Décisions | Chambre pénale de recours
ACPR/902/2025 du 04.11.2025 sur ONMMP/4174/2025 ( MP ) , REJETE
| république et | canton de Genève | |
| POUVOIR JUDICIAIRE P/24789/2020 ACPR/902/2025 COUR DE JUSTICE Chambre pénale de recours Arrêt du mardi 4 novembre 2025 | ||
Entre
A______, domiciliée ______ [GE], agissant en personne,
recourante,
contre l’ordonnance de non-entrée en matière rendue le 4 septembre 2025 par le Ministère public,
et
LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,
intimé.
EN FAIT :
A. a. Par acte déposé le 12 septembre 2025, A______ recourt contre l'ordonnance du 4 précédent, notifiée le 12 suivant, par laquelle le Ministère public a refusé d’entrer en matière sur sa plainte du 24 décembre 2020.
La recourante conclut à l’annulation de l’ordonnance susmentionnée, à ce qu’il soit ordonné au Ministère public de "poursuivre" l’instruction et de procéder à son audition (à elle), ainsi qu’à l’octroi de l’assistance judiciaire gratuite.
b. La recourante a été dispensée de verser les sûretés (art. 383 CPP).
B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :
a. Le 24 décembre 2020, A______ a déposé plainte pénale contre B______ et C______, pour "calomnie et entrave de justice en erreur, atteinte à l'honneur […], éventuellement harcèlement et tentative de contrainte", en raison des "plaintes mensongères et calomnieuses" déposées par ces derniers à son égard, sans autre précision de faits. Elle a demandé la "nomination de Me D______".
Cette plainte a été enregistrée sous le numéro de procédure P/24789/2020.
b. Par ordonnance du 13 janvier 2021, le Ministère public a ordonné la suspension de la procédure jusqu'à droit connu sur la procédure P/1______/2020. En effet, cette dernière procédure portait, notamment, sur les plaintes que B______ et C______ avaient déposées contre A______ pour diffamation (art. 173 CP). Il importait donc de connaître l'issue de cette procédure-là puisque A______ se plaignait précisément, dans la procédure P/24789/2020, des plaintes qui avaient été déposées contre elle par les précités.
c. Par jugement du Tribunal de police du 31 mai 2023, rendu dans le cadre de la procédure pénale P/1______/2020, A______ a été déclarée coupable de diffamation (art. 173 ch. 1 CP). Il ressort du jugement que B______ et C______ avaient déposé plainte contre A______ les 6 septembre 2020 (B______ et C______) et 19 novembre 2020 (B______), lui reprochant diverses publications attentatoires à leur honneur, sur les réseaux sociaux, les 13 août 2020, 5 septembre 2020 et 18 novembre 2020.
d. Ce jugement, concernant notamment les faits dénoncés par B______ et C______, a été confirmé par arrêt du 24 septembre 2024 de la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice. Cet arrêt est entré en force, le recours de A______ au Tribunal fédéral ayant été déclaré irrecevable (arrêt 6B_908/2024 du Tribunal fédéral du 20 janvier 2025).
e. Par avis du 4 septembre 2025, le Ministère public a repris la procédure P/24789/2020.
C. Dans la décision querellée, le Ministère public a retenu que la plainte de A______ pour des infractions attentatoires à l'honneur faisait suite à des plaintes déposées par B______ et C______ contre la précitée. Ces plaintes, traitées dans la procédure pénale P/1______/2020 avaient abouti à la condamnation de A______ pour diffamation
(art. 173 ch. 1 CP). Or, non seulement cette procédure-ci s’était terminée par le prononcé, par le Tribunal fédéral, de l'irrecevabilité du recours formé par A______ contre sa condamnation, mais au jour du prononcé de l'arrêt du Tribunal fédéral, l'action pénale s'agissant de la plainte de A______ contre B______ et C______ était prescrite (art. 178 al. 1 CP). En tous les cas, il était établi que les plaintes des précités étaient fondées et que ces derniers n'avaient ainsi pas porté atteinte à l'honneur de A______.
Par ailleurs, si A______ avait mentionné, dans sa plainte, plusieurs autres infractions, indiquant "calomnie et entrave de justice en erreur, atteinte à l'honneur […] harcèlement et tentative de contrainte", elle ne décrivait aucun fait, de sorte qu’il n'y avait pas lieu à qualification juridique.
Au surplus, la précitée requérait l’assistance judiciaire gratuite et la désignation d’un avocat, mais n'avait décrit aucune atteinte à son intégrité psychique. Elle ne pouvait pas, dans ce contexte, être considérée comme une victime au sens de l'art. 116 CPP. Qui plus est, les chances de succès de l'action pénale étaient inexistantes.
