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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/21763/2024

ACPR/845/2025 du 14.10.2025 sur OCL/1038/2025 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : CLASSEMENT DE LA PROCÉDURE;INFRACTIONS CONTRE LE DOMAINE SECRET
Normes : CPP.319; CP.179sexies; CP.179septies

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/21763/2024 ACPR/845/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 14 octobre 2025

 

Entre

A______, représenté par Me Erlira BYTYQI, avocate, LEXPRO, rue Rodolphe-Toepffer 8, 1206 Genève,

recourant,

 

contre l'ordonnance de classement rendue le 7 juillet 2025 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B,
1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 17 juillet 2025, A______ recourt contre l'ordonnance du 7 juillet précédant, notifiée le lendemain, par laquelle le Ministère public a rejeté ses réquisitions de preuve et classé la procédure.

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de ladite ordonnance et au renvoi du dossier au Ministère public auquel il doit être ordonné de poursuivre l'instruction en procédant à divers actes d'enquête, qu'il énumère.

b. Le recourant a versé les sûretés en CHF 1'200.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a.a. Le 9 août 2024, A______ a déposé plainte pénale contre inconnu. Il a expliqué que depuis le mois d'octobre 2023, il recevait des messages étranges provenant de numéros inconnus dont le contenu était notamment "Tu me manques et viens à B______ [VD]". À la fin du mois de janvier 2024, il avait rencontré une femme au fitness de C______, à Genève. Ils avaient sympathisé et entretenu une relation – en ce qui le concernait extra-conjugale – une seule fois, en février 2024, dans l'hôtel situé à côté de C______. Cette femme avait payé la chambre d'hôtel et le champagne. Il avait mis un terme à cette relation après cet après-midi à l'hôtel et avait par la suite croisé cette femme à deux reprises, par hasard. En juin 2024, son épouse, D______, avait reçu un message faisant référence à cette aventure à l'hôtel, qu'il lui avait donc avouée. Son épouse avait trouvé l'identité de cette femme, à savoir E______.

À l'occasion d'une réparation au début du mois de juillet 2024, son garagiste avait découvert un traceur GPS sous sa voiture. Lui-même avait donc engagé un détective privé pour savoir qui avait placé ce traceur. Ce détective avait déterminé que ce modèle G______, numéro d’identification 1______, avait été vendu par la société H______ Sàrl, à I______, France. Il avait annoncé cette découverte au poste de police. Le 12 juillet 2024, il était parti en vacances avec sa famille. Alors que seuls ses proches étaient au courant de ce déplacement, sa femme avait reçu plusieurs messages anonymes faisant référence au fait qu'ils étaient en vacances. L'un des messages mentionnait de plus que lui-même aimait la marijuana et le sexe, de sorte que l'auteur devait être quelqu'un qu'il connaissait. Quelques jours plus tard, sa belle-sœur l'avait informé qu'elle recevait également des messages anonymes, menaçants, dont l'un était: "Il est temps que tout le monde en paye les conséquences". Il savait que ce message le concernait, car les messages précédents parlaient de lui. Récemment, les personnes qui le harcelaient avaient fait un photomontage de lui-même avec une femme inconnue. Il était en conflit avec ses trois sœurs et il était "possible que ce soit elles qui [lui] rendent la vie impossible", mais il n'en était pas sûr.

a.b. À l'appui de sa plainte, A______ a produit un "Rapport de recherche" du 11 juillet 2024 – du détective privé qu'il avait mandaté – ainsi que quelques messages échangés via les applications Instagram et WhatsApp.

b. Le 22 novembre 2024, A______ a déposé un complément de plainte, expliquant recevoir, depuis le mois d'octobre 2023, deux ou trois appels téléphoniques masqués par semaine et, à cette même fréquence, des messages, contenant des "émojis", provenant de numéros inconnus.

c. En réponse à une demande d'entraide du Ministère public, les autorités françaises ont répondu le 6 janvier 2025 que la balise GPS précitée avait été achetée par le dénommé J______, domicilié no. ______ rue 2______, à Genève.

