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C/9675/2023

ACJC/1232/2023 du 25.09.2023 sur JTPI/7952/2023 ( SFC ) , CONFIRME

Normes : LP.191
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/9675/2023 ACJC/1232/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU LUNDI 25 SEPTEMBRE 2023

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______ [GE], recourant contre un jugement rendu par la 5ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 6 juillet 2023, comparant en personne,

 

 


EN FAIT

A. Le 11 mai 2023, A______ a déposé devant le Tribunal de première instance un formulaire de déclaration d’insolvabilité. Il en ressort, ainsi que des pièces produites, qu'il perçoit un salaire mensuel brut de 9'000 fr. versé par la société B______ SA, qu’il n’a aucune fortune, à l’exception de quelques 15'000 fr. déposés à titre de garantie auprès de C______ [compagnie d'assurance] et qu’il fait l’objet de quatre poursuites pour près de 1'500'000 fr. au total, dont une porte sur un montant de 1'116'921 fr. et deux en sont au stade de l’avis de saisie, les créanciers étant la Caisse de compensation D______ et la Caisse d’allocations familiales E______.

B. Par jugement du 6 juillet 2023, le Tribunal a rejeté la déclaration d'insolvabilité de A______ du 11 mai 2023 (ch. 1 du dispositif), mis à sa charge les frais judicaires, arrêtés à 50 fr. (ch. 2) et l'a débouté de toutes autres conclusions (ch. 3).

Le Tribunal a relevé que A______ ne donnait aucune explication et ne versait aucune pièce en lien avec son budget actuel. Il a par conséquent retenu que le précité ne disposait pas de biens à réaliser au profit de ses créanciers et que le but poursuivi par sa requête était d'éviter une éventuelle saisie sur salaire.

A______ ne disposait ainsi pas d'intérêt digne de protection à la déclaration de sa faillite, si bien que sa requête était rejetée.

C. Par acte expédié à la Cour de justice le 24 juillet 2023, A______ a formé recours contre ce jugement. Il a conclu à son annulation et à ce que sa faillite soit prononcée, subsidiairement au renvoi de la cause au Tribunal.

Il a produit des pièces nouvelles, soit un certificat de salaire pour 2021 ainsi qu'un ordre à sa banque daté du 2 juin 2023 de payer à l'Etat de Genève un montant de 3'500 fr. le 5 juin 2023.

Le 7 août 2023, la Cour a informé A______ de ce que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel étant irrecevable dans les affaires relevant de la compétence du tribunal de la faillite selon la LP (art. 309 let. b ch. 7 CPC), seule la voie du recours est ouverte (art. 319 let. a CPC; art. 174 al. 1 par renvoi de l'art. 194 al. 1 LP).

Le recours a été interjeté dans le délai utile de 10 jours (art. 174 al. 1 LP) et selon la forme prescrite. Il est partant recevable.

1.2 Dans le cadre d'un recours, les conclusions, les allégations de faits et les preuves nouvelles sont irrecevables (art. 326 al. 1 CPC). Les dispositions spéciales de la loi sont réservées (al. 2). En vertu de l'art. 174 al. 1 2ème phrase LP – applicable par renvoi de l'art. 194 al. 1 LP –, les parties peuvent faire valoir devant l'instance de recours des faits nouveaux lorsque ceux-ci se sont produits avant le jugement de première instance. Ainsi, par exception au principe général de l'art. 326 al. 1 CPC, les parties peuvent alléguer des pseudos-nova sans restriction en matière de faillite (arrêt du Tribunal fédéral 5P.263/2003 du 25 août 2003 consid. 3.3.1).

Les allégations et pièces nouvelles du recourant sont ainsi recevables, sans préjudice de leur pertinence.

1.3 Les décisions rendues en matière de faillite sont soumises à la procédure sommaire (art. 251 let. a CPC). Le juge établit les faits d'office (maxime inquisitoire, art. 255 let. a CPC). La preuve des faits allégués doit, en principe, être apportée par titres.

2. Le recourant se plaint de ce que le Tribunal lui reproche de ne pas avoir fourni d'explication quant à son budget alors qu'il avait rempli complètement le formulaire mis à disposition par le Tribunal. Si le formulaire était incomplet, le Tribunal aurait dû lui poser les questions nécessaires. Son épouse avait par ailleurs payé pour lui l'avance de 3'500 fr. pour les frais de liquidation et elle disposait d'environ 20'000 fr. qu'elle pourrait peut-être lui prêter.

2.1 Aux termes de l'art. 191 LP, le débiteur peut lui-même requérir sa faillite en se déclarant insolvable en justice (al. 1); lorsque toute possibilité de règlement amiable des dettes selon les art. 333 ss est exclue, le juge prononce la faillite (al. 2).

La faillite sur déclaration d'insolvabilité du débiteur offre à celui-ci d'importants avantages. En effet, les saisies à son encontre (même les saisies de salaire) tombent. En outre, cette institution lui procure immédiatement la tranquillité nécessaire pour se reprendre financièrement: déjà après l'ouverture de la faillite, il peut disposer librement de son salaire courant (c'est-à-dire les versements devenus exigibles après l'ouverture de la faillite). De plus, il peut à nouveau être poursuivi pour les créances nées avant la faillite uniquement après son retour à meilleure fortune (Amon/Walther, Grundriss des Schuldbetreibungs- und Konkursrechts, 9ème éd., 2013, § 38 n. 22-23).

