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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/8368/2020

ACPR/867/2025 du 22.10.2025 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : RETARD INJUSTIFIÉ
Normes : Cst; CPP.5

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/8368/2020 ACPR/867/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 22 octobre 2025

 

Entre

A______ et B______, tous deux représentés par Me Philippe Vladimir BOSS, avocat, avenue des Toises 12, case postale 140, 1001 Lausanne,

recourants,

 

pour déni de justice et retard injustifié,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B,
1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 14 avril 2025, A______ et B______ recourent pour déni de justice et retard injustifié "en raison de l'inactivité du Ministère public depuis plusieurs mois".

Ils concluent, sous suite de frais et dépens, au constat d'un déni de justice et retard injustifié; à ce qu’il soit ordonné au Ministère public de "diligemment faire avancer la procédure", de statuer, sans délai, sur leurs réquisitions de preuve et de mener "toutes les autres mesures d'instruction propres à la célère avancée de la procédure".

b. Les recourants ont versé les sûretés en CHF 1'000.- qui leur étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. B______, né en 1963, est marié à A______, née en 1968. Ils sont tous deux ressortissants français, domiciliés en France.

C______, né en 1964, de nationalité française, domicilié à Genève, est marchand d'art et ami proche de longue date des époux A______/B______.

b. Plainte de B______

b.a. Le 14 mai 2020, B______ a déposé plainte contre C______. Il lui reprochait d'avoir, entre fin 2013 et 2014 – après qu'il l'eut mis en contact avec D______, marchand de pierres précieuses à Genève, pour qu’il achète des rubis pour son compte – acquis quatre diamants pour une valeur totale de CHF 149'040.- (hors taxes) et s'être versé une commission [qui n'avait jamais été discutée] de CHF 42'000.-, lui faisant croire que l'argent qu'il lui avait versé (CHF 838'000.-) avait été utilisé pour l’achat de deux rubis.

À l'appui, il sollicitait l’audition des précités, la délivrance d'un ordre de dépôt sur le compte de C______ auprès de [la banque] E______ afin de déterminer l'utilisation des fonds confiés, et le séquestre des valeurs litigieuses.

Cette plainte a été enregistrée sous le numéro de procédure P/8368/2020.

b.b. Le 20 mai 2020, le Ministère public a ouvert une instruction à l’encontre de C______ pour abus de confiance (art. 138 CP).

b.c. Par actes séparés des 20 et 26 mai 2020, cette autorité a ordonné, auprès de E______, le séquestre du compte de C______ ainsi que de son coffre. Dits séquestres ont été levés le 9 juin 2020, le compte présentant un solde de CHF 777.- [état au 22 mai 2020] et le coffre étant vide. Cette décision n’a pas fait l’objet d’un recours.

b.d. Selon le rapport de renseignements du 4 juin 2020, la police a entendu C______ et D______, le premier en qualité de prévenu et le second comme témoin.

C______ a contesté les faits reprochés. Après avoir présenté D______ au plaignant en vue de l’achat de pierres précieuses, il avait prélevé sa commission [convenue oralement] sur l'argent du plaignant et transféré le solde au précité qui avait acheté deux rubis pour le plaignant d’une valeur totale de CHF 588'000.-. Il n’avait pas acquis de diamants avec le solde des fonds du plaignant.

b.e. Devant le Ministère public, le 9 septembre 2020, C______ a été prévenu en raison des faits reprochés. Il a été confronté au plaignant et à D______.

b.f. Par lettre de son conseil du 15 octobre 2020 [se référant à ses précédentes missives des 30 juin, 1er et 8 septembre 2020], B______ a réitéré ses demandes tendant notamment à la délivrance de la documentation bancaire auprès de E______ en vue de déterminer l’usage des fonds versés et pouvoir éventuellement en demander la confiscation.

b.g. Le 23 novembre 2020, le Ministère public a annoncé qu'il statuerait ultérieurement sur les requêtes du plaignant.

