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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/11751/2020

ACPR/829/2025 du 10.10.2025 sur OCL/1635/2024 ( MP ) , ADMIS/PARTIEL

Descripteurs : CLASSEMENT DE LA PROCÉDURE;INFRACTIONS CONTRE LA VIE ET L'INTÉGRITÉ CORPORELLE;LÉSION CORPORELLE PAR NÉGLIGENCE;LIEN DE CAUSALITÉ;INDEMNITÉ(EN GÉNÉRAL)
Normes : CPP.319; CPP.58; CP.125

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/11751/2020 ACPR/829/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du vendredi 10 octobre 2025

 

Entre

A______, représentée par Me B______, avocat,

recourante,

contre l'ordonnance de classement rendue le 15 novembre 2024 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 29 novembre 2024, A______ recourt contre l'ordonnance du
15 novembre 2024, notifiée le 19 suivant, par laquelle le Ministère public a classé la procédure P/11751/2020.

La recourante conclut à l'annulation de ladite ordonnance, au renvoi de la cause au Ministère public afin qu'il ordonne une contre-expertise, subsidiairement qu'il procède à l'audition de l'ensemble des experts ayant corédigé et signé le rapport d'expertise médico-légale du 15 juillet 2024, à ce qu’il mette en accusation et renvoie en jugement les Hôpitaux Universitaires de Genève (ci-après : HUG) et tout tiers identifié ayant participé aux faits litigieux, et afin qu'il taxe l'activité du défenseur d'office selon l'état de frais transmis le 14 novembre 2024, augmenté de l'activité nécessaire à la procédure de recours.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______ est tombée enceinte courant de l'été 2019 et le terme de sa grossesse a été fixé au 17 avril 2020. Souffrant de diabète gestationnel, d'un vaginisme important, d'obésité et d'une tension artérielle labile, sa grossesse était jugée "à risque".

b. Le 2 avril 2020, lors d’un contrôle prénatal et en raison d’une tension artérielle élevée, un premier déclenchement avait été tenté. À 13h30, un Propess intravaginal avait été posé, sans changement – dilatation – durant dix-huit heures.

c. Le 3 avril 2020, en raison de l’absence de dilatation (0 cm), le Propess avait été retiré et la pose d’une sonde de Foley avait été tentée, en vain, en raison des douleurs liées au vaginisme de A______. Après discussions avec les médecins et en raison de sa tension artérielle correcte, du cardiotocogramme (aussi appelé monitoring fœtal et CTG) normal et de la situation clinique stable, A______ était rentrée à son domicile. Une consultation prénatale, le 6 suivant, et une maturation, le 8 suivant, avaient été prévues.

d. Le 6 avril 2020, le monitoring fœtal effectué était non pathologique, la situation clinique stable – tension artérielle satisfaisante –, et A______ – qui n'avait pas de contractions douloureuses – avait pu repartir chez elle après le contrôle prénatal.

e. Le ______ avril 2020, A______ était revenue à l’hôpital pour la provocation de son accouchement. Une sonde de Foley avait été posée sous anesthésie péridurale à 12h30.

f. Le ______ avril 2020, en l’absence d’ouverture du col, la sonde avait été retirée. Le monitoring fœtal effectué dans la matinée avait révélé un fœtus peu réactif, malgré l’administration d’un "sirop" visant à le faire réagir. En début d’après-midi, les médecins avaient injecté à A______ de l’ocytocine pour provoquer des contractions et observer les réactions du fœtus. Celui-ci avait mal réagi, le cardiotocogramme se révélant pathologique.

Dans les alentours de 16h00, une césarienne avait été pratiquée en urgence.

g. Le ______ avril 2020, à 16h16, C______ est née en présentant une "encéphalopathie hypoxo-ischémique sévère de probable origine anténétale (quelques jours précédant la naissance)".

h. Le 2 juillet 2020, A______ a déposé plainte contre les HUG pour lésions corporelles graves par négligence (art. 125 CP), mise en danger de la vie d'autrui (art. 127 CP) et omission de prêter secours (art. 128 CP).

Elle a expliqué que, le 3 avril 2020 déjà, épuisée et paniquée après l’échec de la pose de la sonde de Foley et des douleurs ressenties, elle avait demandé une césarienne. Les médecins l’avaient refusée en indiquant qu’il s’agissait d’une pratique risquée et qui devait être utilisée en "dernier recours" et l’avaient renvoyée chez elle.

i. Selon les documents médicaux versés au dossier :

i.a. Entre le 2 et 3 avril 2020, A______ avait signalé des contractions utérines douloureuses (à 1h30 du matin). Un cardiotocogramme avait été effectué montrant un tracé réactif – 130 BCP – non pathologique (cf. documents "entretien du vécu d'accouchement" du 2 juin 2020, "rapport circonstancié" du 22 juin 2020 et "consultation prénatale" du 2 avril 2020).

