partir de la réquisition de faillite et le devoir des parties de se comporter selon la bonne foi ne naît qu'après la création du rapport de procédure en découlant (ATF 138 III 225 consid. 3.2).

L'avis aux parties de l'audience de faillite avant la tenue de celle-ci (art. 168 LP) est une condition formelle de la décision de faillite. Si cet avis n'a pas lieu, le droit des parties d'être entendues, protégé par l'art. 29 al. 2 Cst., est violé, car il découle de ce droit notamment le droit d'être cité régulièrement aux débats. Cette garantie a pour but d'assurer à chaque partie le droit de ne pas être condamnée sans avoir été mise en mesure de défendre ses intérêts (ATF 131 I 185 consid. 2.1;
117 Ib 347 consid. 2b/bb et les références). En particulier, le débiteur est privé de la possibilité de prouver les faits qui doivent conduire au rejet de la réquisition de faillite (art. 172 LP). L'atteinte causée par le défaut d'une citation valablement notifiée est d'une gravité telle qu'elle ne peut pas être réparée devant l'instance de recours; si cette atteinte est réalisée, la cause doit être renvoyée à l'autorité de première instance (ATF 138 III 225 consid. 3.3 et les références).

La nullité doit être constatée d'office, en tout temps et par l'ensemble des autorités étatiques; elle peut aussi être constatée en procédure de recours (ATF 137 III 217 consid. 2.4.3; 132 II 342 consid. 2.1; 122 I 97 consid. 3a), y compris en dépit de l'irrecevabilité éventuelle du recours (arrêt du Tribunal fédéral 7B_20/2005 du 14 septembre 2005 consid. 1.3 non publié aux ATF 131 III 652).

1.2 En l'espèce, la partie recourante n'a pas retiré le pli recommandé contenant la citation à comparaître à l'audience du Tribunal. Or, l'avis aux parties de l'audience de faillite avant la tenue de celle-ci est une condition formelle de la décision de faillite.

Il résulte de ce qui précède que le droit d'être entendue de la partie recourante a été violé puisqu'elle n'a pas été valablement convoquée à l'audience du 16 novembre 2023 et qu'elle a ainsi été privée de la possibilité de faire valoir ses arguments devant le Tribunal.

La violation du droit d'être entendue de la partie recourante ne peut pas être réparée dans le cadre du présent recours puisque la Cour ne dispose pas d'un pouvoir d'examen complet. Enfin, rien ne permet de penser en l'état que le renvoi constituerait une démarche purement formaliste conduisant à un retard inutile, incompatible avec l'intérêt de l'intimée, étant relevé que la poursuite concernée a été réglée.

Il résulte de ce qui précède que la décision querellée doit être annulée, ce que la Cour peut constater d'entrée de cause (art. 253 CPC), sans préjudice de la recevabilité du recours, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'examiner plus avant la tardiveté éventuelle de celui-ci.

La cause sera dès lors retournée au Tribunal, qui a choisi la procédure orale (art. 253 CPC), pour qu'il cite valablement les parties à comparaître afin que la partie recourante puisse, le cas échéant, faire valoir ses arguments.

Il appartiendra également au Tribunal de vérifier l'identité de la partie citée en première instance, la requête ayant été formée contre A______ SARL et la citation adressée à la recourante.

2. 2.1 Selon l'art. 104 al. 1 CPC, le Tribunal statue sur les frais en règle générale dans la décision finale. Compte tenu du renvoi de la cause au Tribunal, le sort des frais de première instance sera réglé avec le jugement final (art. 104 al. 1 et art. 318 al. 3 CPC).

Les frais judiciaires qui ne sont pas imputables aux parties ni aux tiers peuvent être mis à la charge du canton si l'équité l'exige (art. 107 al. 2 CPC).

2.2 En l'espèce, les frais judiciaires de recours seront fixés à 220 fr. (art. 48 et 61 OELP). Compte tenu de l'issue du recours, il se justifie de mettre les frais à la charge du canton.

Il n'y a pas lieu d'allouer de dépens à la partie recourante, l’art. 107 al. 2 CPC ne permettant pas de mettre des dépens à la charge de l’Etat de Genève.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :


Annule le jugement
JTPI/13410/2023 rendu le 16 novembre 2023 par le Tribunal de première instance dans la cause C/20132/2023‑S1 SFC.

Renvoie la cause au Tribunal de première instance pour nouvelle décision.

Arrête les frais judiciaires du recours à 220 fr. et les met à la charge de l'Etat de Genève.

Invite les Services financiers du pouvoir judiciaire à restituer à A______ SÀRL la somme de 220 fr.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens de recours.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Pauline ERARD, présidente; Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, Monsieur Ivo BUETTI, juges; Madame Marie-Pierre GROSJEAN, greffière.

 

La présidente :

Pauline ERARD

 

La greffière :

Marie-Pierre GROSJEAN

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF indifférente
(art. 74 al. 2 let. d LTF).