D. a. Dans son recours, A______ reproche au Ministère public de n’avoir jamais été entendue à la suite du dépôt de sa plainte. L’autorité avait considéré ses griefs comme imprécis et avait décidé de ne pas entrer en matière, se fondant essentiellement sur une condamnation antérieure, sans examiner ses "éléments propres". La décision, intervenue sans son audition préalable, consacrait une violation de son droit d’être entendue et sa plainte était qualifiée de vague sans qu’elle n’eût été invitée à la compléter. Le Ministère public avait, de plus, procédé à une erreur d’appréciation, en l’absence d’instruction. Il avait transposé des jugements antérieurs pour écarter sa plainte, sans examiner les faits nouveaux. Or, ces derniers nécessitaient une instruction impartiale. Qui plus est, le Ministère public avait considéré que les propos incriminés étaient fondés, sans examen contradictoire. Cette appréciation était arbitraire et devait être revue par une autorité indépendante. La décision ignorait, de plus, la jurisprudence européenne, qui incluait les atteintes à la dignité dans la notion de victime.
b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.
EN DROIT :
1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner de la plaignante qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).
2. La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et
5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.
3. La recourante reproche au Ministère public de ne pas avoir traité sa plainte pénale, plus particulièrement de ne pas avoir ouvert une instruction ni procédé à son audition.
3.1.1. Selon l'art. 310 al. 1 let. b CPP, le prononcé d'une non-entrée en matière s'impose lorsqu’il existe des empêchements de procéder, tels que la prescription de l'action publique (ACPR/697/2024 du 27 septembre 2024 consid. 4.2).
3.1.2. Selon l'art. 178 al. 1 CP, pour les délits contre l’honneur, l’action pénale se prescrit par quatre ans.
3.2. Par ailleurs, à teneur de l'art. 310 al. 1 let. a CPP, une ordonnance de non-entrée en matière est immédiatement rendue s’il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs d’une infraction ou les conditions à l’ouverture de l’action pénale ne sont manifestement pas réunis.
Conformément à cette disposition, la non-entrée en matière est justifiée lorsque la situation est claire sur le plan factuel et juridique. Tel est le cas lorsque les faits visés ne sont manifestement pas punissables, faute, de manière certaine, de réaliser les éléments constitutifs d'une infraction, ou encore lorsque les conditions à l'ouverture de l'action pénale font clairement défaut. Au stade de la non-entrée en matière, on ne peut admettre que les éléments constitutifs d'une infraction ne sont manifestement pas réalisés que lorsqu'il n'existe pas de soupçon suffisant conduisant à considérer un comportement punissable ou lorsqu'un éventuel soupçon initial s'est entièrement dissipé (ATF 141 IV 87 consid. 1.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_196/2020 du
14 octobre 2020 consid. 3.1).
3.3. Si le ministère public considère qu'une ordonnance de non-entrée en matière doit être rendue, il n'a pas à informer les parties de son choix puisque l'art. 318 CPP n'est pas applicable dans une telle situation; le droit d'être entendu des parties sera assuré, le cas échéant, dans le cadre de la procédure de recours contre l'ordonnance de non-entrée en matière. Cette procédure permet aux parties de faire valoir tous leurs griefs – formels et matériels – auprès d'une autorité disposant d'une pleine cognition en fait et en droit. Inversement, faute d'ouverture d'instruction, le droit de participer à l'administration des preuves ne s'applique en principe pas, et ce y compris en cas d'investigations policières diligentées à titre de complément d'enquête requis par le ministère public en vertu de l'art. 309 al. 2 CPP (arrêt du Tribunal fédéral 6B_496/2018 précité consid. 1.3).
3.4. Pour qu’une plainte soit valable, le déroulement des faits sur lesquels elle porte doit être décrit de manière suffisante. Il en va ainsi lorsque l’affirmation du plaignant selon lequel il a été injurié repose sur un exposé détaillé des circonstances concrètes ; l’énumération des divers termes injurieux n’est pas nécessaire. La qualification juridique des faits n’incombe pas au plaignant mais aux autorités de poursuite (M. DUPUIS / L. MOREILLON / C. PIGUET / S. BERGER / M. MAZOU /
V. RODIGARI (éds), Code pénal - Petit commentaire, 2ème éd., Bâle 2017, n. 4 ad art. 30 CP et les références citées).
3.5. En l’espèce, la recourante a déposé plainte, pour calomnie (art. 174 CP) et "atteinte à [son] honneur", contre les mis en cause à la suite des plaintes que ceux-ci avaient déposées contre elle pour diffamation. Les faits dénoncés par la recourante, soit le dépôt des plaintes, remontaient donc aux 6 septembre et 19 novembre 2020. Or, lorsque le Tribunal fédéral a rendu son arrêt – d’irrecevabilité – dans la procédure P/1______/2020, ces faits étaient prescrits, sur la base de l’art. 178 al. 1 CP, en tant qu’ils auraient été constitutifs de calomnie et d’atteinte à l’honneur.