Après l’échec de la pose de la sonde de Foley, il n'était pas envisageable pour la patiente de continuer la "maturation/provocation" et elle souhaitait accoucher par césarienne – le 3 avril 2020 –. Après une discussion avec la Dresse D______, sur les possibilités de poser une sonde intravaginale puis une sonde péridurale, A______, qui appréhendait ces gestes, avait souhaité de l'ocytocine, ce qui n'était pas indiqué en raison du col défavorable, ou faire une pause en rentrant à son domicile. La doctoresse lui avait alors expliqué que la méthode employée devait être adaptée à la situation sous risque de forte probabilité d'échec de la provocation. Au vu des tensions artérielles correctes, du cardiotocogramme normal et de la situation clinique stable, un retour à domicile avait été autorisé (cf. documents "notes de suite" du 3 avril 2020, "rapport circonstancié" du 22 juin 2020 et "admission en salle d'accouchement" du 3 juillet 2020).

i.b. Le ______ avril 2020, "les contrôles obstétricaux et constantes [étaient] en ordre", en particulier, le cardiotocogramme effectué à 10h30, était "réactif non pathologique". A______ n'avait rien signalé de particulier durant la nuit suivante (cf. documents "notes de suite" du ______ avril 2020, "rapport circonstancié" du 22 juin 2020 et "admission en salle d'accouchement" du 3 juillet 2020).

i.c. Le ______ avril 2020, le col ne s'était pas dilaté. Dans la matinée, A______ avait dit au personnel soignant que "son bébé bouge[ait] un peu moins qu'hier" et qu'elle avait ressenti des contractions utérines irrégulières.

Le monitoring fœtal effectué avait révélé : à 9h00 "variabilité réduite, pas de décélérations, pas d'accélérations malgré changements de positions, sirop"; à 12h30, "tracé aréactif, variabilité restreinte, pas d'accélérations, RdB à 150bpm"; à 14h15" rdb à 155bpm, 2-3CU/10mn, décélérations précoces peu profondes mais variabilité restreinte"; et à 14h30 "CTG rdb à 155bpm, 2-3CU/10mn, décélérations précoces dont une profonde avec nadir à 80bpm, récupération spontanée".

Au vu desdits résultats, à 13h08, le Dr E______, médecin ______ [fonction] de la salle d'accouchement, avait décidé d'activer la péridurale afin d'ôter la sonde de Foley et d'effectuer un CST "Contraction Stress Test". Ce dernier avait été réalisé à 14h35 et était pathologique "posant l'indication à une césarienne". Le médecin étant alors occupé par une autre urgence, il avait fait appel au Dr F______, alors ______ [fonction] en obstétrique et superviseur clinique. À 15h40, d'entente entre celui-ci et la Dresse G______, une césarienne avait été décidée en urgence "0.5 pour tracé pathologique" pour "CTG et CST pathologique à 15h30" (cf. documents du journal des "transmissions" du personnel soignant du ______ avril 2020 à 17h45, "notes de suite" du _______ avril 2020 et "rapport circonstancié" du 22 juin 2020).

i.d. Il n’était pas possible de dater plus exactement – "quelques jours précédant la naissance" – l'apparition des lésions cérébrales chez C______ ni leur cause
(cf. documents notamment "transmissions sages-femmes" du 22 avril 2020, "lettre de sortie" du 8 mai 2020, "lettre de transfert" du 30 mai 2020 et "colloque multidisciplinaire du 23 juin 2020").

i.e. Le 2 juin 2020, lors d'un entretien, la Dresse D______ avait expliqué à A______ que, le 3 avril 2020, "il n'y avait pas d'indication médicale pour une césarienne élective" ; les monitorings effectués étaient réactifs et non pathologiques et il était très peu probable que l’épisode de contractions douloureuses, dans la nuit du 2 au 3 avril 2020, durant environ une heure, fût en lien avec l’état de C______. Il était difficile de dater l'épisode hypoxique du fœtus, mais probablement après la consultation du 6 avril 2020, car le monitoring réalisé lors de ce contrôle était "en ordre" (cf. document "entretien du vécu d'accouchement" du 2 juin 2020).

Il ressort également de ce document que, selon la Dresse D______, plusieurs discussions avaient eu lieu avec A______ sur la provocation et, qu'après réflexion, cette dernière avait décidé d’arrêter le déclenchement le 3 avril 2020 à 17h30 pour le reprogrammer la semaine suivante.

j. Le 22 septembre 2020, le Ministère public a ouvert une instruction contre inconnu pour lésions corporelles par négligence (art. 125 CP) et omission de prêter secours (art. 128 CP) pour avoir, entre les 2 et ______ avril 2020, omis de procéder à un monitoring accru et un suivi régulier de l'enfant à naître de A______, lors de la provocation de l'accouchement, et tardé à effectuer une césarienne, alors que l'enfant à naître était en état d'asphyxie, ne lui prêtant ainsi pas secours alors que le devoir de diligence l'imposait et qu'il était en danger de mort imminente. L'enfant avait souffert ainsi d'une "encéphalopathie anoxo-ischémique sévère".

k. Entendue par le Ministère public le 27 novembre 2020, A______ a confirmé sa plainte pénale. C______ était rentrée à la maison après sept mois d'hospitalisation. Son état neurologique était déplorable, elle ne pouvait pas avaler, avait des traitements lourds contre les crises d'épilepsie dont elle souffrait, ne voyait pas et ne bougeait presque pas.

Les médecins des HUG n'avaient pas écouté sa détresse psychologique et physique ni sa demande de césarienne, ni suffisamment pris en considération sa grossesse à risque. Ils ne l'avaient pas non plus suffisamment monitorée lors des tentatives d’accouchement. Le 3 avril 2020, elle était rentrée chez elle car, malgré sa demande, elle ne pouvait pas avoir de césarienne et elle ne se "sentai[t] pas" de tenter une autre provocation, n’en pouvant plus, en raison des douleurs liées à son vaginisme.

