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C/13550/2022

ACJC/564/2023 du 26.04.2023 sur JTPI/14597/2022 ( SML ) , JUGE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/13550/2022 ACJC/564/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MERCREDI 26 AVRIL 2023

 

Entre

A______ SA, sise ______ [GE], recourante recourant contre un jugement rendu par la 20ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 11 novembre 2022, comparant par Me François BELLANGER, avocat, Poncet Turrettini, rue de Hesse 8, case postale, 1211 Genève 4, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile,

et

B______ SA, sise ______ (VS), intimée, comparant par Me Filip BANIC, avocat, Banic Stamenkovic Avocats Sàrl, rue Caroline 2, case postale 264, 1003 Lausanne, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A.           Par jugement JTPI/14597/2022 du 11 novembre 2022, notifié aux parties le 9 décembre 2022, statuant par voie de procédure sommaire, le Tribunal de première instance (ci-après: le Tribunal) a prononcé la mainlevée provisoire de l'opposition formée au commandement de payer dans la poursuite n° 1______ (ch. 1 du dispositif), mis les frais judiciaires – arrêtés à 750 fr. – à la charge de A______ SA, compensé ces frais avec l'avance de même montant fournie par B______ SA (ch. 2), condamné A______ SA à verser à B______ SA la somme de 750 fr. TTC à titre de dépens (ch. 3) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4).

B.            a. Par acte expédié au greffe de la Cour de justice le 19 décembre 2022, A______ SA recourt contre ce jugement.

Elle conclut principalement à l'annulation de celui-ci et, cela fait, au rejet de la requête de mainlevée provisoire formée le 14 juillet 2022 par B______ SA dans le cadre de la poursuite ordinaire n° 1______, avec suite de frais judiciaires et dépens.

Elle produit un bordereau de dix-sept pièces, dont huit n'ont pas été soumises au Tribunal (pièces 2, 3, 5 et 8 à 12).

b. Par arrêt du 30 décembre 2022, le vice-président de la Chambre civile de la Cour de justice a rejeté la requête préalable en restitution de l'effet suspensif et dit qu'il serait statué sur les frais avec le fond du recours.

c. B______ SA a conclu au rejet du recours, avec suite de frais judiciaires et dépens.

Elle a produit un bordereau de dix pièces, non soumises au Tribunal.

d. Les parties ont respectivement répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions.

A______ SA a produit un bordereau de sept pièces, dont six n'ont pas été soumises au Tribunal (pièces 18 à 23).

e. Les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger par plis du greffe du 14 février 2023

C.           Les faits pertinents suivants résultent de la procédure:

a. C______ SA est propriétaire d'un bien-fonds sis dans la commune de D______ (VD), sur lequel est bâti un hôtel à l'enseigne "E______".

b. A une date indéterminée, C______ SA a remis à bail l'hôtel "E______" à la société genevoise A______ SA.

c. En date du 25 février 2022, A______ SA a conclu un contrat intitulé "Contrat de partenariat" avec la société [valaisanne] B______ SA, aux fins de doter l'hôtel "E______" d'un "team building parc" développé et géré par B______ SA, à destination notamment de la clientèle de l'hôtel.

c.a L'article 2 ch. 3 let. e du contrat prévoyait que A______ SA s'engageait à verser à B______ SA deux contributions forfaitaires pour la réalisation du "team building parc", soit: 250'000 fr. à la signature du contrat et 125'000 fr. "dès appel de fonds de B______ SA mais au plus tard lors de la 8ème semaine d'installation".

c.b L'article 5 du contrat énonçait que la jouissance des locaux concernés serait conférée à B______ SA par un bail de sous-location distinct, avec la précision que celle-ci était autorisée à disposer des locaux à titre gratuit dans l'intervalle, afin de procéder à l'installation de ses équipements ainsi qu'à la mise en exploitation de ses activités.

c.c Selon l'article 6 ch. 2 du contrat, en cas de résiliation du partenariat ou du bail de sous-location par A______ SA, le montant forfaitaire de 375'000 fr. prévu à l'article 2 ch. 3 let. e du contrat resterait acquis à B______ SA, et ce que le dommage subi par celle-ci soit inférieur ou supérieur à ce montant.

c.d L'article 7 ch. 2 du contrat prévoyait que toute notification effectuée dans le cadre dudit contrat devait être adressée à l'autre partie par courrier recommandé.

d. Le 1er avril 2022, A______ SA, en tant que sous-bailleresse, et B______ SA, en tant que sous-locataire, ont conclu un contrat de sous-location portant sur des surfaces d'environ 700 m2 au sein de l'hôtel E______, afin de créer le complexe de divertissement décrit dans le contrat de partenariat.

