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C/7057/2022

ACJC/186/2023 du 07.02.2023 sur OTPI/551/2022 ( SP ) , RENVOYE

Normes : CC.839.al2; CC.961.al3
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/7057/2022 ACJC/186/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 7 FEVRIER 2023

 

Entre

A______ SAGL, sise ______ [TI], appelante d'une ordonnance rendue par la 4ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 23 août 2022, comparant par Me Luca MOSER, avocat, via Buffi 2, case postale 1835,
6900 Lugano (TI), en l'Étude duquel elle fait élection de domicile,

et

B______ SA, sise ______ [GE], intimée, comparant par Me Laurent STRAWSON, avocat, rue De-Beaumont 3, case postale 24, 1211 Genève 12, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile.


EN FAIT

A. Par ordonnance OTPI/551/2022 du 23 août 2022, le Tribunal de première instance, statuant sur mesures provisionnelles, a rejeté la requête [d'inscription provisoire d'une hypothèque légale des artisans et des entrepreneurs formée par A______ SAGL contre la Fondation pour les Terrains Industriels de Genève] (ch. 1 du dispositif), a révoqué l'ordonnance rendue le 13 avril 2022 sur mesures superprovisionnelles (ch. 2), a dit que les chiffres 1 et 2 précités ne seraient exécutoires qu'après l'expiration du délai d'appel, et, en cas d'appel, pour autant que l'effet suspensif n'ait pas été accordé (ch. 3), a arrêté les frais judiciaires à 2'500 fr., compensés avec l'avance de frais fournie, mis à la charge de A______ SAGL, condamnée à verser à B______ SA la somme de 2'000 fr. à titre de dépens (ch. 4 à 7) et a débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 8).

En substance, le Tribunal a considéré que A______ SAGL était intervenue sur le chantier pour la dernière fois le 10 décembre 2021. Les bulletins de chantier versés à la procédure ne semblaient pas faire mention de la réalisation de travaux ultérieurement à la date précitée. La requête d'inscription provisoire d'une hypothèque légale, datée du 7 avril 2022, avait été déposée à la Poste le 12 avril 2022, soit tardivement, le délai de quatre mois pour requérir une telle inscription étant venu à échéance le 10 avril 2022. A______ SAGL n’avait pas allégué avoir exécuté des travaux après la résiliation du contrat d’entreprise.

B. a. Par acte expédié le 12 septembre 2022 à la Cour de justice, A______ SAGL, comparant en personne, a formé appel de cette ordonnance, sollicitant son annulation. Elle a conclu à ce que la Cour ordonne l'inscription provisoire d'une hypothèque légale des artisans et entrepreneurs à concurrence de 1'859'265 fr. 12, avec intérêts à 5% l'an dès le 10 décembre 2021, et charge le Conservateur du Registre foncier de C______ [GE] de procéder sans délai à ladite inscription, et "après avoir donné la possibilité aux requis de se prononcer par oral ou par écrit", de maintenir ladite inscription provisoire, de lui impartir un délai de trois mois pour ouvrir action au fond, l'inscription provisoire demeurant en vigueur durant ce délai, ou, en cas d'action au fond, jusqu'à l'échéance d'un délai de 60 jours dès "l'entrée en force du jugement au fond".

Elle a notamment fait valoir qu'elle avait dû, le lundi 13 décembre 2021, renoncer à travailler en raison des mauvaises conditions météorologiques. Elle avait d'ailleurs laissé tout son matériel et ses outils sur le chantier. Elle avait continué après le 10 décembre 2021 à exécuter des travaux "non substantiels".

b. Par arrêt présidentiel ACJC/1203/2022 du 15 septembre 2022, la Cour, considérant que les conclusions de A______ SAGL devaient être interprétées comme une requête de mesures superprovisionnelles et provisionnelles, a, statuant sur mesures superprovisionnelles, ordonné, aux frais, risques et périls de la précitée, au Conservateur du Registre foncier de Genève de maintenir l'inscription opérée à titre provisoire, sur l'immeuble n° 1______ de la Commune de C______, dont B______ SA est propriétaire. Préparatoirement, la Cour a transmis la requête à la précitée et a fixé des délais.