Le ______ avril 2020, en raison de l’état du bébé, les médecins avaient accepté de procéder à une césarienne. Le chirurgien n’était toutefois pas venu immédiatement et l’intervention avait finalement dû être effectuée en urgence. À ce moment-là, sa fille était en état de mort apparente. Les médecins lui avaient expliqué que C______ avait souffert d'une asphyxie cérébrale probablement anténatale, quelques jours, voire le week-end avant la naissance.

l. Le Ministère public a procédé à diverses auditions :

l.a. Le Dr H______, alors médecin interne, avait pris en charge A______, le matin du 3 avril 2020. Lors de la nuit précédente, l'intéressée avait eu des contractions, ce qui était normal vu la pose d'un Propess plus tôt dans la journée, mais aucun changement au toucher vaginal n'avait été constaté. Les pulsations cardiaques du fœtus avaient été vérifiées et tout allait bien. Par la suite, il avait tenté de placer une sonde de Foley, processus normal après le Propess, en vain, en raison d'une sécheresse vaginale de la patiente. Il avait été informé, vers 9h, que A______, trouvant le processus d’accouchement trop lent, avait sollicité une césarienne. Ce n'était pas à lui de prendre la décision finale d'une telle intervention. La césarienne sous anesthésie générale, telle que souhaitée par A______, pouvait entraîner des risques pour la patiente et le fœtus. À ce moment-là, le bébé allait bien et n'avait montré aucun signe de souffrance durant la nuit ou le matin, de sorte que son état "pesait" contre l'intervention.

l.b. La Dresse D______, médecin ______ [fonction] dans le service d'obstétrique des HUG, avait vu A______, le 3 avril 2020, après que cette dernière avait souhaité arrêter le déclenchement débuté le jour précédent, en raison des interventions génitales très difficiles à vivre – Propess et échec de la pose de Foley –. La patiente avait évoqué différents actes médicaux, qui n'étaient pas adaptés ni indiqués dans sa situation, notamment une césarienne, ce qui lui avait été expliqué. A______ avait ensuite décidé de rentrer à domicile et d'arrêter le processus. Elle-même le lui avait déconseillé, en raison des facteurs de risques, mais A______ avait tout de même souhaité rentrer. Dans la mesure où le monitoring fœtal et la tension artérielle étaient bons, elle avait accepté la demande, bien que ce n'était pas ce qu'elle recommandait, A______ étant d'accord de reprendre le déclenchement quelques jours plus tard.

l.c. La Dresse I______, médecin cheffe de clinique en obstétrique, avait pris en charge A______ lors de son contrôle du 6 avril 2020. Le monitoring mis en place ce jour-là n'était pas pathologique et les paramètres étaient normaux. Elle avait été appelée car la patiente, inquiète du déclenchement prévu le ______ suivant, avait souhaité le repousser. Compte tenu des risques de sa situation, une prolongation de la grossesse n'était pas recommandée. Il n'y avait toutefois aucune indication de garder A______ à l'hôpital, les contrôles étant dans les normes et le déclenchement étant prévu quarante-huit heures plus tard. Elle ne se souvenait pas que la patiente aurait évoqué une césarienne.

l.d. La Dresse G______, médecin interne en obstétrique, avait pris en charge A______, le ______ avril 2020, et avait été présente lors de la césarienne. La patiente avait été monitorée en permanence car la variabilité du monitoring effectuée était "restreinte". En raison du vaginisme de la patiente, elle-même avait retiré la sonde de Foley et souhaité percer la poche des eaux. Le tracé restant suspect vu son manque de "variabilité", le Dr E______ avait décidé d'injecter de l'ocytocine afin de tester si le fœtus supporterait les contractions. Appelée en urgence durant le test, à son retour, elle avait constaté que le tracé de A______ était pathologique, soit "pas bon" et qu’il se détériorait de manière importante, nécessitant la naissance immédiate. Elle en avait avisé, à ce moment-là, son superviseur, le Dr F______. Ce dernier avait voulu rompre la poche des eaux afin d'examiner le liquide amniotique, ce qui avait été refusé par la patiente, en raison de son vaginisme. Le médecin avait alors décidé d'une césarienne avec le code "0.5", soit dans les trente minutes. Il s'était passé deux heures entre la constatation de décélérations cardiaques et la césarienne, soit le temps nécessaire pour discuter avec la patiente et mobiliser le plateau technique.

l.e. Le Dr E______, était présent entre le ______ et ______ avril 2020. La Dresse G______ lui avait parlé du dossier de A______, raison pour laquelle il avait pris la décision de retirer la sonde de Foley, de rompre la poche des eaux et de procéder à une injection d'ocytocine, afin de vérifier les réserves fœtales. Ce test nécessitait un monitoring en continu. Après avoir été informé, à 14h45, que le tracé était pathologique, il avait posé l'indication d'une césarienne. Devant partir, il avait transmis l'information d'une césarienne en "0.5" au Dr F______, lequel avait pris en charge A______. À ce moment-là, le retrait de la sonde de Foley et la rupture de la poche des eaux n'étaient plus nécessaires car ces actes supposaient un accouchement par voie basse, qui n'était plus envisagé.