Selon la facture transmise par H______ Sàrl, elle avait été acquise le 5 juin 2023, au prix de EUR 275.-.

d. Entendu par la police le 25 février 2025 en qualité de personne appelé à donner des renseignements, J______ a déclaré être détective privé de profession. Il ne connaissait pas le plaignant et n'avait pas été engagé pour investiguer sur lui. Il faisait usage de traceurs GPS – sur sa voiture ou son scooter – uniquement pour sa propre sécurité et donc jamais sur une personne qu'il surveillait. Ainsi son épouse pouvait le localiser s'il ne donnait pas de nouvelles "pendant un moment". Il avait perdu le traceur GPS 1______ dans le secteur de K______ (canton de Genève) et il ignorait comment cet objet avait pu se retrouver sous le véhicule du plaignant. Il avait essayé de retrouver ce traceur via l'application, mais le signal s'était arrêté d'émettre.

e. À teneur du rapport de renseignements du 15 avril 2025, l'enquête n'avait pas permis de déterminer qui avait placé le traceur GPS sous le véhicule de A______ ni qui lui envoyait des messages.

f. Par avis de prochaine clôture de l'instruction du 15 mai 2025, le Ministère public a informé A______ de son intention de classer la procédure.

g. Le 2 juillet 2025, A______ a formulé des réquisitions de preuve, à savoir:

·         l'audition de L______ qui, lors d'un appel le 16 juin 2025, avait expliqué avoir découvert dans le téléphone portable de son épouse, M______, des photographies et vidéos de lui ainsi que de membres de sa famille la dernière fois la veille, ainsi que des échanges de messages entre cette dernière et N______, à son sujet et faisant mention d'un "GPS" ainsi que d'instructions pour suivre ses déplacements;

·      l'audition de M______, laquelle exploitait un restaurant en face de son lieu de travail, le "croisait régulièrement […] en divers lieux et contextes du quotidien", à tout le moins trois fois par semaine, depuis des mois; le 19 juin 2025 M______ s'en était prise verbalement à sa femme en la menaçant de porter atteinte à sa vie, plainte ayant été déposée le jour-même en raison de ces faits; il ne pouvait pas être exclu que M______ fût l'auteur du harcèlement;

·      l'audition de N______, pour les mêmes motifs;

·      la perquisition et le séquestre de tous les appareils électroniques de M______, N______ et J______. Ce dernier avait dit à son épouse, le 22 mai 2025, qu'il avait "tout dit à la police concernant la personne à laquelle il a vendu le traceur GPS". Une perquisition des locaux sis rue 2______ no. ______ pouvait aussi permettre de retrouver des appareils similaires à la balise retrouvée sous sa voiture et d'établir l'usage professionnel ou commercial d'un tel dispositif. La perquisition du matériel électronique de J______ permettrait de vérifier ou de contredire les déclarations de celui-ci du 25 février 2025, voire de déterminer de quelle manière le dispositif litigieux s'était retrouvé sous son véhicule.

C. Dans la décision querellée, le Ministère public a retenu que les actes d'enquête sollicités par le plaignant ne seraient pas susceptibles d'apporter des éléments décisifs susceptibles de modifier sa décision. Hormis les convictions du plaignant, aucun élément au dossier ne permettait de penser que les personnes dont il sollicitait l'audition – et dont il n'expliquait de surcroit pas quels liens il avait avec – auraient participé aux faits, ce d'autant que ceux rapportés dans son pli du 2 juillet 2025 étaient postérieurs aux faits précédemment dénoncés. En tout état, J______ avait d'ores et déjà été entendu par la police et tout portait à croire qu'il confirmerait ses déclarations s'il devait être réentendu.