c. Dans sa réponse du 29 septembre 2022, B______ SA a conclu à l'irrecevabilité de l'appel et subsidiairement à son rejet, sous suite de frais et dépens. Elle a également formé une requête de mesures superprovisionnelles, concluant à ce qu'il soit immédiatement ordonné au Conservateur du Registre foncier de radier l'inscription opérée à titre provisoire.

d. Par arrêt ACJC/1295/2022 du 30 septembre 2022, la Cour a rejeté la requête de mesures superprovisionnelles, a transmis la requête de mesures provisionnelles à A______ SAGL et a fixé des délais.

e. Par arrêt ACJC/1582/2022 du 29 novembre 2022, la Cour a pris acte du retrait de la requête de mesures provisionnelles formées par B______ SA le 29 septembre 2022 et statué sur les frais desdites mesures provisionnelles.

f. Par pli du 29 novembre 2022, A______ SAGL a persisté dans ses conclusions.

g. Les parties ont été avisées par plis du greffe du 2 décembre 2022 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a. La Fondation pour les Terrains Industriels de Genève est propriétaire du bien-fonds n° 2______ de la commune de C______, lequel est grevé d'un droit de superficie immatriculé comme droit distinct et permanent au Registre foncier en faveur de B______ SA (DDP n° 3______).

b. A______ SAGL, inscrite au Registre du commerce du canton du Tessin le ______ 2012, a notamment pour but l'importation, l'exportation, la distribution, en gros ou au détail, ainsi que la mise en œuvre de portes, fenêtres et cadre de fenêtres.

c. B______ SA, inscrite le ______ 2012 au Registre du commerce genevois, a notamment pour but la construction, l'aménagement et l'installation d'immeubles industriels et commerciaux.

d. Le 8 avril 2021, B______ SA et A______ SAGL ont conclu un contrat d'entreprise totale portant sur la réalisation de façades, y compris la fourniture de fenêtres, dans le cadre de la construction d'un nouveau bâtiment sur le DDP n° 3______, pour un montant de 2'421'434 fr. 54. Ce montant ne pouvait être dépassé sous réserve de l’article 4.2 du contrat concernant les plus-values et moins-values découlant de modifications de commande. A______ SAGL s'est engagée à respecter des délais s'échelonnant entre le 31 mai et le 31 août 2021, pour exécuter les travaux convenus, selon des "Milestone" (jalons).

e. Le 8 octobre 2021, les parties ont également conclu un avenant au contrat octroyant notamment à A______ SAGL des délais supplémentaires pour terminer les travaux, soit le 11 octobre 2021 pour MILESTONE 1, 15 octobre 2021 pour MILESTONE 2, et 29 octobre 2021 pour MILESTONE 3 et 4. Une peine conventionnelle de 224'000 fr. en cas de retard a été prévue, le prix de l’ouvrage demeurant inchangé.

f. Entre les 29 novembre et 7 décembre 2021, le conseil de A______ SAGL et B______ SA ont échangé plusieurs courriels au sujet de diverses problématiques rencontrées par les parties, notamment s'agissant de l'exécution des travaux par A______ SAGL et des factures complémentaires adressées par elle à B______ SA.

g. Par courriel du 8 décembre 2021, B______ SA a indiqué à A______ SAGL qu’un délai au 9 décembre 2021 lui était imparti pour "répondre favorablement aux quatre conditions posées dans [son] courriel du 6 décembre en vue de formaliser un nouvel avenant" devant être signé avant le 13 décembre 2021. A défaut, B______ SA n’aurait d’autre alternative que de résilier le contrat.

h. Par courrier recommandé du 9 décembre 2021 à A______ SAGL, le conseil de B______ SA s'est prévalu de la violation des termes de l’avenant du 8 octobre 2021, les travaux contractuels n’étant pas terminés. B______ SA estimait que A______ SAGL était dans l’incapacité de terminer les travaux dans un délai acceptable et de faire face à ses obligations financières, de sorte qu’elle résiliait avec effet immédiat le contrat d’entreprise du 8 avril 2021 et son avenant. Il était précisé que le montant de 1'000'000 fr. correspondant à des travaux supplémentaires était fermement contesté.