Le requérant n'a pas un droit inconditionnel au prononcé de sa faillite (ATF 133 III 614 consid. 6.1.2). Pour que la faillite puisse être prononcée ensuite d'une déclaration d'insolvabilité en justice, il faut que se réalise une condition positive, soit un état d'insolvabilité, et que, simultanément, ne soit satisfaite aucune condition négative, à savoir la possibilité de règlement amiable des dettes, un ajournement de la décision de faillite en raison d'un sursis concordataire ou extraordinaire, une procédure de faillite déjà en cours, une procédure de détermination de retour à meilleure fortune en cours ou un abus de droit manifeste au sens de l'art. 2 al. 2 CC (Cometta, Commentaire romand, Poursuite et faillite, 2005, n. 4 ad art. 191 LP).

L'interdiction de l'abus de droit est applicable à tout l'ordre juridique, donc également en matière de poursuites et faillite. Dans la procédure de faillite sur déclaration d'insolvabilité du débiteur, le juge doit ainsi vérifier d'office l'application de ce principe à la lumière des circonstances particulières du cas d'espèce (ATF 118 III 27, 113 III 2 consid. 2a).

A titre d'exemple, un débiteur commet un abus de droit lorsqu'il requiert sa faillite, en sachant que la masse en faillite ne comprendrait aucun actif ou lorsqu'il souhaite par ce moyen faire tomber une saisie de salaire (ATF 145 III 26 consid. 2.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_776/2008 du 15 janvier 2009 consid. 2.1 in fine; cf. également ATF 123 III 402 consid. 3a/aa = JdT 1999 II 102, p. 103).

La faillite volontaire prévue à l'art. 191 LP n'est pas une procédure visant à régler la problématique du surendettement des particuliers obérés. Si l'on devait agréer la demande de faillite volontaire de chaque débiteur qui poursuit le but de faire tomber une saisie sur ses revenus, l'art. 93 LP serait pratiquement vidé de sa substance; il ne saurait y avoir libre choix entre la saisie des revenus et la déclaration d'insolvabilité, car les intérêts des créanciers doivent également être pris en compte; dans ce domaine, il ne peut s'agir de faire triompher uniquement le point de vue du débiteur (ATF 145 III 26 consid. 2.2 et les références citées).

2.2 En l'espèce, il ressort du formulaire mis à disposition par le Tribunal que celui-ci demande que soient fournis des renseignements sur les actifs détenus par la personne concernée ainsi qu'une explication sur les motifs pour lesquels la mise en faillite est requise. Le recourant a indiqué qu'il ne détenait aucun actif – sous réserve d'une garantie vraisemblablement de loyer dont il ne peut librement disposer – et, quant aux motifs de sa requête, qu'il ne pouvait faire face à ses créanciers, sans autre explication, si ce n'est, sur ce dernier point, un renvoi aux annexes produites.

Il ne peut dès lors être considéré que le formulaire serait incomplet, mais plutôt que les explications du recourant ont été lapidaires sur les raisons pour lesquelles il demandait sa faillite. Il a par ailleurs répondu aux questions figurant dans le formulaire quant aux actifs dont il disposait, lesquelles permettaient au premier juge de suffisamment connaître l'état de sa situation financière et de statuer, de sorte qu'il ne peut être reproché à ce dernier de ne pas avoir interrogé le recourant sur des éléments nécessaires et d'avoir violé son droit d'être entendu.

En outre, si le recourant s'est acquitté de l'avance de frais de 3'500 fr. pour les frais de liquidation, ce qui ne ressort pas de l'ordre de paiement produit devant la Cour, dont il n'est pas indiqué qu'il aurait été exécuté, il n'en reste pas moins qu'outre la garantie de loyer précitée, le recourant a indiqué ne disposer d'aucun actif. Dès lors, en l'absence d'actifs à réaliser au profit des créanciers, c'est à bon droit que le Tribunal a rejeté la requête. Le recourant allègue devant la Cour que son épouse "pourrait peut-être" lui prêter environ 20'000 fr. Toutefois, indépendamment de la pertinence de cette circonstance, il n'étaye ses dires d'aucun titre.

C'est dès lors, en définitive, sans violer le droit que le Tribunal a rejeté la déclaration d'insolvabilité formée par le recourant.

Le recours se révèle infondé, de sorte qu'il sera rejeté.

3. Les frais du recours, arrêtés à 75 fr., seront mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 106 al. 1 CPC), et compensés avec l'avance de frais fournie, acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté par A______ contre le jugement JTPI/7952/2023 rendu le 6 juillet 2023 par le Tribunal de première instance dans la cause C/9675/2023-5 SFC.

Au fond :

Rejette ce recours.

Déboute A______ de toute autre conclusion.

Sur les frais :

Arrête les frais judicaires de recours à 75 fr., les met à la charge de A______ et dit qu'ils sont compensés avec l'avance fournie, qui reste acquise à l'Etat de Genève.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens de recours.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, Madame Nathalie RAPP, juges; Madame Laura SESSA, greffière.

Le président :

Laurent RIEBEN

 

La greffière :

Laura SESSA

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.