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C/21820/2022

ACJC/1214/2023 du 19.09.2023 sur JTPI/4433/2023 ( SML ) , CONFIRME

Normes : LP.82.al2
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/21820/2022 ACJC/1214/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 19 SEPTEMBRE 2023

 

Entre

A______ SA, sise ______ [GE], recourante contre un jugement rendu par la 26ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 13 avril 2023, comparant par Me B______, avocat, ______, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile,

et

C______ SA, sise ______ [GE], intimée, comparant par Me Alban MATTHEY, avocat, SwissLegal Rouiller, rue du Grand-Chêne 1, case postale 1501, 1002 Lausanne, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. a. C______ SA est une société anonyme sise à Genève et active dans le domaine du négoce de produits pétroliers.

A teneur de l'extrait du registre du commerce, D______ en était administrateur, dans un premier temps avec signature individuelle du 19 août 2019 au 21 mars 2021, puis sans signature jusqu'au 3 mai 2021; E______ en était administrateur avec signature individuelle du 23 mars au 12 juillet 2021.

b. Entre août 2020 et mars 2021, A______ SA a fourni des services juridiques à C______ SA.

c. Selon un document manuscrit signé le 22 mars 2021 par D______, C______ SA a confié divers mandats à A______ SA et reconnaissait lui devoir "les sommes dues au titre de ces mandats, qui seront modalisées dans les factures correspondantes et qui seront reçues ultérieurement, en précisant que la présente reconnaissance de dette vaut pour 30'000 fr. (intérêts et frais en sus, au maximum)".

d. Lors de la séance du Conseil d'administration de C______ SA tenue le 22 mars 2021 dès 10 heures en présence notamment de D______ et de B______, avocat au sein de A______ SA, il a été décidé de retirer les pouvoirs de représentation de D______ inscrits au Registre du commerce.

e. Le 25 mars 2021, A______ SA a adressé à C______ SA cinq notes d'honoraires pour les sommes de 11'934 fr. 70 (période du 11 août au 9 décembre 2020), 457 fr. 60 (27 août 2020), 1'932 fr. 05 (période du 12 au 14 février 2021), 305 fr. 05 (période du 18 février 2021) et 6'813 fr. 05 (période du 29 août au 19 mars 2021).

f. Par courriel du 27 mars 2021, C______ SA, sous la signature de E______, a confirmé la bonne réception des factures, exposant qu'elles seraient revues dans les prochains jours mais que la priorité serait donnée au paiement des charges sociales et des salaires au vu du manque de liquidités de la société.

g. Le 31 janvier 2022, A______ SA a mis C______ SA en demeure de s'acquitter des montants dus.

h. Le 19 octobre 2022, A______ SA a fait notifier à C______ SA un commandement de payer, poursuite n° 1______, pour les montants de 11'934 fr. 70, 305 fr. 05, 457 fr. 60, 1'932 fr. 05 et 6'813 fr. 05 avec intérêts à 5 % dès le 29 mars 2021.

C______ SA y a fait opposition.

B. a. Par requête du 2 novembre 2022, A______ SA a requis la mainlevée provisoire de l'opposition faite au commandement de payer, en se fondant sur le document signé par D______ le 22 mars 2021.

b. Lors de l'audience tenue par le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal) le 13 mars 2023, A______ SA a persisté dans sa requête.

C______ SA s'y est opposée, arguant de ce que le montant mentionné dans la reconnaissance de dette n'était pas déterminable. Elle a par ailleurs produit le procès-verbal du Conseil d'administration tenu le 22 mars 2021 et fait valoir que D______ n'était depuis lors plus habilité à la représenter.

La cause a été gardée à juger par le Tribunal à l'issue de l'audience.

C. Par jugement JTPI/4433/2023 rendu le 13 avril 2023, le Tribunal, statuant par voie de procédure sommaire, a rejeté la requête de A______ SA en mainlevée provisoire de l'opposition formée par C______ SA au commandement de payer, poursuite 1______ (chiffre 1 du dispositif), laissé les frais judiciaires, arrêtés à 400 fr. et compensés avec l'avance effectuée, à la charge de A______ SA (ch. 2) et condamné cette dernière à verser à C______ SA 880 fr. TTC à titre de dépens (ch. 3).

Le Tribunal a retenu que les titres produits ne valaient pas reconnaissance de dette, les factures émises le 25 mars 2021 n'étant pas signées et le document du 22 mars 2021 ne faisant pas clairement référence auxdites factures ni aux montants précis réclamés.