Ce courrier a également été envoyé par courriel du même jour au conseil de A______ SAGL.

i. Entre le 28 mai et le 25 octobre 2021, B______ SA a versé un montant total de 1'368'889 fr. 67 à A______ SAGL.

j. Par acte adressé au Tribunal le 12 avril 2022, A______ SAGL a formé une requête de mesures superprovisionnelles et provisionnelles tendant, sous suite de frais, à l'inscription provisoire d'une hypothèque légale des artisans et entrepreneurs à concurrence de 1'859'265 fr. 12, plus intérêts à 5% l'an dès le 10 décembre 2021 sur le DDP n° 3______, à ce que lui soit imparti un délai de trois mois pour ouvrir action au fond, l’inscription provisoire demeurant valable dans l’intervalle ou, en cas d’action au fond, jusqu’à l’échéance d’un délai de 60 jours dès l’entrée en force du jugement au fond, à ce qu’elle soit dispensée de fournir des sûretés et, en cas de rejet de la requête, à ce que l’inscription soit maintenue pendant 20 jours afin de lui permettre d’obtenir l’effet suspensif de la part de l’autorité de recours.

A______ SAGL a notamment fait valoir qu'elle avait débuté les travaux le 27 avril 2021. Le dernier jour des "travaux substantiels" réalisés sur le bien en cause correspondait au 10 décembre 2021. Elle avait retiré le pli recommandé contenant le courrier de résiliation le 15 décembre 2021. Le délai de 4 mois pour requérir l'inscription provisoire d'une hypothèque légale avait été respecté en tenant compte de ladite résiliation, bien que cette dernière soit contestée. A______ SAGL a précisé que le montant requis correspondait aux acomptes II, III et IV de 1'152'040 fr. 32, non réglés par B______ SA, aux coûts liés aux travaux supplémentaires exécutés, de 687'224 fr. 80, ainsi qu'aux frais encourus en raison des retards de paiement de 20'000 fr.

Elle a produit, outre le contrat d'entreprise et l'avenant, de nombreux bulletins de chantier en langue italienne, des photographies et des échéanciers de paiement.

k. Par ordonnance du 13 avril 2022, le Tribunal a fait droit à la requête de A______ SAGL à titre superprovisionnel.

l. Dans sa réponse du 16 mai 2022, B______ SA a conclu, avec suite de frais, principalement, au rejet de la requête, et, subsidiairement, à ce qu’il soit dit et constaté qu’elle est titulaire d’une créance de 224'000 fr. à l’encontre de A______ SAGL et à ce que la créance de cette dernière soit réduite à due concurrence.

B______ SA a soutenu que le délai légal de quatre mois pour obtenir l’inscription provisoire de l’hypothèque légale des artisans et entrepreneurs n’avait pas été respecté, A______ SAGL admettant avoir cessé les travaux le 10 décembre 2021. A______ SAGL n’avait par ailleurs rendu vraisemblables ni sa prétendue créance envers B______ SA découlant de la différence entre le prix forfaitaire de l’ouvrage et les acomptes payés, ni celle découlant de travaux supplémentaires, qui n’étaient justifiés ni dans leur principe ni dans leur quotité.

m. Par courrier du 13 juin 2022, le Tribunal a fait parvenir à B______ SA l’attestation d’inscription provisoire de l’hypothèque légale déposée par A______ SAGL et a informé les parties de ce que la cause serait retenue à juger à l’issue d’un délai de 15 jours.

n. Par courrier du 23 juin 2022, B______ SA a persisté dans ses conclusions.

o. Le Tribunal a ensuite gardé la cause à juger.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions de première instance sur mesures provisionnelles (art. 308 al. 1 let. b CPC), lorsque, dans les affaires patrimoniales, la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

En l'espèce, l'appel a été introduit en temps utile, selon la forme prescrite par la loi (art. 130 al. 1 et 311 al. 1 CPC), et porte sur des conclusions supérieures à 10'000 fr.