l.f. Le Dr F______ avait été informé, le ______ avril 2020 vers 15h, du cas de A______. Après avoir discuté avec la patiente, qui lui avait indiqué avoir moins senti le bébé bouger durant la nuit précédente, il lui avait proposé de l'examiner, ce qui était très compliqué pour elle. Ils étaient donc "partis en césarienne". Lors de l'indication de césarienne posée par le Dr E______, le risque vital n'était pas imminent et il avait été nécessaire de comprendre ce qui se passait. Sur la base du monitoring fœtal, il avait estimé le degré d'urgence de la césarienne à "0.5". Le fœtus n'allait pas bien depuis le matin. Selon son analyse personnelle, "peut-être que si la césarienne avait été faite le matin, l'enfant aurait eu les mêmes séquelles".

m. Le 6 avril 2023, le Ministère public a ordonnée une expertise médicale.

n. Dans leur rapport d'expertise du 15 juillet 2024, les experts ont conclu que C______ souffrait d'encéphalopathie hypoxique-ischémique sévère, soit un épisode de durée prolongée et/ou de plusieurs épisodes hypoxiques-ischémiques (manque d'oxygène du fœtus) qui avaient pu avoir lieu quelques jours avant la naissance. Ses lésions étaient donc très probablement d'origine anténatale.

n.a. S'agissant de la prise en charge obstétricale de A______, elle avait été jugée "suboptimale", dans la nuit du 2 au 3 avril 2020, en raison de l'insuffisance de monitoring, sans que cela ne constituait une violation des règles de l'art. Le cardiotocogramme réalisé, durant la nuit en question, dans un contexte de contractions était très difficile à interpréter et aurait dû être prolongé. Mais, un rythme "tout à fait" normal avait été retrouvé, le 3 avril 2020 au matin, soit quelques heures après. Il était ainsi très peu probable qu'un évènement hypoxique suffisamment grave fût survenu dans cet intervalle et qui permettrait d'expliquer l'état de C______ à la naissance, quelques jours après.

Le type de rythme observé était très fréquent lors des provocations et ne motivait en aucun cas une intervention d'urgence. En revanche, il était courant de prolonger le monitoring pendant au moins quarante-cinq minutes afin de recouvrir un rythme strictement normal. Si tel n'était pas le cas, une décision de césarienne ou de direction active du travail en salle d'accouchement devait être prise. L'ensemble de la littérature scientifique démontrait la mauvaise sensibilité du rythme cardiaque fœtal pour dépister l'hypoxie, de sorte que cela nécessitait de l'équipe obstétricale d'agir de manière préventive pour éviter toute éventuelle hypoxie. Le rythme au matin du 3 avril 2020, soit six heures après le précédent monitoring, était strictement normal. Il était donc difficile d'imaginer que le rythme constaté durant la nuit – du 2 au 3 avril 2020 – pût refléter une hypoxie aiguë du fœtus qui aurait engendré les lésions "suffisamment graves" au niveau du tronc cérébral constatées à la naissance. Une telle hypoxie se traduisait par un rythme agonique, caractérisé par une micro-variabilité restreinte ou totalement absente et/ou par des ralentissements tardifs, de sorte que le retour d'un rythme normal six heures après, n'expliquait clairement pas l'état de C______ à la naissance.

Au cours de ces deux jours, lorsque A______ avait sollicité une césarienne plutôt qu'un accouchement par voie basse, il n'y avait pas d'indication médicale pour un tel acte. Plutôt que d'accéder directement à la demande de la patiente, il y avait eu un temps de discussion expliquant les raisons de la stratégie proposée et les avantages et inconvénients d'une telle intervention. Il ne fallait pas confondre "refus de césarienne" et "explication de l'absence d'indication médicale de césarienne", qui était un devoir déontologique de la part des médecins lors de la survenance d'une telle demande. Il était mentionné, à plusieurs reprises, dans le dossier que des explications avaient été fournies à la patiente concernant l'absence d'indication médicale à une césarienne. Ainsi, l'équipe obstétricale avait eu une attitude raisonnable pour gérer cette demande. En pratique, après une phase d'explication, il était assez classique pour la patiente de revenir sur sa demande, ce qui avait été le cas de A______, d'après les informations contenues dans le dossier. Lors de situations où une opposition à une demande de césarienne clairement explicitée se manifestait, il était très rare que l'ensemble des témoignages de l'équipe soient concordants. Dans ce cas précis, les déclarations de la sage-femme, des assistants, des chefs de clinique et des seniors convergeaient vers le fait que les explications avaient été données à la patiente concernant l'absence d'indication médicale à une césarienne, et non en faveur d'un refus formel de celle-ci. Finalement, au terme de cette discussion, A______ avait souhaité différer la provocation, ce qui avait été accepté par l'équipe obstétricale, mais cela était loin d'être une pratique commune et témoignait d'une certaine ouverture d'esprit de l'équipe face aux souhaits de la patiente. Il avait bien été précisé, à la patiente, à plusieurs reprises, notamment par la Dresse D______, qu'il n'était pas raisonnable de différer la provocation et qu'il fallait plutôt aller de l'avant dans un contexte incertain de pré-éclampsie et de grossesse à risque. Néanmoins la patiente avait refusé cette prise en charge et avait tout de même décidé de surseoir la provocation. En ce qui concernait la demande de césarienne et l'hypothèse où elle aurait été réalisée au moment de la demande de A______, il était impossible de déterminer si l'état de C______ à la naissance aurait été différent car la discordance entre le CTG de la nuit du 2 au 3 avril 2020 et le rythme cardiaque fœtal au matin du 3 avril 2020 ne permettait pas d'établir un lien de causalité avec les lésions retrouvées chez C______.