b.h. Par pli du 30 septembre 2021, B______ a pris note que l’instruction de sa plainte était en suspens dans l’attente de l’avancement de celle de son épouse [cf B. let. c infra].

b.i. Le 11 décembre 2020, B______ a également déposé plainte pénale contre C______ pour blanchiment d’argent. Cette plainte qui fait l’objet de la procédure P/1______/2021, a été suspendue jusqu’à droit jugé dans la présente procédure.

c. Plainte de A______

c.a. Le 26 juin 2020, A______ a déposé plainte contre C______. Elle lui reprochait de s'être – après qu'il lui eut proposé, en 2015, d'acquérir, par son intermédiaire, une sculpture en bronze [intitulée "______"] de l'artiste F______ – approprié le montant qu'elle lui avait versé à cet effet le 3 juin 2015 [CHF 430'000.-, avec une commission de CHF 10'000.- en sus], sans lui remettre dite statue.

À l'appui, elle sollicitait l’audition de C______, la délivrance d'un ordre de dépôt auprès de E______ et le séquestre des valeurs litigieuses. Par pli séparé de son conseil du même jour, elle demandait, à titre subsidiaire, le séquestre de deux parts de propriété par étages détenues par C______ dans un immeuble à G______ [VD] [ces biens ont été réalisés le 25 octobre 2021 par l’Office des poursuites du district de K______ [VD] pour des créanciers antérieurs].

La plainte de A______ a été enregistrée sous le numéro de procédure P/11675/2020.

Cette plainte sera complétée le 4 février 2022 pour des faits de blanchiment d’argent. Dans ce cadre, A______ sollicitait notamment le séquestre du compte bancaire de C______ auprès de [la banque] H______.

c.b. Entendu en qualité de prévenu par la police le 26 novembre 2020, C______ a contesté les faits reprochés. Avec les fonds versés, il avait acheté l'année suivante la sculpture à un courtier établi à Jérusalem, I______ (ou "I______"), auquel il avait remis CHF 400'000.- en espèces sans toutefois recevoir la livraison de dite œuvre d'art. Il avait tenté en vain, à plusieurs reprises, de contacter le précité. Il n'avait pas déposé plainte contre lui car il était "persuadé qu'une telle démarche n'avait aucune chance d'aboutir".

c.c. Selon le rapport de renseignements du 2 décembre 2020, les recherches effectuées par la police concernant le dénommé I______ (ou "I______") avaient été vaines. Il était en outre indiqué que C______ avait fait l’objet de nombreuses poursuites pour dette, au cours des cinq dernières années, pour un montant total de CHF 874’750.- (incluant la somme réclamée par la plaignante) et de 32 actes de défaut de biens pour un montant de CHF 112'620.-.

c.d. Par courrier de son conseil du 16 mars 2021 [réitéré le 6 avril suivant], A______ a sollicité la tenue d'une audience de confrontation avec le prévenu.

c.e. Le 21 avril 2021, le Ministère public a adressé un ordre de dépôt à E______ en vue d’obtenir notamment les relevés de compte de C______, l’état de ses avoirs et les accès à son coffre-fort.

c.f. Le 19 mai 2021, le Ministère public a annoncé à la plaignante que des investigations étaient encore en cours à la police.

c.g. Dans son rapport de renseignements du 8 septembre 2021, la police a procédé à l'analyse de la documentation bancaire remise par E______ ainsi qu'à l'audition complémentaire de C______.

d. Par ordonnance du 19 novembre 2021, le Ministère public a ordonné la jonction des procédures P/11675/2020 et P/8368/2020 sous ce dernier numéro.

e. Lors de l'audience de confrontation du 27 janvier 2022 devant le Ministère public, C______ a été prévenu d'abus de confiance (art. 138 CP) et/ou d'escroquerie (art. 146 CP) en lien avec la plainte déposée par A______.