Les faits dénoncés étaient susceptibles de tomber sous le coup des art. 179sexies et 179septies CP. Toutefois, malgré une enquête de police et une instruction menée par le Ministère public, il n'avait pas été possible d'identifier l'auteur ou les auteurs des infractions commises à l'encontre du plaignant. Par conséquent, aucun soupçon qui justifierait une mise en accusation n'étant établi, le classement de la procédure pénale était ordonné (art. 319 al. 1 let. a CPP). S'y ajoutait qu'il n'apparaissait pas que les faits dénoncés atteignissent le seuil d'intensité permettant d'appliquer l'art. 179septies CP (ATF 126 IV 216).

D. a. À l'appui de son recours, A______ expose que le 7 juillet 2025, M______ s'était rendue dans les locaux de sa société à lui alors qu'il s'y trouvait avec sa collaboratrice et un client. Elle lui avait remis une "ordonnance du 24 juin 2025" – dont il produit une version scannée – prétendument établie par le Tribunal de première instance civile, mais qu'il pensait être en réalité un faux, dans laquelle il était fait état de divers problèmes conjugaux entre l'intéressée et son époux, L______. Il y était également mentionné l'installation par ce dernier de plusieurs dispositifs de géolocalisation sur les véhicules de son épouse ainsi que de son prétendu amant, à savoir lui-même, la mise en scène de rencontres fictives entre eux deux, afin de nourrir ces accusations infondées d'adultère et salir l'image de sa conjointe, ainsi que l'usurpation de l'identité de son épouse pour acheter du matériel de surveillance, outre l'engagement d'un détective privé afin de suivre cette dernière. Il se réservait le droit de dénoncer pénalement ces nouveaux faits susceptibles d'être constitutifs de faux dans les titres, tentative de contrainte et diffamation et/ou calomnie.

Le Ministère public avait constaté, respectivement interprété les faits de manière incomplète et erronée. En effet, aucun acte d'instruction concret n'avait été entrepris en vue d'identifier les auteurs des appels et messages téléphoniques anonymes qu'il avait reçus, en particulier une analyse des métadonnées ou des demandes auprès des opérateurs de télécommunications. Il était dès lors faux de prétendre qu'une enquête exhaustive avait été conduite. Le Ministère public passait sous silence le motif central invoqué pour motiver la demande de perquisition et de séquestre des appareils électroniques de J______, à savoir l'incohérence manifeste de ses déclarations quant à la temporalité d'acquisition et de la prétendue perte du dispositif de géolocalisation retrouvé sous son véhicule (à lui) "à la lumière de l'autonomie effective du modèle concerné".

Le Ministère public avait violé son droit d'être entendu et s'était livré à une appréciation anticipée erronée, précipitée et arbitraire des moyens de preuve en rejetant l'ensemble de ses réquisitions au motif qu'elles reposeraient sur ses seules convictions, ne seraient pas susceptibles de modifier la conviction de cette autorité quant à l'issue de la procédure ou encore compte tenu d'une absence de lien entre les faits objets de sa plainte et ceux rapportés par L______. Ce dernier, qui devait être entendu en qualité de témoin, lui avait dit avoir, à réitérées reprises, visionné du contenu relatif à sa personne sur le téléphone portable de son épouse, M______. S'y ajoutait "l'ordonnance du 24 juin 2025" précitée, faisant notamment mention de l'installation d'un dispositif de géolocalisation sous son véhicule et les rencontres avec cette dernière qui ne sauraient être considérées comme fortuites au vu des endroits où elles étaient intervenues et de leur fréquence. Il était donc urgent de procéder à l'audition de cette dernière, ainsi qu'à la perquisition et au séquestre de son téléphone portable, de même que de tous les autres appareils électroniques lui appartenant, ce qui valait également pour N______, dans la mesure où elle pourrait avoir participé au harcèlement qu'il subissait depuis près de deux ans, puisque L______ disait avoir vu dans le téléphone portable de son épouse des échanges de messages ayant pour objet ses déplacements (à lui) et mentionnant un GPS. Quant aux déclarations de J______, il devait être tenu compte du fait que le dispositif de géolocalisation en cause avait une durée de vie estimée à trois mois, ce qui rendait peu plausible sa présence, en parfait état de fonctionnement, sous son véhicule plus d'une année après son acquisition. Il était de plus invraisemblable que cet appareil n'eût plus émis de signal après sa perte, puisque le détective privé que lui-même avait mandaté l'avait mis sous tension le 11 juillet 2024. Une lecture objective des déclarations de l'intéressé à l'aune des capacités techniques de ce dispositif de géolocalisation en cause devait s'imposer, avec pour conséquence qu'il devait être procédé à la perquisition et au séquestre des appareils électroniques de J______. S'y ajoutait désormais que "l'ordonnance du 24 juin 2025" évoquait clairement l'engagement d'un détective privé, l'acquisition de matériel de surveillance et la mise en place d'une géolocalisation ciblée de lui-même, ces faits étant "mis à la charge" de L______. Il ne saurait à ce stade être exclu que J______ fût le détective auquel il était fait référence et que le dispositif mentionné fût précisément celui acquis par ce dernier le 5 juin 2023.