n.b. S’agissant du délai de réalisation de la césarienne, le ______ avril 2020, il était constitutif d'une violation des règles de l'art, imputable à l'équipe en charge de la salle d'accouchement à ce moment-là. Cela étant, les experts ne pouvaient établir un lien entre l'état de C______ à la naissance et cette violation ni la prise en charge obstétricale "suboptimale".

o.a. Par courrier du 8 août 2024, le Ministère public a communiqué à A______ le rapport d'expertise et lui a imparti un délai au 12 septembre 2024 pour communiquer ses éventuelles observations, conformément à l'art. 188 CPP.

o.b. Les 12 et 20 septembre 2024, faisant suite au courrier du 8 août 2024, A______ a sollicité la prolongation des délais impartis.

p. Par courrier du 30 septembre 2024, A______ a sollicité la désignation d'un nouvel expert.

Elle reprochait aux experts de tenir pour établis des faits qu'elle contestait – soit qu'elle serait revenue sur sa demande de césarienne les 2 et 3 avril 2020 –, et d'avoir manqué d'impartialité dans le cadre de leur expertise, prenant fait et cause pour l'équipe obstétricale des HUG.

q. Le 2 octobre 2024, le Ministère public a informé A______ qu'il n'entendait pas désigner de nouvel expert ni faire procéder à un complément d'expertise. Il ne ressortait pas de l'analyse effectuée par les experts qu’ils auraient manqué d'impartialité, les points de vue des médecins et de la prénommée ayant été pris en considération.

r. À la suite de l'avis de prochaine clôture du 16 octobre 2024 du Ministère public, informant A______ qu'il entendait classer la procédure, celle-ci s'y est opposée et a sollicité la mise en œuvre d'une nouvelle expertise.

S'agissant des évènements du 2 au 3 avril 2020, les experts étaient sortis de leur rôle et avaient procédé à une "appréciation des preuves", en tenant pour établi un état de fait qu'elle avait pourtant contesté dans le cadre de la procédure. Contrairement à ce qui était soutenu, elle n'avait pas souhaité interrompre le processus de déclenchement de l'accouchement et rentrer à domicile. Ce n’était que devant le refus des médecins de pratiquer une césarienne, demandée à plusieurs reprises, et au vu de son état physique et psychique, qu’elle n’avait pas eu d’autre choix que de rentrer chez elle.

Les experts avaient ainsi manqué d'impartialité dans le cadre de leur expertise et avaient en réalité pris fait et cause pour l'équipe obstétricale des HUG. Il leur appartenait d'examiner la situation en tenant compte de ses propos à elle, selon lesquels "la césarienne sollicitée avait été refusée par le corps médical, dès lors que l'état du fœtus était rassurant, selon le corps médical, et que le principe était l'accouchement par voie basse aux HUG". Une telle omission remettait en doute l'exactitude de l'expertise sur des questions décisives pour l'issue de la procédure.

C. Dans la décision querellée, le Ministère public rejette la demande d'une nouvelle expertise, fondée sur la remise en cause de l'impartialité des experts, dans la mesure où, d'une part, elle était tardive – soit après que la plaignante eut constaté que les conclusions des experts ne servaient pas sa position –, et, d'autre part, aucun élément au dossier ne permettait de douter de la fiabilité des constats des experts ni de penser qu'ils auraient cherché à protéger leurs confrères.

Par ailleurs, les éléments constitutifs de l'infraction à l'art. 125 CP n'étaient pas réunis et une expertise médicale supplémentaire ne saurait modifier les conclusions prises. En effet, le lien de causalité entre la violation des règles de l'art établie par l'instruction – soit l'erreur commise par le Dr F______ en omettant de procéder dans les trente minutes à une césarienne, pourtant indiquée – et les lésions présentées par C______ et son état de santé actuel faisait défaut. Aux termes de l’expertise, la cause de l'encéphalopathie hypoxique-ischémique sévère diagnostiquée était un épisode de durée prolongée et/ou de plusieurs épisodes qui avaient pu avoir lieu quelques jours avant la naissance.

Au surplus, si les experts avaient relevé une prise en charge de A______ "suboptimale" par l'équipe médicale du 2 au 3 avril 2020, ils avaient cependant exclu la violation d’une ou plusieurs règles de l’art. Les déclarations des parties divergeaient quant à savoir si A______ était rentrée chez elle car la césarienne lui avait été refusée ou de son propre gré, contrairement aux conseils des médecins. Cela étant, cela n'avait que peu d'importance puisqu'au moment où la prénommée était rentrée, son état et les monitorings du fœtus étaient bons. L'absence de césarienne ce jour-là ne constituait donc pas une violation des règles de l'art permettant de retenir une responsabilité pénale. De plus, rien ne permettait de retenir que le fœtus aurait manqué d'oxygène entre cette date et l'accouchement, les experts n'ayant pas pu déterminer avec exactitude la période pendant laquelle cet incident avait eu lieu.

S'agissant des art. 127 et 128 CP, ils protégeaient une personne et un fœtus n'avait pas, jusqu'à sa naissance, la personnalité juridique. A______ n'avait, quant à elle, jamais été en danger grave et imminent pour sa santé ou en danger de mort imminent durant la prise en charge médicale, de sorte que les conditions objectives de ces infractions n'étaient pas remplies.