Ce contrat rappelait que B______ SA se voyait allouer un montant forfaitaire de 375'000 fr. pour la réalisation du "team building parc", payable aux échéances prévues par le contrat de partenariat, et qu'en cas de résiliation dudit contrat ou du sous-bail par A______ SA, ce montant resterait acquis à B______ SA, et ce que le dommage subi par celle-ci soit inférieur ou supérieur à ce montant (articles 53 et 55 du contrat de sous-location).

e. A______ SA ne s'est pas acquittée des contributions forfaitaires prévues par le contrat de partenariat.

f. Le 5 juillet 2022, B______ SA a fait notifier à A______ SA un commandement de payer dans la poursuite n° 1______ pour les montants de 269'250 fr. plus intérêts à 5% dès le 25 février 2022 et de 134'625 fr. plus intérêts à 5% dès le 15 avril 2022.

A______ SA y a formé opposition le jour même.

g. Par requête non motivée du 13 juillet 2022, dirigée contre A______ SA, B______ SA a requis la mainlevée provisoire de l'opposition formée au commandement de payer susvisé.

A l'appui de sa requête, elle a produit une copie du contrat de partenariat du 25 février 2022, en sus de l'original du commandement de payer dans la poursuite n° 1______.

h. A l'audience tenue par le Tribunal le 11 novembre 2022, lors de laquelle son conseil s'est constitué pour la défense de ses intérêts, A______ SA a conclu au déboutement de B______ SA des fins de sa requête. Elle a exposé que les créances déduites en poursuite n'étaient pas exigibles et que la partie requérante n'avait pas exécuté ses prestations contractuelles.

A l'appui de ses conclusions, elle a produit un bordereau de trois pièces comprenant une copie du contrat de partenariat du 25 février 2022 (sur laquelle la date de signature dudit contrat est illisible), un extrait du Registre du commerce la concernant, ainsi qu'un procès-verbal d'état des lieux de son entrée dans l'hôtel "E______" daté du 1er novembre 2022.

i. Représentée par son conseil, B______ SA a déclaré persister dans sa requête, exposant que le premier versement était dû dès la signature du contrat et que le second versement était également dû avant l'échéance fixée. Elle a déclaré que les montants réclamés comprenaient la TVA, ce qui expliquait pourquoi ils ne correspondaient pas à ceux indiqués dans le contrat de partenariat.

A l'appui de ses conclusions, B______ SA a produit une copie du bail de sous location, ainsi que:

-          une facture établie par ses soins à l'intention de C______ SA, datée du 28 février 2022, portant sur un montant de 269'250 fr., soit 250'000 fr. plus TVA, au titre de "la 1ère contribution due à la signature du contrat, soit le 28.02.2022";

-          une facture établie par ses soins à l'intention de C______ SA, datée du 5 mai 2022, portant sur un montant de 134'625 fr., soit 125'000 fr. plus TVA, au titre de "la 2e contribution due à la signature du contrat, soit le 28.02.2022".

j. A l'issue de l'audience susvisée, le Tribunal a gardé la cause à juger.