C’est donc à bon droit que le Ministère public n’est pas entré en matière sur la plainte, au vu de cet empêchement de procéder.
En tant que la recourante se plaint d’"entrave de justice en erreur", "harcèlement" et "tentative de contrainte", pour autant qu’elle ait un intérêt à recourir – ce qui paraît douteux de l’"entrave de justice en erreur" laquelle paraît viser l’art. 304 CP, qui protège les intérêts de l’État à une saine administration de la justice –, le fait qu’elle ait été déclarée coupable de diffamation dans la procédure P/1______/2020, pour les faits dénoncés par les mis en cause, a validé les plaintes des intéressés, de sorte que celles-ci ne sauraient remplir les conditions d’une contrainte ("harcèlement") ou d’une tentative de contrainte. La recourante n’expose d’ailleurs pas dans son recours en quoi ces infractions seraient malgré tout réalisées.
Elle se plaint de n’avoir pas été entendue sur sa plainte ni invitée à la compléter. Mais elle oublie qu’il lui appartenait, en tant que plaignante, de décrire les faits qu’elle estimait être constitutifs des infractions mentionnées. À défaut, le Ministère public pouvait, comme il l’a fait, ne pas entrer en matière. En outre, les conditions d’une non-entrée en matière étant d’emblée remplies au sens de l’art. 310 al. 1 let. a et b CPP, l’autorité pouvait rendre une ordonnance sans ouvrir une instruction pénale et, donc, sans entendre la plaignante.
4. Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.
5. La recourante se plaint, à bien la comprendre, de ne pas avoir été mise au bénéfice de l’assistance judiciaire gratuite devant le Ministère public, avec la désignation d’un conseil juridique gratuit, et requiert cette assistance devant l’autorité de recours.
5.1. Conformément à l'art. 136 al. 1 let. a et b CPP, sur demande, la direction de la procédure accorde entièrement ou partiellement l'assistance judiciaire gratuite à la partie plaignante, respectivement à la victime, pour faire valoir ses prétentions civiles, si elle ne dispose pas de ressources suffisantes et que l'action civile, respectivement la plainte pénale, ne paraît pas vouée à l'échec. L'assistance judiciaire comprend notamment l'exonération des frais de procédure (art. 136 al. 2 let. b CPP) et la désignation d'un conseil juridique gratuit, lorsque la défense des intérêts de la partie plaignante ou de la victime l'exige (art. 136 al. 2 let. c CPP).
La cause du plaignant ne doit pas être dénuée de toute chance de succès. L'assistance judiciaire peut donc être refusée lorsqu'il apparaît d'emblée que la démarche est manifestement irrecevable, que la position du requérant est juridiquement infondée ou que la procédure pénale est vouée à l'échec (arrêts du Tribunal fédéral 1B_173/2014 du 17 juillet 2014 consid. 3.1.1 et 1B_254/2013 du 27 septembre 2013 consid. 2.1.1).
5.2. En l’espèce, tant la plainte que le recours étaient voués à l'échec, pour les raisons exposées ci-dessus, de sorte que la recourante, même si elle est indigente, ne remplissait pas les conditions à l'octroi de l'assistance judiciaire gratuite, ni a fortiori à la désignation d’un conseil juridique gratuit.
Partant, le refus d'octroi de l'assistance judiciaire est fondé et le recours sera rejeté sur ce point également.
6. La recourante, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui comprendront un émolument de CHF 700.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).
La décision de refus de l’assistance judiciaire est rendue sans frais (art. 20 RAJ).
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Rejette le recours.
Met à la charge de A______ les frais de la procédure de recours, qui comprennent un émolument de CHF 700.-.
Rejette la demande d'assistance judiciaire gratuite.
Notifie le présent arrêt, en copie, à la recourante et au Ministère public.
Siégeant :
Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Madame Françoise SAILLEN AGAD, juge et Monsieur Raphaël MARTIN, juge suppléant; Monsieur Julien CASEYS, greffier.
| Le greffier : Julien CASEYS |
| La présidente : Daniela CHIABUDINI |
Voie de recours :
Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).
| P/24789/2020 | ÉTAT DE FRAIS |
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COUR DE JUSTICE
Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).
| Débours (art. 2) | | |
| - frais postaux | CHF | 10.00 |
| Émoluments généraux (art. 4) | | |
| - délivrance de copies (let. a) | CHF | |
| - délivrance de copies (let. b) | CHF | |
| - état de frais (let. h) | CHF | 75.00 |
| Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13) | | |
| - décision sur recours (let. c) | CHF | 700.00 |
| Total | CHF | 785.00 |