Le principe in dubio pro duriore avait été violé. Alors que c'était grâce au rapport de son détective privé que le Ministère public avait pu identifier l'auteur de l'achat du traceur GPS, cette autorité n'avait de son côté effectué aucun acte d'enquête alors même que ses réquisitions de preuve portaient sur des faits pertinents et auraient pu conduire à l'identification d'un ou plusieurs auteurs d'un harcèlement continu ayant commencé en octobre 2023. De plus, un seul appel téléphonique abusif pouvait suffire à réaliser les éléments constitutifs de l'art. 179septies CP dans un contexte de harcèlement comme en l'occurrence, s'agissant de très nombreux messages et appels anonymes, souvent à caractère intrusif, outre l'installation d'un GPS sous son véhicule. S'y ajoutaient les faits tels que ressortant de "l'ordonnance du 24 juin 2025", dont le contenu portait gravement atteinte à son honneur.

b. Le Ministère public conclut au rejet du recours. Le recourant n'avait pas démontré que les messages et appels en cause avaient atteint le degré minimal requis par l'art. 179septies CP, étant relevé qu'il n'était pas directement touché par les éléments qui auraient été envoyés à son entourage. Par ailleurs, en l'absence de délit continu, la plainte déposée le 22 novembre 2024, s'agissant de faits antérieurs au 22 août 2024, semblait tardive. Les faits ultérieurs au 22 novembre 2024 auraient dû faire l'objet d'une nouvelle plainte. En lien avec une infraction à l'art. 179sexies CP, L______ et son épouse M______ s'opposaient dans une procédure civile et s'accusaient mutuellement d'avoir placé un GPS sous le véhicule du recourant, lequel était soupçonné d'avoir entretenu une relation adultérine avec celle-là. Leur audition à tous deux, ainsi que celle de N______, une proche de M______, ne pourraient dans ce contexte constituer un élément de preuve suffisant. L'éventuelle incohérence relative à l'acquisition du GPS par J______ ne semblait pas pertinente pour établir les faits, vu ces éléments. Les autres actes requis apparaissaient disproportionnés.

c. A______ ne réplique pas.

EN DROIT :

1.             1.1. Le recours a été interjeté selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), est dirigé contre une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émane du plaignant, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), qui dispose a priori d'un intérêt juridiquement protégé pour agir.

1.2.1. Concernant l'art. 393 al. 1 CPP, la juridiction de recours traite uniquement des problématiques ayant fait l'objet d'une décision préalable (ACPR/536/2023 du 18 juillet 2023 consid. 6.2.1), sous réserve du déni de justice, qui n'entre pas en considération en l'occurrence.