D.           Dans le jugement entrepris, le Tribunal a retenu que la poursuivie contestait en vain l'exigibilité des créances déduites en poursuite. La première contribution était en effet due à la signature du contrat, de sorte qu'elle était exigible, puisqu'elle n'était pas conditionnée à l'exécution quelconque d'une obligation contractuelle de la part de la poursuivante. La deuxième contribution n'était pas non plus subordonnée à une telle condition, puisque les deux contributions étaient nécessaires à la poursuivante pour créer le "team building parc". Constituant un prérequis à l'exécution par celle-ci de ses obligations contractuelles, les deux contributions étaient donc exigibles. Au surplus, il n'appartenait pas au juge de la mainlevée de se livrer à un examen matériel du titre de mainlevée produit. Il convenait donc d'ordonner la mainlevée provisoire de l'opposition formée au commandement de payer.

EN DROIT

1.             1.1 S'agissant d'une procédure de mainlevée, seule la voie du recours est ouverte (art. 319 let. a et 309 let. b ch. 3 CPC). La procédure sommaire s'applique (art. 251 let. a CPC).

Aux termes de l'art. 321 al. 1 et 2 CPC, le recours, écrit et motivé, doit être introduit auprès de l'instance de recours dans les dix jours à compter de la notification de la décision motivée, pour les décisions prises en procédure sommaire.

En l'espèce, interjeté dans le délai et selon la forme prescrits par la loi (art. 130, 131, 142 al. 1 et 145 al. 2 let. a CPC), le recours est recevable.

1.2 Dans le cadre d'un recours, le pouvoir d'examen de la Cour est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC).

L'autorité de recours a un plein pouvoir d'examen en droit, mais un pouvoir limité à l'arbitraire en fait, n'examinant par ailleurs que les griefs formulés et motivés par le recourant (Hohl, Procédure civile, Tome II, 2ème éd., 2010, n°2307).

1.3 Le recours étant instruit en procédure sommaire, la preuve des faits allégués doit être apportée par titres (art. 254 CPC). Les maximes des débats et de disposition s'appliquent (art. 55 al. 1, 255 let. a a contrario et art. 58 al. 1 CPC).

2.             2.1 Dans le cadre d'un recours, les conclusions, les allégations de faits et les pièces nouvelles sont irrecevables (art. 326 al. 1 CPC).

Le recourant ne peut pas alléguer des faits ou produire des moyens de preuve nouveaux qu'il a omis d'alléguer ou de produire devant l'autorité précédente; pour contester l'état de fait retenu par l'autorité précédente, il ne saurait se fonder sur des faits ou moyens de preuve nouveaux qu'il était en mesure de présenter à cette autorité et dont il devait discerner la pertinence éventuelle (ATF 136 III 123 consid. 4.4.3).

L'interdiction de nova devant l'autorité de recours connaît une exception lorsque la décision de l'autorité précédente est le motif pour présenter de nouveaux faits ou moyens de preuve ou, en d'autres termes, lorsque c'est la décision de l'autorité précédente qui, pour la première fois, a rendu pertinents ces faits ou moyens de preuve. Le recourant qui entend se prévaloir de cette exception doit démontrer en quoi les conditions en sont remplies (arrêt du Tribunal fédéral 5A_904/2015 du 29 septembre 2016 consid. 2.3 et les références citées).

2.2 En l'espèce, les deux parties ont produit de nombreuses pièces nouvelles devant la Cour et allèguent quantité de faits, fondés ou non sur lesdites pièces, dont elles n'ont pas fait état devant le premier juge. La recourante n'expose cependant pas en quoi la décision de l'autorité précédente rendrait pour la première fois nécessaires l'allégation et la preuve de tels faits, tandis que l'intimée relève elle-même, à juste titre, qu'on ne voit pas en quoi ladite décision – limitée à l'examen de l'exception d'inexigibilité soulevée en audience par la recourante – comporterait une motivation objectivement imprévisible pour les parties, justifiant l'allégation de faits nouveaux et/ou la production de nouvelles pièces au stade du recours.

Aucune des parties ne soutient par ailleurs qu'il ne lui aurait pas été matériellement possible d'alléguer ou produire les faits et moyens de preuve concernés dans le cadre de la procédure de première instance, étant observé que celles-ci étaient toutes deux assistées par un conseil lorsqu'elles ont comparu devant le Tribunal, ce qui dispensait le juge de les interpeller pour remédier à d'éventuelles négligences procédurales de leur part (cf. arrêt du Tribunal fédéral 4D_57/2013 du 2 décembre 2013 consid. 3.2).