Un délai a été imparti aux parties pour déposer leurs observations et produire les pièces évoquées lors de l’audience.

f.a. Par pli de son conseil du 10 février 2022, B______ a remis les documents requis et persisté dans sa plainte. Il demandait au Ministère public de ne pas communiquer, en l’état, ses observations au prévenu.

f.b. Le 15 février 2022, le prévenu a transmis notamment son relevé de compte [situation au 31.12.2021] auprès de H______ faisant état d’un solde négatif.

f.c. Dites observations ont été transmises, le 2 novembre 2022, à chaque partie pour détermination.

g. Par lettre du 6 mai 2022, A______ a indiqué avoir intenté une procédure de réalisation forcée portant sur la part [1/2] de copropriété par étages détenue par le prévenu dans un immeuble à Genève. Son époux sollicitait du Ministère public de séquestrer le solde de la vente aux enchères de ce bien pour couvrir la créance compensatrice qui serait vraisemblablement prononcée.

h. Le 29 juin 2022, le Ministère public a requis – et obtenu le 13 juillet 2022 – de D______ la copie d’une facture établie le 24 décembre 2013 à l’intention du prévenu.

i. Le 5 septembre 2022, les époux A______/B______ ont sollicité des informations sur l’avancement des procédures, notamment celle pour blanchiment d’argent, ainsi que sur le sort donné aux demandes de séquestre.

j. Le 2 novembre 2022, le Ministère public a répondu aux plaignants que la procédure portant sur le blanchiment d’argent était suspendue.

k. Par relance du 1er février 2023, A______ a informé le Ministère public que C______ avait commencé à rembourser sa dette envers elle [CHF 440'000.-, intérêts en sus, à raison d’acomptes mensuels de CHF 49'150.- ], selon l’échéancier établi le 12 décembre 2022 par l’Office des poursuites. Elle sollicitait la mise en accusation du prévenu, cas échéant après disjonction des procédures. Son époux demandait à connaître les "intentions" du Ministère public "afin de lever le voile sur les déclarations contradictoires" du prévenu et de D______. Il persistait à solliciter "toute la documentation bancaire et la mise en prévention de [C______] pour blanchiment d’argent".

l. Le 11 avril 2023, le plaignant, sous la plume de son conseil, a sollicité l'audition des filles de C______ auxquelles celui-ci avait offert deux bagues [deux solitaires montés d'un diamant chacun]. Il soupçonnait que ces diamants – dont il demandait la saisie par le Ministère public – avaient été acquis grâce à l'argent qu'il avait versé pour l'achat des rubis. Il concluait en outre à ce que le Ministère public ordonne la production, par le prévenu, de toute pièce en lien avec l’acquisition de ces diamants et l’origine des fonds ayant permis leur financement, se réservant de solliciter le séquestre desdits diamants.

m. Par missive du 10 août 2023, le conseil des plaignants s’est référé intégralement à ses courriers des 1er février et 11 avril 2023, persistant dans ses précédentes réquisitions de preuve.

n. Dans sa réponse du 16 novembre 2023, le Ministère public a répondu avoir adressé, le même jour, un ordre de dépôt à H______. Pour le surplus, il n’entendait pas, en l’état, "faire suite à [leurs] autres demandes et réquisitions de preuve".

o. Par mandat d’actes d’enquête du 29 novembre 2023, le Ministère public a chargé la police d’analyser la documentation bancaire remise par H______ "en lien avec les deux complexes de faits reprochés au prévenu".