1.2.2. En l'espèce, le recourant évoque et discute de nombreux faits dont certains ne font pas l'objet de la présente procédure ni, a fortiori, de la décision déférée. Il revient sur des éléments qui excèdent le cadre de décision attaquée et en déplore des nouveaux. Il en va ainsi des faits rapportés dans son pli du 2 juillet 2025 – découverte de photographies et vidéos du recourant ainsi que de membres de sa famille dans le téléphone portable de M______, la dernière fois la veille, ainsi que d'échanges de messages entre cette dernière et N______, ayant pour objet le recourant et faisant mention d'un "GPS" ainsi que d'instructions pour suivre ses déplacements; rencontres de M______ " régulièrement […] en divers lieux et contextes du quotidien", depuis des mois; menaces verbales de cette dernière le 19 juin 2025 à l'encontre de son épouse –, ainsi que ceux évoqués dans son recours – le 7 juillet 2025, M______ lui avait remis une "ordonnance du 24 juin 2025" prétendument établie par le Tribunal de première instance civile, mais qu'il pensait être en réalité un faux, dans laquelle il était notamment mentionné l'installation par L______ de plusieurs dispositifs de géolocalisation sur les véhicules de son épouse (M______) ainsi que de son prétendu amant, à savoir le recourant, la mise en scène des rencontres fictives entre eux deux, afin de nourrir ces accusations infondées d'adultère et de salir l'image de "sa conjointe", et l'usurpation de l'identité de son épouse pour acheter du matériel de surveillance, outre l'engagement d'un détective privé afin de la suivre –. Le recourant ne s'y trompe au demeurant pas, puisqu'il a indiqué se réserver le droit de dénoncer pénalement ces nouveaux faits.

À défaut de décision préalable, la Chambre de céans n'est ainsi pas compétente pour se prononcer sur tous ces aspects étrangers à l'ordonnance querellée. Le recours est donc irrecevable sur ces points.

Seuls demeurent, partant, les faits discutés par l'autorité précédente et valablement contestés par le recourant. Cela limite donc la discussion à la pose d'un GPS sous sa voiture, ainsi qu'aux appels et messages anonymes via les applications de WhatsApp et Instagram dont il s'est plaint – sur la période du 9 mai 2024 (3 mois avant la plainte du 9 août) au 9 août 2024, puis du 22 août (3 mois avant le complément de plainte) au 22 novembre 2024 – constitutifs selon lui d'un harcèlement pénalement répréhensible.

1.3. Dans cette limite, les pièces nouvelles produites par le recourant sont recevables, la jurisprudence admettant la production de faits et de moyens de preuve nouveaux en deuxième instance (arrêt du Tribunal fédéral 1B_550/2022 du 17 novembre 2022 consid. 2.1).

2. Dès lors que la Chambre de céans jouit d'un plein pouvoir de cognition en droit et en fait (art. 393 al. 2 CPP; ATF 137 I 195 consid. 2.3.2; arrêt du Tribunal fédéral 1B_524/2012 du 15 novembre 2012 consid. 2.1.), les éventuelles constatations incomplètes ou inexactes du Ministère public auront été corrigées dans l'état de fait établi ci-devant.

3.             Le recourant estime que c'est à tort que le Ministère public a classé sa plainte et son complément de plainte.

3.1.       Aux termes de l'art. 319 al. 1 CPP, le ministère public ordonne le classement de tout ou partie de la procédure notamment lorsqu'aucun soupçon justifiant une mise en accusation n'est établi (let. a).

Selon la jurisprudence, cette disposition doit être appliquée conformément à l'adage "in dubio pro duriore". Celui-ci découle du principe de la légalité (art. 5 al. 1 Cst. et 2 al. 1 CPP en relation avec les art. 309 al. 1, 319 al. 1 et 324 CPP; ATF 138 IV 86 consid. 4.2) et signifie qu'en principe, un classement ne peut être prononcé que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies. Le ministère public et l'autorité de recours disposent, dans ce cadre, d'un certain pouvoir d'appréciation. La procédure doit se poursuivre lorsqu'une condamnation apparaît plus vraisemblable qu'un acquittement ou lorsque les probabilités d'acquittement et de condamnation apparaissent équivalentes, en particulier en présence d'une infraction grave. En effet, en cas de doute s'agissant de la situation factuelle ou juridique, ce n'est pas à l'autorité d'instruction ou d'accusation mais au juge matériellement compétent qu'il appartient de se prononcer (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1; 138 IV 86 consid. 4.1.2).