Par conséquent, l'ensemble des allégations de faits et des pièces nouvellement fournies par les parties devant la Cour sont irrecevables. L'état de fait retenu ci-dessus, à l'instar de celui établi par le Tribunal, demeure limité aux éléments relatifs aux sommes déduites en poursuite pouvant être raisonnablement établis par les pièces produites en première instance, compte tenu des conclusions prises et des points de vue succinctement exprimés par les parties devant le premier juge.

3.             La recourante reproche au Tribunal d'avoir considéré que le contrat de partenariat invoqué par l'intimée constituait un titre de mainlevée provisoire, alors que les contributions forfaitaires prévues par ledit contrat n'étaient pas exigibles.

3.1 Selon l'art. 82 al. 1 LP, le créancier dont la poursuite se fonde sur une reconnaissance de dette constatée par acte authentique ou sous seing privé peut requérir la mainlevée provisoire.

3.1.1 Le juge de la mainlevée provisoire doit vérifier d'office notamment l'existence matérielle d'une reconnaissance de dette (ATF 142 III 720 consid. 4.1 et la référence; 139 III 444 consid. 4.1.1, et les références; arrêts du Tribunal fédéral 5A_940/2020 du 27 janvier 2021 consid. 3.1; 5A_40/2013 du 29 octobre 2013 consid. 2.2), l'identité entre le poursuivant et le créancier désigné dans ce titre, l'identité entre le poursuivi et le débiteur désigné et l'identité entre la prétention déduite en poursuite et la dette reconnue (ATF 139 III 444 précité consid. 4.1.1 et les références; GilliÉron, Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, 1999, n. 73ss ad art. 82 LP).

Par reconnaissance de dette au sens de l'art. 82 al. 1 LP, il faut entendre notamment l'acte sous seing privé, signé par le poursuivi, d'où ressort sa volonté de payer au poursuivant, sans réserve ni condition, une somme d'argent déterminée, ou aisément déterminable, et exigible (ATF 139 III 297 consid. 2.3.1; 136 III 624 consid. 4.2.2; 136 III 627 consid. 2).

Un contrat bilatéral ne vaut ainsi reconnaissance de dette que si le poursuivant a rempli ou garanti les obligations légales ou contractuelles exigibles avant le paiement dont il requiert le recouvrement, ou au moment de ce paiement (GilliÉron, op. cit., n. 45 ad art. 82 LP), c'est-à-dire s'il a exécuté ou offert d'exécuter sa propre prestation en rapport d'échange (ATF 145 III 20 consid. 4.4.1; 116 III 72;). La question de la fourniture de la prestation du poursuivant ne constitue donc pas un moyen libératoire au sens de l'art. 82 al. 2 LP que le débiteur devrait rendre vraisemblable. Elle relève de la contestation d'une exigence mise à l'admission d'un contrat bilatéral parfait comme titre de mainlevée provisoire au sens de l'art. 82 al. 1 LP (arrêt du Tribunal fédéral 5A_1017/2017 précité consid. 4.3.2 et 4.3.3).

La créance doit être exigible au plus tard au moment de l'introduction de la poursuite, à savoir lors de la notification du commandement de payer (arrêts du Tribunal fédéral 5A_240/2020 du 27 janvier 2021 consid. 3.2.1; 2C_781/2020 du 28 décembre 2020 consid. 5.2). La mainlevée ne peut être prononcée lorsque l'exigibilité est provoquée par la notification du commandement de payer dans la poursuite en cause (arrêt du Tribunal fédéral 5D_168/2019 du 23 décembre 2019 consid. 3.4.2.1; Veuillet/Abbet, La mainlevée de l'opposition, 2ème éd., Berne 2022, ad art. 82 n. 95).