D. a. Dans son recours, A______ considère que le Ministère public a violé son droit d'être entendu et commis un déni de justice en omettant de fixer un montant pour l'indemnité due à son conseil juridique et écarté sa réquisition de preuve.

En outre, la plainte ayant été déposée pour des faits graves, potentiellement commis par des médecins des HUG l'ayant prise en charge entre les 2 et ______ avril 2020, la recourante avait droit à une enquête officielle, approfondie et effective au sens de l'art. 3 CEDH combiné avec l'art. 1 CEDH. Or, au vu du temps écoulé entre les démarches de la mise en œuvre d'une expertise et la réception de celle-ci – près de trois ans – et le refus une nouvelle expertise, quand bien même les experts avaient montré un manque d’impartialité dans leur rapport, le Ministère public avait violé ses droits à une enquête effective. En toute hypothèse, cette autorité aurait dû, à tout le moins, procéder à l'audition des experts afin qu'ils puissent se déterminer sur les reproches émis et lui permettre de poser des questions complémentaires.

Par ailleurs, c’était à tort que le Ministère public avait retenu que ce n’était que tardivement que le grief d'impartialité des experts avait été soulevé, dans la mesure où il résultait du contenu de l'expertise et qu’elle l’avait invoqué dès la prise de connaissance du rapport, dans le délai imparti pour sa détermination.

Les experts avaient en effet manqué d’impartialité et pris fait et cause pour le corps médical des HUG, en retenant, contrairement à ce qu’elle avait expliqué tout au long de la procédure – soit qu’au vu de son état physique et psychique durant la nuit du
2 au 3 avril 2020, elle avait demandé, à plusieurs reprises, une césarienne, qui lui avait été refusée, de sorte qu’elle n’avait eu d’autre choix que de rentrer à son domicile –, qu’elle avait souhaité interrompre le processus d’accouchement et rentrer chez elle, le 3 avril 2020.

Enfin, au vu des constats des experts – soit sa prise en charge "sub-optimale", dans la nuit du 2 au 3 avril 2020, et la violation des règles de l'art, le ______ avril 2020, en lien avec le délai de réalisation d'une césarienne –, le Ministère public ne pouvait classer la procédure, sauf à violer le principe in dubio pro duriore.

b. Dans ses observations, le Ministère public conclut, sous suite de frais, au renvoi de la cause par-devant lui pour décision sur la fixation de l'indemnité du défenseur d'office, n'ayant, par erreur, pas taxé l'activité en question dans sa décision querellée, et au rejet du recours pour le surplus.

S'agissant de la partialité des experts, leurs constats dont A______ se plaignait ne modifiaient en tout état pas les conclusions de l'expertise et n'avaient aucune influence sur le sort de la cause. En outre, la prénommée n'avait pas sollicité l'audition des experts lors de l'instruction, de sorte qu'elle ne saurait lui reprocher de ne pas avoir entrepris cet acte, lequel ne s'avérait pas nécessaire compte tenu des conclusions de l'expertise.

Enfin, les conclusions des experts – soit qu'il était très peu probable qu'un épisode hypoxique suffisamment grave pour expliquer l'état de C______ à la naissance était survenu durant la nuit du 2 au 3 avril 2020 et que le retard de la prise en charge de la césarienne ne l'expliquait pas non plus – étaient claires et un renvoi en jugement de la procédure ne se justifiait pas, les chances d'acquittement étant largement supérieures à celles d'une condamnation.

c. Dans sa réplique, A______ ajoute qu'en omettant d'examiner la situation sous l'angle de ses propos – césarienne sollicitée mais refusée par le corps médical, dès lors que l'état du fœtus était rassurant et que le principe était l'accouchement par voie basse –, les experts s'étaient substitués au rôle du juge, de sorte que l'exactitude de leur expertise ne pouvait qu'être mise en doute sur des questions pourtant décisives pour l'issue de la procédure.

Par ailleurs, le Ministère public ne pouvait retenir, de manière péremptoire, que les constatations litigieuses des experts ne modifieraient pas leurs conclusions ou n'auraient aucune influence sur le sort de la cause, seuls les experts étant en mesure de se déterminer sur ce point.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner de la plaignante qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La recourante reproche au Ministère public d'avoir violé son droit d'être entendu en considérant que sa demande de récusation était tardive et, partant, en refusant sa réquisition de preuve, à savoir, la mise en œuvre d'une nouvelle expertise.

2.1.  Conformément à l'art. 58 al. 1 CPP, la récusation doit être demandée sans délai, dès que la partie a connaissance du motif de récusation, c’est-à-dire dans les jours qui suivent la connaissance de la cause de récusation, sous peine de déchéance
(ATF 140 I 271 consid. 8.4.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 1B_430/2021 du 22 octobre 2021 consid. 2.1 et 1B_601/2011 du 22 décembre 2011 consid. 1.2.1).

La jurisprudence admet le dépôt d'une demande de récusation six à sept jours après la connaissance des motifs mais considère qu'une demande déposée deux à trois semaines après est tardive (L. MOREILLON / A. PAREIN-REYMOND, Petit commentaire du code de procédure pénale, 3ème éd., Bâle 2025, n. 3a ad art. 58 CPP; arrêts du Tribunal fédéral 1B_14/2016 du 2 février 2016 consid. 2 et 1B_60/2014 du 1er mai 2014
consid. 2.2).