3.2.       Selon l'art. 6 al. 1 CPP, les autorités pénales recherchent d’office tous les faits pertinents pour la qualification de l’acte et le jugement du prévenu. Elles mettent en œuvre tous les moyens de preuves licites qui, selon l’état des connaissances scientifiques et l’expérience, sont propres à établir la vérité (art. 139 al. 1 CPP). Il n’y a pas lieu d’administrer des preuves sur des faits non pertinents, notoires, connus de l’autorité pénale ou déjà suffisamment prouvés (art. 139 al. 2 CPP).

Le juge, qui apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure (art. 10 al. 2 CPP), peut écarter une offre de preuve s’il parvient sans arbitraire à la constatation, sur la base des éléments déjà recueillis, que l’administration de la preuve sollicitée ne peut plus modifier sa conviction (ATF 141 I 60 consid. 3.3).

3.3.       L'art. 179sexies CP punit celui qui aura notamment importé, acquis, possédé, remis à un tiers, vendu, loué, prêté ou mis en circulation de toute autre manière des appareils techniques servant en particulier à l'écoute illicite ou à la prise illicite de son ou de vues (al. 1). Lorsque le délinquant a agi dans l'intérêt d'un tiers, celui-ci encourra la même peine s'il connaissait l'infraction et n'a pas fait tout ce qui était en son pouvoir pour l'empêcher (al. 2).

Cette infraction a pour objet les moyens techniques qui permettent la commission des infractions prévues aux art. 179bis à quater CP, à savoir l'écoute et l'enregistrement de conversations entre d'autres personnes (art. 179bis CP), l'enregistrement non autorisé de conversations (art. 179ter CP) et la violation du domaine secret ou du domaine privé au moyen d'un appareil de prise de vues (art. 179quater CP).

Le juge doit se livrer à une appréciation objective et examiner si l'appareil, par sa nature, doit servir principalement à des écoutes, des enregistrements ou des prises de vue clandestins. Il faut que, selon l'expérience, la fonction principale de l'appareil ou, en tout cas, celle qui vient immédiatement à l'esprit, soit illicite (B. CORBOZ, Les infractions en droit suisse, volume I, 3ème éd. Berne 2010, n. 4 ad art. 179sexies CP ; S. TRECHSEL / V. LIEBER, Schweizerisches Strafgesetzbuch : Praxiskommentar, 2e édition, Zürich/St. Gallen 2013, n. 2 ad art. 179sexies CP ; M. DUPUIS / B. GELLER / G. MONNIER / L. MOREILLON / C. PIGUET / C. BETTEX / D. SOLL (éd.), Code pénal, Petit commentaire, 2ème éd., Bâle 2017, n. 2 ad art. 179sexies CP). Est visé par cette disposition non pas le simple appareil photographique, la caméra ou l’enregistreur, mais un appareil qui, en raison de son format ou de ses aptitudes particulières, est naturellement destiné à espionner autrui. La destination concrète de l’appareil est sans pertinence. Il faut ainsi se livrer à une appréciation objective et examiner si l’appareil, par sa nature, doit servir principalement à des écoutes, des enregistrements ou des prises de vue clandestins (B. CORBOZ op. cit., nn. 3 et 4 ad art. 179sexies CP).

L'infraction est intentionnelle. L'intention doit porter sur l'aptitude particulière qu'a l'appareil technique à servir pour des écoutes, des prises de son ou de vues illicites. Il n'est pas nécessaire que l'auteur connaisse la destination concrète de l'appareil. Il faut qu'il accepte l'idée que l'appareil soit utilisé de manière illicite (arrêt du Tribunal fédéral 6B_552/2014 du 25 septembre 2014 consid. 2.1.2. ; B. CORBOZ, op. cit., n. 8 ad art. 179sexies CP).