3.1.2 Le contentieux de la mainlevée de l'opposition (art. 80ss LP) est une procédure sur pièces ("Urkundenprozess") (art. 254 al. 1 CPC), dont le but n'est pas de constater la réalité d'une créance, mais l'existence d'un titre exécutoire; le juge de la mainlevée examine uniquement la force probante du titre produit par le créancier poursuivant, sa nature formelle, et non pas la validité de la prétention déduite en poursuite (ATF 145 III 160 consid. 5.1; 142 III 720 consid. 4.1.1). Le prononcé de mainlevée ne sortit que des effets de droit des poursuites et ne fonde pas l'exception de chose jugée (res judicata) quant à l'existence de la créance (ATF 140 III 48 consid. 3; 136 III 583 consid. 2.3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_450/2019 du 24 février 2020 consid. 3.1).

Lorsqu'il procède à l'interprétation du titre, le juge de la mainlevée provisoire ne peut prendre en compte que les éléments intrinsèques à ce titre, à l'exclusion des éléments extrinsèques qui échappent à son pouvoir d'examen (ATF 145 III 20 consid. 4.3.3; arrêts du Tribunal fédéral 5A_940/2020 précité consid. 3.2.2; 5A_65/2020 du 7 juillet 2020 consid. 4.2.4; 5A_388/2019 du 7 janvier 2020 consid. 4.1.3 et les références). Si le sens ou l'interprétation du titre de mainlevée invoqué est source de doutes ou si la reconnaissance de dette ne ressort que d'actes concluants, la mainlevée provisoire doit être refusée. La volonté de payer du poursuivi doit ressortir clairement des pièces produites, à défaut de quoi elle ne peut être déterminée que par le juge du fond (arrêts du Tribunal fédéral 5A_940/2020 précité consid. 3.2.2; 5A_65/2020 précité consid. 4.2.4; 5A_388/2019 précité consid. 4.1.3; 5A_89/2019 du 1er mai 2019 consid. 5.1.3).  

3.1.3 Le poursuivi peut faire échec à la mainlevée provisoire en rendant immédiatement vraisemblable sa libération (art. 82 al. 2 LP). Il peut se prévaloir de tous les moyens de droit civil - exceptions ou objections - qui infirment la reconnaissance de dette (ATF 145 III 20 consid. 4.1.2; 142 III 720 consid. 4.1 et la référence); il doit alors établir, au degré de la vraisemblance, le moyen libératoire (arrêts du Tribunal fédéral 5A_139/2018 précité consid. 2.6.1; 5A_833/2017 du 8 mars 2018 consid. 2.2 et les références).

De simples affirmations ne sont pas suffisantes. Contrairement à la procédure de mainlevée définitive, dans la mainlevée provisoire, le débiteur n'a pas à apporter la preuve absolue (ou stricte) de ses moyens libératoires, mais doit seulement les rendre vraisemblables (ATF 132 III 140 consid. 4.1.2).

3.2 En l'espèce, le contrat de partenariat conclu par les parties prévoyait que la recourante s'engageait à payer à l'intimée deux contributions forfaitaires s'élevant respectivement à 250'000 fr. et à 125'000 fr. Il n'est pas contesté qu'il s'agisse des créances déduites en poursuite, ni que les parties en cause soient identiques. S'agissant d'un contrat bilatéral, il convient donc d'examiner si les créances susvisées sont exigibles.

3.2.1 Comme l'a relevé le Tribunal, la première de ces contributions était stipulée payable dès la signature du contrat, sans autre condition. La signature effective du contrat n'étant pas contestée, il faut admettre que cette première contribution est désormais exigible et que le contrat susvisé vaut donc titre de mainlevée à hauteur du montant de celle-ci, soit 250'000 fr. Le fait que le contrat de partenariat n'ait par hypothèse pas été exécuté, ou qu'il ait depuis lors été résilié, comme le soutient la recourante, ne change rien à ce qui précède, dès lors que ledit contrat, comme le contrat de sous-location subséquemment conclu d'ailleurs, prévoyait expressément que les contributions forfaitaires litigieuses demeureraient acquises à l'intimée en pareil cas.