La police a établi son rapport le 18 décembre 2023.

p. Par lettre du 28 novembre 2023, réitérée le 19 décembre 2023, le conseil du plaignant a informé le Ministère public que la réalisation forcée de la part de copropriété pour ½ que le prévenu détenait dans l’immeuble sis à Genève avait été suspendue, au vu des acomptes payés à la plaignante. Il sollicitait ainsi le séquestre de la part de copropriété – pour éviter que le prévenu n’en dispose dès le remboursement intégral de sa dette – afin de garantir une éventuelle créance compensatrice.

q. Le 7 décembre 2023, l'Office des poursuites a, sur interpellation du Ministère public, confirmé que C______ s’acquittait des mensualités fixées, seuls deux versements devant encore être effectués dans le cadre du sursis à la vente forcée.

r. Par ordonnance du 21 décembre 2023, le Ministère public a ordonné le séquestre sollicité.

s. Le 2 mai 2024, cette autorité a rejeté la demande de levée de séquestre formée par le prévenu.

t. Par ordre de dépôt du même jour, réitéré le 11 septembre 2024, le Ministère public a sollicité [et reçu le 16 septembre 2024] le certificat de gemmologie mentionné dans les factures établies par D______.

u.a. Le 21 novembre 2024, le conseil des époux A______/B______ a, dans la procédure P/2______/2021 [dirigée notamment contre ses mandants à la suite de la plainte de C______ pour contrainte, et attribuée à un autre cabinet du Ministère public], sollicité l’audition de I______ (ou "I______").

u.b. Par relance du 31 janvier 2025 [dans la même procédure], leur conseil a réitéré ses réquisitions de preuve portant sur l’audition des filles du prévenu et sur celle de I______ (ou "I______").

v. Par missive du 6 mars 2025 [dans la présente cause], les plaignants ont, sous la plume de leur conseil, annoncé au Ministère public qu’en l’absence de convocation de I______ (ou "I______") d’ici au 15 suivant, ils déposeraient un recours pour déni de justice.

w. Le 20 mars 2025, la Procureure, nouvellement chargée de la procédure, a répondu qu'elle se déterminerait rapidement sur les actes d'instruction à effectuer.

C. a. Dans leur recours, B______ et A______ reprochent au Ministère public de ne pas avoir, depuis 2020, recherché le dénommé I______ (ou "I______") alors qu’eux-mêmes étaient parvenus, en octobre 2023, à obtenir les coordonnées de l’intéressé [son adresse de courriel]. Cette autorité n'avait pas non plus répondu à leurs demandes [des 21 novembre 2024, 31 janvier et 6 mars 2025] d'audition du précité alors qu'il s'agissait de la "dernière mesure utile" avant la clôture de l'instruction et le renvoi du prévenu en jugement. Cette audition, concrètement possible dès octobre 2023, devait ainsi être "immédiatement mise en œuvre".

Ils font, en outre, grief au Ministère public de ne pas avoir donné suite à leurs réquisitions du 11 avril 2023 [réitérées les 10 août 2023, 31 janvier et 6 mars 2025] d'entendre les filles du prévenu auxquelles celui-ci avait offert deux solitaires montés d’un diamant chacun qu'ils soupçonnaient être ceux acquis abusivement par le prévenu, ni entrepris les recherches permettant de retrouver l’origine de ces diamants et les analyser. Ces mesures "essentielles" devaient être immédiatement mises en œuvre.

Enfin, ils déplorent que cinq procureurs, dont trois en moins d'une année, aient été chargés de la procédure. S'ils n'émettent pas de griefs personnels envers ceux-ci, ils considèrent que les changements de procureurs n'ont pas permis de mener une instruction diligente, de sorte que "le retard injustifié en découlant" devait être constaté. Ils se plaignent également de la durée de la procédure [cinq ans] pour des faits remontant à juin 2015, respectivement à fin 2013, ceci d’autant que "la prescription des infractions pénales commises par le prévenu menace".