3.3.1. La Cour d'appel pénale du canton de Vaud a retenu que l’appareil utilisé par le prévenu, soit un "tracker GPS", devait être considéré comme un logiciel, dès lors qu’une carte SIM y était insérée. Ce dispositif informatique fournissait les données permettant de connaître l’emplacement de la voiture de la personne espionnée. Ce moyen d’observation correspondait donc à un appareil technique destiné à un usage illicite. S’il ne s’agissait pas d’un appareil de prise de vue ou de son, le moyen sciemment utilisé n’en permettait pas moins l’espionnage illicite de la victime. Partant, il constituait bien une installation prohibée, étant ajouté que la disposition topique mentionne l’écoute et la vision "en particulier", ce qui n’excluait pas, comme le précisaient la doctrine et la jurisprudence citées, l’obtention d’autres données illicites (jugement Jug/2017/112 du 17 mars 2017 consid. 4.2 et 4.3).

3.3.2. La Cour suprême du canton de Zurich a également retenu qu'un traceur GPS ou un émetteur de localisation pouvaient être qualifiés d'installation de télécommunication au sens de l'art. 3 let. d LTC (cf. message concernant la modification de la loi sur les télécommunications du 12 novembre 2003, FF 2003 7983) (décision UE170241 du 7 décembre 2027 consid. 4.2).

3.4. L'art. 179septies CP réprime, sur plainte, le comportement de quiconque utilise abusivement une installation de télécommunication pour inquiéter un tiers ou pour l'importuner.

L'art. 179septies CP protège le droit personnel de la victime à ne pas être importunée par certains actes commis au moyen d'une installation de télécommunication (ATF
121 IV 131 consid. 5b p. 137), notamment du téléphone. L'utilisation de ce moyen de télécommunication est abusive lorsqu'il apparaît que l'auteur ne tend pas vraiment à une communication d'informations ou de pensées, mais emploie plutôt le téléphone dans le but d'importuner ou inquiéter la personne appelée.

Les téléphones inquiétants et importuns doivent atteindre une certaine gravité minimale sur le plan quantitatif et/ou qualificatif, pour constituer une atteinte à la sphère personnelle de la victime punissable pénalement au sens de l'art. 179septies CP. En cas d'atteintes légères ou moyennes à la sphère personnelle causées par l'usage du téléphone, la limite de la punissabilité exige une certaine quantité d'actes. La question du nombre d'appels nécessaire pour admettre une utilisation abusive d'une installation de communication, dépend des circonstances du cas d'espèce et ne peut pas être déterminée de façon abstraite. À titre d'exemple, l'envoi d'environ dix SMS par jour sur une période de sept mois a été considéré comme quantitativement suffisant pour importuner la personne visée (ATF 126 IV 216 consid. 2b/aa p. 219 s.; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1088/2015 du 6 juin 2016 consid. 2.1).

L'art. 179septies CP est en principe subsidiaire par rapport aux autres infractions commises au moyen d'un ou plusieurs appels téléphoniques (cf. par rapport aux injures et menaces : ATF 121 IV 131 consid. 5a ; par rapport à la contrainte : arrêt du Tribunal fédéral 6S.559/2000 du 29 décembre 2000 consid. 5). Cela étant, un concours entre l'art. 180 CP – qui protège le droit de tout être humain de vivre en paix intérieure et de se sentir en sécurité en société, en tant que parties de la liberté au sens large – et l'art. 179septies CP – qui protège le droit subjectif de la victime à ne pas être importunée par certains actes commis au moyen du téléphone, soit les domaines secret et privé – n'est pas exclu lorsque ces deux atteintes distinctes sont réalisées, par exemple lorsqu'un nombre conséquent de messages est adressé à la victime, mais que seule une partie de ceux-ci contient spécifiquement une menace (arrêt du Tribunal fédéral 6B_938/2023 du 21 mars 2024 consid. 3.3).