3.2.2 La seconde contribution était quant à elle stipulée payable "dès appel de fonds [de l'intimée] au plus tard lors de la 8ème semaine d'installation". Avec la recourante, la Cour retient que l'intimée ne rend pas vraisemblable qu'elle aurait procédé à l'appel de fonds prévu par cette disposition. En particulier, la facture produite par l'intimée à ce propos, datée du 5 mai 2022 et portant sur un montant de 125'000 fr. plus TVA, est libellée à l'intention de la société C______ SA et non de la recourante. A supposer que l'intimée ait effectivement expédié cette facture, il n'est ainsi pas vraisemblable qu'elle ait atteint la recourante; l'intimée n'a nullement allégué, devant le premier juge au moins, les raisons pour lesquelles il faudrait admettre que tel serait néanmoins le cas. Le seul fait que la société susvisée soit la bailleresse principale des locaux litigieux ne permet notamment pas de l'assimiler à la recourante. Sous l'angle de la vraisemblance, la notification à la recourante d'un commandement de payer ne peut par ailleurs pas être considérée comme un appel de fonds au sens de la disposition contractuelle susvisée, sachant que le contrat prévoyait notamment que toute communication prévue par celui-ci devait être adressée à la partie concernée par pli recommandé. Les principes rappelés ci-dessus s'opposent également au prononcé de la mainlevée lorsque l'exigibilité résulte de la seule notification du commandement de payer. Par conséquent, la seconde contribution ne peut être considérée comme exigible de ce point de vue.

L'intimée échoue par ailleurs à rendre vraisemblable que la huitième semaine des travaux d'installation était atteinte, comme le prévoit alternativement la disposition du contrat de partenariat susvisé. En l'occurrence, tel aurait dû être le cas le 5 juillet 2022 au plus tard, soit lors de la notification du commandement de payer litigieux, conformément aux principes rappelés ci-dessus (consid. 3.1.1 in fine). Or, devant le Tribunal, la recourante a notamment contesté que l'intimée ait exécuté tout ou partie des prestations à sa charge, dont faisait notamment partie l'installation des équipements nécessaires. La recourante a notamment produit un état des lieux indiquant qu'elle n'était elle-même entrée en possession des locaux litigieux que le 1er novembre 2022, de sorte qu'il est douteux que l'intimée ait pu débuter ses travaux d'installation avant cette date. Les allégations de fait et les pièces produites par l'intimée devant la Cour en relation avec l'avancement des travaux sont quant à elle irrecevables, pour les motifs exposés ci-dessus (consid. 2.2).

Par conséquent, il n'est pas rendu vraisemblable que la seconde contribution forfaitaire litigieuse serait exigible; le premier juge a considéré à tort que le contrat de partenariat produit vaudrait titre de mainlevée provisoire pour cette seconde contribution. Le jugement entrepris sera en conséquence annulé en tant qu'il a prononcé la mainlevée provisoire de l'opposition à concurrence de son montant.

4.             Dans un deuxième grief, la recourante reproche au Tribunal d'avoir également prononcé la mainlevée provisoire à concurrence de la TVA réclamée par l'intimée sur les sommes déduites en poursuite.

4.1 Pour valoir titre de mainlevée provisoire, une reconnaissance de dette doit chiffrer de manière précise le montant de la prétention déduite en poursuite ou renvoyer à un document écrit qui permet au juge de la mainlevée de déterminer avec exactitude le montant dû (ATF 139 III 297 consid. 2.3.1; Veuillet/Abbet, op. cit., ad art. 82 n. 47).

Si la reconnaissance de dette prévoit dans son texte que la TVA est due en sus du montant reconnu, elle constitue un titre de mainlevée en faveur du créancier pour le montant de la TVA, déterminé selon les règles légales. En revanche, si la reconnaissance de dette ne contient aucune référence à la TVA, il n'est pas possible de prononcer la mainlevée de l’opposition, même si, sur le plan matériel, le débiteur est assujetti au paiement de la TVA (Veuillet/Abbet, op. cit., ad art. 82 n. 50; Staehelin in Bundesgesetz über Schuldbetreibung und Konkurs, Basler Kommentar, 3e éd., 2021, n. 29 ad art. 82 LP).