Il est donc recevable.

1.2 La Cour revoit la cause en fait et en droit avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC). La requête en inscription provisoire d'une hypothèque légale étant soumise à la procédure sommaire (art. 248 let. d et 249 let. d ch. 5 CPC), elle peut s'en tenir à la vraisemblance des faits allégués et à un examen sommaire du droit (ATF 127 III 474 consid. 2b/bb, JdT 2002 I 352; arrêt du Tribunal fédéral 5A_297/2016 du 2 mai 2017 consid. 2.2).

Le procès est soumis à la maxime des débats (art. 55 cum 255 CPC a contrario; arrêt du Tribunal fédéral 5A_630/2021 du 26 novembre 2021 consid. 3.3.2.2).

2. L'appelante reproche au Tribunal de ne pas avoir fait droit à ses conclusions en inscription provisoire d'une hypothèque légale des artisans et des entrepreneurs. Elle soutient avoir respecté le délai de 4 mois, dès lors qu'elle n'avait reçu la résiliation du contrat d'entreprise que le 15 décembre 2021, et non le 10 décembre 2021.

2.1.1 A teneur de l'art. 837 al. 1 ch. 3 CC, peuvent requérir l'inscription d'une hypothèque légale, les artisans et entrepreneurs employés à la construction ou à la destruction d'un bâtiment ou d'autres ouvrages, au montage d'échafaudages, à la sécurisation d'une excavation ou à d'autres travaux semblables, sur l'immeuble pour lequel ils ont fourni des matériaux et du travail ou du travail seulement, que leur débiteur soit le propriétaire foncier, un artisan ou un entrepreneur, un locataire, un fermier ou une autre personne ayant un droit sur l'immeuble.

L'inscription doit être obtenue au plus tard dans les quatre mois qui suivent l'achèvement des travaux (art. 839 al. 2 CC).

L'inscription doit être opérée au Registre foncier, dans le délai légal, une inscription provisoire selon l'art. 76 al. 3 ORF étant suffisante (ATF 119 II 429 consid. 3a).

Le délai de quatre mois est un délai de péremption qui ne peut être ni suspendu ni interrompu. A l’expiration du délai de l’art. 839 al. 2 CC, l’ayant-droit perd son droit à l’inscription de l’hypothèque (Bovey, Commentaire romand, n. 85 ad art. 839 CC; ATF 137 III 563 consid. 3.3).

Lorsque, avant l'achèvement des travaux, ceux-ci sont retirés à l'entrepreneur, c'est la date de ce retrait, et non celle du dernier travail exécuté, qui constitue le point de départ du délai de l'art. 839 al. 2 CC (arrêt du Tribunal fédéral 5A_683/2010 du 15 novembre 2011 consid. 4.1). Il en va de même si le contrat a été rompu - par exemple dans l'hypothèse où l'entrepreneur refuse de continuer les travaux et se retire du contrat (ATF 102 II 206 consid. 1a) -, le délai court en principe dès la résiliation du contrat. Toutefois, si l'entrepreneur est expressément requis de faire certains travaux, le délai court dès l'achèvement de ceux-ci, malgré la résiliation (ATF 120 II 389 consid. 1c; arrêt du Tribunal fédéral 5D_116/2014 du 13 octobre 2014 consid. 5.2.2).  

2.1.2 En matière d'inscription provisoire de l'hypothèque des artisans et entrepreneurs, il incombe à l'artisan ou à l'entrepreneur de rendre vraisemblable le droit allégué en donnant au juge des éléments suffisants quant à sa qualité d'entrepreneur ou d'artisan, au travail, respectivement aux matériaux fournis, à l'immeuble objet des travaux, au montant du gage et, enfin, au respect du délai de quatre mois (Steinauer, Les droits réels, tome III, 4ème éd., 2012, n. 2897).