3.5.1. En l'espèce, le recourant explique avoir découvert en juillet 2024, par son garagiste, la présence d'un GPS sous son véhicule. Selon les éléments les plus récents en sa possession, il dirige ses soupçons contre le mari de la femme avec laquelle il avait entretenu une relation extra-conjugale, lequel aurait engagé un détective privé pour le surveiller et posé le GPS litigieux. Le Ministère public a fait procéder par la police à l'audition de J______, détective privé de profession et ayant acquis le GPS litigieux le 5 juin 2023, lequel a déclaré ne pas connaître le recourant ni avoir été engagé pour investiguer sur lui. Il faisait usage de traceurs GPS – sur sa voiture ou son scooter – uniquement pour sa propre sécurité, ainsi son épouse pouvait le localiser s'il ne donnait pas de nouvelles "pendant un moment". Il avait perdu le traceur GPS en cause dans le secteur de K______ (canton de Genève) et ignorait comment cet objet avait pu se retrouver sous le véhicule du recourant. Il avait essayé de localiser ce traceur via l'application, mais le signal avait cessé d'émettre. Le recourant remet en cause ces explications et requiert nombre d'actes d'enquête pour démontrer son hypothèse selon laquelle le mari jaloux l'aurait fait suivre. Toutefois, il ne saurait être attendu que le détective privé modifie sa version en audience de confrontation devant le Ministère public, étant relevé qu'il a dit avoir conscience que la surveillance avec un tel dispositif était illégale. Quant à la femme avec laquelle le recourant dit avoir eu une liaison et l'amie de cette dernière, toutes deux donneraient des versions non vérifiables et à prendre avec circonspection, vu leur lien d'amitié, outre le lien de la première avec lui et le conflit civil opposant celle-là à son mari.

Il serait ensuite disproportionné d'inviter le Ministère public à ordonner des perquisitions et le séquestre de tous les appareils électroniques de ces trois personnes, avec pour finalité – des plus aléatoire dans le cas d'espèce – de déterminer de quelle manière le dispositif litigieux s'est retrouvé sous son véhicule.

S'agissant de ce volet, c'est à juste titre que le Ministère public a retenu, sur la base du dossier, par une appréciation anticipée, qu'un supplément d'enquête n'était pas susceptible d'apporter des éléments décisifs. Autrement dit, il n'y a pas lieu de poursuivre la procédure, dans la mesure où il apparait qu'un acquittement dans ce cas de figure est plus vraisemblable qu'une condamnation.

3.5.2. Quant aux messages et appels, s'agissant uniquement des faits qui seraient intervenus entre le 22 août et le 22 novembre 2024, soit trois mois avant le dépôt de plainte, le recourant ne démontre nullement qu'ils auraient revêtu, en nombre et en contenu, la gravité minimale sur le plan quantitatif et/ou qualificatif requise pour constituer une atteinte à sa sphère personnelle punissable au sens de l'art. 179septies CP. Il n'a en effet fourni à l'appui de sa plainte que quelques messages échangés – à des dates qui ne ressortent pas des captures d'écran produites – via les applications Instagram et WhatsApp, dont le contenu laisse tout au plus entendre qu'il aurait trompé son épouse, et apprécierait le sexe et la marijuana. Quant aux messages qui auraient été envoyés à des proches, il n'en était donc pas le récipiendaire et ne saurait donc avoir valablement déposé plainte pour leur compte.


 

Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

4.             Infondé, le recours sera rejeté.

5.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 1'200.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03), montant qui sera prélevé sur les sûretés versées.

6.             Corrélativement, aucun dépens ne lui sera alloué (art. 433 al. 1 let a CPP a contrario).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 1'200.-.

Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Siégeant : Madame Valérie LAUBER, présidente; Madame Françoise SAILLEN AGAD et Monsieur Vincent DELALOYE, juges; Monsieur Sandro COLUNI, greffier.

 

 

Le greffier :

Sandro COLUNI

 

La présidente :

Valérie LAUBER

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse
(art. 48 al. 1 LTF).


 

P/21763/2024

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

1'115.00

Total

CHF

1'200.00