4.2 En l'espèce, le contrat de partenariat dont se prévaut l'intimée ne prévoit pas que la TVA serait due sur le montant des contributions forfaitaires déduites en poursuite. Il ne contient pas davantage d'indication selon laquelle ce montant serait "brut", "hors taxe", ni d'autre expression similaire.

Conformément aux principes rappelés ci-dessus, le contrat susvisé ne saurait donc valoir titre de mainlevée pour les montants additionnels réclamés par l'intimée au titre de la TVA, et ce quand bien même celle-ci serait par hypothèse fondée à percevoir de tels montants. C'est ainsi à tort que le Tribunal a prononcé la mainlevée de l'opposition à hauteur des sommes concernées, étant observé que l'intimée a elle-même reconnu en audience que, pour cette raison, les montants déduits en poursuite ne correspondaient pas à ceux figurant dans le titre de mainlevée invoqué.

Par conséquent, le jugement entrepris sera également réformé en ce sens que la mainlevée de l'opposition sera accordée sans TVA sur le montant de la seule contribution forfaitaire exigible, soit à concurrence de 250'000 fr. uniquement.

5.             La recourante reproche enfin au Tribunal d'avoir retenu que le contrat de partenariat litigieux avait été conclu le 25 février 2022, plutôt que le 28 février suivant, et d'avoir en conséquence accordé la mainlevée sur la première des sommes déduites en poursuite avec intérêts moratoires dès la première de ces dates, plutôt que dès la seconde.

5.1 Lorsque la reconnaissance de dette comprend le paiement d'un intérêt conventionnel (Vertragszinsen), la mainlevée doit aussi être accordée à ce titre. Il incombe alors au créancier de soumettre au juge un décompte détaillé et compréhensible du calcul de l'intérêt. Le créancier peut aussi prétendre au versement, en sus de la créance en capital, d'un intérêt moratoire (Verzugszinsen). Cet intérêt, qui n'a pas besoin de résulter du titre de mainlevée produit, doit être en rapport avec la créance principale. Pour y prétendre, le créancier doit soit produire la sommation (art. 102 al. 1 CO) soit établir qu'un terme d'exécution a été fixé (art. 102 al. 2 CO; Veuillet/Abbet, op. cit., ad art. 82 n. 50).

5.2 En l'espèce, la recourante ne conteste pas que des intérêts moratoires soient dus à l'intimée, sur la première contribution forfaitaire convenue, dès le terme prévu par le contrat pour l'exécution de cette prestation, soit en l'occurrence dès le jour de la conclusion dudit contrat.

A ce propos, l'exemplaire du contrat de partenariat produit par l'intimée à l'appui de sa requête de mainlevée indique expressément et lisiblement que le contrat a été conclu le 25 février 2022. Le Tribunal n'a dès lors pas constaté les faits de façon manifestement inexacte, ni procédé à une appréciation arbitraire des preuves, en retenant que le contrat susvisé avait effectivement été conclu à la date indiquée, pour fixer le point de départ des intérêts dus. Le fait que l'intimée ait pu indiquer, pour une raison inconnue, mais dont on ne peut exclure qu'il s'agisse d'une erreur, que la signature du contrat avait eu lieu le 28 février 2022, dans les factures établies à l'intention de la société C______ SA, ne suffit pas à infirmer ce qui précède, dès lors que lui seul ne démontre pas, ni même ne rend vraisemblable, que le contrat aurait effectivement été conclu à cette seconde date. En présence d'indications partiellement contradictoires, le Tribunal pouvait donc valablement se référer à la date figurant sur le contrat et le fait que la date retenue du 25 février 2022 ne soit pas lisible sur la copie du contrat produite devant lui par la recourante ne devait pas porter à conséquence.

Par conséquent le grief sera rejeté et le dies a quo des intérêts pour lesquels la mainlevée provisoire est accordée sera maintenu au 25 février 2022.