2.1.3 Celui qui requiert des mesures provisionnelles doit rendre vraisemblable qu'une prétention dont il est titulaire est l'objet d'une atteinte - ou risque de l'être -, et qu'il s'expose de ce fait à un préjudice difficilement réparable (art. 261 al. 1 CPC). Un fait est rendu vraisemblable si le juge, en se basant sur des éléments objectifs, a l'impression que le fait invoqué s'est produit, sans pour autant devoir exclure la possibilité qu'il ait pu se dérouler autrement (ATF 144 II 65 consid. 4.2.2; 142 II 49 consid. 6.2; 140 III 610 consid. 4.1; 132 III 715 consid. 3.1; 130 III 321 consid. 3.3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_906/2020 du 9 juillet 2021 consid. 5.2); le juge peut en outre se limiter à un examen sommaire des questions de droit (ATF 131 III 473 consid. 2.3; 108 II 69 consid. 2a). 

Selon l'art. 961 al. 3 CC, le juge statue sur la requête et autorise l'inscription provisoire si le droit allégué lui paraît exister. Vu la brièveté et la nature péremptoire du délai de l'art. 839 al. 2 CC, l'inscription provisoire de l'hypothèque légale ne peut être refusée que si l'existence du droit à l'inscription définitive du droit de gage paraît exclue ou hautement invraisemblable. Le juge tombe dans l'arbitraire lorsqu'il rejette la requête en présence d'une situation de fait ou de droit mal élucidée, qui mérite un examen plus ample que celui auquel il peut procéder dans le cadre d'une instruction sommaire; en cas de doute, lorsque les conditions de l'inscription sont incertaines, il doit ordonner l'inscription provisoire (ATF
102 Ia 81 consid. 2b/bb; arrêt du Tribunal fédéral 5D_116/2014 du 13 octobre 2014 consid. 5.3 et la jurisprudence citée).

2.1.4 La résiliation est une manifestation de volonté unilatérale, sujette à réception, par laquelle une partie met fin au contrat de travail, soit un acte formateur (ATF 143 III 15 consid. 4.1; 137 III 208 consid. 3.1.1; 123 III 246 consid. 3). Lorsque le point de départ d’un délai est la communication d’une manifestation de volonté, le principe de la réception est applicable. Le délai court à partir du moment où la manifestation de volonté est parvenue dans la sphère d’influence du destinataire (Machtbereich), de telle sorte qu’en organisant normalement ses affaires, celui-ci est à même d’en prendre connaissance. Le Tribunal fédéral parle de théorie de la réception absolue (ATF 143 III 15 consid. 4.1; 140 III 244 consid. 5.1; 137 III 208 consid. 3.1.2; arrêt du Tribunal fédéral 4A_471/2013 consid. 2). Ainsi, lorsque la communication est faite par pli ordinaire, communiqué de manière privée ou par la poste, elle est reçue au moment où le pli est déposé dans la boîte aux lettres ou dans la case postale du destinataire si on peut attendre de celui-ci qu’il lève son courrier à ce moment-là; si la réception est contestée, il incombe à l’expéditeur de prouver le dépôt du pli et la date à laquelle il a eu lieu (ATF 105 III 43).

2.2 En l'espèce, le Tribunal a considéré que l'intimée avait informé l'appelante par courriel du 8 décembre 2021 de son intention de résilier le contrat d'entreprise pour le 9 décembre 2021 à certaines conditions. Le 9 décembre 2021, l'intimée avait adressé un courrier électronique au conseil de l'appelante auquel était joint le courrier de résiliation du même jour. L'appelante avait ainsi vraisemblablement eu connaissance de cette résiliation par l'entremise de son conseil. Le fait que l'appelante ait retiré le pli recommandé contenant ladite résiliation le 15 décembre 2021 n'y changeait rien.