b. Invité à se déterminer, le Ministère public conclut au rejet du recours. L’instruction était complexe. La procédure ouverte pour blanchiment d’argent [P/1______/2021] avait été suspendue jusqu’à droit jugé dans la présente cause, tout comme celle [P/3______/2021] dans le cadre de laquelle C______ avait déposé plainte à l’encontre de D______ pour avoir fait de fausses déclarations et produit une fausse facture. La procédure P/2______/2021[portant sur la plainte déposée par C______ contre les époux A______/B______ pour contrainte] était diligentée en parallèle. Dès le dépôt des plaintes des époux A______/B______, divers actes d’instruction avaient été effectués. Même si quelques mois avaient pu s’écouler entre ceux-ci, on était bien loin d’un délai d’inactivité de 13 ou 14 mois ou de carences choquantes. Le changement de procureurs n’avait pas retardé la conduite de la procédure. Aucune violation du principe de célérité ou de déni de justice ne pouvait être retenu.

Il annonçait l’audition prochaine de D______ [convoqué à l’audience du 7 juillet 2025] pour qu’il s’explique sur la mention, dans ses factures, du même numéro de certificat de gemmologie [transmis le 13 septembre 2024 par J______ AG après le rappel de l’ordre de dépôt]. Il statuerait ensuite sur l’éventuelle nécessité d’entendre les filles du prévenu. S’agissant de I______ (ou "I______") – domicilié aux Etats-Unis –, les recourants avaient sollicité son audition, pour la première fois, le 6 mars 2025, leurs précédentes demandes ayant été formulées dans le cadre de la procédure P/2______/2021, attribuée à un autre Procureur et désormais reprise par le même cabinet. En tout état, l’utilité de cette audition – qui ne pourrait se faire que par commission rogatoire, ce qui ralentirait encore la procédure – paraissait douteuse, l’intéressé ayant soutenu ne pas connaître C______ ni lui avoir parlé, tandis que le précité a indiqué que le dénommé I______ (ou "I______") n’était pas "le" I______ (ou "I______") auquel il avait remis les CHF 400'000.- . L’instruction du volet dénoncé par A______ était ainsi achevée. Il était toutefois, en l’état, prématuré d’adresser un avis de prochaine clôture, le prévenu devant être renvoyé en jugement en même temps pour tous les actes reprochés.

c. Dans leur réplique, les recourants observent "avec satisfaction" l’avancement de la procédure "au vu de l’audition prévue de M. D______ et des diverses décisions rendues matériellement par le Ministère public dans dites observations", sollicitant la suspension de la procédure de recours et n’excluant pas "que la procédure de recours perde son objet d’ici là".

d. Par courrier du 10 juin 2025, le Ministère public a indiqué être favorable à la suspension de la procédure de recours, sollicitant la transmission du dossier "pour l’audience d’instruction du 7 juillet 2025".

e. Le 19 juin 2025, les recourants ont persisté dans leur demande de suspension.

f. Par missive spontanée du 17 juillet 2025, les recourants ont communiqué à la Chambre de céans la copie du procès-verbal de l’audience précitée, laquelle se poursuivrait le 28 août 2025. Ils ont sollicité "le maintien de la suspension de la procédure jusqu’au 10 septembre 2025, réservant un éventuel retrait de recours".

g. Le 17 septembre 2025, les recourants ont joint la copie de leur pli adressé au Procureur Général. Il se plaignent d’un nouveau changement de magistrat à compter du 1er octobre 2025 à la suite de l’élection de la Procureure chargée du dossier à une autre fonction.

EN DROIT :

1.             1.1. Le recours formé pour déni de justice ou retard injustifié n'est soumis à aucun délai (art. 396 al. 2 CPP). Il a été déposé selon la forme prescrite (art. 393 et 396 al. 1 CPP), par les plaignants, parties à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP).