6.             6.1 Si l’instance d’appel statue à nouveau, elle se prononce sur les frais de première instance (art. 318 al. 3 CPC, applicable par analogie: Jeandin in Code de procédure civile, Commentaire romand, 2ème éd., 2019, n. 9 ad art. 327 CPC)

En l'espèce, le montant des frais judiciaires arrêté par le Tribunal, soit 750 fr., est conforme aux normes applicables (art. 48 al. 1 OELP) et n'est pas critiqué en tant que tel. Au vu de l'annulation partielle du jugement entrepris, ces frais seront mis à la charge de la recourante à hauteur de 500 fr. laissés à la charge de l'intimée pour le solde de 250 fr. (art. 106 al. 2 CPC). Ils seront compensés avec l'avance de frais fournie par l'intimée, qui demeure acquise à l'Etat (art. 111 al. 1 CPC), et la recourante sera condamnée à lui verser la somme de 500 fr. à titre de remboursement partiel de son avance (art. 111 al. 2 CPC).

Pour les mêmes motifs, la recourante sera condamnée à payer à l'intimée la somme de 500 fr. TTC à titre de dépens de première instance (art. 106 al. 2 et 111 al. 2 CPC; art. 23 al. 1 LaCC).

Les chiffres 2 et 3 du dispositif du jugement entrepris seront réformés en ce sens.

6.2 Les frais de recours, comprenant les frais de la décision rendue sur effet suspensif, seront arrêtés à 1'325 fr. (art. 48 et 61 OELP) et compensés avec l'avance de même montant versée par la recourante, qui demeure acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

Au vu de l'issue du litige et compte tenu du fait que la recourante obtient partiellement gain de cause, puisque la mainlevée n'est accordée qu'à concurrence de 250'000 fr. sur le total de 403'875 fr. en capital pour lequel elle était requise, lesdits frais seront laissés à sa charge à hauteur de 875 fr. et mis à la charge de l'intimée à hauteur de 450 fr. (art. 106 al. 2 CPC), montant que l'intimée sera condamnée à verser à la recourante à titre de restitution partielle de son avance (art. 111 al. 2 CPC).

L'intimée sera, en outre, condamnée à verser à la recourante 1'000 fr. à titre de dépens de recours, débours et TVA compris (art. 96 et 105 al. 2 CPC; art. 25 et 26 LaCC) ce montant tenant notamment compte de l'issue du litige (art. 106 al. 2 CPC; art. 84, 85, 89 et 90 RTFMC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 19 décembre 2022 par A______ SA contre le jugement JTPI/14597/2022 rendu le 11 novembre 2022 par le Tribunal de première instance dans la cause C/13550/2022-20 SML.

Au fond :

Annule les chiffres 1 à 3 du dispositif de ce jugement et, statuant à nouveau sur ces points:

Prononce la mainlevée provisoire de l'opposition au commandement de payer, poursuite n° 1______, à concurrence de 250'000 fr., avec intérêts à 5% dès le 25 février 2022.

Arrête les frais judiciaires de première instance à 750 fr., les met à la charge de A______ SA à hauteur de 500 fr. et les laisse à la charge de B______ SA à hauteur de 250 fr.

Compense ces frais avec l'avance de frais de 750 fr. fournie par B______ SA, qui demeure acquise à l'Etat de Genève.

Condamne A______ SA à payer à B______ SA la somme de 500 fr. à titre de remboursement partiel de son avance de frais.

Condamne A______ SA à payer à B______ SA la somme de 500 fr. à titre de dépens de première instance.

Rejette le recours pour le surplus.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires du recours à 1'325 fr., les met à la charge de B______ SA à hauteur de 450 fr. et les laisse à la charge de A______ SA à hauteur de 875 fr.

Compense intégralement ces frais avec l'avance de même montant fournie par A______ SA, laquelle demeure acquise à l'Etat de Genève.


 

*Rectifica-tion, art. 334 CPC.

 

* B______SA

 

** A______
 SA

Condamne B______ SA à payer à A______ SA la somme de 450 fr. à titre de remboursement partiel de son avance de frais.

Condamne *A______ SA à payer à **B______ SA la somme de 1'000 fr. à titre de dépens de recours.

Siégeant :

Madame Pauline ERARD, présidente; Madame Sylvie DROIN, Madame
Nathalie LANDRY-BARTHE, juges; Madame Mélanie DE RESENDE PEREIRA, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.