L'appelante soutient que c'est à tort que le Tribunal a retenu qu'elle avait reçu la résiliation du contrat le 10 décembre 2021, alors qu'elle avait réceptionné le pli recommandé contenant ladite résiliation le 15 décembre 2021. Elle allègue avoir dû, le lundi 13 décembre 2021, renoncer à travailler en raison des mauvaises conditions météorologiques. Elle avait d'ailleurs laissé tout son matériel et ses outils sur le chantier. Elle avait continué après le 10 décembre 2021 à exécuter des travaux "non substantiels".

Ce grief est fondé. En effet, et conformément aux principes rappelés ci-avant, il appartenait à l'intimée de prouver la réception de la résiliation, celle-ci ayant été contestée par l'appelante. Le Tribunal ne pouvait ainsi retenir que l'appelante avait vraisemblablement reçu le courriel adressé à son conseil, alors que l'appelante a expressément allégué et démontré avoir reçu le pli recommandé contenant la résiliation le 15 décembre 2021. Ni la jurisprudence, ni la doctrine n'envisagent la réception d'un acte formateur par courrier électronique; elles font au contraire état de la réception d'une communication par pli ordinaire ou par pli recommandé (voire par courrier A+).

Il ne peut être exclu que la requête d'inscription ait été adressée au Tribunal le 12 avril 2022, soit dans les 4 mois après la réception de la résiliation du contrat reçue le 15 décembre 2021. C'est par conséquent à tort que le Tribunal a rejeté la requête de mesures provisionnelles formée par l'appelante.

2.3 L'ordonnance entreprise sera par conséquent annulée.

Dans la mesure où le Tribunal n'a pas examiné les autres conditions posées par les art. 837 et ss CC, et dans le respect du principe du double degré de juridiction (art. 75 al. 2 LTF), la cause lui sera renvoyée pour nouvelle décision (art. 318 al. 1 let. c). Il lui incombera de statuer sur les frais et dépens de première instance dans la nouvelle décision qu'il rendra.

Il sera par ailleurs relevé que lorsqu'un recours dirigé contre des mesures provisionnelles est admis -, que la décision attaquée est annulée, et la cause renvoyée au juge précédent pour nouvelle décision – comme en l'espèce, la procédure se trouve ramenée au stade où elle se trouvait juste avant que la décision annulée soit rendue, c'est-à-dire à un stade où les mesures superprovisionnelles sont encore en vigueur. L'annulation de la décision de mesures provisionnelles fait ainsi renaître les mesures superprovisionnelles (ATF 139 III 86 consid. 1.1.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_178/2011 du 28 juin 2011 consid. 4, non publié à l' ATF 137 III 324).

3.  L'intimée, qui succombe, sera condamnée aux frais d'appel (art. 106 al. 1 CPC).

Les frais judiciaires d'appel seront fixés à 2'500 fr. (art. 13, 26 et 35 RTFMC) et compensés avec l'avance versée par l'appelante, acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al.1 CPC).

L'intimée sera condamnée à rembourser ce montant à l'appelante, ainsi qu'à lui verser une indemnité de 3'000 fr. à titre de dépens, TVA et débours inclus (art. 84, 85, 88 et 90 RTFMC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 12 septembre 2022 par A______ SAGL contre l'ordonnance OTPI/551/2022 rendue le 23 août 2022 par le Tribunal de première instance dans la cause C/7057/2022-4 SP.

Au fond :

Annule cette ordonnance.

Renvoie la cause au Tribunal pour nouvelle décision au sens des considérants.

Déboute les parties de toutes autres conclusions d'appel.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaire d'appel à 2'500 fr., compensés avec l'avance de frais fournie, acquise à l'Etat de Genève, et les met à la charge de B______ SA.

Condamne B______ SA à verser 2'500 fr. à A______ SAGL.

Condamne B______ SA à verser à 3'000 fr. à A______ SAGL à titre de dépens d'appel.

Siégeant :

Madame Pauline ERARD, présidente; Madame Sylvie DROIN, Madame
Nathalie LANDRY-BARTHE, juges; Madame Laura SESSA, greffière.

La présidente :

Pauline ERARD

 

La greffière :

Laura SESSA

 

 

 

 

 


 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.