1.2.1. À teneur de l'art. 382 al. 1 CPP, le recourant doit avoir un intérêt actuel et pratique au traitement de leur recours, lequel doit exister tant au moment du dépôt du recours qu'à celui où l'arrêt est rendu (ATF 137 I 296 consid. 4.2 et les références citées; arrêt du Tribunal fédéral 6B_766/2016 du 4 avril 2017 consid. 1.2). Lorsque l'autorité rend une décision alors qu'un recours pour déni de justice est pendant, le recourant ne dispose, en principe, plus d'un intérêt actuel à faire constater le prétendu déni (arrêts du Tribunal fédéral 5A_670/2016 du 13 février 2017 consid. 2; 5A_709/2016 du 30 novembre 2016 consid. 4.2 ; 2C_313/2015 du 1er mai 2015 consid. 4). Si l'intérêt juridique disparaît en cours de procédure, le litige est déclaré sans objet, et la cause radiée du rôle (ATF 118 Ia 488 consid. 1a; ACPR/648/2024 du 30 août 2024 consid. 1.2.1).

1.2.2. En l'espèce, les recourants font grief au Ministère public de ne pas avoir statué sur leurs réquisitions de preuve formées le 11 avril 2023 [pour l’audition des filles du prévenu, la production de pièces relatives aux diamants et leur mise à disposition] ainsi que le 21 novembre 2024 [pour l’audition de I______ (ou "I______")], malgré leurs nombreuses relances.

Or, après le dépôt du recours, le Ministère public a pris position sur les demandes des recourants. Il a en outre tenu une audience, le 7 juillet, reprise le 28 août 2025, au cours desquelles le prévenu et D______ ont été entendus, en présence des recourants, ceux-ci ayant pu poser toutes questions utiles aux intéressés.

Les recourants n’ont dès lors plus d'intérêt actuel et pratique à la constatation d'un éventuel déni de justice, étant souligné que, dans leur réplique, ils ont déclaré être satisfaits des réponses du Ministère public, proposant la suspension de la procédure de recours, sans exclure que celui-ci perde son objet.

Partant, le recours pour déni de justice est devenu sans objet.

Les griefs en lien avec les faits de blanchiment d’argent ne sont pas recevables, ceux-ci faisant l’objet d’une autre procédure [P/1______/2021], suspendue dans l’attente de l’issue de la présente cause.

1.3. Le recours pour retard injustifié est en revanche recevable, les parties plaignantes ayant un intérêt juridiquement protégé à obtenir une décision de l'autorité sollicitée sur ce point (art. 382 al. 1 CPP).

2. 2.1. À teneur de l'art. 5 al. 1 CPP, les autorités pénales engagent les procédures pénales sans délai et les mènent à terme sans retard injustifié. Cette disposition concrétise le principe de la célérité, et prohibe le retard injustifié à statuer, posé par l'art. 29 al. 1 Cst., qui garantit notamment à toute personne, dans une procédure judiciaire ou administrative, le droit à ce que sa cause soit traitée dans un délai raisonnable. Comme on ne peut pas exiger de l'autorité pénale qu'elle s'occupe constamment d'une seule et unique affaire, il est inévitable qu'une procédure comporte quelques temps morts. Lorsqu'aucun d'eux n'est d'une durée vraiment choquante, c'est l'appréciation d'ensemble qui prévaut; des périodes d'activités intenses peuvent donc compenser le fait que le dossier a été laissé momentanément de côté en raison d'autres affaires. Selon la jurisprudence, apparaît comme une carence choquante une inactivité de treize ou quatorze mois au stade de l'instruction (arrêt du Tribunal fédéral 6B_172/2020 du 28 avril 2020 consid. 5.1). Le principe de la célérité peut être violé même si les autorités pénales n'ont commis aucune faute; elles ne sauraient exciper des insuffisances de l'organisation judiciaire (ATF 130 IV 54 consid. 3.3.3). Seul un manquement particulièrement grave, faisant au surplus apparaître que l'autorité de poursuite n'est plus en mesure de conduire la procédure à chef dans un délai raisonnable, pourrait conduire à l'admission de la violation du principe de célérité. En cas de retard de moindre gravité, des injonctions particulières peuvent être données, comme par exemple la fixation d'un délai maximum pour clore l'instruction (cf. ATF 128 I 149 consid. 2.2, rendu en matière de détention préventive).

