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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/25276/2024

ACPR/838/2025 du 13.10.2025 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : MÉDIATION(SOLUTION D'UN CONFLIT)
Normes : CP.34A; LOJ.66

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/25276/2024 ACPR/838/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du lundi 13 octobre 2025

 

Entre

A______, actuellement détenu à l’Établissement fermé de La Brenaz, représenté par Me B______, avocate,

recourant,

 

contre la décision rendue le 2 septembre 2025 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B,
1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 15 septembre 2025, A______ recourt contre la décision du 2 septembre 2025, notifiée le lendemain, par laquelle le Ministère public a refusé de mettre en œuvre une médiation pénale dans le cadre de la présente procédure.

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, à l’annulation de cette décision et à ce qu’il soit ordonné au Ministère public d’inviter les parties à participer à une médiation pénale au sens de l’art. 34A LaCP et de suspendre la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______ a été arrêté provisoirement le 19 novembre 2024 à la suite des plaintes pénales déposées les 31 octobre et 11 novembre 2024 par C______ pour menaces, extorsion et chantage.

b. L’intéressé a été placé en détention provisoire le lendemain par le Tribunal des mesures de contrainte (ci-après : TMC), qui l’a régulièrement prolongé, la dernière fois jusqu’au 18 mai 2025.

c. Par ordonnance du 11 mars 2025, modifiée le 17 mars suivant, le TMC a ordonné principalement à A______ de se soumettre, à titre de mesure de substitution, à l'obligation d'exécuter le solde de la peine privative de liberté de 38 mois prononcée le 28 octobre 2021 par le Tribunal des mineurs (P/1______/2017), correspondant à 12 mois et 26 jours, avec effet au jour de son transfert au sein de l'Établissement fermé de La Brenaz. Une interdiction de tout contact, direct ou indirect, par quelque moyen que ce soit, y compris par personnes interposées, avec C______ notamment, lui a en outre été imposée.

d. Le prévenu a été transféré de l’Établissement de Champ-Dollon à celui de La Brenaz le 8 avril 2025.

e. À l’audience d’instruction du 28 août 2025, A______ a sollicité une médiation pénale avec la plaignante. Cette histoire avait été trop loin. Il pensait que tous deux ne pourraient pas dire certaines choses devant un Procureur. Sur question du conseil du prévenu, C______ s’est dite ouverte à une éventuelle médiation. Sur quoi, ledit conseil a sollicité une suspension de la procédure en vue d’une médiation.

f. Par pli du 2 septembre 2025 adressé aux parties, le Ministère public a refusé de mettre en œuvre une médiation pénale. Il s’agit de la décision dont est recours.

g. Par acte d’accusation du même jour, il a renvoyé A______ en jugement par-devant le Tribunal de police du chef de tentative d’extorsion et chantage (art. 156 al. 1 et 3 CP cum 22 CP).

Il lui reproche, à tout le moins les 30 et 31 octobre 2024, depuis sa cellule de l'Établissement de la Brenaz, au moyen de divers appels et messages sur des applications téléphoniques, tenté de contraindre C______ à lui verser CHF 40'000.- dans un délai d'une semaine, en la menaçant de s'en prendre à elle, en lui indiquant notamment qu'à défaut, il allait s'occuper personnellement d'elle, que les "Papas" de D______ [France] étaient ses très bons amis, en menaçant sa famille, disant à C______ qu'il allait envoyer une personne chez sa mère, qu'elle aurait une "belle surprise", qu'il avait des informations sur elle et connaissait des gens à D______, lui envoyant des photographies de la porte d'entrée de ses parents et de leur boîte aux lettres, en France, l'effrayant de la sorte. Le prévenu lui a également dit en substance qu'il avait été condamné à une peine de prison et qu'il n'en avait "plus rien à foutre", l'effrayant également de la sorte.

L’intéressé avait agi de la sorte dans le dessein de se procurer un enrichissement illégitime.

Il avait proféré ces menaces lors d'appels téléphoniques passés au moyen de l'application Snapchat. En outre, il lui avait notamment adressé les messages suivants :

- "Ok ta été trop loin. Jte pose une somme de 40k. Ta une semaine. Après ça je m'occupe personnellement de toi. Et tu comprendras que les Papa de ta ville sont des très bons amis à moi", le 30 octobre à 18h27; et

- "A très bientôt. J'ai kiffer le visage de gagnante que t'avais. J'espère que t'auras le même prochainement", le 30 octobre à 18h44.

C______, qui n'a pas versé la somme exigée par le prévenu, avait été terrorisée par les menaces orales et écrites précitées.

C. Dans sa décision querellée, le Ministère public expose refuser de mettre en œuvre une médiation dès lors que la procédure concernait des faits poursuivis d’office. Compte tenu de cela et du fait que le prévenu était actuellement sous mesures de substitution à la détention, il n'entendait pas non plus suspendre la procédure.