D. a. Par acte expédié le 26 avril 2023, A______ SA recourt contre ce jugement, qu'elle a reçu le 17 avril 2023. Elle conclut à son annulation et, cela fait, au prononcé de la mainlevée provisoire de l'opposition formée par C______ SA au commandement de payer qui lui a été notifié le 19 octobre 2022 dans la poursuite 1______.

b. Dans sa réponse du 22 mai 2023, C______ SA conclut au rejet du recours et à la confirmation du jugement entrepris, sous suite de frais et dépens.

c. La Cour a gardé la cause à juger en date du 7 juillet 2023.

EN DROIT

1.             1.1 En matière de mainlevée d'opposition, seule la voie du recours est ouverte (art. 309 let. b ch. 3 CPC).

Aux termes de l'art. 321 al. 1 et 2 CPC, le recours, écrit et motivé, doit être introduit auprès de l'instance de recours dans les dix jours à compter de la notification de la décision motivée, pour les décisions prises en procédure sommaire (art. 251 let. a CPC).

1.2 Interjeté dans le délai et selon la forme prévus par la loi, le recours est recevable.

1.3 Dans le cadre d'un recours, le pouvoir d'examen de la Cour est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC). L'autorité de recours a un plein pouvoir d'examen en droit, mais un pouvoir limité à l'arbitraire en fait, n'examinant par ailleurs que les griefs formulés et motivés par le recourant (Hohl, Procédure civile, Tome II, 2ème éd., Berne, 2010, n° 2307).

Le recours est instruit en procédure sommaire (art. 251 let. a CPC), la preuve des faits allégués devant être apportée par titres (art. 254 CPC). Les maximes des débats et de disposition s'appliquent (art. 55 al. 1, 255 let. a a contrario et art. 58 al. 1 CPC).

2. La recourante reproche au Tribunal d'avoir considéré que les pièces produites ne constituaient pas une reconnaissance de dette. Elle fait valoir que le document signé par D______ le 22 mars 2021 pour une somme plafond de 30'000 fr. porte sur un montant aisément déterminable au regard des cinq factures émises le 25 mars 2022.

L'intimée se prévaut de ce que D______ n'était plus habilité à la représenter à compter du 22 mars 2021.

2.1.1 Le créancier dont la poursuite se fonde sur une reconnaissance de dette constatée par acte authentique ou sous seing privé peut requérir la mainlevée provisoire (art. 82 al. 1 LP). Le juge prononce la mainlevée si le débiteur ne rend pas immédiatement vraisemblable sa libération (art. 82 al. 2 LP).

Constitue une reconnaissance de dette au sens de cette disposition, en particulier, l'acte sous seing-privé, signé par le poursuivi ou son représentant, d'où ressort sa volonté de payer au poursuivant, sans réserve ni condition, une somme d'argent déterminée, ou aisément déterminable et exigible (ATF 148 III 145 consid. 4.1.1; 145 III 20 consid. 4.1.1.1; ATF 139 III 297 consid. 2.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_688/2022 du 23 novembre 2022 consid. 4.1.1).

Une reconnaissance de dette peut résulter d'un ensemble de pièces dans la mesure où il en ressort les éléments nécessaires. Cela signifie que le document signé doit clairement et directement faire référence, respectivement renvoyer, aux documents qui mentionnent le montant de la dette ou permettent de le chiffrer (parmi plusieurs: ATF 136 III 627 consid. 2 et 3.3; 132 III 480 consid. 4.1 et les références citées). En d'autres termes, cela signifie que le montant de la dette doit être fixé ou aisément déterminable dans les pièces auxquelles renvoie le document signé, et ce au moment de la signature de ce dernier (ATF 139 III 297 consid. 2.3.1). L'engagement de payer un montant maximal ne constitue pas une reconnaissance de dette suffisamment chiffrée (arrêt du Tribunal fédéral 5A_14/2018 consid. 3.4.2; staehelin in Basler Kommentar, Bundesgesetz über Schuldbetreibung und Konkurs I (2021), ad art. 82 n. 25).

2.1.2 Le poursuivi peut se prévaloir de tous les moyens de droit civil – exceptions ou objections – qui infirment la reconnaissance de dette (ATF 145 III 20 consid. 4.1.2 et la référence; 131 III 268 consid. 3.2). Il n'a pas à apporter la preuve absolue (ou stricte) de ses moyens libératoires, mais seulement à les rendre vraisemblables, en principe par titre (art. 254 al. 1 CPC; ATF 145 III 20 consid. 3.1.2 et la référence). Le juge n'a pas à être persuadé de l'existence des faits allégués; il doit, en se fondant sur des éléments objectifs, avoir l'impression qu'ils se sont produits, sans exclure pour autant la possibilité qu'ils se soient déroulés autrement (ATF 142 III 720 consid. 4.1 et la référence).