2.2. Si le justiciable veut pouvoir ensuite soulever ce grief devant l'autorité de recours, il lui appartient toutefois d'entreprendre ce qui est en son pouvoir pour que l'autorité fasse diligence, par exemple en l'invitant à accélérer la procédure et à statuer à bref délai (ATF 130 I 312 consid. 5.2 ; 126 V 244 consid. 2d). Il serait en effet contraire au principe de la bonne foi, qui doit présider aux relations entre organes de l'État et particuliers en vertu de l'art. 5 al. 3 Cst., qu'un justiciable se plaigne d'un déni de justice devant l'autorité de recours, alors qu'il n'a entrepris aucune démarche auprès de l'autorité concernée pour remédier à la situation (ATF 149 II 476 consid. 1.2; arrêt du Tribunal fédéral 1B_4/2023 du 27 février 2023 consid. 2.2).

2.3. En l'occurrence, les recourants reprochent au Ministère public d’avoir tardé à statuer sur leurs demandes, formulées pour la première fois dans leur courrier du 11 avril 2023, portant sur l’audition des filles du prévenu et la production de pièces. Or, même s’il ne s’est pas prononcé spécifiquement sur ces points, le Ministère public a, dans sa réponse du 16 novembre 2023, fait part de son refus de donner suite aux réquisitions de preuves énoncées dans dit courrier, hormis la délivrance de l’ordre de dépôt à H______. Même si cette réponse est intervenue sept mois plus tard et ne satisfaisait pas entièrement les recourants, ce délai n'est pas suffisant pour enfreindre les maxima posés par la jurisprudence.

Par la suite, les recourants ont réitéré leurs requêtes [en janvier et en mars 2025], y compris celle concernant l’audition du dénommé I______ (ou "I______"), formée pour la première fois le 21 novembre 2024 dans une autre procédure, avant d’obtenir satisfaction au stade du recours, soit aussi dans un délai également en deçà de ce que la jurisprudence considère comme une carence choquante.

Les recourants reprochent également au Ministère public la durée excessive de la procédure – cinq ans – avec le risque que les infractions pénales en cause se prescrivent.

Contrairement à ce qu’ils semblent penser, l’approche de la prescription ne saurait être imputée au Ministère public dès lors que les plaintes ont été déposées seulement le 14 mai 2020 pour les faits survenus entre fin 2013 et 2014, respectivement le 26 juin 2020 pour ceux de 2015.

En outre, malgré le changement de Procureurs, le Ministère public n’est pas resté inactif dans l’instruction de la cause. Il a ouvert immédiatement deux procédures distinctes [P/8368/2020 et P/11675/2020] qui ont été instruites dès réception. Diverses auditions ont eu lieu, avant la jonction des procédures, tant devant la police que devant le Ministère public [les 4 juin et le 9 septembre 2020 dans la première procédure ; les 26 novembre 2020 et 8 septembre 2021 dans la seconde]. L’instruction de la plainte du recourant a ensuite été suspendue dans l’attente de l’avancement de celle concernant son épouse, ce dont les intéressés ont été informés. Après la jonction des procédures, le 19 novembre 2021, une autre audience a eu lieu devant le Ministère public [le 27 janvier 2022]. Parallèlement, le Ministère public a ordonné le séquestre des avoirs du prévenu auprès de E______ [les 20 et 26 mai 2020], demandé la production de pièces aux parties, délivré des ordres de dépôts [le 21 avril 2021 à E______ ; le 16 novembre 2023 à H______] et requis l’établissement d’un rapport à cet égard, demandé des renseignements à l’Office des poursuites avant de séquestrer la part de copropriété du prévenu [le 21 décembre 2023] et obtenu [le 16 septembre 2024] le certificat de gemmologie mentionné sur les factures de D______.