D. a. À l’appui de son recours, A______ reproche au Ministère public d’avoir violé l’art. 34A LaCP et la Directive C.12 du Procureur général en refusant la médiation au motif que l’infraction reprochée était poursuivie d’office. Les bases légales précitées ne contenaient en effet aucune restriction de ce type. En outre, tant lui-même que la plaignante avaient, lors de l’audience du 28 août 2025, manifesté leur volonté de recourir à une médiation pénale. En la leur refusant, le Ministère public les avait privés d’une voie procédurale, ce qui heurtait le principe de la bonne foi garanti par les art. 3 CPP et 5 al. 3 et 9 Cst. Enfin, la médiation était un instrument garantissant la proportionnalité de la réponse pénale. En imposant aux parties une procédure pénale maintenant le conflit, le Ministère public avait fait le choix d’une solution manifestement disproportionnée.

b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 90 al. 2, 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une décision sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             2.1. À teneur de l’art. 66 al. 1 et 3 LOJ, le pouvoir judiciaire favorise le règlement amiable des différents et promeut le dispositif d’encouragement à la médiation prévu par la loi sur la médation du 27 janvier 2023 (LMédiation ; E 6 25).

Selon l’art. 34A LaCP, en lieu et place d’une conciliation, le Ministère public peut inviter le prévenu, d’une part, le plaignant, le lésé ou les proches de la victime, d’autre part, à engager une médiation au sens de l’art. 66 ss LOJ (al. 1). Si la médiation aboutit, le Ministère public classe la procédure (al. 2).

En vertu de la directive C.12 du Procureur général (révisée le 16 mai 2024), le procureur choisit, en fonction de son appréciation, les procédures susceptibles d'être soumises à une médiation, les situations s’y prêtant particulièrement étant les suivantes : injures, à l'exception de celles proférées à l'encontre d'un représentant de l'autorité ; autres atteintes à l'honneur ; événements de la vie quotidienne ayant dégénéré ; conflits sur le lieu de travail ; infractions de petite ou moyenne importance entre personnes étant amenées à se revoir ; et litiges commerciaux, notamment en cas de concurrence déloyale (ch. 2.1 et 2.2).

Le procureur propose aux parties d’entrer en médiation. Il peut le faire durant l'instruction, notamment à l'occasion d'une audience à laquelle les parties sont présentes. Il peut également le faire dès réception d'une plainte ou d'un rapport de police en écrivant aux parties (ch. 4.1).

En cas de mise en œuvre de la médiation, le procureur suspend la procédure ou l'instruction pénale au sens des art. 314 et 316 CPP pour trois mois. Cette suspension est renouvelable (ch. 4.5).

2.2. En l’espèce, si la directive C.12 n’exclut a priori pas de la médiation les infractions qui se poursuivent d’office, il ressort de la liste figurant sous ch. 2.2. de cette directive que les situations qui s’y prêtent concernent essentiellement des infractions poursuivies sur plainte, soit des infractions de moindre gravité.

Or, l’infraction d’extorsion et de chantage avec la circonstance aggravante du brigandage ici reprochée (art. 156 ch. 1 et 3 CP), même sous la forme d’une tentative, n’est à l’évidence pas une infraction de peu de gravité, vu la peine-menace encourue.

Enfin, si la médiation est effectivement un processus de règlement à l’amiable des litiges qui doit être encouragé, le Ministère public dispose à cet égard d’un large pouvoir d’appréciation, preuve en est la rédaction potestative de l’art. 34A LaCP ("le Ministère public peut…"). Ainsi, quand bien même les parties sont d’accord pour une médiation, rien n’oblige le Ministère public à mettre en œuvre cet instrument. Partant, on ne discerne pas en quoi les principes de la bonne foi et de la proportionnalité seraient violés par le refus querellé.

Il en résulte qu’il ne saurait être reproché au Ministère public d’avoir refusé de mettre en œuvre une médiation pénale et ainsi de suspendre l’instruction, laquelle était au demeurant à son terme.

3.             Le recours sera rejeté, sans qu'il soit nécessaire de requérir l'avis de l'autorité intimée (art. 390 al. 2 et al. 5 a contrario CPP).

4.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 900.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03), étant précisé que même lorsque qu'il obtient l'assistance judiciaire, le recourant débouté peut être condamné à prendre à sa charge les frais de la procédure dans la mesure de ses moyens (arrêt du Tribunal fédéral 6B_380/2013 du 16 janvier 2014, consid. 5).

5.             La procédure n'étant pas terminée (art. 135 al. 2 CPP), il n'y a pas lieu d'indemniser ici le défenseur d'office.

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Met à la charge de A______ les frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 900.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Le communique pour information au Tribunal de police.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente ; Mesdames Catherine GAVIN et Françoise SAILLEN AGAD, juges ; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse
(art. 48 al. 1 LTF).


 

P/25276/2024

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

815.00

Total

CHF

900.00