2.1.3 La procédure de mainlevée provisoire est une procédure sur pièces (Urkundenprozess), dont le but n'est pas de constater la réalité de la créance en poursuite, mais l'existence d'un titre exécutoire. Le juge de la mainlevée provisoire examine seulement la force probante du titre produit par le créancier, sa nature formelle – et non la validité de la créance – et lui attribue force exécutoire si le débiteur ne rend pas immédiatement vraisemblables ses moyens libératoires (ATF 145 III 160 consid. 5.1 et la référence). Son rôle n'est pas d'interpréter des contrats ou d'autres documents, mais d'accorder rapidement, après examen sommaire des faits et du droit, une protection provisoire au requérant dont la situation paraît claire (ACJC/658/2012 du 11 mai 2012 consid. 5.2; ACJC/1211/1999 du 25 novembre 1999 consid. 3; arrêt du Tribunal fédéral du 10 mai 1968, résumé in JdT 1969 II 32).

2.2 En l'espèce, la recourante requiert la levée de l'opposition formée par l'intimée au commandement de payer portant sur les factures émises le 25 mars 2021 pour les sommes de 11'934 fr. 70, 457 fr. 60, 1'932 fr. 05, 305 fr. 05 et 6'813 fr. 05. Elle se fonde sur le document signé par D______ le 22 mars 2021, aux termes duquel l'intimée reconnaît devoir les sommes dues pour les mandats qu'elle lui a confiés et qui lui seront facturés par la suite pour un montant de 30'000 fr. au maximum. Le montant de la dette mise en poursuite n'était toutefois pas déterminable au moment où ce document a été signé, puisque les factures y relatives n'avaient alors pas encore été établies et que l'expression d'un montant maximal ne constitue pas une reconnaissance de dette suffisamment chiffrée.

Cela étant, l'intimée a en outre rendu vraisemblable que D______ ne disposait plus des pouvoirs pour la représenter lorsqu'il a signé ce document le 22 mars 2021, puisqu'il résulte du procès-verbal de la séance de son Conseil d'administration tenue ce même 22 mars 2021 que cet administrateur s'est vu retirer ses pouvoirs de représentation. L'inscription des pouvoirs de représentation de D______ au Registre du commerce n'a certes été radiée que le 23 mars 2021. La recourante en était toutefois informée immédiatement puisque l'un de ses avocats a assisté à la séance du conseil d'administration. Enfin, la question de savoir à quelle heure D______ a signé le document invoqué comme reconnaissance de dette ne sera pas examinée plus avant, la production par l'intimée du procès-verbal de la séance de son Conseil d'administration tenu le même jour dès 10 heures suffisant à retenir, sous l'angle de la vraisemblance, l'absence de pouvoirs de représentation de D______ invoquée par l'intimée.

C'est en conséquence à raison que le Tribunal a retenu que les pièces produites par la recourante pour solliciter la levée de l'opposition formée au commandement de payer ne constituaient pas une reconnaissance de dette au sens de l'art. 82 LP.

Infondé, le recours sera rejeté.

3. La recourante, qui succombe, sera condamnée aux frais du recours (art. 106 al. 1 CPC).

Les frais judiciaires seront arrêtés à 600 fr. (art. 48 et 61 al. 1 OELP) et compensés avec l'avance versée par la recourante, laquelle reste acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

Les dépens dus à l'intimée seront fixés à 1'000 fr., débours compris (art. 25 al. 1 et 26 al. 1 LaCC; art. 85, 89 et 90 RTFMC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 26 avril 2023 par A______ SA contre le jugement JTPI/4433/2023 rendu le 13 avril 2023 par le Tribunal de première instance dans la cause C/21820/2022–19 SML.

Au fond :

Le rejette.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires de recours à 600 fr., les met à la charge de A______ SA et les compense avec l'avance de frais qu'elle a versée et qui reste acquise à l'Etat de Genève.

Condamne A______ SA à verser 1'000 fr. à C______ SA à titre de frais judiciaires de recours.

Siégeant :

Madame Paola CAMPOMAGNANI, présidente; Madame Ursula ZEHETBAUER GHAVAMI, Madame Nathalie RAPP, juges; Madame Mélanie DE RESENDE PEREIRA, greffière.

La présidente :

Paola CAMPOMAGNANI

 

La greffière :

Mélanie DE RESENDE PEREIRA

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours constitutionnel subsidiaire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 30'000 fr.