Au regard de l'ensemble des actes accomplis au cours de l'instruction, même si quelques temps morts sont à déplorer et ont nécessité des relances des recourants, aucune violation du principe de la célérité ne peut être constatée, faute d'avoir été d'une durée véritablement choquante, ce d'autant que l'instruction arrive à son terme.

Compte tenu de ce qui précède, on ne saurait retenir un retard injustifié du Ministère public à statuer, ni une violation du principe de la célérité, à ce stade.

Le Ministère public est néanmoins invité à faire diligence pour se prononcer, sans tarder, sur la suite de la procédure, à commencer par l’éventuelle audition des filles du prévenu et pour accomplir les derniers actes d’enquête jugés pertinents avant de renvoyer, le cas échéant, le prévenu en jugement.

3. 3.1. Selon l'art. 428 al. 1 CPP, les frais de la procédure de recours sont mis à la charge des parties, dans la mesure où elles ont obtenu gain de cause ou succombé.

3.2. Lorsqu'un acte est sans objet, les frais sont fixés en tenant compte de l'état de fait existant avant l'événement mettant fin au litige et de l'issue probable de celui-ci (arrêt du Tribunal fédéral 6B_649/2019 du 11 juillet 2019 consid. 1.1.2). Il ne s'agit pas d'examiner en détail les chances de succès du recours, ni de rendre un jugement au fond par le biais d'une décision sur les frais, mais d'apprécier sommairement la cause (ATF 142 V 551 consid. 8.2; ACPR/497/2022 du 26 juillet 2022 consid. 9.1.1).

3.3. En l'espèce, ce n'est que postérieurement au dépôt de l'acte de recours que le Ministère public a statué sur les réquisitions de preuve. En conséquence, les motifs pour lesquels l'acte a été, pour partie, déclaré sans objet ne sont pas imputables aux recourants.

Les recourants qui ont succombé pour le surplus seront condamnés à la moitié des frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 1'000.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03), soit au paiement de CHF 500.-.

Le solde de ces frais (CHF 500.-) sera laissé à la charge de l'État.

Le solde des sûretés versées (CHF 500.-) devra leur être restitué.

4. Les recourants peuvent prétendre à l'octroi de dépens en lien avec l’activité pour laquelle ils auraient obtenu gain de cause (soit à raison de ½).

Ils concluent à l'octroi d'une indemnité de CHF 3'600.-, majorée de la TVA, correspondant à huit heures d'activité au tarif horaire de CHF 450.-.

Le temps consacré apparaît excessif pour la rédaction d'un mémoire de dix-huit pages (dont seules cinq pages sont consacrées à la discussion juridique), eu égard à l’absence de complexité particulière et au vu de l'issue du litige. Il sera donc ramené à quatre heures et demie, durée qui parait raisonnable, au tarif horaire demandé, soit à CHF 2'025.-. La TVA n'est pas due, les recourants étant domiciliés à l'étranger (ATF 141 IV 344 consid. 4.1 p. 346).

Une indemnité de CHF 1'012.50.- (correspondant à 50 % du montant retenu) sera ainsi allouée aux recourants et mise à la charge de l’État (art. 433 CPP).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Déclare sans objet, dans la mesure de sa recevabilité, le recours pour déni de justice.

Rejette le recours pour retard injustifié.

Met à la charge de B______ et A______ la moitié des frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 1'000.-, soit au paiement de CHF 500.-.

Laisse le solde des frais de la procédure de recours (CHF 500.-) à la charge de l'État.

Invite les services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer à B______ et A______ le solde des sûretés versées, soit CHF 500.-.

Alloue à B______ et A______, à la charge de l'État, une indemnité de CHF 1'012.50 (art. 433 CPP).

Notifie le présent arrêt, en copie, aux recourants, soit pour eux leur conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Catherine GAVIN et
Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF.
Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à
La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/8368/2020

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

915.00

Total

CHF

1'000.00