2.2.  En l'occurrence, le comportement reproché aux experts résulte des développements figurant dans leur rapport du 15 juillet 2024, envoyé sous pli simple à la recourante, le 8 août 2024. Conformément à l'art. 58 al. 1 CPP, une demande de récusation doit être formulée sans délai. Or, celle formée, pour la première fois, dans le courrier du 30 septembre 2024, soit plus d'un mois et demi après l'envoi, et plus de dix jours, après le courrier du 12 septembre 2024, dans lequel la recourante faisait référence à celui du 8 août 2024 – soit celui par lequel le Ministère public lui a adressé l'expertise –, est tardive, au sens de la jurisprudence applicable. Le fait que ce courrier ait été envoyé dans le délai prolongé par le Ministère public, au sens de l'art. 188 CPP, soit afin de permettre à la recourante de formuler ses observations sur le rapport en question, n'est pas pertinent dans le cadre du délai pour la demande de récusation et n'a aucune incidence sur ce qui précède.

C'est donc à bon droit que le Ministère public a jugé la demande de récusation visant les experts tardive et, partant, a refusé la mise en œuvre d'une nouvelle expertise, fondée sur le grief d'impartialité des experts, soulevé tardivement.

Dans ce contexte, on ne saurait non plus reprocher au Ministère public d’avoir écarté la demande de nouvelle expertise formée par la recourante, d'autant plus compte tenu des développements qui suivent (cf. consid. 3.5. infra).

Ce grief sera rejeté.

3.             La recourante reproche au Ministère public d'avoir classé la procédure.

3.1. Conformément à l'art. 319 al. 1 CPP, le ministère public ordonne le classement de tout ou partie de la procédure notamment lorsqu'aucun soupçon justifiant une mise en accusation n'est établi (let. a) ou que les éléments constitutifs d'une infraction ne sont pas réunis (let. b).

Cette disposition doit être appliquée conformément à l'adage in dubio pro duriore. Celui-ci, qui découle du principe de la légalité (art. 5 al. 1 Cst. et 2 al. 2 CPP en relation avec les art. 319 al. 1 et 324 CPP; ATF 138 IV 86 consid. 4.2) et qui s'impose également à l'autorité de recours, signifie qu'en principe, un classement ne peut être prononcé que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies. Le ministère public et l'autorité de recours disposent, dans ce cadre, d'un certain pouvoir d'appréciation. La procédure doit se poursuivre lorsqu'une condamnation apparaît plus vraisemblable qu'un acquittement ou lorsque les probabilités d'acquittement et de condamnation apparaissent équivalentes, en particulier en présence d'une infraction grave. En effet, en cas de doute s'agissant de la situation factuelle ou juridique, ce n'est pas à l'autorité d'instruction ou d'accusation mais au juge matériellement compétent qu'il appartient de se prononcer (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1 et 138 IV 86 consid. 4.1.2).

3.2. L'art. 125 CP réprime le comportement de celui qui, par négligence, aura fait subir à une personne une atteinte à l'intégrité corporelle ou à la santé.

3.2.1. Pour qu'il y ait négligence (art. 12 al. 3 CP), il faut que l'auteur ait, d'une part, violé les règles de prudence que les circonstances lui imposaient pour ne pas excéder les limites du risque admissible et, d'autre part, qu'il n'ait pas déployé l'attention et les efforts que l'on pouvait attendre de lui pour se conformer à son devoir
(arrêt du Tribunal fédéral 6B_170/2017 du 19 octobre 2017 consid. 2.2).

L'auteur viole les règles de la prudence s'il omet, alors qu'il occupe une position de garant (art. 11 al. 2 et 3 CP) – à l'instar du médecin et du personnel soignant à l'égard de leur patient (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1065/2013 du 23 juin 2014 consid. 1.1) – et que le risque dont il doit empêcher la réalisation vient à dépasser la limite de l'admissible, d'accomplir une action dont il devrait se rendre compte, de par ses connaissances et aptitudes personnelles, qu'elle était nécessaire pour éviter un dommage (arrêt du Tribunal fédéral 6B_170/2017 précité, consid. 2.2).

3.2.2. Pour déterminer concrètement l'étendue du devoir de prudence du médecin, il faut partir du devoir général qu'a le praticien d'exercer l'art de la guérison selon les principes reconnus de la science médicale et de l'humanité, de tout entreprendre pour guérir le patient et d'éviter tout ce qui pourrait lui porter préjudice. Les exigences que le devoir de prudence impose au médecin dépendent des circonstances du cas d'espèce, notamment du genre d'intervention ou de traitement, des risques qui y sont liés, du pouvoir de jugement ou d'appréciation laissé au médecin, des moyens à disposition et de l'urgence de l'acte médical (ATF 130 IV 7 consid. 3.3).

3.3. S'il y a eu violation des règles de la prudence, encore faut-il que celle-ci puisse être imputée à faute, c'est-à-dire que l'on puisse reprocher à l'auteur, compte tenu de ses circonstances personnelles, une inattention ou un manque d'effort blâmable (ATF 135 IV 56 consid. 2.1 et 134 IV 255 consid. 4.2.3).

3.4. Il faut ensuite qu'il existe un rapport de causalité entre la violation fautive du devoir de prudence et les lésions subies par la victime. En cas de violation du devoir de prudence par omission, il faut procéder par hypothèse et se demander si l'accomplissement de l'acte omis aurait, selon le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, évité la survenance du résultat qui s'est produit, pour des raisons en rapport avec le but protecteur de la règle de prudence violée. Pour l'analyse des conséquences de l'acte supposé, il faut appliquer les concepts généraux de la causalité naturelle et de la causalité adéquate. L'existence de cette causalité dite hypothétique suppose une très grande vraisemblance; autrement dit, elle n'est réalisée que lorsque l'acte attendu ne peut pas être inséré intellectuellement dans le raisonnement sans en exclure, très vraisemblablement, le résultat. La causalité est ainsi exclue lorsque l'acte attendu n'aurait vraisemblablement pas empêché la survenance du résultat ou lorsqu'il serait simplement possible qu'il l'eût empêché (arrêt du Tribunal fédéral 6B_170/2017 précité, consid. 2.2).

3.5. En l'espèce, au vu des griefs invoqués par la recourante dans son recours, la question à résoudre par la Chambre de céans est de savoir si les séquelles de C______ sont la conséquence des évènements du 2 au 3 avril 2020, en particulier, l’absence d'une césarienne.

Sur ce point, le rapport des experts, qui se fonde sur les résultats des examens médicaux effectués les 2 et 3 avril 2020, est clair : il est très peu probable que l’hypoxie aiguë à l’origine des pathologies rencontrées par C______, bien qu’anténatale, ait eu lieu à ce moment-là. En effet, la différence des valeurs observées entre la nuit du 2 au 3 avril 2020 et celles "normales" au matin du 3 avril 2020, permettaient difficilement d’imaginer que les résultats obtenus lors de celle-là reflétait une hypoxie aiguë. Ainsi, il était impossible de déterminer si l’état de C______ aurait été différent, la discordance de rythme cardiaque fœtal ne permettant pas d’établir de lien de causalité avec les lésions retrouvées chez C______.

Partant, faute de lien de causalité entre l’absence de césarienne le 3 avril 2020 et l’état de santé de C______, il importe peu de savoir à l’initiative de quelle personne – refus de l’équipe médicale ou rétractation de la recourante – la césarienne n’a pas été réalisée.

3.6. Par ailleurs, s'agissant de l'audition des experts – sollicitée seulement au stade du recours –, un tel acte d'enquête n'apparaît pas propre à apporter un élément complémentaire probant, étant précisé que les experts ne laissent planer aucun doute sur l’absence de lien de causalité entre les actes reprochés et les lésions de C______.

Enfin, compte tenu des développements supra et de l'instruction menée par le Ministère public, le grief invoqué en lien avec la CEDH est également rejeté.

4.             Me B______ a été désigné à la défense des intérêts de A______ pour la procédure préliminaire, avec effet au 3 juillet 2020. Le Ministère public a reconnu avoir, par inadvertance, omis de statuer sur l'indemnité due à cet égard. Afin de permettre au conseil juridique de la recourante de bénéficier du double degré de juridiction, la cause sera renvoyée au Ministère public (art. 397 al. 2 CPP) pour qu'il statue sur la demande d'indemnité et en détermine le montant.

5.             Partant, le recours doit être partiellement admis en tant qu'il concerne l'indemnité due au conseil juridique et la cause retournée au Ministère public afin qu'il statue sur ce point. Pour le surplus, le recours est rejeté.

6.             L'admission du recours – s’agissant de l’indemnité ne donne pas lieu à la perception de frais (art. 428 al. 1 CPP).

7.             La recourante, qui succombe sur le fond, supportera les frais envers l'État, qui seront arrêtés à CHF 1'000.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03). En effet, l'autorité de recours est tenue de dresser un état de frais pour la procédure de deuxième instance, sans égard à l'obtention de l'assistance judiciaire (arrêts du Tribunal fédéral 1B_372/2014
du 8 avril 2015 consid. 4.6 et 1B_203/2011 du 18 mai 2011 consid. 4).

8.             Le conseil juridique gratuit de la recourante conclut à ce que l'activité nécessaire exécutée dans le cadre de la procédure de recours soit taxée.

Le défenseur d'office a droit à des dépens lorsqu'il conteste avec succès une décision d'indemnisation (ATF 125 II 518 consid. 5; arrêt du Tribunal fédéral 6B_439/2012 du 2 octobre 2012 consid. 2).

Compte tenu du seul paragraphe dédié dans les écritures de recours à l'absence de son indemnisation pour la procédure préliminaire, inadvertance immédiatement reconnue par le Ministère public, il se justifie de lui allouer, à titre de juste indemnité, un montant de CHF 100.- TTC.

 

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Admet très partiellement le recours.

Constate l’omission d’indemnisation due à Me B______ dans la décision querellée et renvoie la cause au Ministère public pour qu’il statue sur ce point.

Le rejette pour le surplus.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 1'000.-.

Alloue à Me B______, à la charge de l'État, une indemnité de CHF 100.-,
TVA comprise, pour la procédure de recours.

Notifie le présent arrêt, en copie, à la recourante, soit pour elle son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Valérie LAUBER, présidente; Mesdames Catherine GAVIN et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Valérie LAUBER

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/11751/2020

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

915.00

Total

CHF

1'000.00